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Incidences diplomatiques

J'ai souvent eu l'impression de pas être à ma place dans le monde. D'avoir quelque chose de trop différent de mes congénères, une sensibilité malvenue aux yeux de ma race. Et... à côté, de clairement pas pouvoir me fondre aux humains sans inspirer peur et mépris, bien sûr. Pour la simple raison que j'ai des grandes dents et des branchies. J'ai pas le physique de l'humain, j'ai pas le mental de l'homme-poisson. Pour résumer grossièrement, j'suis celui qui aura perpétuellement rien à foutre là. C'est quelque chose qui me lâchera jamais. Tout comme cette conviction que j'trouverai jamais ma place nulle part, et que le monde se fout constamment de ma gueule. Que le destin a trouvé en moi son bouc-émissaire des mauvaises journées, celui qui passera son temps à naviguer d'ironies en ironies sans jamais pouvoir tenter de prendre sa vie à contre-courant.

Aujourd'hui, le destin doit encore s'en payer une bonne tranche. J'suis p'tete parano, mais non, quoi. Y a vraiment quelqu'un là-haut qui aime me caser dans ce genre de situations.

Ils ont monté une équipe de diplomates pour négocier une implantation mineure de la marine dans les environs de Zaun, un repère d'anarchistes timbrés. En gros. C'est ce que j'ai retenu, en gros, du briefing de l'équipe. L'équipe, tous des gens avec de la verve, du charisme, de la prestance, un zeste de psychologie et experts de la poudre aux yeux. Des communicants, qui croient en leurs mensonges, qui réussissent, d'une certaine façon, à vendre un avenir meilleur aux côtés d'un gouvernement élitiste, hypocrite et barge.
Moi au milieu. L'homme-requin puant et muet au milieu de tout ces beaux gens qui vendent du rêve. Mmmh. Ma série noire ne s'arrêtera jamais.

Le port de Zaun. On attend ceux qui sont censés nous accueillir et nous amener devant le tyran local. J'pense pas qu'ils vont venir. Ça sentait dès le début le plan foireux, leur truc. Mais j'ai pas gueulé une seule fois, pour pas les vexer. Enfin, ils sont vachement dans leurs trips. J'sais pas s'ils font semblant ou quoi, mais on dirait qu'ils sont certains que notre fine équipe fera avancer les choses auprès de ces types obsédés par la liberté et la compétition. Un enfer pour moi, au passage, moi qui, avec trop de liberté, me perd en détours inutiles et dans la peur de mal faire, et, avec trop de compétition, me laisse écraser par tout ce qui a réussi à trouver le coeur tout mou derrière la carapace du prédateur marin.

J'me tourne vers mon voisin... Un vieux barbu. J'crois que c'est un commandant vétéran. Un type cool. Mais collant. Mon supérieur direct dans la base de West. Et dans les entraînements, j'crois qu'il a finit par s'attacher à moi, comme il s'est lié au reste du régiment. Comme on s'attacherait à des animaux de compagnie mignons, j'suppose. P'tain, si ça c'est pas de la comparaison décalée. Non. J'pense plutôt qu'il m'a pris en pitié parce qu'il a peur que j'me sois pas bien intégré parmi ses subordonnés chéris. J'déteste ça. J'demande jamais rien d'autre que la tranquillité, moi. Il me traite comme un gosse qui traîne en solo dans la cour de récré, ces mômes inquiétants qui tripent tout seul dans leur coin, qui s'font pas d'amis et que personne n'arrive à sortir de leur mutisme... Hum, c'est ce que j'étais avant, certes.

Le commandant disait que ce serait... enrichissant pour moi de venir avec sa bande. Une genre de sortie pédagogique en milieu extrême. Voir comment survivent des diplomates chez des anarchistes. Hmm.

'pouvez me rappeler ce que j'fais là ? J'serai un vrai boulet, vous le savez.
Mais non. Je vois que vous avez fait un effort sur votre hygiène, comme je vous l'ai demandé. C'est bien. Vous vous êtes même coiffé !
C'est votre copine, là, qui l'a fait avant de partir.
Oh, Lucienne ? Je vous l'ai présenté, c'est notre agent de liaison. Et vous ? Pas trop le trac ? Vous avez appris votre texte par coeur ?
Le truc sur la paix, l'harmonie entre les peuples et l'amour ? Ouais. J'le connais bien. Vous savez ce que vous faites. Choisir un homme-poisson pour déblatérer ces conner...
Effectivement, vous servirez indirectement l'image de la marine. Il s'agit de montrer qu'elle est bien plus ouverte aux autres races et aux autres cultures qu'antan. Vous êtes une espèce rare, un homme-poisson dans la marine. Il s'agit de mettre en avant votre singularité, leur démontrer que tout est possible. Que malgré les différents entre votre race et le gouvernement, il y a quelques îlots d'entente qui ont fini par émerger, peu à peu, comme autant d'endroits fragiles à entretenir, à étendre, afin d'y construire, plus tard, les fondations d'une paix solide et durable.
Ok.
Le noeud papillon vous va à ravir !
J'trouve pas.

C'moche. J'me sens con. Personne fait attention à nous. Ouais, j'me sens très gêné. Parce que d'un sens, ce genre de mission, ça aurait pu me plaire. J'veux dire, apporter la stabilité, ranger un peu le désordre du monde, construire un avenir joli et souriant, c'est un peu ce qui m'faisait rêver dans la marine à la base. Entre autres. Mais comme d'hab, ces rêves sont à sens unique. J'suis encore la bonne poire de service. Mais ! Cette fois, j'suis pas seul, on est tout un poirier.

Bon... Ils ne viendront pas. Allons au palais du gouverneur...

Tout le monde acquiesce, même moi, dans un malheureux réflexe. C'est que j'bous d'envie de lancer un "C'est quand qu'on rentre ?", mais tout compte fait, j'préfére me faire discret et attendre que l'équipe rentre dans un mur de Rien à foutres et décide de se casser d'elle-même. Je reste à l'arrière de la troupe, qui avance en ville. Sous les regards défiants des autochtones. J'me cache derrière ces gens bien vêtus et présentables. Mais j'fais tâche, j'ressors du décor, faut pas se mentir. J'suis l'éternel intrus.


Dernière édition par Craig Kamina le Sam 31 Mai 2014 - 9:53, édité 1 fois
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Plus qu’un an à passer sur cette île misérable. Le vieux Trefle m’avait conseillé d’encore rester pour m’entraîner si je souhaitai survivre dans le monde extérieur. Mais le milieu le plus hostile pour moi, c’est clairement ici. Toutes ces vapeurs auxquelles je n’ai jamais pu m’habituer continuent de m’irriter à chaque inspiration. L’habitude devient lassante, trop lassante. Frapper un arbre avec un bâton et courir si longtemps que je connai la position de chaque brin d’herbe comme s’il faisait partie d’une collection que j’aurai mis une vie à acquérir. Ma vue se perd dans l’obscurité des cimes qui flanchent sous la pression du gaz sans céder.

C’est triste comme ma vie peut être ennuyante. Clairement. Mais un jour, ce ne sera plus un rêve que de voguer par-delà l’horizon et devenir une légende. Montrer que cette fatalité idiote de la vie n’est qu’une connerie. Je leur montrerai à tous, héhé.

Une toux. Je serre mon poing si fort que mes ongles transpercent presque ma paume. Accompagné d’un mouvement de hanche, je frappe avec autant de puissance que possible l’énorme tronc qui me fait face. Un grincement, des éclats d’écorce volent et je constate les dégâts. Ce n’est plus qu’une question de temps maintenant. Ce temps qui coûte si cher.

Mon ventre gargouille.

Il n’y a pas que le temps qui coûte cher, la bouffe, c’est assez expansif aussi. Ça fait combien de temps que j’ai pas touché à de la viande moi ? Bien trop. J’en peux plus des racines indigestes et du pain ranci, je dois absolument manger quelque chose de bon pour mon système cérébral. Peu importe les recommandations du vieux, aujourd’hui, je sortirai.



La ville, c’est un labyrinthe vicieux. Sauf qu’à force de s’y perdre, on finit par s’y retrouver. C’est le poison qui vous tue, pas la blessure. Evidemment, de la viande, j’aurais jamais assez d’argent pour en acheter mais peu importe. J’enchaîne les ruelles vides et discrètes et réfléchis pour trouver l’endroit adéquat pour commettre mon méfait. Un restaurant ou un truc comme ça.

Personne ne vient jamais ici, personne…

- Je crois qu’on est définitivement perdus.

Une petite voix qui résonne. Étrange. J’accélère le rythme. Peut-être qu’ils sont là pour moi ? Ou je suis tout simplement au mauvais endroit au mauvais moment. C'est pas dans les habitudes du gouvernement de faire régner l'ordre et la sécurité mais on sait jamais. Je suis vraiment pas en sécurité ici. Un petit regard en arrière et…

BAM !

...je me cogne le nez contre un truc rigide et je tombe à la renverse.

- Outch…
- Tu ne t’es pas fait mal ?
- Hm… Non. Lancé-je pour garder la classe même si je venais presque de me faire humilier.

Me redressant tranquillement, je scrute rapidement à qui j’ai à faire. Quelques gars habillés avec classe comme on n’en voit pas souvent dans les environs. Enfin, on est sur Zaun, ça fait bien longtemps que ce genre de chose ne m’étonne plus.
Quelques secondes de réflexion intense. J’avale goulument ma salive. Si je ne me trompe pas, c’est sûrement des types important pour se fringuer comme ça. Et s’ils étaient de la police ou un truc dans le genre ? Comment ils m’ont trouvé ? Arh, trop de questions compliquées, je ferai peut-être bien de leur demander directement. Mais je sais pertinemment que si j'en venais à prendre la parole je serai pas crédible face à des mecs comme ça. Et merde.
Un deuxième passage rapide du regard sur mes nouvelles rencontres. Celui à qui je me suis cogné est… C’est trop tentant.

- T’es bien habillé mais t’as vraiment une gueule bizarre… Vous êtes qui ?
- J’savais qu’ça finirai comme ça, c’est toujours la même chose.
- Du calme, cet individu ne me semble pas être ici par hasard.
- Hein ?
- Nous sommes des officiers au service du gouvernement mondial venu en paix sur cette île pour négocier avec le gouverneur local. Auriez-vous des informations à son sujet ? Où pourrions-nous le trouver ?

Je comprends pas trop où il veut en venir mais… Des officiers ? Merde, merde, merde. Je suis recherché moi, un hors-la-loi, faut pas que je me fasse remarquer par des mecs pareils. C’est qu’une question de secondes avant qu’ils me démasquent vu comme ils m’ont l’air intelligent. Et ce gars avec la tête bizarre a vraiment pas l’air sympa, il faut que je trouve un truc, il faut que je trouve un truc…

- Hum, je suis… Au service du tyran.

C’est vrai ! On avait réfléchi à une stratégie si un jour on se faisait prendre avec Rensu, je m’en souviens comme si c’était hier. Facile de se faire passer pour n’importe qui sur cette île, alors si jamais on rencontrait des mecs qui nous voulaient du mal, il suffisait de dire qu’on était au service du tyran et plus personne n’oserait faire quoi que ce soit. Le stratagème est parfait, ils n’auront pas le temps de comprendre la supercherie que j’aurai déjà déguerpi.

- Mais… Mais c’est parfait, vous êtes exactement la personne que nous cherchions !

C’est une blague ? Les apparences ne sont pas trompeuses, ils sont en effet très intelligents. Ils tentent d’utiliser ma couverture pour profiter de moi mais je suis sûr qu’ils sont déjà prêts à agir. Vous ne m’aurez pas !

- Ah…

Un faux sourire conciliateur en coin, je tourne les talons et m’enfuie dans la ruelle par laquelle je venais d’arriver.

- Attends !

Héhé, je suis trop rapi…

- On te veut pas de mal, et j’avoue qu’ça m’arrangerai si tu coopérais.

La poigne de l’homme à la tête bizarre sur mon épaule m’empêche totalement de continuer ma course. Et merde.


Dernière édition par Epsen Airy le Lun 7 Avr 2014 - 23:10, édité 1 fois
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Mon espoir de repartir d'ici bredouille s'envole. Manque de pot, j'ferai quelque chose aujourd'hui finalement. Contre mon gré, bien sûr. Héhé, la marine m'aura décidemment tout fait faire. Geôlier, collabo des esclavagistes, éclaireur, kamikaze, boucher. Encore que j'ai la tête de l'emploi pour tout ces jobs. Mais mais mais, messager, ça sort de mes attributions.
On tient l'émissaire du tyran, du coup. Un jeunot. Un peu maladroit. Il a pas la mine de quelqu'un de super malin. Mais bon. Si, comme j'le pense, le grand manitou de l'île nous prend pour des guignols, j'vois rien de choquant à ce qu'il nous envoie le premier ado mal brossé pour nous guider dans la ville. Malgré sa blagounette sur ma figure, j'trouve pas qu'il grouille d'assurance. Il recule, d'un pas, de deux. Puis se retourne... On dirait qu'il veut prendre de la distance. J'ai peur que ce soit à cause de moi. Main sur l'épaule. J'me prends au jeu. J'suis négociateur, mon gars.

On te veut pas de mal, et j’avoue qu’ça m’arrangerai si tu coopérais.

Hmmf. De la part d'un homme-requin, c'est pas très engageant.

Et j'mords pas, en fait.

L'vieux me jette un rapide coup d'oeil gêné. Du style, "navré pour le malaise". Eh oui papy. L'harmonie et la tolérance entre les peuples et les cultures, l'outrepassement des physiques et des corps pour filer droit à l'essentiel, c'est pas pour aujourd'hui. Une tête de poisson vivante sur la terre ferme, ça paraîtra toujours bizarre. Alors tu me fais de la peine à t'inquiéter pour moi, arrêtes ça. Sérieusement, si j'devais chialer à chaque fois qu'un type me vanne la tronche, y a bien longtemps que j'serais retourné me planquer dans les abysses.

Nous sommes la délégation de la marine que le... la... votre "gouvernement" local attend. Nous avions pensés que vous nous aviez posé un lapin, héhé... mais vous aviez en fait simplement du retard. Navrés d'avoir douté de vous !

Il se tourne vers le reste de notre joyeuse bande, comme pour trouver un peu de soutien. Quelques sourires se lèvent, essayent de détendre l'atmosphère. Moi pas. J'fais jamais trop gaffe à ma bouche, qui reste, comme d'hab, totalement relâchée, donnant l'impression que j'tire tout le temps la tronche. Bah, sourire, ça consomme trop. J'ai les muscles faciaux qui se tordent quand j'esquisse le moindre rictus, même un réflexe. ... et à part ça. Personne n'a envie de voir un requin sourire, j'pense. Fournir une vue imprenable sur mes crocs, j'ai jamais trouvé que c'était la meilleure façon de me faire des amis.

Les autres délégués saoulent le jeunot. J'décroche vite. J'retiens les mots-clés. Parce qu'ils sont capables de me demander de faire un rapport de l'expédition en revenant, pour me "former", pour m'apprendre la "rigueur", la "précision". Parce que me recycler en scribouillard, personne a encore essayé, et j'suis certain que quelqu'un tentera de me coller derrière un bureau un jour.
Bref. Le vioque et ses copains lui déballent quelques mensonges. Lui parlent de ce qu'ils ont vu de l'architecture de la ville, de l'intérêt qu'ils portent à la culture locale, du port vachement bien organisé, tellement accueillant malgré la malheureuse réputation de cette île aux yeux du gouvernement. A l'écouter, j'nous sentirais presque comme de pauvres missionnaires paumés qu'ont rien compris aux traditions des indigènes qu'ils tentent de coloniser, et qui leur proposent leurs verreries niaises.
J'décroche vite. La paperasserie ira se faire foutre.

Actuellement, j'suis plus préoccupé par la réaction de l'ado. Il est pas à l'aise. Regard fuyant. Des mots pas très cohérents et hachés qui sortent d'un espèce de faux sourire. Pourtant, il semblait pas hésiter à se payer ma tête tout à l'heure. Alors qu'un homme-poisson normal vexé aurait très bien pu essayer de lui croquer un bout pour ça. En fait, j'ai l'impression que... j'en ai rien à foutre. Ouaip. Rien à foutre de ce qu'il a dans la tête. Il sature p'tete simplement sous la pression des flatteries sirupeuses que ma troupe lui font couler sur la tronche. Qu'il nous amène juste devant le tyran, que j'lui fasse mon speech sur le soleil et les oiseaux, et qu'on se taille d'ici fissa.
La femme prend la parole. Lucienne, c'est ça ? C'est quoi ces trucs qu'elle a dans les cheveux, au juste ?

Pas d'inquiétudes, aucun d'entre nous n'est armé, comme cela était prévu. Tout se passera bien.

J'aurais évité de le crier sur les toits, ça. On est chez les fous, faut pas oublier. Y a des restrictions contre le meurtre gratuit, dans le coin ? Peu importe. Dans mon cas, j'suis armé. Il ment. J'ai les dents, et le ventre vide. Délicat, cette histoire. Si mon bide décidait de gargouiller pendant mon exposé porteur d'amour, j'les vois bien le prendre comme une déclaration de guerre. Un homme-poisson à la race plus peace aurait mieux convenu à leur trip de paix et de collabo entre les peuples. Les requins sont pas de supers étendards de la diplomatie et de la non-violence.

Nous vous suivons !
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Spoiler:

Ils m’inspirent pas confiance. Y’a vraiment un truc qui cloche chez eux. Je veux dire, qui aurait envie de rencontrer le tyran ? C’est juste un grand malade qu’il vaut mieux esquiver, et ses acolytes sont encore plus déjantés à ce qu’il parait. Et la plupart des gens qui ont essayés de le détrôner ne sont plus là pour en témoigner. Alors pourquoi ils voudraient négocier avec lui ? Ces gens-là sont tout aussi tarés que les autres, et je me suis foutu dans la merde à les croire différent. La marine ou je sais pas quoi, c’est une association ou un truc dans le genre ?
Elle dit qu’ils sont pas armés mais ce mec avec les grandes dents et une gueule en biais, il a pas besoin d’armes pour m’arracher la tronche, ça c’est sûr. Je peux plus revenir en arrière sinon je vais me faire bouffer tout cru.

- Nous vous suivons !

Ils pensent vraiment que je dois les guider en plus. J’avale ma salive, me redresse tout en gardant un œil sur le mec à la grande mâchoire et je me lance :

- Tr… Très bien, je vais vous guider jusqu’au Tyran. Mais vous devriez faire attention, je crois qu’il peut devenir… Légèrement dangereux.
- Vraiment ? Vous allez nous guider ? Merci infiniment !

Le vieux me saute presque dessus, me saisit la main et la secoue de bas en haut tout en affichant un énorme sourire de satisfaction. Qu’est-ce qu’il croit faire lui ? Je me dégage et le repousse plutôt brusquement.

- Dégage ! Pervers ! Je veux bien te guider mais pas plus. Bande de tarés.
- Veu… Veuillez m’excuser.

Je préfère ça ! Héhé, je suis pas un gamin, je suis un vrai homme mature et c’est pas un gars comme ça qui va me faire peur, c’est moi qui vous le dit !

Heu…

Je fais deux pas en arrière. Le mec aux longues dents me foudroie du regard. Le bras du vieux que je viens de faire tomber s’interpose entre nous deux. Je sais pas ce qu’il s’est passé mais apparemment il a pas apprécié. Plutôt que de penser à les guider je ferai mieux de déguerpir au plus vite, en fait. Mais comment avec ce gars là qui me tourne autour ? J’agrippe ma tête dans mes mains et me gratte le cuir chevelu. Je réfléchis trop aujourd’hui, ces histoires me dépassent. En ce moment, je devrai surtout penser à tout faire pour éviter le tyran. Parce que si jamais on se retrouve face à lui, on va tous y rester. C’est pas du genre à faire dans le social je crois. Et ça m’étonnerait qu’il prenne même le temps d’écouter leurs histoires de diplomates si jamais on venait à la rencontrer. Ici c’est l’anarchie.

Tout le monde semble prêt et me fixe du regard. Je me sens légèrement dévisagé. Bizarrement, le silence règne, ils ont clairement l’air moins amicaux que tout à l’heure. Je sais pas trop ce qui les gène mais c’est pas mon problème.

- En… En avant !

Je profite de mon heure de gloire autant que je peux. Ils sont un peu étranges mais ils me trouvent important, donc finalement… C’est mon premier pas vers le succès ! Je savais que c’était mon destin. J’enchaîne les ruelles au pas de course avec mon petit attroupement aux talons. Je pourrai facilement les perdre dans la cohue de la rue principale mais non… Je ne dois pas me faire remarquer. Plus qu’une solution, je les emmènerai dans la forêt. C’est mon terrain de jeu favori. C’est mon seul terrain de jeu en fait. Bref, aucune personne ne peut mieux le connaitre que moi, les semer là-bas sera une tâche facile. Sauf pour lui. Celui qui se tient en bout de file, nonchalant, avec sa gueule de… Poisson ? C’est vrai qu’après l’avoir regarder à plusieurs reprises, on peut penser qu’il a une tête de poisson.

Encore quelques pas et je distingue enfin quelques-unes des immenses cimes qui se dessinent dans le brouillard pollué au-dessus des bâtiments. On va s’amuser.
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A force, j'ai développé un instinct qui m'permet de sentir les galères arriver, mais pas que. J'suis devenu assez doué pour détecter les entourloupes aussi. Pas très bon dans les autres situations qui font pas intervenir ma poisse chronique, j'excelle au moins à l'art de rapidement deviner quand on se fout de ma gueule. Là, c'est pas bien dur... Ce môme est tendu, déboussolé, cherche ses mots, l'est sur la défensive. Qui qu'il soit, quoiqu'il trame, il a perdu. L'est aussi doué que moi pour masquer ses états d'âme, ça nous fait au moins un point commun...
Bah. Tout Zaun se foutrait de notre gueule s'ils savaient ce qu'on vient faire ici. Alors, j'accorde le bénéfice du doute au gamin effrayé. Y m'paraît toujours moins malsain qu'le reste de l'île.

Dégage ! Pervers ! Je veux bien te guider mais pas plus. Bande de tarés.
Veu… Veuillez m’excuser.

Vraiment ? L'a vraiment besoin d'accentuer mes doutes et le malaise qui plane sur mon équipe de bras cassés ? L'a vraiment besoin de contredire aussitôt tout ce que j'essaye de penser ? J'arrive pas à me construire des repères sur cette île de cinglés. J'crois que j'vais juste m'empresser de tous les cataloguer schizophrènes instables, par prudence, pour éviter d'perdre mon temps et ma santé mentale à essayer de paner quelque chose à c'qui se passe dans la tête de ces braves gens qui pensent que la liberté, c'est s'écraser les uns les autres, défenestrer son respect, n'obéir qu'à la loi du plus fort et rire au nez d'la moindre tentative de canaliser un peu leur énergie, qu'ils sont trop occupés à injecter dans leur cirque absurde. 'tain. Tyrannie, anarchie, démocratie, y a rien qui marche ou quoi ? On m'enlèvera pas d'la tête que la surface, l'monde des humains, c'est juste une grosse bouillie grasse et visqueuse qui reprend sa forme initiale dès qu'un pauvre mec essaye de la secouer un peu, un pauvre mec comme un révo'. Un pauvre mec comme mon frangin.

Y détourne le regard, se triture les cheveux. Probablement qu'j'ai du le dévisager pendant un instant en essayant de trouver où diriger mes yeux pendant que j'broyais du noir sans générer plus de gènes et de litiges. 'tain, sacrée excursion. J'me doutais que ce serait pas une partie de plaisir, mais j'pensais que ça se finirait vite. Qu'on aurait été éjecté dès notre débarquement. Ça aurait été l'idéal.

Il nous invite enfin à l'suivre, l'air aussi convaincu et assuré que moi. J'sens que j'commence à chauffer intérieurement. Comme de sales idées qui s'pressent au portillon d'ma pensée, une foule en délire qui attend en s'échauffant l'heure d'ouverture du grand concert que va leur livrer mon âme paranoïaque, putain de tourmentée. J'déteste le terme d'âme tourmentée. Ça fait vraiment poète creux et inintéressant qui s'cherche des raisons d'exister. Pourtant, c'est certainement ce que j'suis, parfois, moi et mes tempêtes intérieures qui se lèvent pour un rien.
...
Tu nous embarques OU, PUTAIN.
On se ramène au niveau de la forêt. C'est quoi, ça, le gouverneur a sa cabane perchée dans un arbre ? Île de dingue, ça m'étonnerait même pas. "Île de fous", "île de cinglés", "ïle de dingues". J'me rend compte que j'me répéte. J'ai l'impression de sortir ça à chaque fois que j'ai envie d'accorder un peu de crédit au gamin. Ma patience à des limites...
J'tiens plus, je charge.

Bon, merde. Z'êtes sûr que c'est par là ?
Allons, Craig !
Désolé.

L'ado accélère le rythme. J'sais pas si c'est à cause de moi. La tension est palpable et devient insupportable, en tout cas. Plusieurs autres membres du groupe chuchotent dans leur coin, se posent des questions, tout en peinant eux-même à tenir la cadence imposé par l'môme. Moi j'ai pas de mal. J'suis un guerrier, un mâle, un vrai. Du moins, c'est ce que j'peux prétendre être à côté de ces bureaucrates sur leurs 31. Dans la réalité, au front, j'suis une sacrée tarlouze, et à côté d'mes comparses hommes-poissons remontés à la surface et forgés par les combats et la haine, j'suis un p'tit minet. Y a qu'armé d'un scalpel que j'me sais capable d'obtenir du résultat, mais personne me fait confiance, personne me donne ma chance. Un homme-requin, ça trucide, ça mutile. L'idée que ça soit capable de te sauver la vie sonne faux, c'est certain.

En tout cas, face à ce gosse, j'tiens clairement le rôle du prédateur hargneux. J'devrais p'tete tourner ça à mon avantage pour savoir c'qui se trame. Mais ça me plaît pas. De faire peur aux gens. Même si c'est un des bagages que j'traînerai toujours dans mon gros fardeau. Mais si ça peut m'aider à écourter notre randonnée, j'suis prêt à tenter le coup. Faut juste pas que j'la joue n'importe comment. Si j'le froisse, et qu'il est vraiment lié au tyran, j'risque de finir en friture dans son assiette. Avec toute ma clique autour de moi en lardons. Mmmh.

En parlant d'ma clique, j'ai l'impression qu'on a perdu du monde. Qu'ils sont à la traîne quelque part derrière cette foutue végétation anarchique, complètement à l'image de cette communauté de merde. Génial. Vraiment, bien joué. Embuscade ? Jeu sadique ? Simple pétrin ?

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Je me risque à jeter un petit coup d’œil en arrière. C’est bientôt le moment, bientôt... Je les ai déjà entraînés bien loin dans cet énorme bois sombre. A voir leurs têtes, ils manquent clairement d’endurance. Ils continuent de m’emboiter le pas avec une confiance totale alors que je pourrais être n’importe qui. Et puis, je sais pas vraiment qui c’est non plus, ces gens. En général, les habitants du coin ont peur de la forêt. Premièrement parce qu’ils lui vouent un culte assez étrange, j’ai jamais vraiment compris pourquoi, mais surtout… Surtout parce qu’ils savent que y’a toute sorte de personnages bizarres qui pullulent par ici. Tous les rebuts de la société finissent là-dedans. Et j’ai l’impression que certains derrière moi traînent un peu du pied, alors j’espère pour eux qu’ils rencontreront pas les pires. Enfin, c’est pas mon problème ça !

- Pourrait-t-on faire une pause je vous prie ? Je… Pfiouu… Je crois que nous avons semés quelques-uns de nos compagnons…

La voix haletante du vieux résonne, je ralentis avec appréhension. Toujours pas d’ouvertures à ma portée. Les gens du groupe s’effondrent les uns après les autres et s’échangent quelques mots. Le problème, c’est toujours le même. Encore ce gars nonchalant avec les longues dents qui scrute un peu les lieux mais qui n’a pas une goutte de sueur sur le front.

- Nous devrions repartir, le tyran risque de s’impatienter.

Bon ok, la pause n’aura pas été longue, mais depuis le début j’essaie au maximum d’éviter les contacts avec les autres gens de la forêt. Ma couverture risquerait d’y passer. Sauf que là, on est justement dans un endroit où on risque de faire une mauvaise rencontre. Il faut boug...

Crac.

Le bruit crispant d’une branche qui se brise. Je tourne la tête dans la direction d’où il provenait. L’homme à la tête de poisson l’a aussi remarqué. Ne me dites pas que…

- Burps… Hips… Il est beau, l’air printanieeer, de la forêêêt… Burps…

Tout le monde sauf lui, par pitié…

- Hey, mais qui… Hips ! Mais qui voilà ! C’est l’bon p’tit Epsen ! Burps…

Si y’a bien un mec que je voulais pas rencontrer, c’est lui. Sa bouteille vide à la main, à vrai dire, je sais pas comment il fait pour toujours être dans cet état. Lui c’est un taré de première qui me fait un peu peur, pour dire. Je sais même pas où il a appris mon nom mais en tout cas c’est vraiment pas bon. Il va m’attirer des ennuis à coup sûr. Je fais mine de l’ignorer mais il relance directement.

- Oh, mais t’as apporté des invités ! Hips… Comment ça va vous ? Vous voulez boire un… Hips ! … coup avec moi ?
- Nous… Nous n’avons pas le temps pour ça monsieur. Nous sommes actuellement à la recherche du « tyran », comme vous l’appelez.

L’expression du taré change subitement. Sa bouteille s’éclate au sol et le verre s’éparpille. Son regard devient noir. Faut jamais prononcer ce mot ici… Jamais. Le tyran, c’est lui qui a ruiné la vie de tous les mecs du coin. Et je crois qu’ils sont plutôt rancuniers. Il dévisage le diplomate et se jette sur lui, saisis ses épaules puis le secoue assez violemment.

- Le tyran hein… Si tu savais, cet enfoiré ce qu’il m’a fait. Si je le pouvais, je le torturerai jusqu’à ce que mort s’en suive.

Une brise légère me caresse le visage. Le temps semble figé. A vrai dire, je ne l’avais jamais vu dans cet état. Et j’aurai préféré ne pas le voir. Je préfère son air d'abruti. Avec le temps, j’ai appris qu’on ne naît pas fou, mais c’est le temps que fait que nous le devenons. Et ce mec là en est le parfait exemple. Je n’aurai pas dû les apporter ici, ces étrangers. Je m’en suis rendu compte trop tard. C’est la première fois que j’en vois, des gens du monde extérieur. Je dois avouer qu’ils m’ont l’air un peu bête, mais surtout… Étranges. C’est le mot adéquat. Leur façon de parler, d’agir, leurs tronches. Ils sont quand même assez différents de nous, ceux qui vivent sur Zaun.

En tout cas, une occasion comme ça ne se représentera pas. Ils sont assez grands pour se débrouiller tout seuls. Je me détourne silencieusement et prends la fuite, courant comme je n’ai jamais couru. J’ai pas envie de me faire bouffer tout cru moi !
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On en apprend de belles de la bouche d'un sac à vin, tiens. M'étonne pas de cette île de timbrés. J'sais pas bien quel crédit donner à ce qu'il raconte. Salades ou pas, ça doit bien partir d'un fond de vérité, d'toute façon. Tout le monde se pose dans l'herbe, sauf moi, qui reste debout comme un piquet, à chercher où placer mes yeux. J'entends le dos du vieux commandant craquer. Mmmh. Me suis attaché à lui, mine de rien. Quand il commandait mon régiment, qu'il me prenait à part durant les entraînements pour prendre la température d'mon malaise social. "Tu t'intègres bien ?" "Ça va, avec tes petits camarades ?" "Tu t'es fais des amis ?" "Momo arrête de t'embêter ?". Ouaip, c'est clair qu'il considère ses soldats comme ses propres enfants et qu'il veille sur eux en tant que supérieur, mais aussi en tant que papa de substitution un brin forcé. L'a de l'affection à revendre. De la gentillesse, un brin de sérénité aussi, sûrement, accompagné d'une insouciance touchante pour un grand gaillard d'âge mûr.

Et v'là que son dos crépite de nouveau. Tu m'fais de la peine, grand père. Elle est loin la jeunesse fougueuse et glorieuse, hein, celle où c'était toi l'fiston ? J'espère que j'serai pas aussi décrépit dans 50 ans. Pauvre diplomate. Les combats, la politique, la vie, ça colle des rides même aux meilleurs. Mais, c'est votre faute aussi, quoi... Vous aviez des espoirs encore plus cons que les miens, putain, alors que vous avez deux fois mon âge, au minimum.

Bah, vous avez quoi les mecs ? J'voulais pas plomber l'ambiance, hein... J'vais pas vous assommer avec mes... Hips ! P'tits soucis. Vous êtes sûrs que vous voulez pas... boire un p'tit godet avec moi ?

Le saoulard gargouille de nouveau. Entre un rôt et un hoquet, il porte le goulot à sa bouche et essaye de s'enfiler une nouvelle gorgée, mais fait la moue en contemplant sa bouteille vide. J'crains fort qu'il tienne plus debout d'une seconde à l'autre. Si j'ai des questions à lui poser, c'est maintenant ou jamais.

Eh.
Mouai... Ouah ! Hips ! Sale gueule !

J'passe outre. La routine. La routine.

L'est sympa Epsen ?
Un bon p'tit gars. Hips ! Il fait les quatre-cents coups. Comme moi, à son âge. Moi j'savais pas comment qu'il s'appelait. C'est un type qui connaît un mec qui connaît un gars qui connaît l'gamin qui me l'a dit.
Ah.

Il est où, le bon p'tit gars ? Coups d'oeil autour de moi. J'balaye des yeux le reste du groupe, pensifs dans leur coin... Nan nan, pas pensifs. Tous les yeux au ciel en train de respirer bruyamment. Ils sont crevés et confus, pas pensifs. L'ivrogne leur a balancé l'une des vérités de l'île à la gueule. Un coup de théâtre... M'enfin, pas pour tout le monde. Rien qui m'étonne dans cette histoire. Pas de règles, pas de retenue. Pas de loi, pas de chocolats. Enfin, si, chocolats. Pas pour tout le monde, uniquement pour les plus forts. Je déteste l'anarchie, je hais la loi de la jungle. J'y aurais mes chances, en théorie, avec mes crocs, mais j'conchie les rapports de force. T'écrases, t'humilies, tu voles les rêves et l'âme des autres pour grimper tout au sommet, sur une pile de cadavres. C'pas seulement le lot de Zaun, c'est certainement sur ça que notre bienveillant gouvernement-chef bricole son élite dirigeante aussi.

Tsss. J'fais de la politique, moi ?

A vrai dire, non, j'm'en branle. Mais j'me mets à la place de mon équipe. Dupés, dépités, fatigués, cette île les a baladés. Ils s'en remettront vite, ils passeront l'éponge et s'tourneront vers le reste du monde, bien sûr, parce que c'est leur boulot. Ils doivent avoir l'esprit en purée, et une p'tite haine de cette mauvaise journée qui pousse lentement. Viendront après les fruits, de beaux regrets bien dodus. J'connais ça.

Bien fait pour vous, hinhin.
...
Recentrons nous. Eh. Arrêtes de penser à ces mecs. Tu sais ce qu'ils sont, tu sais où ils sont. Mais Epsen. Il s'est taillé, ce sale môme.

Hips !
'savez où est parti ce petit c... Epsen ?
Bof... Dites, vous voulez pas retirer votre ma... masque ? Vous faites peur quand même.

Confirmé, l'ado a aucun lien avec le tyran. Juste un p'tit chieur. C'est le coeur léger que j'pourrais partir lui exploser la gueule, si j'étais un salopard. Ou un mec avec des boules. J'hésite. La limite entre obstination et rage est souvent plutôt floue.

Craig... Ce serait trop vous demander que d'aller... Keuf keuf ! Que d'aller retrouver l'adolescent ? Nous allons avoir besoin de lui pour retrouver les autres et sortir de cette forêt... Kof !
Mmmh. Ça va vous ?
Nous allons récupérer un peu.

Chopper un gamin qui s'est enfoncé dans une forêt qu'il connaît cent fois mieux que moi. Un boulot de chasseur, tiens. J'suis multitâche. Requin à tout faire. J'ai hâte qu'on me demande d'exercer mon putain de métier, quand même, un jour. Toubib, vous savez ? Moi aimer scalpel, chirurgie, sauver vies. Moi m'en foutre de courir après gamin dans forêt comme prédateur sexuel. Bon. Courage. Positives. Tu trouves le gamin, on récupère les paumés, on retourne au navire, on se taille. Tu retrouves ta couchette ce soir, tu maudis un peu tout le monde avant d'éteindre la lumière. Puis tu t'enfonces dans tes beaux cauchemars. Hmm.

J'abandonne mes vieux copains, et j'suis les traces. Il a laissé des traces. Ouais, j'me sens comme un prédateur pro maintenant. J'suis des traces et tout.
...
Ah, bah, elles s'arrêtent déjà là. Le terrain est moins boueux, plus touffu. J'aperçois des hautes herbes. J'me lance au hasard, en filant tout droit, toujours tout droit. Pour pouvoir revenir facilement ensuite, pour éviter d'me paumer moi aussi, ce serait couillon et ajouterait encore un peu de délire à ma situation. J'essaye aussi de limiter les sons d'mes pas. J'suis pas quelqu'un de furtif. Pas subtil, pas rassurant, non plus. Un poiscaille à pattes, quoi. Avec un smoking...
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Je crois bien que je les ai semés… Pfiou… Ça doit faire dix bonnes minutes que je cours comme un dératé dans cette végétation insolite. Mais je ne me suis pas dirigé par hasard. Je suis sûr qu’ils sont à ma poursuite. Ce taré a dû leur parler de moi et ils doivent savoir que tout ce que je leur ai raconté n’est qu’un stratagème ingénieux. Je ne sais pas pourquoi ils veulent voir le tyran mais je leur ai fait perdre pas mal de temps et s’ils sont un peu rancuniers je risque d’être un peu en danger.

J’arrive devant l’arbre que j’avais brisé plus tôt et grimpe avec quelques prises improvisées. Sur une des branches en hauteur, il y a une petite trappe à l’abri des regards venant du sol. Je pensais pas avoir à l’utiliser contre un autre homme un jour mais apparemment je n’ai plus le choix. Un lance pierre, confectionné par mes soins avec les précieux conseils du vieux Trefle. Ça peut paraître inutile, mais bien manié, je peux facilement faire fuir quelqu’un avec ça. Héhé, je suis dans mon élément, mon terrain de jeu, si jamais quelqu’un me suit, il aura à faire à moi ! Quelques munitions dans ma poche arrière, je scrute rapidement les alentours pour vérifier que personne ne m’a vu. C’est moi qui mènera l’offensive aujourd’hui !

Je reste dans les hauteurs, me déplaçant de branches en branches par des petits bonds agiles. Ces étrangers ne connaissent absolument rien à l’endroit et j’ai une vue imprenable d’ici. En totale osmose avec l’environnement, j’utilise l’ombre des gigantesques arbres à mon avantage, les pas silencieux légers comme les feuilles. Le bruit m’annoncera un danger potentiel et ma stratégie est déjà toute préparée. Ils ne savent pas à qui ils ont à faire, ces bougres.

Shrack.

- P’tain, fait chier !

Je m’immobilise et me positionne en opposition de l’endroit d’où provenait cette voix. Elle me semble légèrement familière d’ailleurs… Je jette un coup d’œil… Ah ! Ces fourbes, je savais qu’ils voulaient me manger après tout. Celui qu’ils ont envoyé à mes trousses n’est autre que celui aux longues dents. Je suis sûr qu’ils veulent se venger en me mangeant, y’a pas de doutes.

Seulement…

Il parait pas très à l’aise dans le milieu. Cette tronche de poisson est en train de se débattre pour essayer de se défaire d’un truc qui s’est accroché à son pied et qui le maintien immobile. La cible parfaite. J’attrape mon arme, vise directement sa nuque et… BANG !

- Aoutch ! C’quoi ça encore ? Un moustique ?

Droit dans le mille, haha ! Il doit commencer à se poser des questions, s’il est vraiment seul, en sécurité, en danger ? C’est le moment ou jamais de mettre en place la deuxième phase de la stratégie. Je prends position sur un arbre légèrement plus proche de lui, me racle la gorge, prends une grande respiration et…


- QUE VIENS-TU FAIRE ICI, ETRANGER ? JE SUIS L’ESPRIT DE LA FORET ET JE T’ORDONNE DE DEGAGER AU PLUS VITE SINON TA SENTENCE SERA TERRIBLE !


J’essaie de prendre la voix la plus grave que mes cordes vocales me le permettent pour gagner en crédibilité. Ces délires d’esprits, ça fait peur aux gens normalement, selon les histoires qu’on m’a racontées en tout cas. Il doit être en train de trembler comme une feuille maintenant, perdu dans ses pensées. La pression et la peur l’envahi et il ne pense plus qu’à une chose : s’enfuir !

J’attends quelques secondes, couché sur une branche à l’abri des regards provenant du sol. Je n’entends plus grand-chose… Il a peut-être déjà filé ? Mon discours était franchement effrayant, même un homme mature comme moi se serait peut-être fait prendre.

J'évalue rapidement la situation mais...

Il est encore là ? Je vise de nouveau avec mon lance-pierre et me prépare à tirer. Si l'intimidation ne marche pas, j'utiliserai la force !
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Pas moyen de presser le pas, végétation trop invasive. Racines, boue, ronces, le par-terre est tapissé de pièges. Et c'est pas mieux en montant : j'dois m'voûter toutes les dix secondes pour éviter les branches basses. J'aime beaucoup les forêts. Calme, sauvage, j'en fais mes jardins secrets. Mais j'ai bien peur de ressortir d'ici en maudissant la végétation. Foutu gamin. Foutues racines... Encore une fois, je jure à voix basse. J'garde les malédictions plus gratinées pour moi, et pour quand j'serai sorti d'ici. Les balancer à la volée, ça va faire que saper un peu davantage le peu de contenance qu'il me reste.

Et d'toute évidence, y a aussi des moustiques. Fantastique, j'vais en plus sortir d'ici avec des souvenirs. J'me tâte la nuque, à la recherche de la bosse fatidique. J'ai bien la douleur, mais pas le bouton. Ou pas encore. Ça se dissipe vite. Passons à autre ch...

Grosse voix qui se lève quelque part dans les feuillages. Le gosse. Sûr que c'est l'gosse. Impertinent, se fiche de moi, me prend pour un ahuri. Pense p'tete que ma grande tête allongée renferme un minuscule encéphale de poiscaille. Tu te trompes, Epsen, j'suis à fond, tout le temps, j'me drogue de pensées, j'suis accro aux mauvaises idées, perpétuellement shooté au passé et à ses souvenirs apaisants mais douloureux avec le temps.

T'entends pas cette teuf à l'intérieur de ma tronche, hein ? Véritable rave à ciel ouvert, avec du bruit, des nuisances, mes idées noires qui hurlent, dansent, ramènent toujours plus de copines. Tu m'prendrais bien moins pour un débile. Tu crois faire monter la pression, mais tu me chauffes. Vraiment. J'ai la négativité accumulée durant toute la journée qui remonte en force, et j'm'en vais t'attraper par le col et te la cracher à la figure. J'ai été bien trop pris pour un imbécile aujourd'hui. J'suis pas toujours finaud, mais j'ai une âme, p'tit con. T'as déchaîné mon courroux. J'suis pacifique, mais quand j'suis agacé, j'deviens rapidement furieux. J'suis une vraie cocotte-minute ambulante. Et quand j't'aurai...

'tain. 'tain. Ces moustiques. J'vais sortir de cette forêt gonflé et suant comme une foutue éponge de mer. Aucun bourdonnement, ceci dit. Ces saloperies volent en furtif. J'vois pas non plus de machins me virevolter autour de la tronche. Et pas de démangeaisons... Même les insectes se foutraient des règles, par ici ?

Je dévie du sentier. J'coupe à travers les buissons, j'essaye de localiser l'endroit d'où venait la voix. J'entends bien quelques mouvements tout autour de moi. Mais j'me formalise pas là-dessus, ça peut aussi bien être l'Epsen qu'un lapin. Les piqures se sont un peu calmées. Nuisibles invisibles moins excités, d'un seul coup. J'pane pas tout. Ça me fait bien mal d'avoir l'impression d'avoir compris quelque chose de travers. Alors j'évite d'y penser plus. Et m'avouer paumé ? Pas envie non plus. J'étais parti pour filer droit, mais j'ai déraillé depuis déjà quelques temps. Hahaha. Rire jaune intérieur. Cette phrase sied aussi bien à mon excursion en forêt qu'à toute ma vie. Hahaha. Ha. Ha. Ha. Putain. De merde.

Que j'avance, que j'progresse ? Non, que j'erre, que j'me paume, que j'ai, maintenant, effectivement l'air d'un gros demeuré, planté comme un piquet au milieu d'une masse de végétation à laquelle je pige rien. Sensation d'être encore observé.

Ce gosse connaît cet endroit mieux que moi. J'ai été stupide. Complètement crétin. J'suis une vraie merde. En un rien de temps, j'passe de la rage à la déprime. Quel lunatisme. Quelle tarlouzerie. Quel branquignolage.

Je fais quoi, maintenant ? Alors que d'façon évidente, j'ai du me rendre vulnérable bien comme il faut à un ado... A un ado. J'me sens à la merci d'un ado qui s'amuse à mimer un esprit de la forêt et qui s'éclate à berner des négociateurs venant en paix. J'fuis en hurlant ? Pourquoi pas, hein ? J'suis plus à ça prêt, HEIN ?

J'tape très fort dans un pauvre arbre. Secoué, fracturé. Navré. Fallait que quelque chose paye.
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Schtoing.

Le petit bruit de l’élastique qui se détend et éjecte son projectile. J’enchaine cet enfoiré de tête de poisson depuis quelques longues minutes mais il n’y voit que du feu. On dirait même qu’il ne me cherche pas mais qu’il se perd un peu dans ses pensées. Et vu sa tête je crois qu’il commencer légèrement à saturer (même si il avait déjà une sale gueule avant de s’énerver). Il se gratte un peu et crache des trucs inaudibles à chaque impact… Pourtant c’est censé faire mal, je me demande bien pourquoi il ne commence pas à un peu souffrir. Trop bizarre. Sa peau parait quand même vachement résistante.

Hop là, j’enchaine quelques sauts pour suivre ma proie dans sa fuite. Je suis un vrai chasseur, habile, expérimenté, fort, précis, beau go…

CRACK !

Une secousse plutôt puissante fait danser l’arbre sur lequel je viens de poser le pied. C’est lui qui vient de taper dedans ! Il m’a remarqué alors, merde, comment c’est possible ? Je perds l’équilibre l’espace d’un instant et me rattrape brusquement sur la première branche qui me passe sous la main… Les pieds. Un petit grincement retentit. Je serre les dents. Elle tiendra pas le coup.



- AAAAH !

Je lâche un cri de surprise alors que ma chute débute. J’ai baissé ma garde comme un abruti, ce n’est pas digne d’un homme comme moi ! Le paysage défile, je prends de la vitesse tellement le sol m’attire comme un aimant. A ce rythme-là, je vais sûrement me casser un truc en retombant… Non, non, non ! Que quelqu’un m’aide, je veux pas être le repas de cet immonde personnage en bas !

Vladadadam !

Outch, aïtch, outch… Je me redresse en position assise, surpris, testant rapidement mes capacités corporelles. Faut croire que le destin ne voulait pas que je meurs aujourd’hui. Quelques gémissements me parviennent. Je baisse la tête, encore légèrement sous le choc, et là…

WOW !

Je fais un bond de stupéfaction ! Je suis retombé directement sur la tronche de celui qui m’a fait tomber, et il parait tout aussi étonné que moi de la tournure qu’ont pris les évènements lorsqu’il reprend à son tour ses esprits.

- D… Désolé…

Pourquoi je m’excuse, moi ? C’est pas dans mes habitudes ça. Putain de délire, j’en peux carrément plus de ces mecs. Si seulement j’étais resté bien en sécurité dans la forêt tout ça ne serait jamais arrivé. C’est pas le moment de penser à ça ! Faut que je me concentre, que j’élabore un plan, vite !

Le plan me parait assez évident.

Je tourne et les talons et je détale à toute vitesse, arrachant la végétation sur mon passage. Mes repères sont carrément faussés, je suis déboussolé. Le premier arbre que je vois fait office de hameau de paix. J’y grimpe aussi vite que je peux en manquant de peu de m’étaler au sol à de multiples reprises.

Arrivé tout en haut, à la bordure avec l’intense feuillage, j’avise. A droite, à gauche, nulle part où aller. Je suis piégé comme un rat, sauf qu’à la base c’était lui qui était censé être le rat. Ça devrait aller, j’ai toujours quelque chose pour me défendre, mon lance-pi… Hein ? Mon lance-pierre a disparu ! J’ai dû le perdre pendant ma chute. Quel abruti…

Le mec que je viens d’humilier fortement m’a déjà rattrapé. Il tente de se hisser à son tour le long du tronc mais rate son coup et s’écrase comme un vulgaire sac de pomme de terre. Je suis en sécurité… Enfin, pour combien de temps ? Je tente de me calmer, descendant un peu en altitude de façon à ce que ma voix se fasse entendre. Qui ne tente rien n’a rien. Une grande bouffée d’air et je me lance :

- Hey sale tronche de poisson… Hmmm… Ça te dirait pas qu’on fasse copain-copain ?
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Une excuse m'parvient aux oreilles, en même temps qu'une migraine tape dans ma cervelle comme une sourde. L'gosse m'est tombé dessus. Quand j'ai frappé l'arbre. Vraiment possible d'être aussi poissard ? Ou j'les cherche, c'est ça ? J'pousse sur les mains. J'en profite pour les crisper, les refermer sur la terre. J'bous. Mais j'sais pas si c'est plus de hargne ou d'impatience. J'veux juste me casser d'ici, moi. Refaire le portrait d'un môme ? Même s'il m'en donnait l'occasion, j'serais pas assez couillu pour m'défouler sur sa tronche d'ado ahuri. Alors ? Je cours. Je cours. Sans savoir même c'que j'branlerais si j'parviens à lui mettre la palme dessus.

L'heure du sprint. J'peux distinguer à peu près par où il est parti. Et c'qui me regonfle, c'est d'penser qu'après l'effort vient le réconfort. J'y crois dur comme fer. J'ai peur d'être déçu, aussi. C'est pas cette journée encore que chaque chose marchera comme il faut... Hé. Vraiment ? J'parviens encore à croire en quelque chose ?

Pas le temps d'm'introspecter comme un p'tit porc de philosophe qui s'nourrirait de sa propre merde. Le v'là. Il a pas tardé. Il a pas beaucoup réfléchi, aussi. S'est hissé sur l'premier arbre passé sous son nez de jeune fouine. J'saute dessus. Il est sur la première branche. J'ai fais... pire... qu-and...

...
Tombé. Comme une masse dans le par-terre de feuilles et d'bestioles. Une armada d'branches épineuses me triturent l'arrière-train. J'crois avoir écrasé un fruit qui traînait, aussi. J'reste un peu couché dans les feuilles, tiens. J'laisse les rayons du soleil m'chuter sur la face, j'observe le gamin qui m'surplombe maintenant. Interloqué. Mine paniquée. C'est bien ça. J'aurais envie d'rester figé là une éternité, pour essayer d'oublier cette journée, et tant d'autres. Malheureusement...

Hey sale tronche de poisson… Hmmm… Ça te dirait pas qu’on fasse copain-copain ?
Grrrmmmmm...


S'permet encore d'me provoquer. Et d'proposer un marché juste après. J'flaire l'ironie puante, qui m'pique presque autant que ces épines de ronces qui m'sont restées accrochées au bas d'mon dos, et au niveau des fesses, déchiquetant l'arrière d'mon costard et une parcelle de mon froc. Pour pas perdre la face, j'me retourne pas. Et j'prends forcément pas la peine de tourner la tête pour vérifier qu'on m'voit pas la raie des fesses... C'est forcément le cas. Hein ? Debout, aussi fier que j'suis capable d'le simuler, j'lève la tête et arrête de grommeler.

Tu descends, tu m'suis, tu sors mon groupe de cette foutue forêt et on fera comme s'il ne s'était rien passé. Ou sinon j'défonce cet arbre et te traîne par le col, rascal.

J'imagine aisément à quoi doit ressembler ma face. La v'là. La gueule du prédateur l'écume aux lèvres, du requin fou qu'a les veines qui explosent de folie à voir sa proie s'échapper systématiquement. Car quoique j'tente, TOUT loupe. Aujourd'hui, j'ai essayé d'attraper un môme. Mais il a fui dans la forêt et j'ai du l'intimider pour qu'il se rende. OUAIS. Ça colle super sur un CV, HEIN ?! Marre. J'contrôle plus rien. Plus envie d'me ressaisir. J'ouvre les vannes.
On dirait que j'ai fais monter la pression. Marre. C'est pas que le vase a débordé, non. C'est que le vase a débordé ET que j'me noie dans sa putain de flotte, eau croupie souillée par les crasses que l'bon vieux destin m'a craché à la tronche toute la journée, salopant tour à tour ma motivation, mon égo, puis ma patience. Marre ! DESCENDS ! ARRÊTE DE ME REGARDER COMME ÇA AVEC CES GROS YEUX FUYANTS ET FAISONS CESSER C'PUTAIN DE CIRQUE !

T'as dix secondes. T'as dix putains de secondes.

Et j'me lance dans un bon vieux compte à rebours. Et la pression monte encore, et ça siffle, et ça fume. Et ça CHAUFFE. La cocotte-minute est sur le point d's'effondrer sur elle-même et d'créer un trou noir de rage. J'vais pas t'étriper, gamin. J'me contenterai d'y penser dans mon lit ce soir pour essayer, malgré tout, d'faire de beaux rêves. Tout de suite, j'désire simplement t'attraper par le col et te traîner dans la boue jusqu'à ma bonne équipe de tantouzes sirupeuses. Tu pourrais m'concéder c'bon plaisir, hein ?

7...

HRP:
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Spoiler:

- Sept…

Attends… C’est un compte à rebours ça ? Il déconne j’espère… Merde, qu’est-ce que je peux faire moi ? Soit je descends et je risque le pire, me faire bouffer à vif. Soit je reste là et cette sale gueule risque de s’énerver encore plus et ça ne ferait qu’empirer. C’est trop compliqué ! Bordel, faut que je fasse mon choix et vite.

- Quaatre…
- Woah, tu comptes trop vite ! Laisse-moi le temps de…
- Trooois…

NON !

- Deuux…

A l’aide !

- Un…

AAAAAAAH !

- Zé…

- AAAAAAAAH !

Badam !

La tête enfoncée dans la terre boueuse, bras et jambe écartée. J’hésite à bouger en essayant de me faire passer pour mort. Il va me manger aussi si je suis mort ? Réflexion, réflexion…

- Eurk eurk !

J’avais plus d’air… Je crache un peu de terre et je m’essuie rapidement la face de façon à garder une certaine classe. Puis je croise le regard du taré qui me fait faire deux pas en arrière par réflexe instinctif de survie. Et aussi pour pas voir les détails de sa peau hideuse.

- Putain, t’es encore plus moche que toute à l’heure !

Ses cheveux partent en vrille dans tous les sens, ses habits sont écorchés et tachés d’un marron assez dégoûtant. Il fait clairement peur. Pourtant il garde un air légèrement nonchalant qui me perturbe toujours. Maintenant que j’y pense, il a pas encore essayé de me croquer.

- Tu veux pas me manger finalement ?
- Aide moi juste à sortir de cette putain de jungle de merde avec mes compagnons…

Heu… J’avoue être un peu perdu. Pas dans la forêt,  ça je la connais, mais ce mec là ma laisse vraiment perplexe. Une chose est sûre, faut que je garde un œil sur lui au cas où. Je lui fais toujours pas confiance. Je lâche un petit sourire qui ne fait même pas remuer mes pommettes et je prends quelques mètres d’écarts, par sécurité, avant de commencer à gentiment guider mon invité. A ce niveau-là, je peux plus fuir, ce serait du suicide. J’ai déjà frôlé le suicide en sautant de ce putain d’arbre.

J’entends grogner derrière moi.

Sans une seconde de latence je bondis derrière un tronc et me prépare à détaler comme une pauvre proie dépourvue de cervelle. Mais en fait il ne grognait pas pour moi. Une de ses jambes est totalement bloquée dans une plante fougasse qui lui colle au pantalon. Fallait l’enjamber, amateur. Il y connait vraiment rien à la forêt cet étranger.

Comme s’il s’emplissait d’une rage trop longtemps intériorisée, il déchire la partie de son pantalon bloquée dans un mouvement brusque et brutal. Haha ! Il avait déjà l’air d’un plouc mais là c’est la cerise sur le gâteau ! Gâteau… Mon ventre gargouille. Avec tout ça, j’ai même pas mangé et en plus j’ai fait pas mal d’efforts. Ça commence à me taper sur le système.

Pourtant mes sens restent totalement éveillés, aux aguets.

Effrayé et intrigué. Je ne me suis jamais senti aussi déboussolé dans mon propre repaire. Je ralentis pour attendre quelqu’un qui me fera accélérer le pas. Je trace ma route mais dans ma tête tout s’emmêle. Je me prends à divaguer tout en restant fixé sur l’instant présent. Démangé par la tristesse de l’habitude qui me ronge. Finalement, ça fait longtemps que je ne m’étais pas senti comme ça, depuis qu’il m’a quitté. L’envie et la curiosité, autant défauts que qualités.

Je stoppe mon avancée et ne recule plus face à la menace. Je veux découvrir, pour lui, pour moi.

- Qui es-tu ? D’où est ce-que tu viens ?


Dernière édition par Epsen Airy le Ven 23 Mai 2014 - 12:38, édité 2 fois
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Il a capitulé. L'histoire s'pare d'un arrière-goût amer, en plus de sa saveur acide qui me grignote la conscience. "Eh, commandant ! J'ai ramené l'gosse. Je l'ai menacé, il a eu peur, il m'a suivi sans discuter. Si vous avez encore besoin d'un molosse qu'a du flair et qui sait sortir les canines pour obtenir c'dont il a besoin, hésitez pas, j'sais faire que ça." Hein ? J'arrive même plus à en vouloir au môme pour m'avoir pris autant pour la tête de noeud qu'je suis. Mais j'ai besoin de désigner des fautifs pour toutes les foudres qui m'tombent chaque jour sur la face. Le destin, la poisse, le karma. Non, non. C'est souvent moi-même, l'mulet. On récolte c'que l'on sème. Ces dernières années, j'sème rien d'autre qu'mon pessimisme roi, son ornement d'paresse et de nonchalance, et sa couronne de fatalisme qui m'pèse lourd sur le crâne pour qu'j'oublie jamais que je me suis trompé de voie et que c'est pas demain la veille qu'je trouverai l'occasion de réparer les conneries passées.

J'suis l'gosse, toujours enfermé dans mes pensées. Mes yeux tombant à pic sur mes pieds, sur l'bas de ma guibole, dénudé, débarrassé d'un bon bout d'la jambe du froc dans un bon tour de foire du poisson-clown qui avait des pattes et qui aurait voulu pouvoir être pris au sérieux. La terre craque sous mes jolies pompes cirées, qui brillent nettement moins qu'avant. Brodées maintenant d'feuilles de chaîne suturées par la boue et ornées d'épines de ronces. J'surveille où j'fous les pieds, pour pas m'faire encore attraper par une racine taquine. Pour éviter de piétiner les gros insectes qui s'ruent dans leurs terriers en captant l'ombre menaçante d'mes pattes. Si j'prends ne serait-ce que la peine de remarquer ces p'tites bestioles et d'vouloir les épargner, j'me demande bien comment j'aurais pu avoir les couilles de traîner l'Epsen dans la boue et comment j'aurais trouvé l'moindre mot pour l'blesser ou l'effrayer.

Epsen s'arrête. J'sais pas bien s'il a vraiment eu la trouille ou pas, en fait. Malgré mon déguisement, j'suis tellement peu crédible dans le rôle du prédateur prêt à tout pour parvenir à ses fins... Ah ouais, ça m'revient. J'ai l'dos et l'arrière-train déchiqueté. J'veux même savoir quelle vue imprenable le lapin qui vient de passer derrière nous avait sur mon fessier.
Les traits du gamin s'font sérieux, et gravés sur une mine aussi lisse et candide qu'la sienne, oh que ouais, même moi j'suis placé pour l'affirmer : ça fait de la peine. C'est pas plausible.

Qui es-tu ? D’où est ce que tu viens ?

Briser la glace aussi brutalement ? Inattendu. Bizarre. J'peux pas croire qu'il se posait autant d'questions sur moi. Au moins, pas autant que j'pouvais m'en poser sur lui y a moins de cinq minutes.

J'peux te retourner la question... Tu fais quoi de beau par ici, à part égarer les nigauds de passage dans la forêt ?

J'entraine mon style vestimentaire pour un jour aller séduire des femmes et devenir connu dans le monde. Comme un vrai homme mature.

J'me serais presque senti une énième fois offusqué si j'avais pas cette forte impression qu'il m'a offert cette énormité avec passion et gravité. Les deux composants d'un vrai rêve. J'aurais envie d'esquisser un sourire ironique. Mais non. Non. Ça serait salaud. C'est touchant, cette histoire. Cette histoire est touchante, et absurde. Décidemment, j'vis ce genre de journée où tout peut arriver, où tout peut croiser mon chemin, où j'peux tout entendre. Ferme ta gueule, poisseux poiscaille qui force son esprit à s'couvrir d'un voile de cynisme pour masquer un passé mielleux, toi aussi, t'as été riche en rêveries et bien fourni en déceptions.

Et moi... J'suis intriguant juste pour ma face de thon, c'est ça ? Rare qu'un habitant d'la surface s'préoccupe des rouages mal dégrossis qui tournent en dessous des écailles de l'anomalie de service et de son apparence de vilaine bête qu'a manifestement grillé la plupart des étapes de l'Evolution. Mais j'ai pas envie d'y penser. Y penser, c'est trop malsain. C'est trop sado-maso. Presser mon p'tit coeur comme une éponge, me gaver des mauvaises substances qui y stagnent.

J'suis plus vieux que cet ado, j'suis plus effrayant. Et ça m'serre encore un peu l'étau autour de c'qui me reste de fierté de savoir qu'il doit pas être beaucoup plus maladroit qu'moi... J'suis si monstrueusement pathétique, quand j'm'y mets.

J'suis lieutenant dans la marine. Rien de plus. J'vais pas te bouffer.

Trop court. Combattons la poisse. C'est ça. Faisons la nique au destin, et tentons d'construire un terrain plus calme et accueillant sur les ruines d'une bien vilaine journée. Bastonnons le fatalisme.

M'appelle Craig. J'ai pas la gueule d'un négociateur, comme tu vois... Ni le tempérament. J'sais à peine c'que j'fous là. J'aimerais juste rentrer chez moi.

Euh. J'suis la bizarrerie dans l'décor qu'a rien à foutre là, en gros.


Une des rares fois où ma langue fait fidèlement écho à mes pensées. D'habitude, j'retranscris pas ou mal ma mélasse intérieure. J'communique par le regard, par des gestes maladroits et saccadés, par des ruminements inaudibles. Ou, dans les pires des cas, par les coups. L'gosse m'invite à continuer à emboîter ses pas, et par la même alimente la conversation. J'avance les mains dans les poches, le regard fuyant, tombant parfois sur mon pantalon dépouillé, glissant de temps en temps dans les yeux d'Epsen, puis s'levant au ciel comme en attente de quelque chose. C'est ça. D'être un ermite des pensées. Toujours l'air dans l'vaguement pensif, j'ai toujours peur de passer pour plus profond qu'j'suis.

Crainte débile. De l'extérieur, j'suis qu'un alevin ambulant qui s'est échoué un peu trop loin d'sa plage.

J'essaye d'aiguiser ma langue pour pas avoir l'air trop bourru ou trop sauvage, j'essaye ensuite de cracher des mots moins incisifs et rébarbatifs, pour pas brusquer ou froisser l'gamin qui sait être bien caustique quand il s'y mets. Mais, merde... J'ai jamais fais ça. Papoter avec un ado humain apprenti séducteur ? Pas dans mes attributions.
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La marine hein ? C’est quoi ça encore, une association de touristes ? Des touristes négociateurs en somme, mais je sais pas trop ce sur quoi ils comptent négocier dans le coin. Chacun mange son bout de pain et fait sa propre loi comme bon lui semble, y’a pas besoin de négocier. Et puis quelle idée de vouloir rencontrer le tyran. Ils sont fous ces étrangers.

Finalement, il me fait de moins en moins peur. Le fait qu’il accepte de me parler de lui me fait même plutôt plaisir. Il veut rentrer chez lui, alors que moi je veux partir. C’est assez ironique. Ma première ouverture sur le monde extérieur, c’est eux. J’en reste assez perplexe, finalement. Il est vraiment pas très beau mais il arrive quand même à me faire sourire, parce que ça ne semble pas le gêner. Vraiment bizarre, haha.

- Y’a beaucoup de gens comme toi dehors ? Du genre, vraiment moches avec une tête allongée et des grandes dents ? Parce que c’est le première fois que je vois quelqu’un comme ça…

Si ça se trouve, chez lui c’est un homme mature super sexy. Même si ça m’étonnerait, parce qu’il a pas l’air d’avoir une once de style à mes yeux.

- Euh... Un homme-poisson. On appelle ça des homme-poissons. J'suis mi humain, mi requin. Et on est pas tous moches.

Je savais qu’il ressemblait à un poisson, y’avait comme un truc ! J’ai du mal à voir par contre comment quelqu’un pareil pourrait plaire aux femmes. C’est la préoccupation première de tout homme qui se veut être mature après tout, et lui semble être complètement à côté de la plaque. J’aimerai bien rencontrer un homme-poisson mature si ça existe, peut-être qu’ils séduisent des femmes-poissons chez eux. Tellement bizarre, haha !

- Tu sais, t’as beau être moche, j’t’aime bien quand même, héhé.

Je lâche un petit sourire amical et me retourne afin de continuer notre petite balade. Je suis sûr que y’a pleins de mecs intéressants là-bas dehors qui n’attendent que de me rencontrer. Et pleins de femmes qui attendent que je vienne les séduire aussi, évidemment. Le regard dans les feuillages, quelques traits de fumée qui s’écoulent jusqu’au sol. Un jour je m’évaderai et ce nuage toxique ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

Je franchis quelques derniers mètres et dépasse l’obscurité qui me séparait du groupe d’étranger. Ils sont presque tous là, et attendent bien sagement. Quand même, ils sont assez dupes de croire qu’un seul membre de leur groupe aurait pu me retrouver, et en plus, me convaincre de les ramener alors qu’il ne connait même pas les quelques plantes dangereuses de la forêt. Et pourtant, me voilà…

- Burps ! Mais te r’voilà ! T’as pas eu l’temps d’me… Hips ! Répondre, tu veux boire un verre ?

Encore lui ! Je l’avais presque oublié ! Il me tend sa bouteille vide affichant un grand sourire incomplet de dents jaunes. Sa gueule en biais et carrément effrayante, mais je crois qu’il a pris soin de mes invités. Enfin, invités, c’est un grand mot.

- Dégage, sale moche, pervers ! Je boirai jamais avec toi !

Il s’approche dangereusement de moi avec un pas de travers et manque de s’effondrer au sol. Une petite panique me prend et je détale dans le sens opposé. C’était pas prévu dans le marché ça. Je veux pas de ce grand dingue à mes côtés, ça pourrait nuire à ma réputation de séducteur. Ils se débrouilleront bien !


Un dernier petit regard nostalgique en arrière, l’homme poiscaille soupire et contemplant ma fuite, impuissant. Cette fois il ne partira pas à ma poursuite.



Un sentiment qui me prend de court. Ma gorge se resserre. Je m’arrête net, fait un demi-tour complet et remue mes bras comme un dingue en l’air pour me séparer de mon nouvel ami alors que des larmes incontrôlées coulent le long de mes joues. Ça fait tellement longtemps que j’attendais ça. Pouvoir enfin considérer quelqu’un comme mon ami.

L’étincelle qui brille dans mes yeux humides s’est transformée en une énorme flamme.
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A plus.

Hmm. Ça sert à rien. S'est déjà volatisé quelque part à travers les épais feuillages. J'entends des soupirs de soulagement, derrière moi. Soupirs qui, inévitablement, laissent s'échapper des odeurs de déception. La mission est un sacré échec, un grand raté d'un métal que j'croise rarement. Un raté mignon. J'ai pesté, juré, haï, déprimé, vomit tout c'que j'avais comme recul sur ma misérable vie, aujourd'hui. Ouais. Mais pas de cadavres, pas de victimes, pas même de victoire à l'arrière-goût sordide du sacrifice, rien de grand, rien d'effrayant, rien de blessant. Juste une journée qui s'est promené un sourire ironique grand affiché sur les lèvres, m'remettant à ma place, mais m'offrant comme un cadeau de consolation une bonne fin.

Enfin, nous repartons... Monsieur Loque ici présent s'est gentiment proposé pour...
Hips ! J'connais ce... bois comme ma poche, ouaip. Et même quand j'ai la tête qu'tourne, j'm'y retrouve.
... nous raccompagner jusqu'à la lisière de la forêt.

Toute l'équipe se lève. J'vois à leurs mines déconfites que la perspective d'repartir bredouille les satisfait pas autant que moi. Ils se mettent debout et rentrent dans l'sillage de l'ivrogne sans plus sourciller. Mains dans les poches, un léger rictus insolent sur l'coin de la machoire qui veut pas s'en détacher, j'me jette d'un pas, pour la première fois d'la journée, assuré aux côtés d'la délégation des sots. S'agitent dans mon esprit des pensées pas bien fraîches mais qui sont devenus routines après cinq ans à trimer au nom de la mouette... et maintenant deux ans à vivre seul au monde, caillant dans l'froid, le sang encore glacé par la perte de ma seule famille et de c'qui fut mon seul ami pendant plus de vingt ans. Frangin. J'aimerais tant savoir comment tu t'en sors, chez les révo'. J'me fais tellement de mouron. J'ai l'âme et les nerfs qui passent à la centrifugeuse à chaque fois qu'j'y pense. Inquiet. T'es pas blessé ? Pas sous les verrous ? Pas dans l'aquarium d'une de ces foutues engeances de saints ?
Tu t'épanouis ? T'as trouvé des gens sur qui compter ?

Dites, Kamina... On vous voit les... le... On vous voit...
Ouais, désolé Lucille, on me voit le cul... J'changerai de froc dès qu'on sera revenus sur le vaisseau.
Il vaut mieux, en effet.

J'me sens un peu fané. Mais soulagé. J'suis encore capable d'attirer la sympathie des gosses. J'suis toujours pas comme un vieux briscard aigri incapable d'être ému par les espoirs candides d'ceux à qui la vie sait encore tendre la main. J'suis encore bondé d'empathie, empli de curiosité, avide de savoir. J'garderai jalousement ces valeurs comme mon trésor. Ces valeurs que j'hérite du p'tit morveux que j'étais gosse, qui vivait dans sa bulle sous-marine. Qui voyait le monde à travers le prisme des rêves. J'espère qu'Epsen s'en sortira mieux qu'moi. C'est grave ? De s'identifier davantage à un môme humain qui fait les quatre cent coups sur son île autarcique qu'à mes congénères poiscailles qui causent le langage du muscle et s'expriment par la haine ? Nan, vraiment. Percevoir le reflet d'une partie de toi dans l'âme d'un autre, ça passe outre les races. Par delà l'espèce, l'origine et l'vécu, tu reconnais les gens d'ta famille spirituelle par leur façon d'être.

J'espère que tu t'en sortiras mieux qu'moi, Epsen. Que tu resteras fidèle à tes rêves, aussi nébuleux soient-ils. Que tu deviendras un homme mature. Hinhin. Quoique tu sois devenu, ça m'plairait bien de te recroiser plus tard sur les mers. Quitte à t'flanquer une vraie fessée si tu m'y forces.

Il y en a au moins un qui s'en sort heureux...
Oh. Désolé, commandant.
Vous n'avez pas à l'être. Je ne me souviens pas vous avoir vu sourire une seule fois en ces quelques semaines que vous avez passé à vous entraîner sous mes ordres. Qu'est-ce qui vous met de si bonne humeur ?
J'sais pas. Sursaut de positivisme. Une prochaine fois, ptete ?
Hahaha ! Qui sait ? La base du diplomate est de ne pas se prendre au sérieux. Merci de me l'avoir rappelé.
Hein ? Vraiment ?
La plupart du temps, nous ne servons que de préliminaires forcées à la guerre. Nous nous heurtons souvent à des murs d'indifférence ou de haine, nous sommes parfois même mis en danger bêtement durant certaines missions. Quant à nos citoyens, ils nous considèrent moins comme les garants de la liberté que comme des poids morts bercés d'idéaux dysfonctionnels.
Ah, c'est sûr... Je vois.

Le peuple. La masse. Mon âme d'homme-poiscaille rebelle s'révolte. J'suis tombé dans un piège. J'étais certain qu'ces gars étaient eux-mêmes dans leur monde, aussi. C'qui aurait été grave, parce qu'ils ont tous un certain âge. Mais ils sont parfaitement conscient de n'être qu'un pauvre boulon mal vissé dans la grosse mécanique de l'univers. Cette pièce un peu en trop et à part, dont on se souvient plus trop de l'utilité, sinon qu'elle est indispensable. La question inévitable m'glisse des lèvres. C'est maintenant ou jamais.

Pourquoi vous continuez ?
Chaque petite conquête me rend fier. Chaque rare victoire que nous décrochons sans verser la moindre goutte d'un sang innocent nous paraît comme un réel pas vers la paix.
Ah...
Je dirais tout simplement que, plutôt que de nous battre pour des idéaux, nous essayons de lutter pour toutes les espèces de la planète. Humains, hommes-poissons, toutes. Car les idéaux sont immortels et éternels. Contrairement à la vie...
Navré qu'on se soit autant cassé les dents sur Zaun... 'sont bornés.
Une prochaine fois, peut-être ? Chaque peuple se forge une âme à part, que l'on ne peut pas saisir du premier coup. Nous réviserons notre approche.

Nous v'là revenus dans la ville. Notre troupe usée, affamée et passablement décrépite parcourt les rues baignées d'une lumière orangée, sous les regards amusés des autochtones. Notre guide pinté se détache du groupe en nous adressant de grands mouvements d'bras joyeux et erratiques, ainsi qu'un large sourire asymétrique et constellé de p'tits trous. Moi, toujours à l'arrière. J'agite mes pensées, j'les remue dans tous les sens. Les souvenirs de la journée s'organisent, et j'me sens bête. Bête d'avoir si vite taxé ce jour d'irrécupérable. Bête de m'acharner à c'point à me croire maudit, à accuser l'monde d'avancer sans m'attendre alors que j'gâche autant mon temps à m'perdre dans la contemplation du passé. Bête... dans mes relations. Envers ceux qui voient l'potentiel en moi. Ceux qui s'intéressent à l'âme de l'abomination.
Quel abruti j'fais... d'les voir venir comme des trublions venus mettre ma vie et mes convictions en vrac, plutôt qu'les prendre tous comme d'éventuels alliés. J'suis devenu tellement méfiant. J'pense rouler ma bosse, mais j'risque surtout de m'enfoncer dans une routine apathique qui m'empêchera de devenir le héros, le héros de mes rêves. J'suis tellement aveugle, parfois. M'rend compte d'à quel point j'suis bien con. D'à quel point c'est facile de juger les autres. Mais tellement dur de les comprendre.

Mais j'sens qu'cette honte de moi-même me portera vers l'avant. A plus Zaun, à plus Epsen.
Gourmet, j'me lèche les babines devant cette happy end que j'me plais déjà à savourer.
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