Prologue
Immuablement planté dans le ciel, le soleil, comme une tache sur un mur, brillait dans l’indifférence générale au-dessus de Rainbase. Les gens, au mieux, levaient la tête en se protégeant les yeux et en souhaitant qu’il frappe moins fort. Ils ne savaient pas à quel point ils lui étaient redevables. Souvent, lorsqu’on bénéficie depuis trop longtemps d’un confort, comme l’eau courante ou le den-den mushi sans fil, on oublie à quel point ça n’allait pas de soi, autrefois. Pour preuve : de nos jours, les gens d’Alabasta pensaient que la lumière était apportée par le soleil, comme ça, chaque jour, gratuitement. Alors que les sauvages des tribus primitives des Iles Perdues savaient pertinemment, eux, que s’ils ne sacrifiaient pas 100 vierges tous les jours, l’astre solaire mourrait, plongeant le monde dans l’obscurité la plus totale. Ceci dit, ils étaient aussi persuadés que se tailler les dents en pointe assure sagesse, force et fécondité. Alors bon…
Dans la pénombre d’une taverne, trois personnes mystérieuses étaient assises. Tous les trois portaient des capes à capuches, et faisaient de grands mystères au-dessus de leurs verres de mauvais panaché, même si personne ne faisait attention à eux.
« Ma mère me gonfle », fit la première capuche. Des mèches bleues indisciplinées dépassaient de sa capuche, qui trahissaient une appartenance à la famille royale. Si ridicule qu’elle puisse paraître, cette capuche, c’était peut-être une bonne idée que son porteur ne s’avance pas à tête découverte.
« Encore ? Que veut-elle, cette fois ? Elle trouve que tu pars trop à l’aventure ? »
La seconde capuche, celle qui venait de parler, laissait voir de grandes lunettes rondes, et un visage poupin. Des traces de bière entouraient ses lèvres.
« Mouais. Elle veut que je me comporte comme une princesse, que je me tienne bien, que je respecte l’étiquette, que je prenne l’air béat devant des nobles qui racontent des anecdotes qu’ils croient amusantes, alors qu’ils sont bêtes comme des chaises ! »
La première capuche, visiblement, était énervée.
« Oh, allez, tu t’amuses bien, parfois ! »
La troisième capuche avait enfin parlé. De son porteur, on ne pouvait voir que son teint basané, et des lèvres charnues toujours souriantes. La personne cachée sous cette capuche avait l’air d’être toujours optimiste et motivée, voyant le bon côté des choses et capable de pousser ses amis à se dépasser. Il avait l’air d’être gentil, à l’écoute, et il ne devait certainement pas juger ceux qu’il voyait, même si on pouvait dire qu’il devait être légèrement écervelé. En fait, même si, il ne faut pas l’oublier, il restait caché sous une capuche, il avait l’air d’être le « meilleur ami » parfait qui n’existe que dans les films ou les BD, et heureusement, parce que dans la vraie vie il serait tout simplement insupportable.
« C’est vrai ! » admit la première capuche. « Mais j’ai envie de changer d’air, un peu… »
« Alors, on n’a qu’à repartir à l’aventure ! »
Le ton enjoué, c’était signé : la troisième capuche avait de nouveau parlé.
« Oh, non… Tu te souviens comment ça c’était passé, la dernière fois ? La meute de chacals ? Les provisions oubliées au palais ? Le… » La seconde capuche déglutit. « La betterave ? »
« Oui » répartit la troisième capuche. « Mais cette fois, on est rodés ! Il ne peut plus rien nous arriver… Juste, on va où ?»
La première capuche eut un sourire :
« Moi je sais… »
« Et voilà ! Depuis cette pyramide, six siècles nous contemplent ! »
C’était vrai. La pyramide dressait sa pointe rhomboïdale vers le ciel, construction massive en pierre de taille autour de laquelle le temps semblait s’être arrêté. Elle était haute d’une trentaine de mètre, large d’une quarantaine. Malgré son âge, chacune de ses parois était restée lisse comme au premier jour ; seule, la patine consécutive à l’âge laissait des marques et montrait l’antiquité de l’édifice.
En bas de l’une des faces de l’édifice, une porte flanquée de deux sphinx énigmatiques ouvrait un chemin qui s’enfonçait dans l’obscurité.
Le garçon à la deuxième capuche repoussa son couvre-chef, laissant apparaître une chevelure brune et un air inquiet :
« Euh, Cloclo ? Tu es sûre de toi, là ! »
La première capuche repoussa une mèche bleue et glissa à bas de son dromadaire.
« Mais oui ! Ne me dit pas que tu as peur, toi, Sebebet Hes-senié ! »
La troisième capuche intervint :
« Je dois dire que… »
« Toi aussi, Yapa Dlezar ? Quelle bande de chiffes molles ! On fait le tour et on ressort ! Dans trois heures, on est de retour pour le goûter ! »
Et, d’un pas assuré, la dénommée Cloclo s’enfonça dans la pénombre. Ne voulant pas passer pour un lâche, ni ternir sa réputation du meilleur ami courageux, Yapa Dlezar la troisième capuche lui emboita le pas. Sebebet Hes-senié, lui, se devait de respecter un tout autre schéma narratif. Il se mit à hurler :
« Vous êtes fous ! Vous ne vous en sortirez jamais ! Revenez ! Moi, je n’irai pas là-dedans ! Je… Je monte la garde, puis j’irai dire aux secours où vous êtes quand vous serez morts !»
Pendant une longue minute, Sebebet fit les cent pas, se rongea les ongles. Il regarda l’entrée béante. Puis de l’autre côté, le désert brûlant. Un scorpion passa. Sebebet déglutit, puis s’enfonça à son tour dans la pyramide, en criant à pleins poumons :
« Hé ! Attendez-moi ! »
Dans le désert, il n’y eut plus que le silence à peine troublé par les dromadaires restés attaché à l’entrée, occupés à des occupations de dromadaires. Puis, même eux finirent par se taire. Deux heures passèrent…
Immuablement planté dans le ciel, le soleil, comme une tache sur un mur, brillait dans l’indifférence générale au-dessus de Rainbase. Les gens, au mieux, levaient la tête en se protégeant les yeux et en souhaitant qu’il frappe moins fort. Ils ne savaient pas à quel point ils lui étaient redevables. Souvent, lorsqu’on bénéficie depuis trop longtemps d’un confort, comme l’eau courante ou le den-den mushi sans fil, on oublie à quel point ça n’allait pas de soi, autrefois. Pour preuve : de nos jours, les gens d’Alabasta pensaient que la lumière était apportée par le soleil, comme ça, chaque jour, gratuitement. Alors que les sauvages des tribus primitives des Iles Perdues savaient pertinemment, eux, que s’ils ne sacrifiaient pas 100 vierges tous les jours, l’astre solaire mourrait, plongeant le monde dans l’obscurité la plus totale. Ceci dit, ils étaient aussi persuadés que se tailler les dents en pointe assure sagesse, force et fécondité. Alors bon…
Dans la pénombre d’une taverne, trois personnes mystérieuses étaient assises. Tous les trois portaient des capes à capuches, et faisaient de grands mystères au-dessus de leurs verres de mauvais panaché, même si personne ne faisait attention à eux.
« Ma mère me gonfle », fit la première capuche. Des mèches bleues indisciplinées dépassaient de sa capuche, qui trahissaient une appartenance à la famille royale. Si ridicule qu’elle puisse paraître, cette capuche, c’était peut-être une bonne idée que son porteur ne s’avance pas à tête découverte.
« Encore ? Que veut-elle, cette fois ? Elle trouve que tu pars trop à l’aventure ? »
La seconde capuche, celle qui venait de parler, laissait voir de grandes lunettes rondes, et un visage poupin. Des traces de bière entouraient ses lèvres.
« Mouais. Elle veut que je me comporte comme une princesse, que je me tienne bien, que je respecte l’étiquette, que je prenne l’air béat devant des nobles qui racontent des anecdotes qu’ils croient amusantes, alors qu’ils sont bêtes comme des chaises ! »
La première capuche, visiblement, était énervée.
« Oh, allez, tu t’amuses bien, parfois ! »
La troisième capuche avait enfin parlé. De son porteur, on ne pouvait voir que son teint basané, et des lèvres charnues toujours souriantes. La personne cachée sous cette capuche avait l’air d’être toujours optimiste et motivée, voyant le bon côté des choses et capable de pousser ses amis à se dépasser. Il avait l’air d’être gentil, à l’écoute, et il ne devait certainement pas juger ceux qu’il voyait, même si on pouvait dire qu’il devait être légèrement écervelé. En fait, même si, il ne faut pas l’oublier, il restait caché sous une capuche, il avait l’air d’être le « meilleur ami » parfait qui n’existe que dans les films ou les BD, et heureusement, parce que dans la vraie vie il serait tout simplement insupportable.
« C’est vrai ! » admit la première capuche. « Mais j’ai envie de changer d’air, un peu… »
« Alors, on n’a qu’à repartir à l’aventure ! »
Le ton enjoué, c’était signé : la troisième capuche avait de nouveau parlé.
« Oh, non… Tu te souviens comment ça c’était passé, la dernière fois ? La meute de chacals ? Les provisions oubliées au palais ? Le… » La seconde capuche déglutit. « La betterave ? »
« Oui » répartit la troisième capuche. « Mais cette fois, on est rodés ! Il ne peut plus rien nous arriver… Juste, on va où ?»
La première capuche eut un sourire :
« Moi je sais… »
***
« Et voilà ! Depuis cette pyramide, six siècles nous contemplent ! »
C’était vrai. La pyramide dressait sa pointe rhomboïdale vers le ciel, construction massive en pierre de taille autour de laquelle le temps semblait s’être arrêté. Elle était haute d’une trentaine de mètre, large d’une quarantaine. Malgré son âge, chacune de ses parois était restée lisse comme au premier jour ; seule, la patine consécutive à l’âge laissait des marques et montrait l’antiquité de l’édifice.
En bas de l’une des faces de l’édifice, une porte flanquée de deux sphinx énigmatiques ouvrait un chemin qui s’enfonçait dans l’obscurité.
Le garçon à la deuxième capuche repoussa son couvre-chef, laissant apparaître une chevelure brune et un air inquiet :
« Euh, Cloclo ? Tu es sûre de toi, là ! »
La première capuche repoussa une mèche bleue et glissa à bas de son dromadaire.
« Mais oui ! Ne me dit pas que tu as peur, toi, Sebebet Hes-senié ! »
La troisième capuche intervint :
« Je dois dire que… »
« Toi aussi, Yapa Dlezar ? Quelle bande de chiffes molles ! On fait le tour et on ressort ! Dans trois heures, on est de retour pour le goûter ! »
Et, d’un pas assuré, la dénommée Cloclo s’enfonça dans la pénombre. Ne voulant pas passer pour un lâche, ni ternir sa réputation du meilleur ami courageux, Yapa Dlezar la troisième capuche lui emboita le pas. Sebebet Hes-senié, lui, se devait de respecter un tout autre schéma narratif. Il se mit à hurler :
« Vous êtes fous ! Vous ne vous en sortirez jamais ! Revenez ! Moi, je n’irai pas là-dedans ! Je… Je monte la garde, puis j’irai dire aux secours où vous êtes quand vous serez morts !»
Pendant une longue minute, Sebebet fit les cent pas, se rongea les ongles. Il regarda l’entrée béante. Puis de l’autre côté, le désert brûlant. Un scorpion passa. Sebebet déglutit, puis s’enfonça à son tour dans la pyramide, en criant à pleins poumons :
« Hé ! Attendez-moi ! »
Dans le désert, il n’y eut plus que le silence à peine troublé par les dromadaires restés attaché à l’entrée, occupés à des occupations de dromadaires. Puis, même eux finirent par se taire. Deux heures passèrent…