Aux alentours d'un bar d'une île sur South Blue, quelques vagabonds avaient étendu une sorte de nappe sur laquelle ils jouaient à divers jeux d'argent. Il fallait voir ces pouilleux se satisfaire d'une vie de misère pleine d'actions. Tous d'âges et d'origines différents, ils avaient un centre d'intérêt et des principes communs : s'amuser, ou bien mourir. Ils avaient cessé de jouer quelques instants, le temps de se servir quelques verres avant de reprendre. Ils s'exclamaient, comme s'ils étaient seuls au monde.
- Qui est-ce que tu appelles "pépé" petit con ? J'ai formé le grand Portery, moi !
- Quoi ? Le célèbre chasseur de primes ?
- Haha ouais ! Les criminels faisaient dans leurs frocs en entendant son nom !
- Pff ! Tu nous l'a déjà sortie.
Dans la grande rue piétonne dans laquelle ils se trouvaient marchait une personne plutôt trapue, grande d'un mètre soixante-quinze au moins, coiffée d'un béret et portant une grosse veste en cuir, débouchant sur un pantalon de jeans et de simples souliers marron. Les longs cheveux blonds de cette personne se laissaient porter dans le vent qui emmenait avec lui un parfum féminin, venant attirer l'attention des vagabonds qui relevèrent tous la tête, se demandant si cette personne était une femme ou un garçon... Peut-être un peu les deux, qui sait ? "Le blonde" si on pouvait l'appeler comme ça dans le doute, était accompagné d'un chat gris aux poils longs. Il le suivait comme un toutou. Le blonde arriva au bar du coin. Il poussa la porte d'entrée, une petite sonnette le fit remarquer à l'ensemble des habitués qui conversaient en buvant des canons et fumant leurs clopes. Un gros blanc s'installait alors que le blonde se sentait observé et surtout pas bienvenu. Mais il entra quand même, l'air dépité. Il vint jusqu'au comptoir. Son chat s'assit sur une chaise haute, tandis qu'il s'assit sur celle d'à côté. Le chat miaula, comme s'il disait bonjour au barman. Celui-ci leur sourit, il faisait la vaisselle, mais il s'essuya les mains pour s'approcher d'eux, toujours derrière son comptoir.
- Salut Zero !, dit-il en regardant l'animal de compagnie. Il leva les yeux sur son propriétaire.
Bienvenue, NP. Comme d'habitude ?
Elle hocha la tête.
- Ah... qu'est ce qu'il se passe ici ? Ça m'a l'air bien calme.
Le blonde regarda discrètement derrière elles les quelques loubards qui se bourraient la gueule. Le barman s'approcha d'elle pour répondre sans avoir à trop hausser la voix.
- T'es pas au courant ? Un recherché nommé Deckard devrait passer par là... Ce sont tous des chasseurs de primes.
- Hm... C'est pour ça que tous ces abrutis s'agglutinent.
Le blonde les regardait d'un air méprisant. Pendant ce temps, moi, j'étais aux chiottes de ce même bar. Je posais une pêche. Je détestais devoir faire à bord, alors je me retenais toujours jusqu'à ce qu'on accoste une île, pour profiter d'un bar. J'avais un bébé Den Den Mushi. Sa portée n'était pas bien longue mais il servait toujours, en tout cas, mon associé et moi étions bien contents de les avoir. J'étais justement sur le trône, en conversation avec lui, en faisant "hum" à chaque "plouf".
- Ah... tu parles d'une info top-secrète... Hum hum ! Toute la concurrence est là. En plus j'ai la gueule de bois sévère. On ne sait même pas quelle tronche il a, à part un tatouage de dragon. Quoi ? Hum ! T'es cinglé, il mettra jamais les pieds là-bas... Bon. Ciao.
Je rangeais mon appareil. J'avais fini ce que j'avais à faire. Tirage de chasse, lavage de main, et hop, je sortais de là, laissant dans mon sillage une odeur néfaste. Mais ce n'était plus de mon ressort. Devant la porte des chiottes, je restais immobile. Une bande de types bizarres, tous habillés de ponchos et de sombreros, emmerdaient la jolie serveuse qui portait d'une fine robe bleue et un tablier blanc. Elle se débattait, mais un des loubards la tirait par le bas pour qu'elle rejoignent le petit banc sur lequel il était assis. Il l'assit sur ses genoux, l'immobilisant à l'aide des ses frères. Il tenta de l'embrasser, mais la demoiselle hurla. Le loubard se prit un méchant chassé dans la tête, alors que la demoiselle fut extirpée en un instant. Le blonde l'avait tiré à lui et elle s'était empressée de se planquer derrière son sauveur.
- Merci, NP !
- Tu veux quoi, toi ?! lâcha l'un des mecs en ponchos.
- Le boulot de chasseur de primes, c'est de mettre la main sur les criminels, pas sur les femmes.
L'atmosphère devint tendue. Moi, j'étais allé au comptoir, à quelques chaises de celle qu'occupait le chat gris. Et puisque les types aux sombreros n'étaient pas d'accord, il s'enclencha une baston. L'un d'eux se leva, tentant d'expédier une patate au blonde. Mais il lui décocha une gauche si rapide, qu'il fut vite repoussé en geignant, tombant sur la table d'à côté où d'autres gars buvaient un coup. Cela se transforma rapidement en baston générale, tandis que moi, j'étais toujours à mon comptoir, les bras tendus au-dessus d'un cendrier pour ne pas en foutre de partout ; j'avais cassé un œuf et je faisais tomber le blanc pour ne garder que le jaune, souhaitant le glisser dans mon verre. Mais pendant ma manœuvre délicate (je n'étais pas doué avec les œufs), un idiot où l'idée géniale de me tomber sur le bras. Il eut vite fait de se relever sans s'excuser pour retourner cogner sur le blonde qui venait de l'envoyer balader. Je brisai la demi-coquille que j'avais dans la main gauche en soupirant avant de baisser les yeux pour regarder le jaune qui m'était tombé sur l'entre-jambe à cause de l'autre empaffé.
D'un autre côté du bar, trois membres du "gang des sombreros" avaient encerclé NP, et avaient sortis leurs couteaux de combat. L'un d'eux s'exclama, avant de s'élancer. Malheureusement pour lui, pour atteindre NP il devait passer dans mon dos. Et j'étais furax. Du bras droit, je fis pivoter ma chaise haute afin d'expédier un revers du gauche, le coude plié et levé sur le côté, poing orienté vers le haut afin d'atteindre le visage de ma cible. Le coup fut envoyé avec précision, et heurta par surprise l'homme en poncho, qui tomba en arrière. Il ne prit pas la peine de se relever mais aboya d'un air énervé.
- Eh, t'es qui toi ?!
- J'aime pas qu'on dérange mes repas.
Un gros silence s'imposa. Puis, l'homme qui était tombé à la renverse me pointa avec son couteau et hurla de plus belle.
- Qu'est ce que vous attendez ?! Réglez-lui son compte !
Ses deux camarades grognèrent. L'un des deux, sûrement le plus brave, ou le plus dévoué, s'élança. Il tenta trois coups d'estoc au niveau de mon visage, une fois à gauche, puis à droite, puis encore à gauche. J'esquivai simplement en penchant mon buste, l'air blasé. Lors de sa dernière attaque, je fis un geste circulaire du bras droit vers l'extérieur dans le but d'attraper son bras droit qu'il venait d'utiliser pour attaquer. Je tirai sur ce bras tout en levant le coude, annihilant ainsi sa garde entière. J'expédiai alors mon coude d'une manière franche et sans hésitation en plein dans son nez, lui faisant cracher quelques gouttes de sang. Mais comme si ce n'était pas assez, je profitai que le coup l'ait fait reculer de quelques pas pour lui envoyer un gros kick en pleine poitrine, ce qui l'envoya voler jusqu'au comptoir, qu'il heurta avec fracas. Il s'y accouda pour rester debout, mais la serveuse qu'il avait emmerdé quelques minutes plutôt s'était réfugiée derrière. Et elle apparut soudainement armée d'une carafe d'eau pleine qu'elle explosa sur l'arrière de son crâne sans retenue. Elle se brisa littéralement sur son cuire chevelu dégarni, tant la haine qui la contenait était grande.
Le blonde avait quant à lui eut raison du mec en poncho qui l'avait agressé, mais le premier qui l'avait attaqué était revenu à la charge. Pendant sa course, il fut intercepté par le vol plané de son pote mis KO par la jolie serveuse que je venais de lui balancer. "Take a motherfucker to beat another motherfuker." Telle était la devise. Cela le déboussola, et il prit un mortel kick du blonde, ce qui le repoussa sur une autre table, se mangeant une bouteille de vin volante dans la tronche au passage. Ce n'était pas pour lui, mais il était passé au mauvais endroit, au mauvais moment. Au final, le trio mexicains avait été mis hors d'état de nuire et je les chopai tous les trois en même temps par le col avant de les jeter hors du bar.
- Plus jamais vous m'faîtes chier vous trois !
Je fis demi-tour, retournant au bar.
- Toi on s'en souviendra ! On te r'trouvera !
Je les regardai par-dessus mon épaule, l'air pas très content.
- Oh, et puis oublions ça ! Oubliez tout ça, s'il vous plaît ! Héhéhé...
Je retournais au bar, en me frottant les mains. Le blonde m'y attendait les bras croisés, l'air exaspéré. Il s'assit alors au comptoir, à côté de la chaise où j'étais assis plus tôt.
- Les chasseurs de primes sont vraiment des rebuts de la société.
- Ah bon ?
- Ouais ouais. Ils vivent comme si la vie n'était qu'une roulette russe.
- Mhm, elle l'est peut-être.
- Haha. Allez vas, j'te paye un verre.
Je m'assis aussi. J'avais le verre Dry Gin offerte par le blonde et l’œuf ainsi que tout ce que j'avais demandé offert par la maison. Un œuf, un peu de sel, du vinaigre, et du piment. On me regardait bizarrement faire mon mélange. Je m'expliquai.
- C'est du Prairie Oylster ! Excellent pour les gueules de bois.
Je me bouchais le nez et bu l'ensemble cul-sec. Je grimaçais en posant le verre, avant de lâcher un petit "aaah". Le blonde me regardait en se marrant.
- Tu es la deuxième personne que je vois boire comme ça !
- Qui est la première ?
- ... C'était mon mari.
Le blonde baissa les yeux. Le mariage gay n'était pas encore autorisé à l'époque, j'en conclus qu'il était une femme. Une femme costaude, pas très féminine, mais une femme. Soudain, un groupe de vieux entra en trombe. Ils l'appelèrent en courant jusqu'à elle. Ils sortirent chacun un bifton, tandis qu'elle en sortait une liasse de sa veste. Ils posèrent le tout sur la chaise haute les séparant.
- NP ! Alors pour moi, ton vrai nom est...
- Je trouve d'Edorian, ça lui va bien !, fit un de ses acolytes.
- Mais ça commence même pas par un N ! Et pourquoi tu ne m'écoutes pas ?! J'avais dit que c'était Laetitia !
La miss s'empressa de prendre le bifton sur la chaise et de le rajouter à la liasse. Elle était retenue par un élastique. Elle rangea le pactole dans sa poche.
- Alors comme ça, s'ils trouvent, ils empochent le gros lot ?
- Exact. Je sais plus qui a commencé, mais j'ai toujours gagné et j'ai fini par rassembler une petite fortune.
- Je peux essayer moi aussi ?, fis-je, en sortant un petit bifton de ma poche.
Soudain, mon bébé Den Den Mushi se mit à brailler dans ma poche. C'était mon associé qui avait retrouvé Deckard, et qui me dit qu'il approchait du coin. Il fallait que je le rejoigne dans les dix minutes qui suivaient au port d'à côté, où nous avions amarré. Paraîtrait-il que son bateau y était et qu'il comptait mettre les voiles. Mais à l'entente de cette annonce, la blonde me sourit. Je lui rendis son sourire, plein de politesse, me demandant si elle était sincère... Et bien non ! Elle m'envoya une torgnole digne d'une mama black ! La serveuse, juste dans mon dos, s'empressa vers moi, inquiète. La blonde grogna.
- L'approche pas ! Ahlala... Toi aussi, tu fais partie de la racaille, hein. Dire que je t'ai offert à boire !
Je me relevais en posant mon bifton sur le comptoir. Les mains dans les poches, je lui soufflai un "Dommage, Noemy Portery.", en m'éloignant vers la sortie. Elle me regarda l'air surprise.
- Tu peux remercier ton mari, il choisit bien ses cadeaux.
Je sortis ma main droite de ma poche, lui lançant sa montre à gousset que j'avais pu lui piquer pendant le grabuge. Elle était ouverte. Sur le couvercle, il y avait une photo du célèbre chasseur de prime éponyme, avec écrit "For Noemy".
- Portery, le célèbre chasseur de prime...
- Pour l'instant, j'ai du mal à le remercier. Il doit être en train de chasser des primes au paradis.
- Je vois...
Elle sortit la liasse de billets. Je n'en pris qu'un, en tirant dessus, avant de pivoter sur mes talons, prenant le chemin de la sortie. Je lui fis un salut en agitant le billet en l'air, avant de partir pour de bon.
- Hum à mon avis, il doit être en train de cuver une gueule de bois ! Adios.
Et voilà, encore un moyen de devenir riche que j'avais laissé passer pour le seul luxe d'avoir l'air cool. Mais bon. Les quatre clodos qui jactaient et picolaient près du bar par terre étaient encore là, mais moins frais qu'avant. Et puis j'arrivais au port, l'air de rien. Un type avec un tatouage de dragon sur le bras, passait l'air paniqué, en cavalant. Il me heurta. Il se retourna en voulant s'excuser. Il était tout frêle, et avait-lui même failli tomber à la flotte lors de notre collision. De plus, il était plutôt poli, l'air tout gentil. J'avais du mal à croire qu'il fusse notre hors-la-loi recherché, malgré qu'il corresponde à la description. Et je ne croyais pas aux coïncidences. Un fugitif tatoué d'un dragon qui passe au port en courant comme me l'avais indiqué Léol. Pas d'erreur possible.
- Euh.. excusez-moi monsieur, je su...*bang*
Il se prit une patate dans l'museau. Il devait se dire que j'étais fou, de cogner juste parce qu'il m'avait heurté. Il ne se doutait certainement pas que le trépané qui lui courait après depuis un petit moment déjà, c'était mon complice. Il tomba presque à l'eau. Je le ramenai sur le quai, et le retournai. Il ne devait rien se dire du tout, en fait, il était KO. Vraiment frêle, ouais. Là, mon compagnon arriva, à bout de souffle.
- Alors là ! Suffit que j'tourne le dos cinq minutes et ça y est, tu fais n'importe quoi ! Heureusement que j'suis là pour remplir notre compte en banque, hein !
- Humpf ! T'es le premier à dépenser tout ce qu'on a. Et puis, on a pas d'banque...
- J't'avais dit aussi, d'prendre une assurance contre les dommages collatéraux !
- La Marine nous donne jusqu'à 5% de la prime en plus pour nous aider à les rembourser justement. Mais bien sûr toi tu peux pas t'empêcher de nous coûter plus de 60% de la prime à chaque fois ! Forcément après, il nous reste pas grand chose !
- Ouais bah au moins moi j'l'attrape le poisson, les 40% restants c'est toujours mieux que rien, branleur !
- Toi... Mais toi...
- Pourquoi tu joues l'énervé ? C'est qui qu'a chopé Deckard, hein ?
- Et c'est qui qu'a fait 90% du taf ?
- Huhuhu. T'es pas mon soç pour rien !
- Tss. Bon, on l'ramène chez les poulets ?
- Azy, pis après on ira s'faire un petit resto.
- Non moi après j'vais m'coucher, y'en a qu'ont bossé...
- Pff, si tu savais comment j'me suis dépensé aujourd'hui !