» Genèse : La veuve ;Disparue ; la silhouette de Pitt venait de disparaitre. Il les avait regardés un moment s’éloigner, et puis était rentré. Leur absence lui ferait tout drôle, au fond. C’est qu’ils avaient beaucoup fait les uns pour les autres en si peu de temps – et ils feraient encore beaucoup pour lui. Mais lui, il avait peur que quelque chose leur arrive par sa faute. Il avait peur de les avoir lancés dans une quête trop dangereuse. Il aurait au moins aimé leur assurer le voyage, plutôt qu’ils ne reprennent cette barque de fortune qui menaçait de couler sous l’assaut des vagues.
June ferma les yeux. Alors voilà, ils étaient de nouveau tous les deux, seuls au monde, avec leur barque. Ils partaient comme ils étaient arrivés ; comme ils partiraient et comme ils arriveraient toujours. Mais un peu moins seuls, cette fois ; un peu moins vagabonds. La douce sourit tendrement. C’était un sentiment étrange, de se sentir plus proches que jamais et pourtant de ne pas savoir quoi se dire. Tout ce qu’elle aurait dit innocemment à une autre époque pouvait maintenant être interprété… Différemment. Et pourtant elle, elle n’avait pas changé, si ?
Sans un mot, elle retourna à sa première occupation : la carte. Le voyage ne serait pas long, a priori. Mais ô combien incertain. Ils ne s’en allaient pas seulement affronter l’inconnu, mais bien le néant. Rien sur cette carte n’indiquait clairement qu’ils allaient trouver une île. Et s’ils devaient plonger ? Scruter le fond de l’océan pour trouver le trésor ? June ne savait pas nager. Elle ne savait pas nager, et elle avait peur de l’eau. Elle avait bien failli prendre sa vie, une fois.
Mais pas le temps d’être mélancolique. Elle avait une expédition à conduire et une barque à mener à bon port. La douce sourit de plus belle. Ça lui plaisait, vraiment. Les explorations, la navigation. Pas l’eau, non, et pas s’éloigner trop longtemps de la terre ferme. Mais elle s’était découverte cette passion des cartes. Il serait difficile de concilier cette passion avec son ambition de retourner s’installer sur sa Blue et de travailler dans ses vergers. Et peut-être encore plus difficile de convaincre Kanbei que c’était le mieux pour elle…
Le voyage s’éternisa finalement. Ils n’avaient pas prévu que les indications soient aussi peu précises. June s’en voulu un peu, ou même beaucoup. Et tout en travaillant d’arrachepied à trouver une solution, ils constatèrent impuissants que la nuit tombait. Et tombait vite. Bientôt ils ne purent plus voir à moins d’un mètre malgré la lampe qu’ils allumèrent. Alors, ils baissèrent les bras et se laissèrent aller doucement sur l’eau lisse. C’était dangereux. Mais June craignait que Kanbei ne se soit épuisé à ramer comme ça. Elle lui proposa de se poser contre elle et leva les yeux au ciel. Elle voulait dormir aussi… Mais non, elle veillerait…
Petites. Petites étoiles. Clignotent. Et rigolent.
« Kanbei ! Les étoiles ! » Et la douce le secoua vivement. Elle saisit la lampe et plaça la carte juste au-dessus de sorte que la lumière perce à travers la centaine de petits trous dont elle était pourvue. Ils l’avaient déjà remarqué chez Pitt, il s’agissait d’une carte du ciel. Quels idiots avaient-ils été de ne pas y penser plus tôt ! Elle releva les yeux au ciel. Et petit à petit le sentiment d’excitation monta en elle. Oui, oui, oui ! Ils pouvaient le faire ! Très vite, elle indiqua à Kanbei comment ils allaient faire. Plus vers la droite, encore un peu au nord… Ils avaient quelques heures pour y arriver.
Ils y arrivèrent. Là-bas, une île se profilait. On pouvait distinctement discerner les torches qui avaient été allumées sur des piliers flottants. Mais qui pouvait bien habiter là ?
Genèse : La veuve
Adieu Banaro, bonjour la mer. Ils avaient passé tellement de temps sur cette île que Kanbei avait cru finir par y habiter. Mais non, ils avaient repris leur périple, elle et lui. Ils formaient un couple désormais. Il n'aurait jamais cru cela possible et pourtant il vivait réellement ainsi. Elle l'aimait et il l'aimait. Certes, tous les deux étaient très timides quant à leur relation mais il n'empêche qu'ils s'aimaient. D'ailleurs, Pitt le lui avait fait remarquer par de nombreux clins d'oeils ou sourires marqués. Sacré Pitt! Ce bonhomme était la plus gentille personne qu'ils aient rencontré sur les mers à ce jour. Jamais il ne leur avait fait défaut. Il leur avait offert le gîte et le couvert et par dessus tout son amitié. Ils lui étaient redevables à tout jamais. C'était leur ami, celui-là même qui disparaissait au loin entre deux coups de rames. Ils repartaient comme ils étaient venus. Avec juste de quoi survivre, quelques armes pour se défendre et plein de bonnes intentions. Un heureux périple jusqu'ici. Il fallait juste espérer que cette mer capricieuse ne les fasse pas disparaître à tout jamais. C'est pour cela qu'il ramait la plupart du temps les yeux mi-clos. Malgré toute la folie dont il avait pu faire preuve durant sa vie, jamais il n'avait pris tel risque. Enfin ce n'était pas si sur. Mais il priait désormais. Quoi? Il n'en savait absolument rien. Il priait pour arriver à bon port, pour qu'ils trouvent où dormir, pour que June soit en sécurité avec lui.
Alors il ramait en silence, ponctuant parfois leur traversée de longues respirations. Ses bras allaient et venaient au rythme des vagues, dans un effort des plus mesurés. Il avait peur de toute cette masse d'eau grouillante autour d'eux. Elle pouvait lui apporter la mort aussi simplement qu'une lame dans la gorge. Et s'il mourrait, June ne serait pas en sécurité. De nombreuses ordures polluaient ce monde. Il allait faire en sorte que June ne soit jamais en contact avec aucune d'entre elles. Sauf lui. Enfin cet ancien lui toujours endormi. Le monde irait mieux sans cette chose en tout cas. Et il ramait encore et encore. Jusqu'à la nuit dans laquelle ils se laissèrent dériver doucement l'un contre l'autre. Jusqu'à ce que sa tendre et douce ne leur apporte la solution. Les étoiles!
Le ciel leur montrait le chemin et la belle le guidait dans toute cette obscurité. Il commençait à faire froid. A gauche, à droite. Ils avancèrent aussi vite que les bras du Khan le leur permirent. Et l'île se profila devant eux, éclairée de quelques torches. Qui pouvait vivre dans un coin aussi perdu? Ils débarquèrent sur un ancien ponton légèrement abîmé. June avait froid et il l'enroula dans la couverture qu'ils avaient pris. Il cacha aussi ses armes sous une longue peau d'animal que Pitt leur avait prêté et enlaça June pendant qu'ils avançaient jusqu'à ce qui ressemblait à une petite maison.
Enfin ils essayèrent d'y arriver jusqu'à ce qu'une grosse masse brune débarque des taillis à côté de la maison en grognant. Ses yeux étaient sombres et la bête poussa un grognement à faire pâlir de jalousie un géant d'Erbaf. Un ours, ils étaient face à un ours. Kanbei pressa June derrière lui et s'interposa entre la bête et la belle. Apparemment, l'animal voulait leur empêcher l'accès à la petite maison. Jusqu'à ce que la porte ne s'ouvre et qu'un simple sifflement ne mette fin au danger de la situation. Ce fût très léger.« Knut ça suffit! Tu vois bien que ce sont de braves gens! Allez files! »Et hop. Apparemment, la femme qui venait de sortir de la maison pouvait donner des ordres à l'ursidé. Impressionnant. Qui était cette femme?« Ne dites rien jeunes gens et entrez donc! Vous devez être morts de faim et de froid! »Ils entrèrent sans un mot. Enfin ils annoncèrent tout de même leur prénom en entrant dans la maison. La femme avait l'air sympathique et sociable. Elle ne semblait présenter aucun danger mais Kanbei restait sur le qui-vive. Il avait bien failli ouvrir le feu sur l'animal tout à l'heure. M'enfin, la douce odeur émanant de la maison le fît saliver et ils débouchèrent dans un salon doté d'une cheminée et de deux canapés, le dit salon pouvant mener sur deux autres pièces. June fît comme chez elle et s'installa pendant que l'autre femme leur dit qu'elle allait chercher à manger. Kanbei laissa la petite dame se lover contre lui et attendît le retour de leur nouvel hôte, légèrement tendu. Elle revint avec deux assiettes de soupe et les leur tendit avant de prendre place en face d'eux. June enfourna une cuillère de soupe et ses yeux pétillèrent de joie. Elle appréciait apparemment le mets. Leur hôte leur demanda pour quelle raison ils étaient ici. Il fallait être prudent.« Bah nous on est ici pour chercher le trésor madame! Et même que j'ai une carte» fit-elle en la brandissant fièrement.Kanbei se crispa soudainement sur place, de peur d'une mauvaise réaction de la part de leur hôte et ses mains cherchèrent instinctivement ses pistolets sans pour autant qu'il ne les sorte. En espérant que cette dame ne leur veuille que du bien...
« Bah nous on est ici pour chercher le trésor m’dame ! Et même que j’ai une carte ! » La dame haussa les sourcils, surprise. Elle n’avait visiblement pas anticipé cette réponse : elle se serait attendue à bien d’autres raisons venant de ce petit duo de jeunes paumés et épuisés et ce d’autant plus que la nuit était déjà bien avancée. Cependant elle ne dit mot et dans son silence ses yeux se tintèrent d’une étrange couleur ; à mi-chemin entre l’amertume et la nostalgie. Kanbei pouvait se détendre, cette dame n’allait pas leur faire de mal. Elle semblait même plutôt atteinte, comme si c’étaient eux les agresseurs. Elle qui avait été si gentille jusqu’à présent semblait prendre de la distance tout à coup. Elle dévisagea Kanbei, tout d’abord. Puis reposa ses yeux sur June. « Ce ne sont pas les pirates qui recherchent les trésors habituellement ? Tu ne ressembles pas à un pirate, mon enfant. » Au tour de June d’être surprise. Elle ouvrit la bouche, la referma. Etait-elle un pirate ? Et la dame lui offrit un petit sourire avant de se saisir les assiettes creuses qu’ils avaient vidés et de rejoindre la pièce d’à côté. La douce se tourna vivement vers son compagnon et l’interrogea du regard. Mais il ne semblait pas avoir de réponse non plus. Qui était cette femme ?
Leur hôte revint finalement, et quelque chose semblait avoir changé en elle. Elle était plus forte, plus droite, de la même manière qu’elle les avait accueillis quelques temps plus tôt. Sa faiblesse n’avait duré qu’un temps. Et, mystérieusement, June se sentit totalement absorbée par cette personnalité. Elle renifla, leur escapade nocturne l’ayant quelque peu enrhumée, et découvrit la dame de ses grands yeux ébahis. Elle se risqua à une réponse, comme la dame paraissait attendre quelque chose. « Eh bien… Pas besoin d’être un pirate pour aimer l’aventure. Et surtout les cartes. » June sera dans sa main le bout de parchemin qui les avait mené jusqu’ici. « C’était une très belle carte. Je pensais avoir trouvé le truc… Mais nous sommes-nous trompés d’endroit ? »
Elle était belle. Toutes les couleurs s’harmonisaient en elle, et la sublimait. Elle avait un port incroyable et dégageait quelque chose de surprenant. D’à la fois doux, bienveillant et de fort et sauvage. Elle paraissait pleine de vigueur mais aussi de sagesse, si bien que June ne saurait dire combien de temps elle avait déjà vécu. Celle-ci lui offrit un léger sourire. « J’ouvre toujours ma porte aux visiteurs, et tâche de leur offrir mon aide. C’est que je suis bien seule sur cette île. Dîtes-en plus sur vous, et sur ce que vous cherchez. Peut-être que je pourrais vous aider. » Habilement joué de sa part ; ils ne pouvaient pas savoir, June et Kanbei, qui elle était vraiment. Ils ne pouvaient pas savoir qu’elle savait tout, qu’elle possédait toutes les cartes, mais qu’elle ne dirait rien. Un jeu un peu fou ; la dernière distraction que lui avait offert son mari. Et pour l’instant, il fallait qu’elle sache ce qui se cachait derrière ces deux visages fatigués – de terribles concurrents assoiffés de sang et de gloire, ou d’adorables tourtereaux qui cherchaient un peu de fantaisie.
Jamais il n'avait autant été sur le qui-vive. La présence de June en cet endroit le mettait mal à l'aise. Il se devait de la protéger. Toujours... Mais quelque chose lui disait que si les choses tournaient mal, il n'aurait aucune chance de la défendre ici. Il essaya de se détendre mais se tendit encore plus quand il vit l'attitude de leur hôte changer suite à la déclaration de June. Sa réponse était précautionneusement bien emballée dans tout un amas de fioritures verbales mais elle était incisive. Etaient-ils des pirates? La tension sembla monter d'un cran sans que June ne s'en rende compte. Ses pistolets étaient toujours à portée de main et, même si l'envie de les dégainer était des plus profondes, il ne s'y résolut point. La dame reprit leurs assiettes et débarrassa la table pendant que son aimée semblait réfléchir à son existence ou non en tant que pirate. Elle lui jeta un petit regard interrogateur et il ne sût que répondre. Il était tout aussi perdu qu'elle. Cette femme était nimbée de mystères, auréolée de quelque chose d'insaisissable et qui lui conférait une sorte d'aura mystique. Cette île était son royaume, son monde.« Nous sommes juste des gens désirant participer à cette chasse au trésor. Je... Enfin j'étais un pirate. Je m'appelle Kanbei. Et voici June, ma... Enfin vous voyez quoi! »
La réponse du p'tit bout de femme qui se tenait à côté de lui sembla apaiser l'atmosphère même si Kanbei aurait pu jurer entendre un léger grognement ursidé en arrière salle. La carte. Ils étaient venus ici grâce à cette carte, ou du moins à l'aide de l'interprétation que June en avait fait. Ils se reposaient entièrement sur son idée. Pour la seconde fois dans son existence, Kanbei n'était plus directement régisseur de son existence. Après les Avalons, il se retrouvait embarqué à suivre une jeune femme aussi candide que merveilleuse. L'amour. Il l'aimait vraiment énormément. Plus que tout au monde. Risible non? Un ancien pirate à moitié fou qui tombe amoureux d'une femme si parfaite et si gentille. Le monde était bien bizarrement fait. Il se serra contre celle qui l'avait rendu meilleur que ce qu'il n'aurait jamais dû être. L'espace d'un instant, il se plut à imaginer le futur qu'ils auraient ensemble. Et il sourit avant de reporter son attention sur la veuve. Elle leur offrait encore une réponse biaisée. De façon à pouvoir déterminer leurs intentions. Cette femme là était brillante. Elle en savait bien plus long que ce qu'elle laissait paraître. Bien plus long. Peut-être même savait-elle l'entièreté de l'histoire? Il ne prît même pas la peine de leur demander. Au vu de la mine penseuse de June, il préférait encore s'atteler à cette chasse au trésor. Cela semblait rendre la belle heureuse et cela le comblait par la même occasion. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas ressenti cette plénitude. Il s'occupa donc de répondre à la question qui leur était posée, de manière aussi neutre que possible.Un sourire gêné apparût sur son visage. Hahahahaha. Etait-il troublé? Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu de telles sensations. De longs frissons parcoururent son dos et il porta un regard sur June sous l'air amusé de Marysa. Elle semblait elle aussi un peu décontenancée. La situation en devenait presque drôle. Il sourît même et espérait que quelqu'un réagisse. C'est ce que fit la dame Brokendoor. Elle leur offrit même une porte de sortie à cette situation, si attendrissante d'un point de vue extérieur.« Je vois bien. Vous avez l'air morts de fatigue. Vous devriez dormir. Restez dans cette pièce, nous terminerons cette discussion demain! Je vous amène des couvertures. »Fyuuuu. Il était soulagé. Cette déclaration venait de lui faire prendre conscience de l'état de fatigue dans lequel il se trouvait. Ses bras étaient lourdement engourdis et June, bien qu'en état de réflexion intense, ne semblait pas très disposée à veiller des heures. Ils reprendraient donc leur discussion le lendemain. Soit, c'était une idée judicieuse. Il valait mieux se méfier mais ils ne pouvaient faire autrement. Refuser le gîte aurait été une insulte. Ils attendirent donc la veuve qui leur apporta de quoi dormir et leur expliqua où étaient toutes les pièces de la maison. Il ne restait plus qu'à dormir. Ses paupières se fermaient déjà par intermittence.
Je… J’étais un pirate. La voix de Kanbei berçait encore la demoiselle, tandis qu’ils s’étaient tous deux installés pour dormir. N’avait-il pas osé dire la vérité, ou ne se considérait-il vraiment plus comme un pirate ? Ainsi lovée, June se plaisait à croire qu’il avait résolument décidé de ne plus l’être. De devenir, comme elle, quelqu’un qui respecte les gens. Qui veut simplement vivre, tranquillement. Enfin, c’était une façon de parler, on pouvait vivre d’aventure et vivre tranquillement tout de même. Aussi, elle s’imagina loin d’ici avec lui. Loin de tout, de la mer et des ennuis. Le Soleil, un arbre, et le calme. Et elle s’endormit avec le sourire.
L’air frais la tira très tôt de son sommeil. Il planait une agréable odeur de sel et au loin on pouvait entendre un tintement mélodieux. Elle n’ouvrit pas tout de suite les yeux, cherchant non loin la présence de son compagnon. Mais il ne lui fallut pas longtemps pour entendre la respiration profonde de ce dernier ; il dormait encore bien. Il devait sûrement être fatigué de la veille où elle l’avait fait ramer des heures. Et elle espérait qu’il ne s’était pas mis en tête de veiller cette nuit, en plus. Toutes ses pensées l’ayant définitivement éveillée, elle décida de se lever et, curieuse, de chercher d’où pouvait provenir le tintement lointain.
Elle aimait ce moment de la journée, où tout était calme et frais. Où le monde semblait en paix avec lui-même. Et elle aimait, ces instants-là, marcher. Libre. Parcourir les paysages, se réconcilier avec l’aventure. Il y avait dans la pièce voisine une fenêtre qui donnait sur l’extérieur et faisait aussi office de porte. Elle décida sur un coup de tête de la passer et de bondir au dehors. Tout autour d’elle était étranger, et elle ne reconnut même pas le ponton auquel ils avaient accroché leur barque dans l’obscurité de la veille.
Mais alors qu’elle marchait, les yeux rivés vers la mer, un grondement sourd résonna dans son dos. Son cœur s’emballa et le sang lui monta vivement à la tête. L’ours, elle en avait oublié l’ours. Elle fit volteface, terrorisée. « Shhhhhhh... » Le grognement se fit plus doux. « Shhhhhh… » Et s’interrompit tout à fait. Seuls les battements du cœur de June résonnaient encore dans le silence, tandis qu’elle tâchait de reprendre ses esprits. Un sourire bienveillant croisa son regard et la demoiselle se sentit soudainement soulagée. Leur hôte s’approcha dans un froissement de tissu et lui présenta ses excuses. Prenant la main encore tremblante de June dans sa paume chaude, elle lui assura que l’ours n’effrayait plus qu’il ne faisait de mal. D’ailleurs, ce dernier était de nouveau roulé en boule, dans une position tout à fait adorable.
La dame travaillait un petit potager, à l’angle de la maison. Aussi proposa-t-elle à son invitée de s’asseoir à ses côtés et de partager un instant la douceur de l’instant. Alors, plus personne ne dit mot et l’esprit de June se mit à vagabonder.
« Cela ne sera pas facile. » De quoi ? La carte, la chasse au trésor ? Allait-elle les aider, savait-elle des choses ? La douce se tirait soudainement de ses réflexions. « Être la femme d’un pirate. Ça n’est pas facile. » La dame ne semblait pas avoir remarqué la surprise de June. Son esprit était loin, très loin. Il s’étendait au-dessus du temps et de l’espace, souffrant. Puis elle se tourna vers la douce Howk, et la toucha de son regard. Elle offrit à June tout ce qu’elle possédait ; elle avait vécu, elle savait combien la vie peut faire mal. « Tu aimeras cette aventure, au début. Mais les pirates n’arrêtent jamais. Et il te laissera, un jour, seule. Sans famille, car tu auras tout laissé derrière toi. Et que vous n’aurez pas pris la peine de… De vous installer. » Et disant cela elle lui offrit un sourire tinté de mélancolie. June sentit sa gorge se serrer ; un lien indéfectible se tissait entre elle. Entre deux femmes qui avaient vécu et vivraient la même peine.
Il y eut un flottement dans l’air. Le secret unissait ses deux âmes, lentement. Tout semblait fragile, à la limite de la rupture. Mais June ne savait quoi dire. Et en réponse à un bruit lointain, la dame finit par mettre un terme à leur relation privilégiée. « Tu devrais rentrer, il a dû se réveiller. Je vous rejoins dans un instant… Et nous verrons comment vous aider dans votre aventure. » June la quitta, presque à regret.
Les songes l'avaient plongé dans un doux état de transe où ses pensées s'entremêlaient les unes les autres sans qu'il n'y ait de lien logique entre chaque déversement mental. Son esprit était semblable à la mer de Grand Line. Tantôt déchaîne, tantôt paisible, il errait doucement. Et elle apaisait ses rêves. June, ce tout petit être tellement plein de bonne volonté et de gentillesse qu'il en était ému rien que de la voir. Elle l'avait sorti de tout ce tas de merde qu'était sa vie. Elle lui avait rendu une existence toute propre, immaculée. Sa vie était saine désormais. Et ses rêves plus doux.« Je vois que vous avez bien dormi jeunes gens! Mangez, mangez! Ce matin, c'est moi qui régale. Et je vais par la même occasion me présenter! Je suis Marysa et... Je vais vous aider dans votre aventure! »
Il ouvrit ses yeux petit à petit. Et June le regardait s'éveiller. Si belle, si frêle, si parfaite. Il en sourit de toutes ses dents. Et la gratifia d'un petit bisou qui la surprit et qui la fit rougir comme une pivoine. Il était satisfait de son coup. Il regarda autour de lui. Ah oui... La carte au trésor. D'accord! Avec la femme et l'ours. Effectivement, son sommeil l'avait quelque peu déphasé quant à ce qui se passait autour de lui. June s'assit à côté de lui, pensive quant au bisou qu'elle venait de recevoir. La dame à l'ours surgit alors avec un plateau déjeuner. Encore une fois, elle leur offrait de la nourriture. Cette femme là devait les avoir à la bonne. Pourquoi? Ils n'en savaient rien. Peut-être que leur côté amoureux transis était un petit plus. Bref, de là à manger à l'oeil, c'était tout de même autre chose. Leur hôte prît la parole en premier.Et de un choc! UN! Elle savait quelque chose quant à la carte au trésor qu'ils ne savaient pas! La matinée se faisait très intéressante! Ils allaient enfin progresser sur cette chasse depuis un bon bout de temps. Qu'allait-elle leur apprendre? Kanbei allait se presser pour poser la question mais June le devança de manière inattendue. Elle lui tapota l'épaule pour détourner son attention et...« Comment? »La veuve se fendit d'un sourire mystérieux. Un instant, Kanbei crût que c'était un mensonge ou un piège. Jamais il n'aurait pu se douter une seule seconde que la femme en face de lui connaissait toute l'histoire de la carte au trésor. Et même les débouchés. M'enfin... Il se contenta de suivre d'un air attentif tout ce que la dame allait dire ou faire. Et il fût des plus surpris quand celle-ci sortit d'un des pans de sa robe un objet métallique de forme conique avec une porte gravée dessus. Qu'est-ce que cela pouvait être? Il n'en avait aucune idée! La veuve leur sourit et leur annonça que c'était la seconde partie de leur quête. Ils allaient devoir trouver la clé de ce mystère pour pouvoir continuer. Elle ne savait apparemment rien de plus... Dommage. Que pouvait penser June de tout ça? Il n'en savait rien.
Quelle forme singulière, tout de même. A quoi cela pouvait bien correspondre ? En dépit de sa couleur un peu rouillée par endroits, il était lisse. Parfaitement lisse ; il roulait dans sa main en petits cercles. Et, par instant, elle pouvait voir ce petit symbole. Une porte… June fit rouler l’objet entre ses doigts, encore. Il y avait là une petite aspérité, comme une encoche, et cette découverte accapara soudainement toute son attention. Mais non, juste un creux, rien de plus. Pas de système d’ouverture, ni quoi que ce soit. Etrange… Eux qui avaient eu tant d’espoir lorsque Marysa leur avait promis son aide se retrouvaient sans rien de nouveau. La douce songeait qu’il était bien difficile de partir en quête, en réalité. A chaque instant, on pouvait se retrouver dans une impasse et tout était fait pour décourager. Mais c’était sympathique toutes ces énigmes, très amusant ! Ils y arriveraient, au trésor.
« Dites, comment avez-vous eu ça, Marysa ? » La femme posa son regard sur la Howk et lui sourit gentiment. Elle avait de bonnes questions cette enfant, n’est-ce pas. Bonnes petites questions. Pas pour la quête, non, ça ne l’avancerait à rien de savoir ça. Mais bonnes pour Marysa, pour tenter de cerner le personnage. Cette personne qui devait les aider, mais qui en réalité les manipulait. Mais ça, June, elle ne le savait pas naïve qu’elle était. Et cela amusait tellement Marysa. Que dire, que dire… « Je l’ai trouvé un beau matin devant ma porte, celle-là même que vous avez franchi hier soir. C’était dans une boite toute simple, sans autre indication que ceci : Donne-le à ceux qui le réclameront. Intriguant n’est-ce pas ? Vous ne l’avez pas réclamé, il est vrai. Mais vous êtes venu pour quelque chose, une carte, une quête. Je crois bien que c’est la seule chose que je possède qui pourrait vous aider. » Et elle eut un petit rire qui fit sourire June.
Ils n’allaient pas rester plus longtemps. Malgré les protestations de leur charmante hôte, ils ne pouvaient se permettre de rester logés et nourris ainsi alors qu’ils ne lui apportaient rien. Et puisque leur aventure semblait être dans une impasse, il valait mieux pour eux qu’ils essaient de rentrer chez Pitt. Ce dernier aurait peut-être une idée, et dans tous les cas, il n’était pas isolé de toute civilisation, lui. Cela leur offrait plus de possibilités. Marysa leur fit promettre toutefois que si quelque chose d’intéressant les ramenait dans le coin, qu’ils passent lui dire bonjour – et tant qu’à faire, s’ils trouvaient le trésor, qu’ils viennent aussi héhé.
Ils s’étaient concerté brievement, avec Kanbei, avant de prendre toutes ces décisions. Et un rapide partage d’impressions les avait rendu à l’évidence : il fallait trouver d’où venait ce symbole de porte. Quant à savoir qui pourrait les aider…
June faisait tranquillement les préparatifs de leur départ avec Marysa – qui tenait à leur préparer de quoi boire et manger pour la route – lorsque Kanbei fit irruption et demanda un Den Den au plus vite. June eut droit, pour seule explication, à un « Je sais qui saura. » ce qui ne l’aida pas beaucoup à comprendre quelle folie passagère avait saisi son partenaire. Quelle étrange idée de passer un coup de Den Den maintenant. Mais il repartait déjà s’isoler dans un coin pour terminer son affaire.
June était toute intriguée de l'objet que Marysa venait de leur donner. Elle venait de lui en demander la provenance. Chose logique somme toute. Et la réponse de la dame fît frissonner Kanbei. On lui avait remis un beau matin devant la porte. Cela paraissait tout de même étrange. Le Wanajima doutait de la sincérité de leur hôte mais ses pensées s'évanouirent quand il vit June sourire. Elle était mignonne à croquer. Son p'tit bout de chou à lui. Il sourit à l'idée qu'elle l'aime aussi. En tout cas, ils étaient dans une impasse. A part ce petit objet conique, ils n'avaient rien. Ils allaient devoir partir chercher ailleurs.
June discuta un petit moment avec lui. Ils pouvaient retourner chez Pitt faire part de leurs découvertes. C'était une bonne idée en soi. Mais quelque chose échappait au pirate. Quelque chose d'important. Il fallait qu'il revoie cet objet. Pendant que June et Marysa préparaient le voyage, Kanbei s'affaissa dans un canapé et inspecta l'objet sous toutes les coutures. Qui pourrait bien comprendre l'utilité de ces symboles? Tic tac toc. Tic tac toc. Et puis à quoi pouvait bien jouer Marysa? Elle était tellement louche... Mais bon, June l'aimait bien. Elle ne devait pas être si spéciale que ça. Bref. Son esprit s'éparpillait dans trop de directions différentes. Il avait besoin de se concentrer. Il se massa les tempes un moment puis reprit sa réflexion. Jusqu'à ce qu'il trouve. Oui. Il savait. Il avait entendu des rumeurs au sujet de ce type.Le Maître des Clés. Il fallait qu'il le joigne par Den Den. Petru lui avait donné des informations à son sujet. Un gars totalement passionné des serrures, des clefs et accessoirement de tous les objets hétéroclites. Il était apparemment capable de donner la provenance d'un objet rien qu'en l'observant. Il serait probablement capable de donner la nature de ce truc. Donc primo, il allait devoir le joindre et lui donner rendez-vous. Et secondo, à nous le trésor! Il fila vite voir June et Marysa en demandant un Den Den et en laissant le suspense faire son effet. Marysa le lui donna. Le numéro? Et merde... Il appela Petru qui, par un habile jeu de relations, lui procura le numéro du Maître en lui annonçant qu'il fallait être prudent car le type était un peu... bizarre. Pas grave. Il composa le numéro et attendit une réponse. Glups.
« Kanbei Wanajima je présuuuuuuuuuuume? HGRHRRRRRRRR! Dans trois heures, rames en direction de Banaro. Tu reconnaitraaaaas mon HHHHH-naviiiiiiiiiiiiire! Toques trois coups sur la coque et je t'ouvrirai! »
Chclak. Il venait de raccrocher. Qui était-ce type? Etait-ce vraiment le Maître des Clés? Comment connaissait-il son nom? Encore et toujours des questions. Cela commençait à le fatiguer mais il n'avait pas vraiment le choix. Et puis... Toquer sur la coque? Que voulait-il dire par là? Il n'y comprenait vraiment rien. June et Marysa venaient d'arriver. Bon... Ils allaient devoir y aller. Apparemment, Petru lui avait dit que ce type n'était pas dangereux mais ils iraient armés par précaution.