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Au ban, au ban masqué ohé ohé

Au Ban, au ban masqué ohé ohé


1623 – North Blue – Quelque part sous le ciel

1 – Dans l’œil du cyclone.

Le ciel avait revêtu sa robe la plus sombre ainsi que sa parure d’étoiles. Brillant en son centre, la lune pleine et pâle reflétait sa blafarde lumière sur le mortel en dessous. Une âme se trouvait en effet sur un rafiot qui menaçait de finir au fond de l’eau à chaque caprice de l’océan. Un mât de fortune, une voile déchirée, un gouvernail et quelques rames : voilà tout ce qui l’a séparait de l’oubli. Seul en pleine mer, il se souvenait des instructions qui lui avaient été communiqués sur la plage tandis qu’il observait la lune sur la surface de l’onde glacé des eaux. Un voile noir obscurcit le ciel alors que son esprit vagabonda quelques instants en arrière. Il revoyait le visage inquiétant de l’instructeur en charge de l’épreuve qui était fort simple : Naviguer en eaux troubles et ce, durant deux heure sans que l’embarcation ne chavire. Ce ne fut pas une partie de plaisir, mais pour le moment cela avait été une réussite.
Conformément aux ordres reçus, il mit le feu à une torche signalant alors sa position. Une lueur dans les ténèbres ou bien encore une lanterne dans une venelle lugubre, il était à présent au moins aussi voyant. Alors que la fatigue le gagnait un bruit sourd lui parvint. Debout contre le mât, il observait de tous bords, la mine en alerte. Puis, ses yeux distinguèrent des échardes de flammes dans la nuit… Intrigué puis paniqué il comprit malheureusement trop tard ce qui se tramait lorsque son rafiot essuya des tirs de mortiers. Des trombes d’eau provoquées par la collision des boulets s’élevaient tout autour de lui. S’emparant alors des rames il observa sa torche enflammée. Voulant dans un premier temps l’éteindre, il l’attacha laborieusement à la verticale sur l’une des rames qu’il déposa lentement à la surface. Aussitôt, il s’en éloigna et lentement, mais surement, il réussit à prendre ses distances avec le repère qui, loin de servir de guide, n’était en réalité qu’une cible de premier choix qu’il vit disparaître au milieu du déluge.

A bout de souffle, couché sur le dos les yeux rivés vers le ciel noir, il saluât en souriant l’arrivée du vent qui gonflait tant bien que mal la voile déchirée. Partant à la dérive, il trouvait que pour un exercice, c’était tout de même aller trop loin. Ramenant ses bras contre son torse, il se frictionna lentement la poitrine pour garder en lui un semblant de chaleur que prenait un malin plaisir à chasser ce vent pas si salutaire que cela tout compte fait.Un malheur n’arrivant jamais seul, la forte brise prenait de plus en plus d’ampleur et de force. De véritables bourrasques soufflaient à présent au-dessus de l’immensité de North Blue.

Loin d’être à la fête, le jeune homme se remit d’aplomb sur les quelques planches que constituait le ridicule pont de son embarcation qui tenait plus du radeau que d’une barque. Gardant un semblant de lucidité, il ne put que constater sa solitude lorsque son regard n’arrivait plus à faire la distinction entre le ciel et l’océan tant il faisait sombre. L’agitation n’arrangeait rien et, impuissant devant dame nature qui se déchaînait, il n’avait alors plus le choix. S’aidant de sa ceinture, il s’attacha au mat et s’y cramponna de toutes ses forces. Chahuté comme une feuille morte dans le vent froid de l’automne, lui et son rafiot était au cœur même de la tourmente. Dans le ventre de la bête, dans l’œil du cyclone, le vent n’était plus, il était devenu tornade. Une nébuleuse violente obscure que rien n’arrête et qui souffle tout sur son passage.
Cette force engendra la colère des eaux qui se déchaînèrent à leur tour et, horrifié, la jeune recrue assista à la formation d’une vague de plusieurs mètres de haut. Malgré les bruits assourdissant au dehors, il pouvait entendre son cœur battre à s’en rompre dans son poitrail. La vague l’avala rapidement pour le plonger dans un abîme de désespoir. A cet instant, d’innombrables images déferlèrent dans son esprit à une vitesse folle puis, plus rien, le néant.
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Quels malades. Quels malades. C'est tout ce que tu peux en dire. Franchement. Une telle épreuve... C'est stupide. Totalement stupide, oui. Mais pourtant, ils l'avaient fait. Le vent soufflait par bourrasques puissantes. La nuit était déjà tombée. Les vagues étaient menaçantes. Et ils vous demandaient de naviguer dans ces conditions, chacun sur votre navire. Quelle bande de grands malades. Ou de purs génies. Tu ne sais pas vraiment. Mais en tous cas, une chose est sûre. Tu ne vas pas dire que tu t'ennuies.

Tu te rappelles de ta convocation, quelques jours auparavant. Une lettre était parvenue chez toi. Tu étais convoqué par l'administration de Galley-LA au plus vite. Mais l'écriture et la graphie de l'auteur ne pouvait te tromper. Il s'agissait encore d'eux. Non pas les hauts placés de la compagnie, mais plutôt le bureau du Cipher Pol. Tu reconnaissais cette écriture. Et tu avais donc dû te rendre dans les bureaux, où l'ont t'avais remis deux documents. Ou plutôt, on les avait laissés pour toi quelques jours auparavant. Des deux lettres, l'une t'expliquait clairement ce pour quoi tu étais convoqué. La seconde n'était que poudre aux yeux, un simple justificatif d'absence en quelque sorte. La première lettre t'annonçait que tu allais devoir subir le Ban si tu voulais devenir un véritable agent. La seconde était une lettre de convocation pour North Blue, où ils annonçaient à tes parents que tu allais devoir passer quelques temps pour parfaire ta formation de charpentier. Le tout signé d'une magnifique imitation du directeur de Galley-LA. Et c'est à partir de là que tu étais parti, embarquant sur un navire gouvernemental déguisé.

Et te voilà. Te voilà perdu au milieu des flots. Ballotté par le courant. Secoué par les flots. Haïssant et adorant ceux qui avaient eu l'idée d'une telle épreuve. Ce n'était qu'un jeu. Un jeu dangereux. Sadique. Mais un jeu malgré tout. Et tu aurais félicité sans hésiter l'esprit à la base de tout ceci. Si seulement tu n'avais pas été coincé en mer, livré à toi même, luttant pour survivre. Tu ne sais plus depuis combien de temps tu es là, à attendre la fin de cette épreuve stupide. Les sentiments déferlent en toi. L'excitation. L'attente. L'envie. Cette envie dévorante de voir ce qu'ils vous réservaient pour la suite. Tu rabats une nouvelle fois ta capuche sur ton visage. Et tu pestes contre cette épreuve idiote. Ce n'est qu'un test de volonté. Une sélection des meilleurs, de ceux qui auront le courage de rester. Les autres seront simplement éliminés ou recalés. C'est assez évident. Vous n'êtes pas venus là pour vous faire tuer par noyade plus ou moins volontaire.

Tu es confiant. Et pourtant, cela n'empêche pas ton embarcation de fortune de craquer, de se fissurer, de gémir. Cela n'empêche pas les vagues de le frapper. Cela n'empêche pas les lames de fond de s'élever. Et cela n'empêchera pas non plus cette crête gigantesque de s'abattre sur toi et ton pauvre petit bateau. Seigneur. Tu vas finir à l'eau. Probablement au même titre que tous les autres participants, mais... Mais. Rah. Tu détestes ce genre de situation. Tu n'as pas vraiment le choix mais. On t'a un peu forcé la main. Après tout si cette tempête n'avait pas été là, tout se serait très bien passé. Parce que non, ce n'est jamais de ta faute. Et parce que oui, tu es une victime. Tu n'es qu'un gamin aux yeux du monde. Un gamin qui n'aurait rien à faire là. Un pauvre enfant qui se serait trompé d'endroit. Et pourtant. Pourtant te voilà. Dans la même galère que tous les autres. Et tu pestes. Encore une fois. Encore une toute dernière fois, tant que tu en as le temps. Foutue tempête.
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2 – Seul dans le noir.

Mes yeux s’ouvrent et mon esprit s’éveille à nouveau. Il fait toujours noir. Je vois le ciel obscur, mais l’astre d’argent, lui, n’est plus visible. Le rafiot sur lequel je m’étais embarqué n’est plus. Seul reste ses quelques planches de bois brisés avec la moitié de mon corps au-dessus. A l’aide de mes jambes, je tente de me guider, mais l’océan reste agité et les remous incessant me font dévier d’un point de mire que je m’étais fixé. Je contemple avec regret le reste de mon embarcation se faire engloutir. Plus de repère, je me focalise sur mon effort, j’ai l’impression que si j’arrête de faire battre mes jambes je risque à nouveau de sombrer dans une inconscience telle que je ne me réveillerais plus. Je suis si fatigué, mon corps entier est glacé. Seul dans le noir, c’est le grondement du tonnerre et ses déflagrations de lumière qui me maintiennent éveiller alors que j’agite presque instinctivement mes jambes qui deviennent de plus en plus lourde. J’ai l’impression de me déplacer dans une mer de bras et que chaque main me tire et m’entraine à rejoindre le fond des eaux. Alors que tout à ma vue devient trouble et que mes gestes ralentissent, je ressens un poids immense sur mes paupières qui ne demandent qu’à se fermer.

Je lutte et mène une bataille sans merci contre la fatigue et le sommeil, un long et doux repos m’est proposé et là, peut être que je connaitrais enfin la paix que je recherche depuis tant d’années. Oui, je vais m’assoupir un instant, rien qu’un instant et je serais apaisé. Me laisser reposer dans un duvet de plume, où j’oublierais ce qui m’est arrivé. Plus de tourments, plus de regrets, simplement la promesse d’un monde meilleur, là où les maux n’existent pas. Un idéal de paix et de tranquillité où je l’emmènerais, elle, celle qui compte le plus pour moi. Mais où est-elle déjà ? Oui, elle est plongée dans le repos elle aussi, entre ce monde et celui d’après. Je lui ai promis de l’en sortir et voilà que je sombre moi aussi.

Quel lâche je fais ! N’avais-je pas dis que c’est moi qui amènerais la paix ? N’avais-je pas dis qu’elle ne peut exister sans la justice ? Sur mon sang qui recouvre à présent ce bois pourri, sur cette plaie que je viens de m’infliger sur le bras aussi bien pour me réveiller que pour me souvenir, je renouvèle ce serment fais à l’innocence elle-même. A ma sœur et à ceux qui souffrent comme nous avons souffert. J’ai fait le choix il y a longtemps de ne jamais abandonner. Que mon corps finisse en pièce, que mon âme se fasse engloutir par les eaux, je tiendrais bon, les yeux grand ouvert face au destin qui m’attends. Je ne mourrais pas ici, pas maintenant. La volonté qui m’habite est sans faille et c’est en elle que je trouverais l’énergie d’avancer encore et toujours et peu importe qui ou quoi se dressera sur mon chemin. Une longueur après l’autre, une respiration chassant une autre, je peux voir ma sœur courir devant moi alors qu’elle me tend la main et tout ce que j’ai à faire c’est de la prendre. A bout de souffle et à bout de force, tant qu’il me reste une once de fierté et d’orgueil, de volonté et de devoir, je continuerais.

Quelques longues minutes plus tard, Sorrento s’était échoué sur une ile. Le corps prostré contre le sable, le visage grimacé par l’effort et les ressentiments d’avoir failli abandonné, il se leva tant bien que mal, son être entier ployait sous la pression de l’averse poussé par les bourrasques d’un vent lugubre. Et là, face à l’immensité de North Blue, face aux nuages noirs qui s’étaient amoncelés dans le ciel, face à son reflet troublé par les eaux il criât sa détermination sans fin, il criât pour qu’on l’écoute, il criât pour se redonner vie et courage.

Même seul dans le noir, je survivrais !
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3 – Contre moi

Le corps faible et l’esprit embrumé, je restais statique sur la plage avec le seul son du relent incessant des vagues pour me tenir compagnie. Je brulais littéralement sous les rayons meurtriers du soleil qui avait chassé à lui seul le mauvais temps qui régnait la veille. Quel ironie de le voir si puissant à présent que je suis sur la terre ferme, moi qui avait tant besoin de lui en pleine mer… Passons. Je me relève pour ne pas frire sur le sable chaud à l’instar des galets et je m’avance lentement jusqu’au littoral. La mer caresse mes pieds nus alors que je ne me pose même pas la question de savoir où sont passés mes chaussures. La tenue humide, froissé et décousu, la fatigue pétrissant tout mon corps, je devais faire peine à voir. Peu importe, ici au moins il n’y aurait personne pour me voir dans un tel état de négligence. Sur le rivage, les eaux avaient repoussés nombres de débris et j’avais pu mettre la main sur un long bâton en bois reconverti pour l’occasion en bâton de pèlerin.

Alors que je vagabondais comme un vieillard, mes yeux s’agitaient comme ceux d’un enfant curieux. Ce bout d’ile n’était composé que d’un large littoral et d’une clairière qui menait jusqu’à la paroi d’un mont escarpé qui semblait bien trop loin et imposant pour être entamé par un être physiquement diminué pour l’heure. Après avoir songé aux dernières heures qui venaient de s’écouler, mes pieds s’enlisaient dans le sable à mesure où la fatigue et la faim amenuisaient chacun de mes déplacements.

Je me demandais comment j’allais m’y prendre pour quitter cet endroit alors que je repensais à tout le mal que j’avais eu à le gagner. Et tandis que mes yeux se perdaient sur l’immensité du rivage, une surface luisante brillait sur le sol et attira tout à coup mon regard. En m’approchant, j’ai pu distinguer une silhouette qui se détacha lentement du sol sur lequel elle campait pour s’approcher vivement de cette même lumière sur laquelle j’avais posé mon dévolu un instant auparavant. D’un bond, elle se jeta en avant vers l’objet de sa convoitise tandis que même dans mon état j’en fus tout autant. Nos pas sur le sol levaient une quantité non négligeable de sable sur lequel nous avions tout deux du mal à tenir debout et après une lutte de tous les instants, c’est moi qui arrachai les deux objets du sol.
Avant même de poser le regard sur ce que j’avais attrapé, je regardais cette silhouette devenu plus que distincte sous l’astre du jour. Il s’agissait d’un jeune homme qui avait plus ou moins la même allure que moi si ce n’est qu’il portait un masque aux arabesques étranges. Le même masque que je venais de cueillir sur le sol il y a quelques secondes. Tandis que mes doigts parcouraient les rainures de celui-ci, je fis comme mon opposant en le plaçant sur mon visage.

A cet instant, lui sortit un filet qu’il faisait tourner au-dessus de sa tête comme s’il s’apprêtait à me le lancer. Sans même y faire attention j’avais placé dans ma main le second objet ramassé, un coutela. Armé de cet objet tranchant dans une main et de mon bâton de pèlerin dans l’autre, je faisais à présent face à un ennemi contre lequel je n’avais aucun grief, mais qui étais pourtant bien décidé à mettre la main sur mon coutela. Dans un pareil contexte, il était plus qu’évident qu’ô grand jamais je ne l’aurais cédé sous aucun prétexte, c’était même une devise de ma formation : Profiter de la plus infime des occasions pour prendre l’avantage et l’ascendant sur autrui.

Alors, l’un comme l’autre nous esquissions des pas sur le sable en vue de déstabiliser l’adversaire et tandis que j’avais maladroitement glissé sur ce sol, j’avais pu voir le filet être lancé droit sur moi. A peine jeté, mon ennemi du jour s’était empressé de venir me cueillir comme une fleur lorsque je me retrouverais empêtré dans ce même filet. Bien loin de céder à la panique, mon bâton chassa sur le côté le filet tandis que mon coutela en avant pénétrait la chaire de mon assaillant qui n’avait pas anticipé une pareille manœuvre. Après tout, lui non plus ne devait pas être dans une forme extraordinaire d’après son état. Le voilà à présent qui hantait le sol, une main posé sur sa plaie pour en contenir le sang qui s’y échappait à grand flot.

J’avais pris une grande respiration en le voyant dans un tel état, cela aurait pu être pire, cela aurait pu être moi. Chassant ces quelques idées de ma tête, je me relevais difficilement avant de m’éloigner de ma victime. Puis, sans même savoir pourquoi, j’avais finalement fait demi-tour pour venir presser de toutes mes forces sur la plaie. Un timide merci avait franchi les lèvres de celui dont l’identité était encore tapie sous le masque. Lui retirant alors sans qu’il proteste, je fus foudroyé de voir qu’il s’agissait de l’un de mes camarades. Nous avions entamé cet exercice ensemble et avec d’autres. Qu’est ce qui lui avait pris de m’attaquer de la sorte ?
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4 – Fuite en avant.

Le soleil disparaissait au loin. J’avais endigué son hémorragie du mieux que je le pouvais et lorsqu’il fut capable de marcher, nous nous sommes retirés en un lieu moins exposé. J’avais attaché ce dernier au tronc d’un palmier puis, lentement, je m’étais positionné devant lui. Il avait tenté de me tuer, c’était un fait. Ajouté à cela ce qui s’était passé au large et j’obtenais un début d’histoire à laquelle je ne comprenais rien encore. Il était retombé dans les vapes, malheur, alors que je souhaitais l’interroger.  Voyant le bien dans le mal, j’en avais alors profité pour le fouiller. Un den-den mushi, une carte et une boussole… Aucun de nous n’avais été aussi largement fourni. Je ne savais pas d’où il tenait ces objets, mais une chose était sûr, ça ne venait pas du briefing de cette épreuve.

Je me relevais à présent en vue de faire quelques pas pour me détendre. Non, à dire vrai, je voulais surtout m’assurer que personne ne nous avais suivi. C’était à présent un conditionnement des plus naturels que cette façon que j’avais de tout analyser sans le moindre effort. Certes, je n’étais pas infaillible, mais je réalisais en ce moment combien les entrainements du gouvernement avaient changé radicalement la perception que j’avais de mon environnement ainsi que ma vitesse d’adaptation aux pires situations.

Et celle-ci semblait en être une. Mon esprit refusait de construire un lien logique entre les éléments qu’il avait en sa possession. J’étais bien trop fatigué, j’avais bien trop faim pour échafauder la moindre hypothèse. Mes pas me poussaient à m’éloigner de mon otage, à fuir, mais pour aller où ? Il n’y avait pas d’échappatoire, pas de moyen à ma connaissance pour quitter ce lieu de perdition. J’étais également seul et affaibli, si d’autres comme lui me tombaient dessus à l’heure actuelle, je ne saurais comment les repousser. Mes doutes et mes peurs m’envahissaient jusqu’à plonger mon cœur dans la solitude la plus complète. Puis, je repensais à ma promesse sur la plage, à la parole donnée à celle que j’aimais par-dessus tout. Non, je n’allais définitivement pas me laisser avoir ici, pas question de crever au milieu de nulle part. J’allais survivre, j’allais m’en sortir et mon salut commençait déjà par faire la lumière sur ce pseudo camarade, cet Andy.

Me voici revenu vers mon campement de fortune, là où j’avais laissé Andy. En une demi-seconde à peine, je m’étais jeté à terre, car des voix me parvenaient. Je rampais sur le sol en m’orientant grâce au bruit qu’ils faisaient. Là, je découvris Andy, libéré de sa cordelette.  Il discutait avec deux personnages. L’un était chétif, laid et semblait à l’aise avec les couteaux qu’il tenait entre les doigts. L’autre était une véritable muraille, un homme poisson à la tête de poulpe et au sabre géant.

Alors alors Andy, tu ne devais pas t’en prendre aux petits académiciens ? T’as merdé alors que ce ne sont même pas des apprentis, rien que du menu fretin.

La ferme la fouine et arrête de m’appeler Andy, j’ai horreur de ce nom d’emprunt, appelle moi Joe ! Quant à ce Sorrento je vais me le faire. Je vous avais prévenu qu’il y avait des talents dans le lot.

Silence tous les deux ! Ils sont quelques uns à avoir réussi à gagner cette ile. On va se les faire avant qu’ils ne rejoignent les rangs du Cipher pol parce qu’une fois-là, on pourra plus les atteindre aussi facilement. N’oublions pas que nous faisons ce que nous faisons pour vivre de meilleurs lendemain, ce monde a après tout besoin d’un renouveau, besoin d’une révolution !

Le mot était lâché et pour moi il était temps de m’esquiver pour ne pas me faire repérer. Ils étaient trois, ils pourraient aisément être bien plus. Après avoir mis une certaine distance entre moi et eux, j’avais continué à les épier en silence. Ils venaient de refiler une arme à Andy, enfin à Joe. Après quoi ils ont fait mine de l’attacher à nouveau au palmier l’air de rien. Finalement ils avaient effacé leurs traces des lieux. Pendant environ dix minutes je les avais suivis. Je voulais être sûr et certain qu’ils n’allaient pas faire demi-tour et qu’ils laisseraient à Joe le soin de mon cas. Une fois cette certitude à l’esprit, je m’en retournais à vive allure. Malgré mon état, mes jambes avalaient la distance en un rien de temps tandis que mes bras eux, chassaient le feuillage des arbustes qui composaient la lisière de ces bois et dire qu’à mon arrivée je n’avais vu qu’une clairière, je devais vraiment être dans un sale état. Me voici approchant de ma proie alors que lui se pensait chasseur.

Là aussi vivement que possible, je l’avais attaqué sans crier gare. Mon talon allant se figer sur la blessure que je lui avais causé une heure auparavant. S’en suivi ensuite un violent plat de la main au niveau des cervicales et avant même qu’il n’est pu toucher à son arme, il était parti faire des rêves lointains. La nuit s’annonçait froid, son sang coulait sur le sol à grosse goutte. J’avais de sérieux doutes qu’il ne revienne à lui, mais ce n’était plus mon affaire. La pitié est une faiblesse que mes ennemis ne partagent pas. On n’a cessé de me rabattre les oreilles avec cette rengaine… Et tant mieux. Le filet sur le dos, le coutelas en main et le pistolet de Joe dans le dos. J’étais prêt à les affronter avec toutefois la peur au ventre.
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