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Direction Dead End


Depuis qu'elle avait quitté Armada, Maya était resté un long moment à la poupe du navire, observant l'horizon désert. Comme si elle était triste de quitter Armada.

L'était-elle, triste ?

Oui. Un peu.

Pour la première fois depuis bien longtemps, elle s'était sentie chez elle, vraiment. Et ça n'était pas arrivé depuis qu'elle avait quitté la maison où elle avait grandi. Car même si elle s'était sentie à l'aise avec les Saigneurs, les navires n'étaient pas une seconde maison, pour elle. C'était juste un logement de fonction, si on peut dire ça.

En ce moment, elle avait l'oeil dans le vague, et elle songeait à tout ce qu'elle avait vécu. Elle ne s'apitoyait pas sur elle-même. Elle faisait juste le point. De temps à autre, elle grignotait un bout de chocolat. Accoudée au bastingage, elle ne faisait pas grand cas des marins qui géraient le navire. Elle ne leur causait pas de soucis, et ça rassurait le capitaine.

Parce qu'ils savaient qui elle était. Mayaku Miso, ex-agent du gouvernement, pirate redoutable primée à cent vingt huit millions de billets. Sociopathe reconnue. Evadée d'Impel Down, aussi.

Et pourtant, elle leur paraissait inoffensive la petite borgne. Elle ne leur paraissait pas si redoutable, avec ses longs cheveux blonds, et sa carrure pas forcément impressionnante. Elle paraissait même plutôt innocente, quand ils l'observaient de dos.

Mais de face, elle faisait peur à ces audacieux matelots. Pas parce qu'elle était borgne. Pas parce qu'elle ne couvrait pas son orbite vide. Pas parce que son unique oeil d'émeraude reflétait plus de vécu que n'aurait dû en avoir une femme de son âge. Pas non plus parce qu'elle leur semblait évoluer dans un autre monde que le leur.

Mais parce que, quand elle leur prêtait attention, ils ne voyaient qu'une profonde indifférence. Parce que, quand l'un d'eux -distrait par la blonde- s'était fait écrasé le pied par une poulie, elle avait semblé prêter plus d'attention au sang et aux os brisés qu'à la douleur de l'homme.

Et puis aussi parce que la nuit, elle parlait dans son sommeil. Elle reprenait ce tic de parler d'elle à la troisième personne, et ce qu'elle racontait, c'était effrayant. C'était dégueulasse. C'était trop d'émotion pour ces hommes pourtant habitués à la rude vie d'aventurier criminel.

Heureusement, elle restait dans son coin et ne parlait pas beaucoup. Elle observait la mer. Jour après jour, elle se mettait sur le bord, à tribord ou à bâbord, à la poupe ou à la proue. Et elle passait un long moment à regarder la mer. Perdue dans ses pensées, ou bien à observer le paysage ? Les marins ne savaient pas, et ne voulaient pas savoir.


Dernière édition par Mayaku Miso le Mer 24 Sep 2014 - 15:11, édité 1 fois
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« Tempête en approche ! Tous à vos postes ! »

Un grand fracas retentit alors, faisant bouger tous les matelots. Mayaku, posée derrière la figure de proue, à califourchon, observait les nuages noirs qui venaient droit sur eux. Elle sentait le vent forcir, et l'air se rafraîchir, se charger d'électricité. Elle ne sentait plus autant le sel que par mer calme. Derrière elle, sur le pont, tous les marins couraient, rentraient mes voiles, tournaient la barre, ramassant les cordage, harnachait la cargaison à la cale... Que d'excitation pour Maya. Que de frayeur pour ses compagnons de bord. Ils craignaient les ravages de GrandLine. Un instant, il faisait beau, chaud, et il n'y avait pas un pet de vent, obligeant les pauvres bougres à descendre à la cale pour ramer. L'instant d'après, un éclair déchirait le ciel d'azur, et l'obscurité avançait à grands pas.

Ce n'est pas pour autant que la gamine aux cheveux blonds descendit de son perchoir. Elle n'était qu'une passagère. Elle savait naviguer, un peu, mais elle préférait laisser ça aux hommes expérimentés. Elle ne ferait que les gêner. Là, chacun avait son rôle. Chacun savait ce qu'il avait à faire, et avoir quelqu'un de plus dans les pattes les précipiteraient à coup sûrs vers un naufrage. Surtout quand le quelqu'un en question était l'adorable sociopathe qui siégeait sur la figure de proue.


« A bâbord toutes ! »

Le capitaine hurlait ses ordres, et ses matelots obéissaient. L'un d'eux, un jeune mousse, s'approcha timidement de la borgne blonde.

« Madame ? Tenta-t-il une première fois. Puis, voyant qu'elle ne répondait pas, il reprit, plus fort : MADAME ! »

Maya tourna son unique œil vers le gamin. Un petit brun, un peu maigrichon, mais qui promettait d'être un homme fort plus tard. Il fixait ses grands yeux bleus vers elle, interrogateur.

« Oui ? »

Il sembla se ratatiner un peu sous son regard scrutateur, mais ça ne se voyait guère. Il n'était déjà pas très grand.

« Vous devriez peut-être vous mettre à l'abris. La tempête promets d'être violente. »

Esquissant un de ces rares sourires, la sociopathe secoua la tête. Son regard d'émeraude se porta à nouveau sur la noirceur qui s'approchait dangereusement.

« Je préfère rester ici. J'aime bien les orages. Je crois.
Alors je reste avec vous, madame
, affirma-t-il, se grandissant de quelques centimètres, comme pour faire le chevalier servant. »

Sentant qu'il était inutile de le raisonner, Maya retourna son orbite vide vers l'horizon. Le vent forcit, et bientôt, ses longs cheveux d'or semblaient doués de vie. Elle regardait, sans la voir, la tempête qui approchait. Ses pieds balançaient, de chaque côtés du bois sur lequel elle était assise, tandis qu'elle projetait sa pensée vers Miel, son pigeon géant qu'elle avait laissé sur Dead End. Le mousse, dont Maya n'avait pas retenu le nom, avait enroulé un cordage autour de sa taille, et noué l'extrémité sur le siège de fortune de la blonde. Elle l'avait presque oublié. Elle ne pensait qu'à Miel. Est-ce qu'il se souviendrait d'elle quand elle le reverrait ? Est-ce qu'il aurait beaucoup grandi ? Il aura sans doute atteint sa taille adulte.

Et les Saigneurs ? Par les journaux, Maya avait eu quelques nouvelles d'eux. Mais elle se demandait surtout s'ils seraient contents de la revoir. Ou bien s'ils seraient, au contraire, si peu ravis qu'ils la tailleraient en pièces. Ils connaissaient ses pouvoirs, et ses faiblesses. Mais elle ne pouvait s'empêcher de revenir vers eux, au moins pour les saluer. C'était la première fois qu'elle s'était vraiment sentie à sa place. Enfin, autant qu'elle puisse l'être. Peut-être déciderait-elle de rester dans l'équipage, peut-être choisirait-elle de suivre une autre voie, et de retourner sur Armada avec Miel.

Mais ça, c'était après. Pour l'instant, elle avait hâte de retrouver son bébé pigeon. Elle ferma les yeux, savourant la caresse de l'air sur son visage. Le mousse s'accrochait comme il pouvait au bastingage, tenant sa parole. Il restait là. Et bien vite, la caresse devint gifle. Le vent fit tanguer le navire, mais Maya se tenait bien, entourant la figure de proue de ses bras. Elle apprécia les premières gouttes de plus, les éclairs qui manquaient le navire de peu, et l'odeur alcaline de l'eau qui s'écrasait en grosses vagues sur la coque.

Bientôt, la mer fut déchaînée. Les vagues engloutissaient presque le navire avant de se retirer. Le vent le faisait tourner dans tous les sens. Les éclairs zébraient le ciel devenue d'encre, et les nuages continuaient de s'amonceler. Maya glissait de temps à autres, mais elle se tenait bien. Le mousse était ballotté en tous sens, cognant contre la coque au point de s'assommer.

Un regard vers lui, et l'œil valide de la sociopathe se teinta de sympathie. Bravant sa peur, le gamin était venu lui proposer de rentrer. Devant son refus, il avait tenu à rester, pour veiller sur elle. Un bon gars. Quelque chose remua alors en elle. Un élan de générosité dont elle ne se savait pas capable.

Glissant de la proue avec agilité, semblant imperturbable aux élancements du vents grâce à ses techniques du Rokushiki apprises du temps où elle faisait partie du gouvernement. Elle attrapa le môme, qui ne devait pas avoir plus de quinze ans, et dénoua la corde le reliant à la figure de proue. Elle l'accrocha sur sa propre personne, tenant le jeune contre elle. Il était inconscient. Un peu lourd aussi, bien qu'il paraissait frêle. Elle traversa le pont d'un pas assuré, tenant l'inconscient entre ses bras, et allait réussir à atteindre l'entrée pour la cale quand une vague plus grosse que les autres fit rouler le navire.

Il se renversa, et ses occupants tombèrent dans l'eau. Maya comprise. Son fardeau également. Le sel piqua l'œil valide de la borgne, mais elle força sur ses muscles et elle tira son compagnon inconscient, remontant à la surface. Un éclair illumina l'obscurité, et mit le feu au navire, qui explosa bientôt quand la poudre fut touchée. Des éclats volèrent partout. Les matelots s'éparpillèrent. Certains périrent noyés. D'autres, mangés par les monstres qui régnaient en maître sous l'eau. D'autres encore, arrivèrent à s'accrocher à un bout du navire, à s'y hisser et à dériver loin des flammes qui léchaient la carcasse du bâtiment.

Maya utilisa parcimonieusement ses dons. Juste assez pour s'éloigner au plus vite du brasier. Juste assez pour assommer une bestiole qui avait un petit creux. Juste assez pour hisser son compagnon d'infortune sur une large planche venant du bateau, et de le pousser vers le rivage qu'elle avait aperçu le matin même.

Elle était concentrée sur ses efforts. Pour une fois, elle voulait vraiment sauver une vie. Et pas que la sienne. Elle voulait être
utile. Elle voulait qu'on la remercie avec un sourire. Elle ne voulait pas qu'on l'isole, qu'on ait peur d'elle. Elle voulait se sentir un peu aimée. Rien qu'un peu.

Mais elle sombra. Dans l'inconscience. Et la planche, avec ses deux passagers inertes, dériva d'elle-même, gardant le cap sans que l'on sache pourquoi.


Dernière édition par Mayaku Miso le Mer 24 Sep 2014 - 12:19, édité 4 fois
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Les vagues se brisaient sur les rochers, et empiétaient sur le sable fin. Le soleil brillait haut. Fin de matinée sans doute. A part le bruit des vagues, et le cri des mouettes, rien ne semblait indiquer qu'il pouvait y avoir de la vie sur l'île perdue au milieu de GrandLine. Et pourtant, quand les vagues se retiraient, deux corps inertes s'échouaient sur la plage, un peu plus haut à chaque fois. Une planche de bois, provenant d'un navire en pièce, semblait être le seul support de ces deux êtres.

Une mouette, de la taille d'une tortue, se posa sur la silhouette blonde évanouie. Elle picora les algues, et les petits crabes coincés dans la crinière humide. Elle piqua de son bec acéré, encore et encore, se déplaçant sur le corps apparemment sans vie, jusqu'à ce que son bec creuse la chair d'un bras nu. Elle attrapa encore trois petits crabes qui avaient élus domicile sur le corps humide de la jeune femme blonde, et s'intéressa alors à l'orbite vide qui était dégagé, les mèches pleines de sels et d'algues étant rabattues sur le dessus du crâne.

L'autre silhouette, un jeune garçon d'une quinzaine d'année, émergea doucement à côté. Il ouvrit un œil, hagard, avant de tousser, crachant de l'eau. Il toussa si fort qu'on pouvait craindre qu'il ne recrache ses organes internes. La mouette ne broncha pas, essayant de percer la chair cicatrisée de l'orbite.

A cet instant, la borgne fit un geste de la main. Incroyablement vive, elle attrapa le volatile par le cou. Il piailla incroyablement fort avant qu'un craquement ne se fasse entendre. "Sproutch". Le corps de la mouette, après quelques soubresauts, devint inerte. Maya se releva alors, toussant de l'eau et des algues. Elle grimaça, en s'essuyant la bouche, et se frotta l'orbite. Il fut un temps où elle ne sentait plus la douleur, mais depuis quelques semaines, quelques mois, les sensations revenaient progressivement. C'était l'impression qu'elle avait.

Avisant son bras qui se teintait de carmin, elle grimaça. Le sable s'y colla quand elle se releva. Le jeune mousse tira sur la corde, essayant de défaire le nœud qu'il avait fait. Mais le chanvre était rêche, collé avec le sel et le sable, encore humide, qui plus est. La sociopathe fit de même. Mais, à bout de patience, elle tira une dague d'une de ses bottes, miraculeusement encore à ses pieds, pour trancher la corde. Elle libéra aussi le mousse d'un coup de la lame acérée.


« Où sommes-nous ? Hasarda le mousse, encore hébété. »

La blonde haussa les épaules, observant le lieu où ils s'étaient échoués. C'était une île, apparemment vierge de vie et très verdoyante. Au milieu des palmiers et des fougères, elle aperçut une grotte, dont l'antre sombre tranchait avec la végétation luxuriante.

« Ell- Je l'ignore. Sans doute pas très loin du lieu du naufrage, donc à proximité de Dead End je dirais. »

Son regard se porta sur l'immensité azur, à présent aussi calme qu'une gigantesque flaque d'eau, et elle pouvait voir des débris de bois provenant du navire en miette.

« Ramasses le bois. La nuit ne va pas tarder à tomber. Il faudra se réchauffer. Et si je trouve quelque chose à manger, il faudra bien le cuir.
D'a-D'accord madame. A vos ordres.
»

Le mousse était obéissant. C'était sympa. Maya détourna son regard unique, et s'enfonça dans la petite jungle. Pas un bruit ne troublait le silence, sinon le bruit de ses pas sur les branches qui craquaient. Elle se dit que pour trouver de la viande, c'était mal barré.

Elle y passa à peine une heure, réussissant à faire le tour de l'île dans ce laps de temps. Pas un animal, hormis les mouettes d'aspect gigantesque qui volaient parfois au-dessus d'elle. Elle soupira, et son attention repassa à la grotte dont elle avait fait le tour. Elle se glissa à l'intérieur, fronçant les sourcils jusqu'à ce que sa vue s'habitue à l'obscurité.

Elle longea les parois, trébuchant parfois sur des roches placées aléatoirement (exprès pour l'embêter, elle en était sûre), jusqu'à buter contre le fond de la caverne. Elle n'était pas bien grande. Et toujours aucun animal en vue.

Devant se résoudre à manger la mouette tuée un peu plus tôt pour ce premier soir, Maya déplora l'absence de chocolat. Elle avait perdu sa sacoche lors du naufrage.

Revenant vers la plage en soupirant, elle cueillit quelques champignons. Ils étaient jolis, ils étaient bleus. Ils semblaient briller sous les rayons du soleil couchant. Et Maya ne résiste pas à ce qui est hors du commun. Elle souleva le bord de son tee-shirt, amassant un petit tas de champignons azurés.

En retournant au bord de la mer, elle eut la satisfaction de voir un bon tas de bois amassé. Le mousse l'attendait, se balançant d'un pied sur l'autre sans savoir quoi faire.


« On va s'installer dans la grotte pour la nuit. Et on va aviser après.
D'a-D'accord madame.
»

Il la suivit sans broncher, emportant une grosse brassée de bois avec lui tandis qu'elle ramassa la mouette morte par le cou en tenant le bord de son tee-shirt d'une main. Ils gagnèrent l'abris relatif de la caverne. Il déposa son fardeau près de l'entrée, et elle déposa la mouette dans un coin, avec les champignons.

« Occupes-toi de faire le feu. Tu sais en faire, hein ?
A vos ordres madame. Oui madame.
»

Il était si obéissant, c'était étrange pour Maya. Elle hocha la tête, et s'intéressa à la mouette.

« Mouette grillée ce soir, avec des champignons. Ça te va ?
Oui madame. Mais... Euh... Sans les champignons.
Pourquoi ?
Je... J'y suis allergique.
Ah. Tant pis. Ça en fera plus pour Ma- pour moi.
»

Il commença à s'occuper du feu, réunissant un tas de planches et de branchages qu'il alla ramasser dans la petite jungle tandis que la blonde, tenant la mouette par le cou, commença à la déplumer. L'oiseau faisait facilement la moitié de la taille de l'ex-gouvernementale. Un peu encombrée, la sociopathe à l'œil unique s'en occupa toutefois avec efficacité. Posant l'oiseau nu sur une roche, elle se déplaça pour aller chercher une grande branche rectiligne pour embrocher l'animal mort. Elle ramassa aussi de quoi faire tenir la broche improvisée, et revint dans la caverne au moment où le mousse réussit enfin à allumer les brindilles et la mousse sèche.

Bientôt, de grandes flammes léchaient la chair animale qui se tenait, embrochée, juste au-dessus. Tournant régulièrement la branche, la borgne croquait dans les champignons en attendant que la viande soit prête pour se sustenter.

Le jeune mousse était assis non loin d'elle, le regard perdu dans les flammes. Il avait faim. Maya entendait son ventre gronder. Il se leva d'un bond dès que la viande fut prête, attrapant la dague que Maya avait posé par terre, l'essuya sur son pantalon de toile déchiré, et découpa de grosse portions de viandes. Il en offrit une à Maya, galant, avant de dévorer sa part.

Accompagnant la viande de ses champignons, la sociopathe commençait à se sentir toute bizarre. Le monde se déformait parfois devant ses yeux. Elle avait l'impression d'osciller sur place. Elle ne finit même pas sa part, tombant en arrière brusquement, l'œil grand ouvert, commençant à divaguer. Elle n'entendit par le mousse s'inquiéter pour elle. Sa vision s'obscurcissait, et ce n'était pas à cause de la nuit qui était tombée, tandis qu'elle perdait connaissance.


Dernière édition par Mayaku Miso le Mer 24 Sep 2014 - 13:17, édité 1 fois
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Il faisait tout noir. Comme une nuit sans lune. Comme une pièce sans ouverture. Maya se sentait entravée. Ses bras semblaient maintenus en l'air avec une chaîne. Mais elle avait l'impression de flotter. Elle avait l'impression de ne toucher ni mur, ni sol. Même l'acier des chaînes lui semblait irréel. Nauséeuse, elle avait la désagréable sensation d'être dans les vapes. Elle essayait de bouger, mais son corps ne répondait pas. Elle ne pouvait même pas fermer son œil unique. Un son régulier l'ennuyait, l'empêchant de se replonger dans l'inconscience. "Tic. Tic. Tic." Elle voulut appeler quelqu'un, demander où elle était, mais rien ne sortait. Son corps ne lui obéissait pas. Même son esprit semblait réticent à afficher des pensées cohérentes.

"Tic. Tic. Tic."

Maya voulait hurler. Elle voulait que ce bruit s'arrête, qu'elle puisse atteindre l'inconscience en toute tranquillité. Mais non. Pas un son ne franchissait ses lèvres. Ses dernières ne bougeaient même pas. Elle essayait de toutes ses forces, sans parvenir à n'esquisser ne serait-ce qu'un seul geste. Elle frémissait de rage, de frustration.

"Tic. Tic. Tic."

Finalement, une lumière s'alluma, aveuglant momentanément la sociopathe. Elle cligna de l'œil, ne voyant que des silhouettes floues autour d'elle. Tout à coup, elle avait l'impression d'être allongée. L'endroit où elle était retenue était immaculé. C'était une pièce stérile, de presque quatre mètres sur quatre. Un cube. Blanc. Partout. Sauf sur les poignets de la borgne. Là, c'était de l'acier brillant, reflétant la lumière de néons blancs.

"Tic. Tic. Tic."

Un visage masqué de blanc se pencha au-dessus d'elle. Une seringue à la main, il piqua la jugulaire de la borgne et injecta un liquide transparent. Immédiatement, sentant le produit se répandre dans ses veines, elle hurla. Ou du moins, elle voulut hurler. Mais pas un son ne quitta ses lèvres. Lèvres qui restaient closes, par ailleurs. Elle ne pouvait pas faire un mouvement, son corps ne lui répondait plus.

"Tic. Tic. Tic."

Et ce bruit, cet incessant petit "tic" qui l'agaçait... Elle n'en pouvait plus. La douleur était insoutenable. Elle voulait hurler à s'en casser les cordes vocales. Elle voulait pleurer sa souffrance, mais c'était comme si son propre corps lui était étranger. Et pourtant, elle souffrait. C'était incompréhensible. C'était intolérable. Elle replongea dans l'inconscience.

"Tic. Tic. Tic.

Le décor, quand elle se réveilla, n'était plus le même. Elle était assise cette fois. Toujours entravée, attachée au fauteuil de dentiste sur lequel elle était. Harnachée des pieds à la tête, elle n'avait plus mal. Mais impossible de bouger ne serait-ce que le petit doigt. L’œil grand ouvert, elle ne pouvait qu'observer cette pièce dans les tons bleus. Un homme était affairé, lui tournant le dos. Quand il se retourna, il portait à nouveau un masque sur le visage, lui couvrant le nez et la bouche. Ses yeux, aussi noirs que l'encre, étaient braqués sur elle.

Maya voulut hurler quand il s'approcha. Il tenait une seringue encore. Il l'enfonça sans douceur dans sa cuisse nue. Il injecta un sérum, transparent également. Immédiatement, il sembla à la sociopathe que son corps s'enflammait, qu'elle brûlait vive. Et elle se sentait impuissante. Le noir se fit de nouveau.

"Tic. Tic. Tic."

Quand elle rouvrit les yeux, cette fois, elle pouvait bouger. Elle était dehors. Dans une prairie asséchée par le soleil. L'herbe jaunit craquait sous ses pas. Elle ignorait où ses jambes la portait. Elle ne voyait qu'une terre désolée devant elle. Pas âme qui vive. Elle avançait pourtant, inexorablement, incapable de s'arrêter.

"Tic. Tic. Tic."

Un peu plus loin, elle voyait un trou noir dans le sol. Elle se dirigeait droit vers la cavité. Pas moyen de ralentir, de faire marche arrière. Effrayée à l'idée de tomber, encore, elle voulut hurler, ordonner à son corps de lui obéir. Mais elle s'en rapprochait, à chaque pas un peu plus. Et bientôt, elle tomba. Elle sentit l'air autour d'elle, son corps attiré vers le fond par la gravité. Elle ne pouvait pas hurler, ni ralentir sa chute. Ses cheveux voletaient autour de son visage, masquant son unique œil valide par instant.

Le point de chute ne tarda pas. Ce fut violent. Le choc se répercuta de ses pieds à sa tête. Elle était tombée, mais étrangement, elle avait atterri debout. Le noir, de nouveau, s'offrait à elle. Elle avança à tâtons, jusqu'à s'évanouir.

"Tic. Tic. Tic."

Quand elle rouvrit les yeux, elle était dans l'eau. Elle nageait. Un coup d'œil derrière elle lui apprit qu'un monstre arrivait, se jetait sur elle. Elle se débattit, tranchant la langue baveuse avec sa dague, soudainement apparue dans sa main. Les crocs du monstre déchiraient sa peau. Elle frappait où elle pouvait. Elle sentait le sang de la bête couler sur elle. Un sang noir, épais. Un sang acide, qui la brûlait. Elle perdit conscience quand une grosse goutte plongea dans son œil valide.

"Tic. Tic. Tic."

Elle était à nouveau entravée. Aveugle dans les faits. Mais pourtant, elle devinait ce qui se passait autour d'elle. Elle voyait un homme ressemblant étrangement à son père l'approcher, une grande scie en main. Elle voulait hurler, lui dire qu'il était mort, qu'il ne pouvait pas être là. Mais elle était impuissante, pendue par les pieds à un crochet au plafond. Elle sentir la morsure de l'acier sur ses tendons, et le sang chaud couler le long de son corps, formant une flaque à ses pieds. Elle se débattait comme elle pouvait, hurlant mentalement sa souffrance.

Elle sentit les chaînes à ses pieds se relâcher, et elle tomba durement sur le sol de pierre. Libre, mais impossible de bouger. Son père approcha une main de son visage, murmurant qu'il allait la guérir. Elle en profita pour mordre, arrachant la chair. Elle sentit le goût métallique sur ses papilles, et elle cracha la chair à la figure paternelle qui hurlait.

"Tic. Tic. Tic."

L'image se dissipa. Maya se réveilla dans la grotte. A côté d'elle, des braises froides depuis un moment. Quelque chose gouttait sur son visage. Il faisait nuit dehors. Elle passa la main, essuyant le liquide, et le renifla, le goûta. Du sang.

Endolorie, elle se releva doucement. Ses articulations craquèrent. Elle buta contre un bout de bois. La broche, devina-t-elle. Mais elle était anormalement lourde. Anormalement perpendiculaire au sol. Tâtonnant, Maya toucha bientôt un corps froid. Sans vie. Rigide. Elle s'affola et se redressa complètement, fuyant l'endroit où elle était.

"Tic. Tic. Tic."

Elle ne comprenait pas. Elle avait faim. Froid. Elle se sentait faible. Sale. Elle attendit anxieusement que le jour se lève. Et l'horreur se révéla. Le jeune mousse était appuyé contre un mur, la broche de bois le soutenant, plantée dans son cœur. C'était son sang qui gouttait. C'était ça, le fameux "tic".

Elle osa quelques pas dehors, un peu tremblante sur ses jambes. Elle ne vit rien de plus qu'à leur arrivée. Juste une grosse tâche sombre dans le ciel, qui arrivait, qui grossissait. Craignant une autre mouette carnivore, elle poussa le corps raide du mousse et récupéra la branche taillée en pointe.

Elle se prépara à transpercer la mouette, encore retournée par son étrange rêve, et par la mort du mousse, quand son œil d'émeraude se rendit compte que ce n'était pas une mouette. C'était plus gros. C'était un pigeon. Pas n'importe lequel. Son pigeon. Miel.

Il se posa lourdement sur le sable, trébuchant, venant quérir des caresses de sa maman. Le rejeton de la Bêêêêêêête n'était pas si con que ça.

Il pencha le cou, nichant son bec pointu contre le cou de Maya. Il l'érafla, mais elle n'y fit pas gaffe, trop heureuse de retrouver ce compagnon qui lui avait tant manqué. Après les câlins de retrouvailles bien mérités, elle lui donna le reste de la mouette qu'elle avait tuée, et s'occupa de tirer le corps du mousse sur le sable. Elle creusa, avec une planche issue du navire naufragé, jusqu'à faire un trou assez grand pour le freluquet de quinze ans. Avec l'aide de Miel, elle poussa le corps, et recouvrit de sable.

Elle prit une autre planche, pas trop cassée, et y inscrivit quelques mots avec sa dague.

"Ci-gît [...]"

Elle s'arrêta, réfléchissant au nom du mousse. Elle l’ignorait. Bon. Tant pis. Elle ajouta :

"[...] Le Mousse", et planta la planche sur le monticule de sable. C'était fait. Il était enterré. Le pauvre mousse qui l'avait aidée. Elle l'avait tuée. Elle ressentit, pour la première fois, un soupçon de remord.

Mais Miel l'aida à le chasser, et après s'être sustentés sur une autre mouette géante, Maya grima sur le dos de son pigeon. Calée derrière les ailes, elle agrippa les plumes de l'animal qui courut un peu pour prendre son envol.

Direction : Dead End.
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