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J'ai eu d'la chance ... il a failli m'rater.

... et alors là, Anatole, y demande à Edgard s'qu'y va faire ce soir. Et ce bon vieux singe de Edgard qui lui dit en gloussant qu'il va remettre le couvert avec bobonne, que ça fait déjà une semaine et que ça commence à bien faire. Et paf' arrivé chez lui, ben Edgard, ni une ni deux, il se jette sur sa bourgeoise, excité comme un puceau devant un décolleté plongeant. Sauf qu'elle, elle veut pas. Il insiste, elle refuse, il insiste encore mais la rombière, inflexible. Le bon Edgard, y comprend pas, y d'mande ce qui va pas, et sa poule lui dit :
" La femme d'un de tes collègues m'a appelée, il parait qu'il y a une pouf' à ton boulot qui s'est tapé tous les gars d'ton service. Tous, sauf un. "
Alors là, le Edgard, bien embêté, y réfléchit, y réfléchit, puis il tire une moue assez convaincue de c'qu'y va balancer et y bave :
" Oh, ça doit être Anatole, quelle andouille ce mec ! "

...
Avoue qu'elle est bien bonne hein ! Meeh, où tu vas ?

Rha l'hallu, j'balance une blague du tonnerre, et vlan, elle s'en moque la p'tite dame, elle s'envole, comme ça. C'est ça l'problème de nos jours, plus personne prend l'temps d'profiter. He bah, vas-y, barre toi, libellule, n'empêche, tu m'y r'prendras plus, à taper la discute pour faire passer le temps. Bwahf, pas grave. Cool journée, aujourd'hui. C'est tout c'qui compte. Paisible. J'suis le cul vissé dans un canap' avec rien d'autre à foutre que d'tirer sur un petit cône de délice en zieutant ces myriades de gouttelettes qui crépitent contre la vitre. Temps à la con. J'dis à la con, pas dans sa connotation péjorative, hein, attention, plus dans le sens détaché et totalement sudiste du coin qui veut dire " teh, il est couillon ce temps ". Pourtant, avant d'me poser ici, j'avais miré les cartes postales qu'on fait de la région; beh, y'avait pas un pet de pluie, que du bleu, un azur puissant et immaculé, avec la machine à t'donner envie d'taper barbec' qui flambait joliment tout là-haut. Mais là, non, pas possible.

Y'a pas un pelé hors du rade. Pas un temps à foutre le nez dehors quand on est pas habitué aux averses et qu'on sait pas apprécier leur charme presque exotique. Pas un gusse dans la rue, et, pour rien gâcher, personne dans l'caftard non plus. Le tavernier, l'est pas troublé pour si peu, à moi tout seul, j'lui fais son chiffre de la journée. Et pour chaque chope que je tombe, il s'en siffle deux, en bon habitué de la profession. On est là, on boit, on s'lance une phrase ou plusieurs parfois, toutes les cinq minutes, et on fout rien. C'est chouette. Y'a rien à faire en même temps. Et c'est parfait ainsi. C'est quand ton quotidien t'offre ce genre de temps-mort que t'as tout le loisir de laisser ton esprit flirter avec les étoiles. De vagabonder peinard et sans retenue dans le théâtre infini des rêves, des pensées éphémères et des visions alternatives. Explorer, découvrir, profiter. C'est la panacée, toute simple et évidente.

Le tout, c'est d'en prendre conscience. De pas sous-estimer, ignorer ces moments de pause qui peuvent te sembler contre-productifs au premier abord. Parce que si tu prends le soin de creuser un peu derrière les apparences, tu réalises que les merveilles dorment dans les profondeurs de ton âme. Y'a les trésors, lovés au creux du lit de l'océan, dans la carcasse déchirée du fier navire qui dans le temps domptait les vagues, et y'a les perles de l'esprit, timides, fragiles, toutes scintillantes derrière le manteau de mystère qui les protègent. Hé ouais, tout s'mérite; ceux qui auront cet esprit bohème, qui combineront le goût du voyage et la passion pour l'art, la vie et sa compréhension possèderont toujours cette petite flamme en eux qui les amènera à voir les choses différemment. Et c'est quand on sort de l'ordinaire qu'on est le plus susceptible de caresser ce doux et parfait bien-être fait de découverte et d'aventure. Effleurer l'épiphanie, c'est l'état perpétuel qu'il faut rechercher. La saisir constamment, c'est impossible, et même de manière fugace, peut-on apparenter ça à un succès ? Quand tu prends conscience, que tu réalises un truc bien perché derrière des contours indistincts à la base, tu obtiens une solution, mais la vie, c'est une perpétuelle quête. Une perpétuelle remise en question qui tend à te guider vers le point de compréhension suivant. Une fois que tu piges ça, tu te contentes pas d'une réponse. Ou même des réponses. T'aspires aussi à connaître les questions.

Seulement quand tu fais ça, t'en arrives parfois à chambouler les certitudes qui t'ont façonné en tant qu'individu. S'qu'il faut, en fait, c'est adopter la méthode de l'équilibriste : tu cherches à avancer en gardant d'un côté, tes acquis, tes convictions profondes et inaltérables, et de l'autre, ce grand inconnu susceptible de te faire rebondir vers une voie totalement différente de celle que tu arpentais. Sans jamais trop s'appuyer sur l'un ou l'autre, pour pas s'casser la gueule. C'est ce même schéma, toujours répété, jamais identique. Tout ça parce que tu cherches les questions qui t'inciteront à aller plus loin. La question.

Mais la bonne question, c'est quoi ?

Dites, j'vous r'connais vous ! J'suis sûr que j'vous r'connais. C'est vous pas vrai ?

Tiens, un individu qui m'parle. Dans un bar, c'est pas banal. C'est même plutôt singulier. Il a une tignasse en bataille et une constellation de tâches de rousseur absolument extra. C'est décidé, y m'est sympathique.

Ah ouais ? Bah dans c'cas, si vous êtes sûr, c'est qu'ça doit être moi, que j'dis.

J'aurais ptetre pas dû. Déjà, ben je sais pas si le lui qu'il cherche, c'est moi. Et en plus, y repart en braillant comme un buffle d'un truc genre : " Yahoo, je l'savais ! Patroooon ! Patroooon ! Jl'ai r'trouvé ! " qui fait pas plaisir aux tympans. Ni aux miens, ni à ceux de l'autre coco là, qui essaie de rentrer le plus possible sa tête chauve dans ses épaules en se massant les oreilles et en tirant la grimace.

Bordel, Alphonse, j'suis juste à côté d'toi, tu l'fais exprès ou bien ?
Oh, désolé Patron.
Bon, quoi, on s'prend une bière les gars ?

Oops. C'était le truc à pas lâcher apparemment. Dire qu'y z'ont pas l'air hyper-emballés par la proposition, c'est un doux euphémisme. Mieux, j'dirais plutôt, j'aime pas trop le regard qu'ils me bazardent. Bien furax, bien glauque.

Euh ...j'aime pas trop le regard que vous me bazardez, les gars, bien furax, bien glauque. J'ai dit une connerie ? Ancien alcoolique peut-être ? On peut trinquer au jus d'pomme vous sav'...
Tu vas d'abord nous rendre c'que tu nous dois sans faire d'histoire, l'ami, et pas d'entourloupe !
Hm, vous êtes sûr ? Parce que si c'que j'vous dois vaut moins d'une bière, vous loupez une affaire. ... Ah oui, euh, j'vous dois quoi déjà ?
Ça, faudrait demander au patron.
Beeh... C'est pas vous Patron ? Y vous a appelé comme ça.
Non, moi, en vrai on m'appelle 2D.
Alphonse. Deudet. C'est noté. Sur la vie. Et c'est pas lui l'patron ? que j'dis en visant le barman. Parce que moi jl'appelle comme ça tout l'temps.
Mais noon, c'est pas du tout ça ... j'cause à un demeuré ou quoi ?! ... c'est ... Aaah ! J'ai dit pas d'entourloupe !
Pas dans quoi ?
Merde !
Ah oui, là, on est pas dans la merde, c'est sûr.
Allez patron, faut pas s'mettre dans des états pareils pour autant.
Pour autant ? Bah, donc, ça a d'la valeur c'que vous venez chercher. Encore que moi, j'aurais dit pour si peu, sinon, ça veut plus rien dire, là, dans l'contexte.
Alphonse ...
Deudet ?
Y va m'rendre chèvre c'gars.
Moi, c'est pas Seguin, m'sieur Deudet, c'est Eustache Ier. Rock Star. Et comme j'vois qu'on a comme un malentendu, voilà c'que j'vous propose : on voit tous ensemble c'qu'il faut retrouver autour d'un bon verre et on avise. Ok ?
Mais c'est à dire que ...
À la bonne heure ! Patron, une tournée !
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C'est quand même mieux avec un verre devant les mirettes. Nettement mieux, même. Alors, avec un verre devant les mirettes et trois dans la musette, j'vous dis pas l'progrès. On surfe sur une bonne vague qui a eu tôt fait de noyer nos petits différends initiaux. S'avère que Alphonse et 2D sont pas d'anciens alcoolos en repentir, non, ils ont pas fait la connerie d'arrêter et donneront même pas dans la sobriété avant encore un moment à les écouter. Y'a rien qui presse comme y disent si bien. Non, au lieu de ça, ils rechignent pas à siffler chope sur chope. Limite, ils y prennent un peu trop goût et seraient ... houla, j'viens d'dire un truc étrange moi. Trop apprécier sa bière ... c'est possible ça ? Ehf', à méditer, j'ai bien entendu parler de cette rumeur selon laquelle trop régulièrement étancher sa soif à coup d'picole, c'est pas bon pour l'opinion que les gens se font de vous, mais c'est tout. Bref. Ils sont pas du côté abstinent du goulot de l'équilibre mondial les deux lascars et c'est tant mieux.

Ça nous permet de deviser gaiment et de boire. Santé les gars. Qu'est ce que j'pensais moi déjà ? Oui ... La facilité à juger qu'ont les gens. De toute façon, que les grincheux aient des à-priori à votre sujet, ça ne signifie pas pour autant que vous soyez un mauvais bougre ou que vous méritiez les quolibets, pas vrai ? Ça dépend du point de vue, libre interprétation, tout ça. Qui peut vraiment se targuer de savoir ce qu'il en est, de toute chose ? Personne. Et tout l'monde sera à peu près d'accord sur ce point. Alors partant d'là, faut être sacrément discourtois et autoritaire pour asséner une sentence quant au comportement d'un autre comme ça. Imposer aux gens sa philosophie sous prétexte qu'on veut pas se plier à celle d'un autre, c'est barbare. Et ça, nous, on fait pas. Nous, ce qu'on fait, c'est boire des bières. Tout gentiment. Une autre ? Allez, une autre.

Et comme l'alcool rend sage, c'est bien connu, on s'engage pas dans de grouillantes digressions à degré agressif et discrétion dégressive qui dégomme grassement digestion. Non, on se contente de balancer des banalités dont on se fout pas mal et qui nous permettent de caler la réflexion en pause sur la situation présente et laissent au cerveau toute la liberté de vagabonder dans ses observations parallèles et alternatives. À ce sujet, j'en étais où ? Oui, la difficulté qu'il y a de faire admettre aux gens que trop de possessivité, l'absolutisme, quelque soit le domaine et quelle que soit sa matérialisation, nuit à l'épanouissement général. Le tien, d'abord, parce que tu te ronges à tout vouloir contrôler alors qu'il est tellement plus facile de laisser couler, et celui des gens autour de toi parce que ça doit pas être de la tarte de te supporter au quotidien. Non, faut rester souple, en vérité. Serein comme le cours d'eau. Hm ? De la Bière ? Le cours de la bière ? Mais tu dis vraiment que d'la merde Alph' ... oh, une bière ... ouii ! Oui, bien sûr, la bière. Beh écoute, vas-y, remets celle-là, j'paye la suivante.

Ahem. Bon. Où que j'pensais moi. Vlà. L'image de l'eau. Yey. La force tranquille, imperturbable. Parce que, quand tu jettes un caillou dans l'eau, ben y'a une onde, ok. Elle se propage. Vrai aussi. Mais après, hein ? Ben elle se dissipe, amortie puis absorbée par l'élément qui reprend ses droits. Et si tu te heurtes à un obstacle sur ta route hein ? Si l'caillou est plus mastoc que prévu ? Ben, tu déplaces ton plumard un peu plus loin, mais tu t'tracasses pas plus que ça. Tu sais qu'tu pars toujours du sommet d'la butte, et qu'tu finiras toujours par te jeter dans l'océan. Comme c'est prévu. Comme le veut l'ordre naturel des choses. Et là, jt'entends déjà dire ... ouais mais c'est chiant alors, si tout est calculé. Mais non, bonhomme, mais non. Je dis faux. Faux ! Hm ? Faux quoi ... ? Faut aller chercher la prochaine tournée ? Gué ... Ok, j'y va, Dédé.

Allez, et glou et glou. Aah, za fait du bien. Et que oui, donc, glou glou l'eau, mais chaque goutte vivra une expérience unique, différente de celle de sa voisine. Tu vois l'concept ? Mais non, pas la voisine d'Alphonse, qu'il est con çui-là. Même dans mes pensées enfouies, jl'entends raconter des âneries l'gaillard. Puissant pas vrai ? Non, c'que j'veux dire ... T'es dans le grand cercle de la vie, en communion avec le Grand Sachem et les étoiles, mais eux ils font que te présenter le schéma dans les grandes lignes, et toi, après, une fois que tu comprends leur message, t'es libre de mener ton aventure propre, de découvrir le sentier sous toutes ses coutures. Tu trouveras des contours douillets et charmants, tu trouveras des bordures foirées où tu te piqueras... Ouh, ça pique oui. Ça pique un max. Hm ? C'est normal ? Pourquoi ça, c'est normal ? Ah, parce que ça, c'étais un tord-boyaux ? Hips. ... Ah oui ... Ben voilà, c'est 'xactement que c'que j'raconte là depuis des plombes. La force tellurique, le Mikado et tout c'bazar. Tout z'explique. Tout.

'vooyez ?
...
Moui. Bon. Maintenant qu'on est tout bien d'accord sur c'que ça ... là ... menus points de base, hem ? Beuh, si on allait retrouver c'qu'on cherche, hein ?
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Lancer les investigations, oui... Belle résolution, noble initiative... Sauf que dans l'état qu'est le nôtre là de suite, on est pas hyper-efficaces. 'tention, j'dis pas, l'ivresse, ça offre de nouvelles perspectives et ouvre quelques passerelles incroyables via l'argutie qui s'invite dans les fonds de verre... 'fin si, remarque, j'le dis, ça s'ra plus simple...

Messieurs, l'ivresse, ça offre de nouvelles perspectives et ouvre quelques passerelles incroyables via l'argutie qui s'invite dans les fonds de verre.

...mais y'a la bonne ivresse et la mauvaise ivresse. La bonne ivresse, tu bois, t'es soûl eeet... he beh, c'est bien. Alors que la mauvaise ivresse, tu bois, t'es soûl et c'est b... ah non, mince, c'est pas ça. Ça marche pas la blague sinon. ...'tendez, deux minutes. La mauvaise ivresse, tu bois pas et t'es s... ? Hm, non c'est complètement con ça... rhaaa Merde. J'me souviens plus. Bon, en fait, de mémoire, la bonne ivresse, c'est celle qui a bon goût. Ou si c'est pas ça, on s'en fout, on va faire comme si, hein. Bref, on est beurrés comme des p'tis Lus et là, en l'occurrence, ça nous avance pas des masses de voir tout en double parce qu'on sait même pas c'est quoi qu'il faut trouver. Alors quand bien même on le verrait en quatorze exemplaires le machin après quoi on court, beh on serait fichus de passer à côté sans ciller. Quatorze fois. Ouaip. Comme j'vous l'dis. Mais en attendant, on est des professionnels. On fait d'notre mieux. C'qui va pas chercher bien loin, c'est pas faux.

En doux cas, les lois de l'attraction marchent bien auj...hips ... 'jourd'hui, c'est net.
Baaeh ? Les lois de... de la... traction ? J'connais ça. S'parce que la Terre est ronde, c'est ça ?
Mais non, elle est pas ronde, hé 'bruti. C'est nous qu'on est ronds. Tu mélanges tout toi.
Tout et tout et tout ! Même le whisky... eeet l'rhum, ouaip.
Oui voilà ! Même le w... 'fin non... non, on s'en fout d'ça. Y veut dire qu'ça d'mande du muscle ! Du muscle de tenir sur ses deux pattes, Alphonse.
Ah oui, j'connais ça, c'est les lois de... hum... 'fin j'connais quoi.
Dites, en fait, on cherche quoi exactement ? Paske là, j'ai bien trouvé ce splendide sombrero mais... j'suis pas sûr qu'ça ait vraiment à voir avec not' affaire.
On cherche l'homme à la cervelle d'or, ça m'revient maintenant. Merci l'Gold Strike.
L'homme à la cervelle d'or ? Ah ouais... Mais il est mexicain, au moins ? ...'ça s'trouve, c'est son sombrero et y va r'venir le chercher.
Ah ça, j'en sais rien. Faudrait d'mander au patron.
Et c'est toujours pas lui l'patron ? Moi, j'maintiens, Alfred, tout l'monde il l'appelle patron, ici.
J'connais un Alfred, mais on l'appelle pas patron. Et là, c'est qui Alfred ?
Ben, l'patron. Et le tien, il s'appelle comment ?
Beh Alfred.
Mais non, pas Alfred, le patron.
Oui, j'avais compris, pas Alfred le Patron, vu qu'vous l'appelez patron, le nôtre d'Alfred, on l'appelle Alfred quoi.
Mah ouais... Alphonse ?
Ouais ?
T'es génial, mec.

Peuleu Peuleu Peuleu. Peuleu Peul...Click.

Meuuuallô ? ... Oh, bonjour patron. Dites on est avec... euh quittez pas... dites vot' nom c'est ... ?
Eustache Ier, hips.
Eustache Ier, hips. Voilà. Non parce que, on cause, on cause, mais on en oublie les présentations...
Bien vrai. Fichu monde trop pressé.
Comme vous dites, moi j'rêve d'une retraite paisible sur un îlot retiré de tout, avec la mer...
Ah, la mer.
Et puis les vagues...
Oh, les vagues.
Et puis... oups heem... deux minutes, permettez ?
Bien sûr.
...oui patron, j'suis toujours là, avec Eustache Ier donc et on s'demandait... euh... Eustache Ier, quoi... un mètre nonante, cheveux bruns, nonchalant, 'fin attendez ... vous êtes pas chalant hein ?
Je... suis... je suis pas ?
Chalant. Vous êtes pas ça, pas vrai ?
Ah là euh... euahrf même, pas vraiment j'vais pas vous l'cacher...
Ouais, z'avez entendu, j'avais raison. Et bref, ouais, on voulait savoir comment vous vous appel... ééh ? Oui ? Qu'on rentre de suite et que ça saute bande d'alcooliques... ? Faisons comme ça. Le jeune maître est souffrant ? ... Très bien patron ... On ramène un médecin. Le meilleur ? Le meilleur. Reçu. On arrive. Bisous...euh, 'fin on arrive quoi. Clock.
Alors ?
Alphonse, faut rentrer. Avec un médecin.
Un médecin ? Mais on va trouver ça où.
Hm, pour c'que ça vaut, la meilleure médecine, elle est au fond d'une bouteille, je crois.
Ah ouais, z'êtes sûr ?
Oui, tenez, z'aviez des problèmes en arrivant. Z'étiez pas totalement dans votre assiette. Beh, z'avez bu, ça va mieux. J'me trompe ?
Hé mais, c'est vrai ça en plus. Dites, vous vous y connaissez depuis longtemps en médecine ?
Oooh, facile cinq... cinq-dix minutes j'dirais.
Et vous vous qualifieriez de balèze ?
Oh ben, j'suis champion du monde de Mikado quand même. Ça doit bien compter pour quelque chose, pas vrai ?
Champion du monde... wow ! T'en dis quoi 2D ? On l'emmène ?
Voilà c'qu'on va faire. Z'allez nous suivre chez le patron. Comme ça, on tirera au clair cette histoire de Alfred, et vous pourrez soigner le jeune maître.
Le jeune maître ?
Oui, l'héritier du manoir,en sortie de ville. Il se meurt d'un mal étrange. Une infinie tristesse le ronge. Son oncle qui dirige les affaires familiales depuis le décès des parents a fait mander différents voyants, qui lui ont tous dit que l'enfant mourrait de chagrin, et que seul l'homme à la cervelle d'or pourrait le guérir.
Bon bah, j'vais l'guérir moi.
Le guérir ? Comme ça ?
Yup. Comme ça. Foi de Eustache Ier. Alphonse, 2D, en route. Direction le manoir.
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Y fait toujours un temps de merde, mais curieusement, c'est grisant de marcher sous cette pluie diluvienne, comme ça, en compagnie de deux inconnus. De remonter les travées boueuses en trainant les pieds. Bon, Alphonse et 2D sont particulièrement facile à vivre, c'est pour ça entre autre que je les accompagne je sais pas trop où, mais ils en restent pas moins des inconnus. L'autre raison, c'est que j'ai pas le choix. Mais, toutes ces notions-là, inconnu, étranger... ce sont rien que des étiquettes dont s'embarrassent les gens qui se sentent obligés de tout pouvoir classifier, pour savoir ce qu'il est ou non possible de faire ensuite. Pour reconnaitre toute chose, pour reconnaitre celles et ceux qu'ils ont en face. Parce qu'ils ont besoin d'un garde-fou, et de repères, ils ont besoin qu'on leur dicte certaines règles. Trop de liberté les rend livrés à eux-même, et ça leur fait peur. L'immensité d'une pleine autonomie. Alors que, la liberté, c'est Tout. C'est la joie de voler même sans ailes, c'est des champs à perte de vue d'un vert puissant, c'est des bourrasques de vent, des fruits mûrs et du soleil. C'est la vie. C'est sauter dans des flaques saumâtres en s'marrant comme un con. Saumâtre... Parait qu'employer saumâtre à cette fin-là, c'est une erreur, en fait. Ça aurait juste à voir avec la salinité de l'eau ou un truc du genre. M'enfin, viendra p'tetre un jour où on admettra officiellement son emploi dans de telles circonstances. C'est comme ça, une langue vivante, ça évolue. Ça doit toujours rester en mouvement, un peu comme un requin, sinon ça dépérit, et un jour ça meurt. Et on finit par plus parler d'elle qu'au passé. Elle a été ensevelie par d'autres cultures alors qu'elle avait tant et tant à donner et à faire partager encore. Pourrait-on un jour épuiser les sources du savoir ? Vaste question. Elles ne se tarissent jamais vraiment, je pense, et pourtant, on les abandonnes aux affres de l'oubli.

C'est quand tu vois autour de toi que même d'inaltérables trésors comme le langage en viennent aussi à mourir un jour que tu prends conscience de ta propre mortalité. T'es éphémère, alors faut qu'ton passage sur Terre n'en soit que plus intense. On est des papillons, au final, et on prend quand même le temps d'aller arracher les ailes du voisin plutôt que de cueillir la vie, de butiner le bonheur, de se gaver d'instants magiques qui nous feront briller longtemps après notre départ. Ben ouais, comment tu crois qu'ça marche, toi, les étoiles ?

Le plus dur, avec cette prise de conscience, c'est encore de trouver comment ça marche pour profiter et resplendir pleinement, parce que c'est tout ce qui importe. Y'a comme un paradoxe, bien ancré au fond de ce principe, avec lequel il faut savoir jongler pour faire de sa vie un miracle. D'un côté, il y a la compréhension, pleine, pure, géniale; celle qui t'offre l'émerveillement par l'épiphanie. Celle qui apporte les réponses; les réponses qui te font avancer. Pour atteindre cet état, il faut savoir faire le vide en soi, se détacher de son enveloppe charnelle, frivole et instable, pour trouver cette sensation de zen, de plénitude loin des émotions et des saveurs. À ce seul prix tu deviens véritablement objectif car dégagé de toute passion, à ce seul prix tu atteins le véritable Savoir. D'un autre côté, il y a ton cœur, et la puissance des sentiments qui le bercent. Les goûts, les odeurs, les caresses, les couleurs, le soleil, la pluie, les arc-en-ciel et la lune. Tout ça. Océan effervescent, dont chaque élément particulier t'emplit d'une nouvelle fibre de vie, te transporte au loin et te plonge dans un univers où tout est décuplé, plus grand et plus intense. Pourtant, prospérer dans ce halo de bien-être, sans en comprendre la teneur, c'est agir par simple mécanisme; ne pas prendre conscience, c'est perdre accès à l'extase. Mais d'un autre côté, à trop se détacher de son cœur pour cultiver la sagesse de l'âme, comprendre le monde en s'offrant à la sérénité totale, c'est perdre la fougue, notre propre humanité, qui rend tout vrai. Alors, on fait comment, hein ? Quelle est la parfaite équation ? Comment l'atteindre, Eustache Ier ? Comment on fait ? Hein mec, comment on fait ?

Oh-oh, Eustache.
Méh, de q... qu'est-ce qui s'passe ?

Je cligne des yeux. Disparus, les songes. Disparues les visions, les couleurs phosphorescentes, les formes floues et les nuages parfumés qui flottent à hauteur de tibia. Adieu la magnifique gravitée réduite, qui rend chaque mouvement plus facile et mou à la fois. Cette délicate sensation d'être une guimauve, de se laisser porter au gré de la brise. Non, au lieu de ça, retour dans la tornade, qui a peut-être même encore pris en ampleur. On est trempés et pas qu'un peu. Et la nuit va plus tarder. Ça veut dire qu'on marche depuis belle lurette déjà. J'aurais encore eu un léger moment d'absence ? Hm, possible. J'vais tâcher de rester ici un moment, j'vais finir par louper un épisode sinon. Mes deux compères de marche m'expliquent, bien embêtés, le problème auquel on se heurte. Devant nous, de l'eau. Qui coupe le versent en deux. Un tranquille ruisseau à les croire par temps sec, mais là...

La rivière est en crue. On ne distingue même plus le pont, on ne sait pas exactement où il se trouve. Traversez maintenant, c'est trop risqué. On se casserait le cou, voilà tout ce qu'on y gagnerait.
Mais, et l'enfant alors ?
Quoi l'enfant ? Celui du patron ? Vous en faites pas pour lui, ça peut attendre.
Non, ça n'peut pas.
Ah bon ? Pourquoi ça ?
Il me l'a dit.
Il vous l'a dit ? Mais quand ça ?
Je l'ai vu dans le monde merveilleux selon Eustache Ier. Allez, on y va. Avec moi !
Non, pas par là !

Je les entends gueuler, mais les bourrasques déforment déjà leurs voix. Et puis, je m'en fous, je sais très bien ce que je fais. Il suffit d'avoir confiance dans les éléments. Alors j'avance. Encore quelques pas et je me jette dans le torrent furieux. Tout là-haut sous les nuages noirs, je devine déjà les contours du manoir. Et à l'intérieur, y'a un gamin qui m'attend. Alors, y'a pas une minute à perdre. De toute façon, ça ne peut que bien se passer. Le monde est toujours flex avec Eustache Ier. J'toise un petit moment la rivière furieusement bavarde. Héhé, je sais ma belle, sacrée journée pas vrai ? J'parie qu'tu t'amuses bien, toi. Bon, pas de raison que sois la seule. Allez, j'arrive.

Hop !

Et je plonge.
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Mwaough. Ma tête. Ça joue du tambourin et pas qu'un peu, là-dedans. Y'a une superbe dualité entre le moelleux dans lequel mon corps entier est enfoncé et la rudesse qui m'agresse les synapses. Étrange phase de bien-être et de malaise combinés. État bancal mais suprême en même temps. C'est un peu comme prendre un bain, plongé dans une eau presque bouillante, juste parfaite pour la relaxation, mais veiller quand même à s'asperger parfois de cette eau glacée qu'offre l'autre source, à côté de toi. Juste parce que ça a quelque chose de grisant, de briser une plénitude, et que ça décuple la force des sensations qui nous brassent de les confronter à leur parfait opposé.

J'soulève une paupière, chargée de tout le sommeil qui s'accroche encore à mon organisme, manière de mirer un peu l'autour de moi. Déjà, j'suis dans un plumard. Un plumard d'enfer, devrais-je même préciser. Avec en plus du matelas déjà qualité richous, couette, sur-couette, édredon et housse, au moins. Et moi au milieu. Ma tête est plantée dans un monticule d'oreillers aux formes et aux couleurs différentes. Des grands, des petits, des ronds, des carrés, des rouges à motifs dorés, des blancs sans motif du tout... Un pot pourri des plus charmants. J'profiterais bien de ce confort parfait une poignée de minutes ou d'heures supplémentaires - on passe bien vite de l'un à l'autre quand on est limite trop bien calé dans son petit nid - mais maintenant, ce décor aguichant commence à éveiller ma curiosité. Heureusement qu'elle est là, pour me tirer de mon état amorphe. Alors j'vais sans doute pas sauter au plafond avant un moment, mais au moins, j'vais m'bouger. Allez, wake up Eustache. Hm. Mais d'abord.

Gnnh'...

S'étirer dans une grimace de délectation. Réveiller les muscles engourdis et apprécier l'extase, douillette. L'un des petits plaisirs de la vie quotidienne. Et ce petit sourire de contentement qui s'en suit. Félin. Y'en a qui osent venir traiter les chats d'glandeurs après ça. La vérité, c'est que si on pouvait, on f'rait tout pareil qu'eux. Bref. Passons. J'suis où ? Grande pièce presque carrée, haut plafond orné d'une frise décorative bien noble. Devant moi, des rideaux tirés, d'la lumière qui filtre depuis l'interstice entre les deux toiles. Y fait jour. Y fait gris. Sur les murs, y'a des tableaux. Pas du genre que j'aime, pas des trucs farfelus qui laissent vagabonder ton imagination, ou des natures mortes, celles qui transpirent d'émotions capturées dans un prisme. Non, là, c'est des bêtes portraits, avec des gens rigides et sérieux qui prennent des poses graves et pas naturelles du tout. Pas funky. Trop orienté. On montre que c'qu'on veut donner à voir, avec des machins pareils. Autrement dit, y'a rien de vrai. Dans un coin, par contre, embusqué derrière une fauteuil de maître, y'a un petit dessin qui ressemble en rien à tous les autres. L'est timide, planté là tout discrètement. J'veux voir ça d'plus près. J'me lève.

Waoh, ça tangue. J'ai mal aux guiboles. Et à la cabeza. Tiens, j'ai un truc sur la tête. Autour de la tête, plutôt. Un bandana ? Nan. J'me lorgne dans une glace. En fait, c'est un bête bandage blanc. J'ai pas souvenir m'être cogné, pourtant. Mais ça expliquerait la douleur qui martèle mes tempes. Il faut un peu plus qu'une bête gueule de bois pour m'en faire autant baver. J'traverse la pièce, lentement - de toute façon je vais tout faire au ralenti aujourd'hui je sens - et retourne vers l'esquisse qui m'intrigue. Le sol, c'est de la moquette. Hm. Plaisir de marcher pieds nus là-dessus. J'fais danser les orteils contre l'étoffe et me plante devant le petit dessin. Ça représente une colline recouverte d'un véritable parterre de fleurs des champs, rouges, jaunes et blanches. Des herbes hautes, un grand papillon au premier plan, un ciel d'un bleu immaculé et le soleil tout là-haut, dans le fond. Au sommet de la butte trône un cabanon sommaire mais coquet. Devant, il y a un enfant de huit ans peut-être qui agite une main et semble encourager le chien qui gambade gaiement et suit du regard un bâton qui vole au dessus de lui. Une belle scène. Pleine de vie, de joie, de légèreté. C'est un enfant qui a fait ça, j'pense. Le trait est juvénile, l'image naïve. Mais le coup de crayon est sûr, déjà. Ça a de la gueule.

Je tire les rideaux pour laisser s'engouffrer la lumière pâle. Juste sur ma gauche, il y a la végétation dense d'un tilleul. Belle vue sur le domaine. Ça s'place, comme endroit. J'respire une large bouffée d'air et sors de la piaule, pour tomber devant moi sur un grand corridor. Plusieurs portes de part et d'autre du couloir donnent sur d'autres pièces. Directement sur ma droite, un escalier en U qui conduit vers le rez-de-chaussée. À l'autre bout de la galerie, y'a un gamin en pyjama qui me dévisage en silence dans la pénombre. Y'a pas masse de lumière ici, c'est vrai. Ça respire pas la vitalité comme le tableau. Y'a un voile lourd, au contraire. On s'apprivoise du regard un temps, le gosse à la tignasse aussi en bordel que la mienne et moi. On dit rien, on bouge pas. Comme si le temps était suspendu, on plonge dans le regard de l'autre qui intrigue. Y'a une dimension anesthésiante qui fascine dans cet échange. Ça dure, on laisse faire. On profite, presque. Et puis, une voix qui vient de plus bas brise le charme muet de cette scène.

Ah, vous êtes réveillé. Formidable. Comment vous sentez-vous, Monsieur... ?

Je me retourne vers l'individu qui me parle en montant les marches. Je n'aime pas sa voix. Elle est volubile, trop ancrée dans la réalité. C'est un homme dans la cinquantaine, redingote pourpre impeccable, parfumé, coiffé. Je sonde ses yeux bruns, ils me renvoient une expression teintée de surprise qui se dissipe vite. Il me tend une main, je la serre mollement.

Eustache Ier.
Je suis le propriétaire des lieux. Mes hommes de main vous ont repêché après que vous ayez tenté de traverser...

Bla bla bla. Il parle, fait son speech. Admirable d'éloquence, le bonhomme rien à redire, mais il m'intéresse pas. Je jette de nouveau un œil vers l'endroit où se trouvait l'enfant un peu plus tôt. Il a... disparu ? Dommage.

... qu'en dites-vous ? Heu... Monsieur ?
Oui, très bien, faisons cela, je réponds, l'air ailleurs.
Parfait. Suivez-moi au salon dans ce cas, je vais vous expliquer en deux mots de quoi il en retourne.

Et on va au salon.
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Il s'assied dans un fauteuil de maître, au centre de la pièce, à peu de choses près, m'invite à faire de même. Je préfère dévisager la pièce dans son ensemble. Murs blancs bien propres, épais, froids. Des œuvres et divers objets exotiques, ici et là, protégés derrière des cadres de verre. Bien placés. Parallèles entre eux, les cadres. Table basse de bois verni, ça brille. Pas de toile d'araignée dans les recoins, pas de poussière, nulle part. Tout est beau, tout est ordonné, et méticuleusement soigné. Sensation désagréable de perfection austère, on est emprisonné dans une cage impersonnelle, dénudée d'humanité et de sentiments. Ici, on ne court pas. Ici, on ne crie pas. Ici, on se réjouit de l'absence de toute vie et de l'abondance de signes de richesse sans saveur. Il parle.

Que je vous explique ce que j'attends de vous exactement, Docteur.
C'est beau, ça, qu'est-ce que c'est ?
Ceci... Oh, faites attention en la maniant je vous en prie... Cette lance a été rapportée par le père de Joachim à son fils d'une de ses épopées dans les contrées sauvages. Son père était explorateur.
Ah.

Il prend la lance et la repose avec une exactitude qui frise le trouble obsessionnel.

Quoi qu'il en soit... euh, pardonnez mon impolitesse, vous désirez boire quelque chose ?
Pas vr...
Hélène... ? Hélène, venez-ici, je vous prie.

Il claque des mains, derrière leurs jolis gants d'un blanc coquet, une bonne plantureuse au visage figé arrive sans un bruit, sans un pas plus grand ou plus pressé que les autres.

Vous m'avez appelée, monsieur ?
Ah, vous tombez bien. Préparez-nous donc une tasse de thé.
Bien monsieur.
Vous allez voir, ce sont de véritables bijoux d'arôme. Vous ne le regretterez pas. Hm, qu'allais-je vous dire déjà ?
L'enfant.
Oh, oui. Joachim. Mais asseyez-vous donc, j'insiste.

Je m'assieds; sinon il va en faire une crise pour non conformité aux codes de cette bienséance fade et vide de toute bonté à laquelle il se plie.

Joachim, donc... C'est un enfant perturbé. Depuis le décès de ses parents, il n'est plus le même. La maison ressemble à un mausolée pour lui et je ne sais comment le ... ah, le thé. Vous avez fait vite, Hélène, comme toujours.
Merci monsieur.
Vous allez voir. Cannelle et gingembre, un régal pour tous les sens. Très bon choix, Hélène.
Merci monsieur.
Vous avez du sucre ?
Du... du sucre monsieur ?
Oui, du sucre.

La pauvre Hélène s'y attendait pas, à celle-là. Elle regarde le maître de logis, interdite. Elle veut pas faire une gaffe. Ma réponse la plonge dans un embarras grand comme ça et elle s'en défend pas. Il se passe quelque chose d'étrange, un imprévu. Son monde n'est pas fait pour accepter ce qui n'est pas prévu. C'est mal. Et ça fait mauvais genre, encore pire. Elle bafouille, en quête de renforts.

Monsieur ?
Docteur, voyez-vous, nous n'avons pas coutume de mettre du sucre dans le thé. Il vient fanner les fragrances absolument divines qui nous entourent. Mais nous avons du miel, sans doute. Hélène, avons-nous du miel ?
Oui, Monsieur.
Quelle variété recommanderiez-vous à Monsieur ?
Nous venons de recevoir un miel d'acacia remarquable.
C'est celui que j'ai goûté l'autre matin ?
C'est celui-là monsieur.
C'est vrai qu'il est remarquable. Amenez-le donc à notre invité, qu'il puisse...

Poc. J'ai fini ma tasse. Je l'ai reposée sur le plateau. Nouveau temps de pause, le temps d'encaisser la secousse sismique provoquée. On a pas anticipé que je boirais si vite. Les bonnes manières exigent de boire trois petites gorgées, de sourire, de complimenter le met, de boire deux vraies gorgées, d'aborder le problème, de finir sa tasse et de conclure la discussion sur les débouchées désirées par les deux partis avant même le début de la conversation. Mais là, tout ce magnifique schéma balayé d'un cul-sec discourtois. Que faire, que faire ?

Et donc, le petit ?
Euh... le... le petit...
Vous alliez dire quelque chose à son propos.
Oui, vous avez raison. Joachim semble déboussolé, il se mure dans un chagrin muet dont rien jusqu'ici n'a pu le tirer. Pourtant, il a avec ce foyer tout ce qu'un enfant de son âge pourrait désirer.
Ah oui ?
Hé bien... oui, enfin, il me semble. Il y a un grand jardin entretenu dont il peut profiter, nous lui avons assigné un précepteur, et il a aussi une chambre immense... Heu, que faites-vous ?
Je me roule une cigarette. On peut pas fumer ici ?
Le cigare... oui. Il y a un boudoir derrière ce salon où nous pouvons nous rendre si vous le désirez.
Non, j'vais aller dehors. Profiter du grand jardin.
Ah, euh... mais et concernant Joachim ?
Ne vous en faites pas. Vous m'en avez déjà beaucoup appris. Monsieur. Madame.

Petite courbette sans exagération. Et je taille la route vers l'extérieur, en poussant les lourdes portes en grand pour laisser la lumière envahir ce mouroir. La flamme jaillit du briquet, la tige s'embrase. Je suis resté sur le perron et un petit nuage de tabac choisit de revenir hanter la maison de son odeur non tolérée. Elle va être longue cette journée. Je me masse le crâne. Toutes ces civilités hypocrites aident pas. Je sens un changement d'atmosphère dans mon dos. Jusqu'ici, c'était le vide trop lisse de la bourgeoisie qui a oublié le mot fantaisie, là, c'est plus un halo de chagrin bâillonné. Je me retourne.

C'est l'enfant. On s'observe. Je tire une taffe. Et lâche une bouffée de tabac en direction du dehors.

Yo.
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