- Une carotte ?
- La mer ?
- Heu, je passe...
- Non, non, une éclipse !
- Le bien et le mal ?
Ils se tournèrent tous vers le dernier soldat. Igniss lui même arrêta ses gestes pour dessiner un air d'incompréhension mêlé d'une certaine surprise sur son visage. Remarquant que les regards se portaient soudainement sur lui, le soldat commença par être gêné. Puis, dans un second temps, il marmonna un semblant de réponse. Si cette réaction peut facilement être associée à la première, il finit par en réussir une troisième. Une étonnante association de gestes et paroles.
- Bah oui, il bouge le petit doigt un peu comme ça, alors ça pourrait représenter tout ce qui est vers la gauche, alors que la main gauche qui fait un espèce de tour, là j'arrive pas aussi bien à le faire, mais en gros c'est tout ce qu'on peut aimer et
Igniss "Cold'z" Larss s'éloigna des quatre hommes, sans pour autant oublier de se masser lentement les tempes. Il s'approcha de la fenêtre, espérant que regarder les ouvriers à l'oeuvre le réconforterait. Si le sous-amiral préférait la bonne vieille débrouillardise humaine à la technologie, il avait toujours apprécié cet aspect de la section scientifique. L'efficacité presque surnaturelle avec laquelle le Gouvernement pouvait s'organiser, gérer une montagne de soldats et travailleurs pour former quelque chose de nouveau. Dans ce cas là une montagne littérale. Si on peut remettre en question la force de frappe militaire de la Marine, il serait de mauvaise foi d'ignorer sa capacité d'organisation. Réunir depuis tous les océans de quoi défendre l'un des endroits les plus visités par la piraterie, sans pour autant ralentir l'avancée du chantier, c'est digne digne de respect. Ainsi devant ce grandiose spectacle, Igniss se demandait pourquoi on lui avait refilé les quatre seuls soldats incapables de comprendre un ordre simple. Et qu'on ne vienne par lui dire que c'est sa faute. Si les marines ne savent même pas que lever le doigt -répétitivement et en essayant avec les deux mains parce qu'ils ne pigent toujours pas- veut dire "premier mot", il est temps d'instaurer un cours de charades à l'académie.
L'officier en arriva à se demander s'il ne ferait pas mieux de descendre directement de son bureau pour chercher lui même quelqu'un qui pourrait l'écouter. C'est rare lorsque l'on ne parle pas. Finalement il se tourna, se déplaçant rapidement vers le seul meuble dans la pièce. Le bâtiment étant toujours en construction, on avait pas encore pris le temps de tout décorer. Ainsi le sous-amiral devait se contenter d'une table basse et un tabouret en guise de bureau. Pendant un instant il contempla l'idée qui venait d'apparaître. Donner l'ordre par écrit. Le stylo en main, le chauve essaya d'écrire "Je". Il lui semblait bien qu'un "z" n'avait pas sa place dans le mot mais fut bien incapable de trouver une alternative. Larss essaya plusieurs fois de reformuler, sans jamais dépasser le deuxième mot. Sans se laisser abattre -et en avalant une tasse de café laissée sur le meuble quelques minutes plus tôt- celui qui s'occupait de la nouvelle base s'approcha à nouveau des marines. Ces derniers ne savaient plus vraiment où se mettre. Ils voyaient bien que c'était leur faute, que malgré toute la bonne volonté du monde, ils échouaient. Mais savoir n'est pas toujours la solution. Ainsi lorsque leur supérieur tenta à nouveau, les soldats reprirent leur courage et esprit pour y aller à fond.
- Premier mot ?
S'il est possible de symboliser dans un regard et en pointant quelqu'un du doigt un acquiescement, c'est ce que fit Igniss.
- YES ! S'écria le jeune homme avant de claquer sa main dans celle du marine le plus proche.
- Alors... première syllabe ? Oui, donc, un petit chat ? Une marmotte ? La mouette ? Ernest... heu...
- Un rat ?
- C'est ça ! Deuxième syllabe, manteau ?
- Vêtement ? Non c'est en rapport avec le manteau c'est peut-être, la poche ou... rouge !
- Rarouge ? J'suis pas certain que ça soit un mot.
- Non c'est pas ça, c'est en rapport avec le rouge. Pomme ? Tomate ? Sang ?
- Rassang, donc. Troisième syllabe !
Ce fut une longue matinée. Ce fut de nombreux cafés. Il n'y avait que quatre mots. Quand finalement les hommes arrivèrent au dernier mot, on décida de s'activer, certainement pour compenser la honte d'avoir mis tant de temps à deviner "soldat". Et surtout d'avoir proposé "Rassemblez les nouveaux pingouins" avant. Ils tentaient ainsi d'être le plus efficace et rapide possible. Igniss de son côté se préparait. Il devrait bientôt accueillir les marines fraîchement arrivés sur la base pour leur donner les tâches. Mais plus important, le sous-amiral devait les écrire sans utiliser de "s" ou "j".
[Projet N] Charades
Pénélope attendait, et Dieu savait que ce n’était pas son domaine de prédilection. Elle avait emprunté pour l’occasion l’identité d’un lieutenant disparu qui lui ressemblait étrangement. Évidemment, le fait qu'elle ait elle-même créé son fichier aidait un peu. Ses cheveux courts et nouvellement teints en noir la rendaient méconnaissable. Seule son expression renfrognée dévoilait son secret lorsqu’elle se laissait aller dans ce couloir en bois absolument désert.
Après son arrivée sur Drum, elle avait rapidement rejoint les maigres troupes qui partaient de cette île ravagée. Elle venait d’apprendre la mort du Fenyang et n’avait plus rien à foutre de concret sur le Léviathan. De l’histoire ancienne, reléguée aux oubliettes. La mort de son amie la taraudait et son souvenir crevait la surface de ses réflexions quand son esprit divaguait. Elle n’avait plus entendu de nouvelles d’Équerre depuis des jours et en était résolument satisfaite. En réalité, elle avait grand besoin de solitude afin de raffermir sa volonté de changer du tout au tout. En effet, elle comptait sur cette mission pour être promue assez haut pour trouver la porte de sortie elle-même, moyen comme un autre de se faire lourder. Il n’y avait pas d’autres moyens de quitter le service du Cipher Pol.
Elle prenait alors son mal en patience, et vu que sa patience s’effritait toujours aussi rapidement, elle tenait mal le coup. Sa fébrilité à l’approche de la zone de combat et son inactivité forcée de ses derniers jours la portaient sur les nerfs. Comment aurait-elle pu faire des passes sans révéler à ceux qu’elle observait incognito ses capacités ? Elle ne devait pas en prendre le risque, un unique réflexe mal avisé pouvait la découvrir. Elle se contenta durant tout le trajet de se familiariser avec le fluide, capacité erratique qui apparaissait forte et accessible pour devenir sans raison apparente hors de portée. Elle maîtrisait peu à peu son pouvoir, cela dit, elle savait qu’il lui fallait l’éprouver en situation réelle pour imprimer ses impressions dans ses muscles et ses nerfs.
Elle passa sa main devant son visage pour replacer une mèche passant devant ses yeux. Depuis qu’elle avait coupé ses cheveux, ceux-ci l’emmerdaient régulièrement et se foutant devant sa trogne. Il ne faudrait pas qu’elle se laisse entuber pendant un affrontement. Même si elle se trouvait moche avec un chignon à la con, elle ne transigea pas et, avec une moue irritée, elle poussa violemment la porte du sous-amiral pour lui souffler dans les bronches :
« Bon, les branleurs, faut vous tâcher de vous magner l’cul, maintenant. C’est pas en s’touchant la nouille que vous allez faire avancer l’schmilblick. »
Elle provoqua la stupéfaction chez des marins qui prenaient un repas. L’un deux fit tomber sa bectance sur son uniforme en reprenant en canon son langage de charretière.
« Putain de pute ! T’es qui toi, putain, merde ? »
Excellente question ; elle était qui déjà ?
« Lieutenant, Kassajack »
C’est bien, Kassajack, elle l’avait trouvé un jour comme ça. Il lui évoquait la migraine du pauvre type qui allait se faire chier à en trouver l’orthographe. Les gars qu’elle avait interrompus n’étaient pas ceux qu’elle cherchait. Encore une chance.
« - Casse-toi, Lieutenant mon cul. Va rejoindre des tafioles de la marine bande-mou.
- T’exagères, Rick, comme toujours.
- T’as vu comment elle nous cause ?
- On s’excuse pas, vous non plus. Veuillez avoir l’amabilité de nous foutre la paix. »
Elle nota leur faciès juste pour les gardes en tête et alla au fond du couloir vérifier l’étage et se tapa le front quand elle s’aperçut qu’elle s’était gourée non pas d’un, mais de deux étages. Peu lui importait, on l’aborda. Et ce on désignait un petit jeune con à peine pubère qui lui dit :
« - Lieutenant Kaaack ?
- Six vertes et trois rouges.
- Pardon ?
- Laisse tomber. Qu’est-ce que tu m’veux, petit ?
- Le sous-amiral vous attend ici.
- Ici, où ?
- Là, à cet étage, dans cette salle.
- D’accord.
- Puis-je disposer ?
- Dispose, oui. »
Après un salut aussi raide que maladroit, le petit jeune con fila et elle se rendit là-bas, à cet étage, dans cette salle et en poussa la porte. Elle allait jouer son personnage de Lieutenant de la marine régulière grossière et mal élevée, aussi bien pour son plaisir que pour garder sa couverture.
Après son arrivée sur Drum, elle avait rapidement rejoint les maigres troupes qui partaient de cette île ravagée. Elle venait d’apprendre la mort du Fenyang et n’avait plus rien à foutre de concret sur le Léviathan. De l’histoire ancienne, reléguée aux oubliettes. La mort de son amie la taraudait et son souvenir crevait la surface de ses réflexions quand son esprit divaguait. Elle n’avait plus entendu de nouvelles d’Équerre depuis des jours et en était résolument satisfaite. En réalité, elle avait grand besoin de solitude afin de raffermir sa volonté de changer du tout au tout. En effet, elle comptait sur cette mission pour être promue assez haut pour trouver la porte de sortie elle-même, moyen comme un autre de se faire lourder. Il n’y avait pas d’autres moyens de quitter le service du Cipher Pol.
Elle prenait alors son mal en patience, et vu que sa patience s’effritait toujours aussi rapidement, elle tenait mal le coup. Sa fébrilité à l’approche de la zone de combat et son inactivité forcée de ses derniers jours la portaient sur les nerfs. Comment aurait-elle pu faire des passes sans révéler à ceux qu’elle observait incognito ses capacités ? Elle ne devait pas en prendre le risque, un unique réflexe mal avisé pouvait la découvrir. Elle se contenta durant tout le trajet de se familiariser avec le fluide, capacité erratique qui apparaissait forte et accessible pour devenir sans raison apparente hors de portée. Elle maîtrisait peu à peu son pouvoir, cela dit, elle savait qu’il lui fallait l’éprouver en situation réelle pour imprimer ses impressions dans ses muscles et ses nerfs.
Elle passa sa main devant son visage pour replacer une mèche passant devant ses yeux. Depuis qu’elle avait coupé ses cheveux, ceux-ci l’emmerdaient régulièrement et se foutant devant sa trogne. Il ne faudrait pas qu’elle se laisse entuber pendant un affrontement. Même si elle se trouvait moche avec un chignon à la con, elle ne transigea pas et, avec une moue irritée, elle poussa violemment la porte du sous-amiral pour lui souffler dans les bronches :
« Bon, les branleurs, faut vous tâcher de vous magner l’cul, maintenant. C’est pas en s’touchant la nouille que vous allez faire avancer l’schmilblick. »
Elle provoqua la stupéfaction chez des marins qui prenaient un repas. L’un deux fit tomber sa bectance sur son uniforme en reprenant en canon son langage de charretière.
« Putain de pute ! T’es qui toi, putain, merde ? »
Excellente question ; elle était qui déjà ?
« Lieutenant, Kassajack »
C’est bien, Kassajack, elle l’avait trouvé un jour comme ça. Il lui évoquait la migraine du pauvre type qui allait se faire chier à en trouver l’orthographe. Les gars qu’elle avait interrompus n’étaient pas ceux qu’elle cherchait. Encore une chance.
« - Casse-toi, Lieutenant mon cul. Va rejoindre des tafioles de la marine bande-mou.
- T’exagères, Rick, comme toujours.
- T’as vu comment elle nous cause ?
- On s’excuse pas, vous non plus. Veuillez avoir l’amabilité de nous foutre la paix. »
Elle nota leur faciès juste pour les gardes en tête et alla au fond du couloir vérifier l’étage et se tapa le front quand elle s’aperçut qu’elle s’était gourée non pas d’un, mais de deux étages. Peu lui importait, on l’aborda. Et ce on désignait un petit jeune con à peine pubère qui lui dit :
« - Lieutenant Kaaack ?
- Six vertes et trois rouges.
- Pardon ?
- Laisse tomber. Qu’est-ce que tu m’veux, petit ?
- Le sous-amiral vous attend ici.
- Ici, où ?
- Là, à cet étage, dans cette salle.
- D’accord.
- Puis-je disposer ?
- Dispose, oui. »
Après un salut aussi raide que maladroit, le petit jeune con fila et elle se rendit là-bas, à cet étage, dans cette salle et en poussa la porte. Elle allait jouer son personnage de Lieutenant de la marine régulière grossière et mal élevée, aussi bien pour son plaisir que pour garder sa couverture.
Le projet N.
Une barrière infranchissable ou presque sur Reverse Mountain. Quelque chose avait dû arriver au préalable et ce qui fut toléré jusqu’alors ne l’était plus désormais. Je ne connaissais pas le pourquoi fondamentale qui avait conduit à un tel dispositif et à dire vrai je n’en avais que faire. Tout ce qui comptait c’est que des mesures avaient été prises pour endiguer autant que faire se peut la piraterie et cela m’allait parfaitement.
Un costume, celui des sbires, m’habillait totalement. Des lunettes sombres et un chapeau, un bandana pour tenir mes cheveux à leur place et cacher un peu plus mon identité, voilà qui devait faire l’affaire. J’avais demandé d’opérer auprès du sous amiral. En effet, il y a quelques mois, j’avais réalisé une opération pour lui et après avoir eu quelques informations à son sujet, je dois bien avouer qu’il a su gagner ma sympathie. C’est un personnage entier, dur un peu comme le colonel. Rester à ses côtés et le protéger le cas échéant, voilà ce que je devais avoir en tête. Ça et bien évidemment endiguer la menace qui n’allait pas tarder de poindre à l’horizon.
Cependant le gouvernement mondial n’était pas dupe et des prérogatives en conséquence furent prises. Des mines sous-marines furent disséminées çà et là et gageons qu’avec une pareille puissance de feu, les pirates n’avaient alors qu’à bien se tenir. Par den-den Mushi je restais en contact avec différents agents sur place. Certains avaient même pris le parti de se déguiser en marin, pourquoi pas. L’épée au côté, une gabardine aussi sombre que le costume que je portais, je passais en revue les différents points du dispositif allant même jusqu’à surveiller les différents marins sur place. Certes, ce n’était pas ma prérogative, mais comme une deuxième nature chez moi. Oui, peut-être que les pirates avaient placés des taupes dans certains contingent, moi c’est ce que j’aurais fait si j’avais été l’un d’eux, l’un de ces pirates d’envergure pour qui les mots lois et justice ne représentent rien.
Une fois mon tour de garde terminé et avant d’entamer le suivant je regagnais lentement les quartiers du sous amiral pour y attendre le début des opérations. En chemin, je tentais de faire le vide dans mon esprit. Je trépignais d’impatience, j’avais chaud, j’avais froid et j’en étais même venu à douter. Non, je devais me calmer, reprendre calmement mes esprits, car c’est à cela que je fus préparé toute ma vie durant et c’était pour livrer de pareille bataille que j’avais mon choix il y a longtemps désormais. Réajustant ma cravate et mon chapeau, j’étais arrivé. Le sablier du temps égrainait lentement les secondes qui nous séparait d’un possible ou sinon probable affrontement avec l’ennemi.