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Et pendant ce temps-là dans la boite de sardines. [PV : Craig Kamina]


"Tout le matériel est embarqué Commandante Yanagiba."
"Très bien, vous pouvez nous laisser."

Un peu plus de deux semaines, c'est le temps qu'on va avoir en mer pour faire tous les branchements et les ajustements internes et le tout sans avoir le droit à l'erreur puisque, nous n'aurons pas le loisir de pouvoir tester le matériel plus d'une ou deux fois en route. Et ainsi sans que nous en soyons conscients, nous nous sommes embarqués dans un calvaire sans nom. Au début, ce n'était que des petits soubresauts et des sueurs froides en observant les hublots ou en écoutant le métal couiner comme s'il aller rompre à n'importe quel moment. L'impression que les murs enfin les parois plutôt se rétractent petit à petit et le tout doublé par le fait que la montre joue contre nous. Même si le plus gros du travail a été fait par les ouvriers à Navaronne, il faut maintenant installer tout le câblage et tout lier au sous-marin sans créer d'avarie trop grave qui aurait stoppé net le bâtiment et surtout aurait pis avoir de graves conséquences forcements.

La première nuit fut certainement l'une des pires depuis longtemps pour moi, je ne suis pas la seule à avoir le droit aux cauchemars et aux frayeurs nocturnes, j'imagine. En tout cas, le fait d'être sous l'eau a bien fait fleurir mon imagination pour me faire bien comprendre que le sommeil ne me laisserait pas être en paix. Multipliant les heures de travail pour rattraper les retards du calendrier de travail comme mes subordonnés et les techniciens, on avait l'air de plus en plus de morts-vivants, des machines qui ne tiennent qu'à l'effort comme une corde trop tendue qui finira par rompre.

Au début, j'ai essayé de m'offrir un semblant de loisir en travaillant sur un projet personnel quitte à ne pas pouvoir me reposer convenablement. Évidemment ce n'est pas dur de deviner que même pour une forcenée du travail comme moi, on ne peut pas tenir éternellement sans s'oxygéner le cerveau ou au moins avec une vraie distraction. C'est ainsi qu'au bout d'un certain nombre de jours une de mes paires de subordonnées que j'avais connue à Navaronne et sur le Léviathan a fini par venir me voir. Suite à dix minutes de négociation en vain, elles ont choisi de la jouer autrement :

"Nous avons notre tenue préférée en otage !"
"Mais, vous êtes malades ?!"
"Nous n'hésiterons pas à nous en servir !"

Effectivement, elles ont pris en otage ma tenue de travail, avec une tasse de café et elles semblaient déterminées à s'en servir. Évidemment dans un sous-marin, on ne peut pas se permettre de gâcher l'eau pour laver des vêtements, surtout pour une simple tâche de café... Du coup je suis prise entre l'alternative de devoir leurs obéir, ou simplement heurk... Porter un vêtement sale, je dois déjà supporter la transpiration et le gras je ne supporterai pas cela en plus ! J'ai déjà suffisamment pris de retard pour ne pas devoir ajouter à cela ma fixation handicapante des taches sur mes vêtements, c'est alors que je finis par céder à leurs chantages.

"Je vais discuter avec le médecin, s'il le veut... Ça ira ?"
"Discuter, comme dans faire connaissance et avoir une vraie conversation ?"
"Oui..."
"Et pourquoi lui ?"
"C'est le seul avec qui j'ai échangé plus d'une phrase sur l'Hypérion en dehors de vous deux et du capitaine."

Je déteste les gamines, surtout ces deux la quand elles pouffent de rire d'un regard entendu comme s'il y avait une vérité cachée à comprendre. Je tends le bras pour prendre mon uniforme elle recule en faisant un petit non de la tête. Sociabilisation mon œil, elles veulent juste rigoler en essayant de m'imaginer essayer d'avoir une activité qui ne concerne pas mon travail... Enfin soit, pour le peu que je l'ai vu, il semblait un minimum... Bref, le genre de personne avec qui je peux discuter sans envie de meurtre bien qu'à cause de mes préjugés j'ai du mal à être totalement détendu en sa présence. Bon je n'ai pas de jogging pour faire lieu de tenue détendue, donc je ressors la tenue folklorique de mon île natale ça m'aidera peut-être à ne pas trop penser au travail. C'est ainsi avec ma tenue rouge à fourrure blanche que je vais vers l'infirmerie. *lien* une fois devant, sans avoir fait encore lever quelques regards encore sans comprendre pourquoi :

"Ce n'est pas comme si je me promenai encore nue ou en sous-vêtements comme je l'ai fait sur le Léviathan... Enfin soit je ne comprendrai jamais, je pense."

Je tape à la porte, entre quand on m'indique de le faire. Je fais un salut par réflexe avant de lui demander l'air gêné.

"Est-ce que ça vous dérangerait de discuter un peu ? Enfin... Je ne souhaite pas vous déranger en plein travail, mais..."

Quand je pense que j'arrive à faire baisser les yeux à des hommes et des femmes deux fois plus épais que moi et que je n'arrive pas à aligner deux phrases intelligibles justes parce qu'on est en dehors du cadre professionnel.
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Bien du mal à sortir de ma caverne, maintenant qu'j'y ai pris mes marques. Ni faim, ni soif, ni sommeil, ni envie de sociabiliser. J'retrouve ce drôle de cas clinique qui communique avec personne d'autre que ses vieux souvenirs. Qui s'bousculent dans mon crâne, une migraine incessante. Air vicié. Dans ma tête, l'air est toxique. Ma mémoire me pollue mon présent. C'est que j'me morfonds, moi. Tout l'temps. J'arrête pas. Ça me rend lent. Amorphe, stressé, cerné, pataud et maladroit.

J'ai d'la paperasse à faire sur le trajet. Mais la flemme. j'suis trop ankylosé. J'arrive pas à m'bouger l'arrière-train. J'en suis parvenu à un point où un rien m'paraît malsain. Le café m'rend pas alerte, au contraire. Il me drogue et excite mes fantômes intérieurs. J'pense encore plus vite, et encore plus mal.

Les coudes collés au bureau, soutenant mon museau soupirant langoureusement toutes les cinq minutes, faiblement éclairé par une lampe incrustée à la paroi, mes mirettes parcourent cette étendue blanche comme un désert airde et insurmontable. Remplir des papelards, ça a jamais été mon truc. J'engrange pas la moitié du lexique des bureaucrates. J'suis gêné par les questions d'ordre personnel. J'prends certaines cases, comme "Race", comme "Âge", comme "Famille", en tant qu'assaut contre mon intimité.

'voulez savoir qui j'suis ? 'voulez savoir qui est l'toubib de l'hypérion ? Un mec-squale effrayé, tétanisé d'avance par l'charnier qu'il s'apprête à affronter, une abomination poiscailleuse qui croit pas une seconde en sa propre cause, une merde ambulante qui blâme les autres pour l'avoir soi-disant empêché d'prendre les rennes de son destin. L'est enragé, mon destin, une mauvaise bête folle. Indomptable. C'est c'que j'crois. En même temps, je l'ai toujours laissé m'soumettre. C'est facile de geindre sous le poids des mauvais choix, mais ça l'est bien moins d'se faire violence pour les renverser.

Faut que j'arrête de penser à ces conneries... Oups. Mon café est allé faire un bisou à ma nouvelle veste de lieutenant. Elle qui était encore vierge ! C'est un peu son baptême. Une tâche de café, c'est moins moche et lourd de ressenti qu'une de boue, ou de sang.

J'plisse des mirettes, un peu fatigué. M'frotte follement la palme contre les yeux, à m'en décoller les iris. 'sont un peu luisantes, mes mirettes. Leur bleu s'fait un peu mi éclatant, mi fade. Faut que j'dorme... Mais l'marchand d'sable me boude. P'tete que si on se rapprochait d'une plage...
...
On a frappé, là ?
Un blessé ? Genre, un guignol qui s'est coincé et tordu les doigts dans une de ces horribles portes coulissantes ? J'vois pas d'autre façon d'se faire bobo ici, chez les sardines.

... Entrez !

Pénètre dans l'antre du requin la commandante aux cheveux azurs. Rei. Son prénom monosyllabique s'est gravé facilement dans ma modeste cervelle de poisson nébuleux. Mais son nom, trop long, alors ça m'étonnerait que je le retienne un jour. Bah. C'est plus fraternisant d'se désigner par nos prénoms, hein ? Quoiqu'en disent les supérieurs aigris. Fraterniser. Elle est là pour ça, on dirait. Elle est dans une tenue qui la met... en valeur. A faire siffler un humain mâle lambda. Un humain mâle lambda pas trop malin.

Elle exécute le salut militaire de base. Ça m'confirme qu'son esprit est vachement plus protocolaire que ses sapes...

Est-ce que ça vous dérangerait de discuter un peu ? Enfin... Je ne souhaite pas vous déranger en plein travail, mais...

En plein travail ? Ça tombe bien, j'étais tenté d'éjecter mon travail par un hublot.

Oh non, non, je... Vous m'dérangez pas.

Un p'tit réflexe crispé m'a forcé à bazarder les feuilles à droite à gauche, comme pour tenter d'les planquer. Saccageant le peu d'ordre que j'avais réussi à instaurer. Révolution des foutus papelards. Mélangés les uns aux autres, maintenant, j'ai complété ma corvée d'remplissage par une peine de triage. Peste. Gêné, j'bafouille une justification à cet instinct débile, c'mauvais réflexe d'essayer de cacher des documents qu'intéressent de toute façon personne.

J'suis... pas doué pour la paperasse. Hum.
J'vous en prie, entrez...


J'ai peur qu'mon ton las trahisse ma morosité... Ma voix un peu faible, un peu blasée. J'voudrais pas qu'mon premier contact d'cet équipage voit son toubib comme un alevin puant dépressif. Hmm... J'voudrais pas qu'mon premier contact d'cet équipage me perce à jour, tout simplement. Alléger une atmosphère est un art. Que j'maîtrise pas autant qu'le malaise et la mélancolie. Alors je tente la comédie, et me pare d'un léger sourire. Exposant pas trop mes crocs pour pas intimider la pauvre ingénieure...

C'est mon premier équipage. J'ai jamais eu d'affectation fixe, avant. Ça fait... bizarre.

Bizarre, le mot est faible. Soldat cloué sur la passerelle d'un navire entouré des mêmes têtes à supporter jour après jour, c'est l'exact opposé du justicier romantique libre et solitaire qu'mon frangin et moi, on aspirait à devenir. Le hasard farceur des mutations...
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La première impression est souvent importante et heureusement que ce n'est pas aujourd'hui que je le rencontre pour la première fois, sinon je serais déjà repartie sans demander mon reste. Si je n'étais pas aussi... Frigide et pince-sans-rire comme ils le disent, j'aurais certainement eu un rire en voyant son geste maladroit pour essayer de cacher le papier qu'il vient de mettre en désordre, moi aussi je comprends cette gêne de montrer à une autre personne un accident m'étant autant le bazar dans mon rangement. D'ailleurs je n'ai répondu que d'un simple hochement de tête quand il m'a dit que je ne le dérangeai pas.

"Merci."

Pas doué pour la bureautique, j'imagine qu'au final c'est moi qui le suis et que c'est peut-être pour ça que les autres me trouvent étrange... Enfin, je ne vois pas ce qu'il y a d'exceptionnel à boucler un rapport deux fois plus rapidement que la plupart des autres ou à toujours vouloir tout ordonner quand même, ils exagèrent ! Néanmoins, cela me gêne, en fait il n'y a pas que ça qui me gêne et puisque cela fait longtemps que je ne fais même plus semblant de ne pas être maniaque, je commence à mettre droit, aligner, remettre en place tout ce qui me passe sous la main comme une... Moi. Alors qu'il m'avoue que c'est son premier équipage, je suis devant son bureau et je suis en train de ranger ses papiers dans l'ordre universel de la bureaucratie marine remettant tout en place dans l'ordre qui me semble le plus logique.

"Je ne lis pas vos dossiers, je vous rassure, le code de bas de page suffit à les organiser."

J'ai tellement l'habitude de toute manière, je dis ça avec la normalité que ces gestes impliquent pour moi d'un ton neutre. Puis je sors un petit carnet retraçant mon expérience sociale courte, mais tout de même instructive et des conseilles donnés par certains de mes collègues, un petit document riche en bonnes informations pour avoir une conversation normale, ou qui s'en approchent. Donc : ah oui, essayer de trouver une expérience commune... Mh... J'espère que ça ira.

"Cela fait à peine plus de deux ans que je suis dans la marine et j'ai passé un an sur le Léviathan. C'est parfois... Compliqué... De s'habituer à un changement aussi brusque de vie."

Sans réellement attendre qu'il m'indique que je peux m'installer je m'assoie une chaise ou le premier mobilier dédié venu qui ne soit pas clairement le sien, comme le ferait un homme. J'observe un instant mon carnet, il y a une entrée à J comme jupe :

"Croiser les jambes ? Elles n'en ont pas assez de se faire souffrir pour rien, ce n'est pas du tout naturel comme position..."

Évidement, de mon point de vue je n'ai pas conscience qu'en face on peut voir mon sous-vêtement dans cette position et vu que de toute manière je ne comprends pas cette gêne disproportionnée qu'ils ont avec leurs nudités et autres et au vu de mon éducation, je ne risque pas de m'en rendre compte. Et puis sérieusement, pourquoi elles achètent de la lingerie fine si c'est pour la cacher ? D'ailleurs ça me gratte cette dentelle et puis je me félicite d'avoir pris ce porte-jarretelle à teinte noire ça tâche moins... En tout cas, le fait qu'ils y a aussi peu de tissus permet de mieux respirer et c'est le principal, même si je ne comprends toujours pas l'intérêt de tout retirer au niveau du fessier... Enfin bref, je sers par la suite mes jambes plus par gêne par rapport à la situation qu'autre chose et observe le médecin... Je ne sais pas trop quoi lancé comme conversation alors dans le doute je lance plusieurs questions après un instant de blanc en espérant avoir une de ses "accroches" conseillées par le calepin.

"Vous trouvez ma jupe trop courte vous aussi ? Vous avez aussi du mal à dormir ? Vous n'avez pas trop de problèmes avec les autres membres d'équipages ? Vous voulez que je vous aide avec vos papiers ? Vous aussi, vous avez des hallucinations ou vous voyez le visage d'une personne sur un objet inanimé qui vous parle ?"
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Elle prend ses aises dans mon repère, tout en récitant un texte qu'elle connaît même pas par coeur. Mes mirettes un peu distraites se sont calées sur les piles de papelards qu'elle a entassé sur mon bureau. C'était pas comme ça que j'comptais les ordonner... Elle a dérangé mes idées. J'comptais les classer par ordre d'emmerdement... De la plus sympathique, l'formulaire des permissions, à la plus glauque, l'assurance-vie. Un code en bas de page, ça m'parle pas trop...

En fait, on dirait qu'elle référence toute sa vie par des codes en bas d'page. Et sa volonté guidée par des conseils dans un calepin. Si c'est pas malheureux. Ma camarade maniaque et ses sentiments semblent entièrement aiguillés par l'protocole. Façon d'penser régie par les ordres... j'ose même pas y songer. Ça m'paraît inhumain. Alors qu'au contraire... c'est très humain. Aucune bestiole ne s'adonnerait à une existence pareille par choix. Bizarre.

Deux ans dans la marine. Et déjà commandante. M'a fallu six ans pour hisser ma carcasse puante et désillusionnée à c'grade de lieutenant auquel j'm'accroche maintenant tel une tique attachée à ses aises. Sans savoir trop pourquoi, juste par instinct d'conservation. J'tiens peu à mes galons, mais j'aime ma sécurité et ma position d'chaînon intermédiaire. Un peu de liberté, un peu de responsabilité. Mais pas trop des deux, car sinon, égaré, j'me laisse semer par les doutes. Rien de ça chez elle. Seulement une paire de berge. Et de la détermination, sûrement. Qui lui ont suffi pour se hisser commandante. Être obsessionnel compulsif favorise la progression, faut croire. Plus que l'fatalisme gluant et son acolyte nonchalance hérissée d'paresse, forcément...

Un an sur le léviathan... Elle s'en va en guerre sur terrain conquis, hein ? Moi, j'pars de rien. Juste ma bite et mon couteau. Habituel. Jamais eu d'équipage avant, moi... J'suppose qu'les supérieurs m'considéraient comme un peu trop misanthrope. J'suis pas misanthrope. Juste méfiant comme pas permis. Et j'aime pas trop les gens... Pas seulement les humains, mes congénères poissons non plus. C'est... de la mauvaise foi. Ouais, un peu de misanthropie, de sauvagerie en moi. Mais pas agressives.

J'essaye d'ouvrir le museau lorsqu'elle commence à déblatérer des trucs sur ses jambes. Mes mirettes glissent un instant sur sa culotte, puis ricochent aussitôt pour aller s'fracasser ailleurs dans la salle. Pas qu'ça m'pique quelques désirs honteux et refoulés, ces lingeries. J'serais un vilain poiscaille bien pervers si ça avait été l'cas. Mais moi et l'social, ça fait deux. Voire trois. Y a Moi, le social, et le gosse bâtard qui naît de notre accouplement : le malaise. Immonde spectre qui m'empêche de savoir où poser mes mirettes, mes palmes et mes mots, et qui m'propulse du sang à toute berzingue dans ces deux grosses joues blanches qui rougissent déjà, à en pas douter. Elle cherche quelque chose, sapée comme ça, ou quoi ? Sans-gêne, quand même, hein ?

Sa salve de questions m'pilonne. J'les encaisse pas vraiment, en retiens que les mots-clés. "Dormir", "Membre d'équipage", "Hallucination", ... "Inanimé". Me manque les contextes pour lier c'bordel. Comme elle semble quand même attendre une réponse, j'écarte ma délicate et timorée gueule de prédateur marin pour balbutier des trucs.

C'est... pas facile pour tout l'monde. J'ai des hallus, euh... parfois, ouais. A chaque fois que j'ferme les yeux, j'vois des visages sur la... paroi intérieure de mes paupières. Des souvenirs qui remontent, vous voyez ? Un truc du genre...

J'laisse la grimace m'barrer la face et suis bien dépité par moi-même. Cette vieille rengaine du blanc. Pas doué pour sociabiliser. J'aurais pas du causer d'ça. J'aurais pas du causer d'moi. J'suis pas capable d'le faire, pas capable d'être fidèle à c'que j'cogite. Parce que j'pense vite, à fond la caisse, mes nombreuses idées chaotiques rebondissent partout et tout le temps dans mon crâne étriqué, mais lorsqu'elles décident de sortir voir du pays, lorsque ma langue joue l'interprète, lorsque j'essaye d'extérioriser ma mélasse intérieure, ça tient du miracle quand j'parviens à pas passer pour un con à la moindre réplique.

Ah, euh... Un problème ?

Après m'avoir fusillé d'questions, son regard tonne et vient s'écraser sur moi comme un boulet. Mes mirettes globuleuses essayent d'intercepter sa fixette, mais... Ah. Ma tâche de café sur mon fringue propret. Ça l'énerve...

J'me suis fais ça tout à l'heure, euh... J'aime pas trop l'café. Hmmm. C'est juste une tâche...

J'suis bien négligé. La faute à mon rapport au corps trop compliqué. Ma faute. J'prends aucun plaisir à prendre soin d'cet ignoble monstre marin lorsque j'le mire dans un miroir l'matin. Me mater dans une glace, ça m'glace. Pas l'impression de m'y voir. Trop dérangeant. D'être intérieurement un mollusque de verre, cassant et fragile, mou et névrosé, mais d'avoir l'apparence d'un requin bicolore aux traits cernés et aux rasoirs aiguisés, semblant prêt à sauter au cou des plus faibles que lui. Trop dérangeant. Trop de décalage. J'pane pas, ça m'démange de honte. J'aime pas mon corps. Alors l'entretenir...

Ça accentue mon blocage avec les autres âmes, ça. Bordel. Les gens comme moi, pacifiques et gentils à en être niais, s'laissent repousser par ma vilaine trogne. Ils me fuient, alors que j'suis comme eux ! Tandis que les mauvais, les nuisibles, les cyniques, les psychologues, percent rapidement la carapace de l'affreuse abomination des mers pour en extirper le p'tit coeur tout mou. Et jouer avec, le presser, le triturer, lui planter des aiguillions. Le faire souffrir pour consolider leurs positions. Z'ont l'impression d'avoir le contrôle, de dominer la sale bête qui s'laisse faire. Z'ont l'impression d'se rassurer, d'exorciser leurs démons en maudissant les autres. En faisant naître chez les autres d'autres fantômes. Toujours plus de nouveaux fantômes pour les hanter. Marre ! Marre d'être le bouc-émissaire. La bonne poire et le jouet des grands gosses de c'monde. J'veux juste la paix, mais la vie en a décidé autrement... J'suis pas un humain, ni un requin. J'suis un sale hybride. Mauvaise pioche.

Ah ! Faut que je m'reprenne. J'ai encore laissé s'échapper un grand blanc... Et mes nerfs en pelote m'font gigoter dans tous les sens dans des spasmes crispés. J'cligne des mirettes comme un dératé. Et relève ma mélodieuse voix cassée :

Ah ! Euh. 'sont... comment, sur le... léviathan ?

J'plisse les naseaux et renifle. Mon nez coule un peu. J'm'y fous un doigt pour en déloger un sale pâté d'morve. Et comme ça s'ferait pas d'le balancer par terre devant témoin, j'le glisse discrètement dans la poche d'mon uniforme.
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Évidemment, je savais que je n'arriverais pas à sortir des sentiers battus, à avoir une vraie conversation comme par magie. Enfin, j'imagine que c'est comme l'utilisation d'un fusil ou marcher en talon haut, c'est une habitude à prendre. En réalité, la réalité me frappe et j'étais tellement persuader d'être la seule a généralement à être aussi peu habituée aux autres que je ne me rends même pas compte que ça peut-être aussi le cas pour d'autre. Il a l'air tellement à côté de la plaque, j'imagine que les humains prennent plaisir à descendre en flèche un homme-poisson, passant leurs frustrations d'être les proies face au prédateur en leur en faisant baver... C'est le genre d'attitude qui me conforte en général dans l'idée qu'au final je ne suis pas si mal dans moins coin avec toute la bizarrerie qu'ils me mettent sur le dos. J'écoute tout de même sa réponse... Il doit avoir eu sa dose de monstruosité comme tout le monde en réalité, moi c'est juste les images d'un traître cela fait longtemps que j'ai oubliée le visage du premier homme que j'ai tué et honnêtement, c'est le fait que j'ai réussi à ne plus m'en souvenir qui me fait plus peur, ça veux dire que j'ai pris l'habitude...

"Tout le monde à son lot d'horreur ? Ce qui me fait le plus peur, c'est que maintenant, j'arrive à rester indifférente à tout cela."

Je n'ai pas un seconde ouvert le carnet, j'ai un doute... J'ai peut-être fait une erreur, je vérifie, je n'ai rien noté sur ce genre de chose simplement, car, c'est la première fois que je donne un avis si personnel sur ce genre de chose, bon dans le doute, il m'avait dit de m'excuser, si je ne sais pas pourquoi je le fais, il le saura.

"Désolé."

C'est une idée où ? Il a des sortes d'absence ? Alors ça ressemble à ça d'être devant une personne qui semble complètement ailleurs ? En fait, pour que ce soit lui qui arrive à l'être autant par rapport à moi alors que je multiplie les heures de travail et le manque de sommeil, c'est qu'il ne doit vraiment pas se sentir à l'aise. J'aurais bien dit quelque chose d'intelligent, mais je l'ai vu. Grimaçante comme un visage torturé, cette chemise blanche à la tâche foncée forme un visage crispé de douleurs à mes yeux, comme un visage torturé par la lame d'un couteau... Il y a de nouveau un grand blanc, en fait à nous deux on pourrait bien passer des heures à se regarder sans rien dire pour finir par lâcher des phrases sans relations les unes avec les autres pendant nos rares moments d'éveil. Enfin soit, j'en profite pour sortir une paire de gants blancs et... Comment ça d'où je les sors ? C'est évident non ? D'une poche interne de mon protège bras. Enfin soit, alors que j'allais sortir mon savon en m'approchant de lui, c'est là que ÇA arrive.

"Que ?!"

Depuis le début j'avais une mauvaise impression, je me suis résolu à penser que c'est mes préjugés, mais là ! Je peux supporter beaucoup de choses, bon ce n'est pas comme s'il allait me toucher avec après, mais quand même ! C'est proprement dégueulasse et avant même qu'il ait le temps de glisser sa main dans sa poche je l'attrape et prends le premier objet qui passe par là pour le débarrasser de cette chose... Malheureusement ou heureusement, dans l'énervement et la précipitation c'est mon carnet qui a servi de pince et qui a fini aussi sec à la poubelle, alors que sans avoir percuté mon geste j'essuie ses doigts avec un mouchoir comme s'il avait eu de l'acide sur la main.

"Non, mais je n'y crois pas !"

Je sors un bloc de savon de mon décolleté et le tir, ou plutôt essaye de le tirer vers le lavabo le plus proche. S'il résiste, au vu de sa force je n'y arriverai pas, sinon je le conduis là, lui lave les mains toujours en gant et en profite pour m'occuper de sa tâche de café... Oui, je me trimbale toujours avec une petite fiole de vinaigre blanc dans une poche, du savon et des gants... Et encore, vous n'avez pas vu mon sac avec les diverses brosses et les autres produits. Que je réusine ou non à le tirer à l'évier, a une source d'eau pour le nettoyer un peu je me tourne vers lui l'air courroucé.

" Ça vous arrive de penser un peu à ceux qui passent derrière vous pour nettoyer ?! Vous croyiez que ça les amuse de devoir récurer ce genre de... Chose ?! Mais pire que ça, vous n'avez aucun respect pour les règles d'hygiène ! Je vous signale mon grand, que s'il y a une maladie qui se déclare à bord, ça ne fera que vous donner du travail supplémentaire ! "

On a dû l'entendre de loin celle-ci, je le regarde l'air dépité, énervé, comme une sorte de psychopathe de la propreté que je suis et que j'assume.

"Sérieusement, vous n'avez aucun respect pour votre propre corps ?! On n'en a qu'un !"

Oui j'ai complètement oublié sa question, oui j'ai mes propres priorités et j'imagine que je ne resterai pas longtemps dans l'infirmerie à cette allure... Tant pis pour ce carnet, tant pis pour ces deux idiotes, je suis comme ça que ça leur plaise ou non.
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J'me laisse embarquer par la furie au niveau du lavabo, alors qu'elle m'attrape les palmes et les récurent avec la ferveur d'un exorciste qui combattrait l'Démon. J'suis un peu dépassé, voire complètement, et m'laisse dompter servilement pour éviter d'la foutre encore plus en rogne. Elle me frotte la paluche à en décoller son cuir, et ma fidèle pellicule poisseuse de poiscaille un peu poissard se détache, s'arrache, sauvagement assassinée par la démente. J'ai les mimines propres, mais l'esprit assiégé par des pensées crades.

J'lâche l'idée de passer pour un bon collègue auprès des autres sardines de la boîte. C'était peine perdue, d'toute façon. J'ai ni l'physique, ni la personnalité d'un camarade agréable. Elle va répandre la rumeur qu'le toubib est un gros dégueulasse comme une traînée d'poudre, j'le sens bien. Cette même traînée d'poudre qui s'enflammera peu à peu puis qu'ira faire exploser les préjugés à l'encontre d'ma race, et les quolibets à mon modeste égard. P'tain. Là, ça y est. Mes joues sont bien rubicondes, j'le sens. Mes sourcils froncés, ma figure crispée. J'suis rarement en bons termes avec les camarades larbins d'la mouette, de toute façon. Fustigeront les mots blessants. Tant pis, j'suis blindé. Les remarques me ricochent sur le cuir. Le mépris de la blanche colombe n'atteindra pas la dignité simulée du pauvre crapaud.

Dire que j'pensais qu'elle se décoinçait un peu lorsqu'elle a commencé à composer des phrases qui sortaient pas d'son calepin et à s'excuser pour un rien... Mal m'en a pris. Ça m'a trop mis en confiance, l'espace d'un instant. Et j'ai commis l'irréparable. J'recule dans un réflexe brusque. Faisant gaffe à pas la percuter dans la manoeuvre, à pas la blesser. C'genre de précaution que j'prends instinctivement maintenant. Faire mal, ça m'fait mal. Le comble serait que dans un faux mouvement, j'la blesse, et passe du coup également pour une brute qui contrôle pas sa force...

Eh ! C'est pas les tâches et les crottes de nez qui provoquent des épidémies...

J'tends à omettre qu'elle est ma supérieure hiérarchique, la maniaque. Ses leçons d'morale viennent se ficher dans mes nerfs comme autant d'flèches enflammées. Et c'est carrément un frisson d'frustration qui m'foudroie lorsqu'elle me case une remarque sur le respect d'mon corps. Blabla d'conservateur bien dans leur enveloppe qui panerait résolument jamais comment on peut se sentir étranger à sa propre carcasse ! J'fais la moue. Carrément...

J'interviens pas et n'opère pas sans protection et sans babioles antiseptiques, si c'est c'que vous craignez... Humf.

En parlant d'fournitures hygiéniques, elle a l'air de trimbaler un arsenal impressionnant sous son uniforme. Elle est pas simplement tatillonne, ça doit être carrément pathologique. J'pense mieux saisir désormais l'fossé d'valeurs qui nous sépare. Un gouffre vertigineux qui n'se comble pas par une simple parlote entre colocataires. Y a un p'tit rien qui prend ses aises en moi, une infime déception qui devient malaise. Sur le quai d'Navarone, j'm'étais imaginé pouvoir trouver une accroche avec ce nouvel équipage en Sa personne.

Marginale, spéciale, renfermée et autant à l'aise en société qu'un poiscaille tropical sous la banquise, ça m'faisait plaisir d'pas être le seul alien paumé à bord. D'savoir qu'errait à l'autre bout du cercueil submersible, une autre âme bizarre en décalage. Une genre de fausse note sympathique dans l'univers, qui donne malgré tout du coeur à la mélodie générale. J'croyais voir ça en elle. Parce qu'elle était pas dégourdie, pas à l'aise, mais semblait bondée d'bonne volonté malgré tout.

Mais non. Je l'ai vite et mal jugé, comme tant d'autres. En fait, c'est juste une commandante maniaque moralisatrice... dont j'peine à avaler les leçons. Son rappel à l'ordre m'reste en travers de la gorge. Supérieure hiérarchique ou pas. Je hais ma gueule. Je hais mon reflet. Je hais mon apparence, et aussi probablement ce qui se cache derrière. Ses commentaires, qu'elle se les garde...

Et j'fais ce qui me plaît de mon corps, hein ? Il n'appartient pas encore à la marine, lui, à ce que j'sache...

Quelques pas qui raisonnent sur l'carrelage métallique et envahissent la pièce en ferraille, occupée jusque là par un silence de plomb. Je recule. J'm'éloigne d'elle assez doucement pour aller m'poser contre le billard.
Glisser un trait d'esprit un brin cinglant et pas bien subtil sur la marine en la présence d'une commandante fanatique était sacrément gauche... Encore un coup d'mes mauvaises pensées qui se sont enfuies d'mon crâne pour partir alourdir une atmosphère de base bien pesante. Trop tendu, nerveux et déçu, j'ai remué l'couteau dans la plaie. Je sauve l'ambiance comme je peux...

Hmm. Après six ans, j'parviens toujours pas à confronter l'horreur. C'est ingrat, la marine. Non ?

Qui aurait cru qu'un jour, j'aurais sorti c'genre de réplique désillusionnée pour tenter d'soulager une ambiance ? Hum. Drôle de discussion. L'impression d'marcher sur la tête. J'sais pas bien c'que je cherche dans c'dialogue, maintenant. P'tete payer les pots cassés. Et pas risquer d'jeter un froid éternel entre nous. Je hais les froids...
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Vade rétro satinas, saleté, je te bannis immédiatement de ce corps et... À quoi est-ce que je pense encore ? Enfin soit, source de maladie nettoyée ! Encore une mission d'hygiène effectuée avec brio même si j'aurais préférée éviter de lui hurler dans les oreilles... Ouïe ? Peu importe, dans ce qui lui sert de conduit auditif. Je n’ai jamais eu l'audace de vouloir être une compagnie agréable pour les autres et je viens de lui prouver de manière claire et radicale pourquoi même si je me fais respecter en tant qu'officier, il n'y a pas moyen que j'ai réellement de relation en dehors du travail avec quiconque... Malheureuse ? Bof, j'ai toujours vécu ainsi, un peu plus ou un peu moins qu'est-ce que ça changera. Donc, oui même si je sais qu'il ne m'aimera pas, j'ai fait ce que je voulais faire, même si c'est plus par réflexe pathologique qu'autre chose, il a raison de souligner que ce ne sont pas les déjections nasales et les taches de boisson caféinée qui engendre des maladies... C'est juste un début, qui vole un œuf vole un bœuf non ?

"Comment voulez-vous que les autres vous respectent, si vous n'arrivez même pas à vous respecter vous-même ?"

Je dramatise peut-être un peu, mais alors très peu alors. Mais, je ne m'attendais vraiment pas à la suite, j'ai tendance à m'énerver aussi vite que sur deux sujets : L'hygiène et les morveux... Bon j'ai échappé à la grossesse malgré une certaine nuit et j'imagine que c'est le stress accumulé qui m'a fait monter aussi vite dans les octaves par rapport aux tâches. Évidemment en bonne femme, je suis censée être de mauvaise foi et attendre que le mâle s'excuse, c'est maman qui m'a appris ça, mais pour une fois je vais faire autrement. Enfin c'est ce que j'aurais fait s'il ne m'avait pas soufflé lui-même, il m'a clairement fait me calmer avec une simple remarque. On dirait presque qu'il se met sur la défensive par rapport à son travail, j'espère bien qu'il opère avec du matériel stérilisé ! Si ce n'était pas le cas et que j'en aurai eu vent, je serais venu lui botter le cul depuis longtemps et en uniforme ! Non là, il me fait réfléchir sur le fait que j'ai peut-être effectivement sous-entendu volontairement qui bâcle ses soins et pour une personne ce qui serait une grave injure que je ne me permettrai jamais de faire. Ma voix redevient immédiatement plus neutre et surtout à un niveau sonore bien plus normal, peut-être même plus bas qu'avant.

"Je n'ai jamais remis en doute vos méthodes de travail."

Bravo, maintenant c'est moi qui passe pour la méchante, peut-être qu'en fait je le suis réellement, si j'étais comme la plupart des autres demoiselles je me serais déjà confondu en excuses, mais non j'ai simplement un regard gêné et coupable ce qui est largement plus humain que mes autres expressions. En fait il m'a tellement refroidi que lorsqu'il sort sa phrase des plus fines sur l'endoctrinement de la marine et les messages plus ou moins subtils de celle-ci résumés avec humour par l'appartenance d'une chose qui ne peut leur appartenir... Je n'arrive pas à aligner une phrase intelligente pour le contredire et surtout je ne comprends pas trop où il veut en venir à ce moment-là.

"Bien sûr que non... Désolé."

Là pour le coup, j'aurais peut-être mieux fait de ne simplement ne rien répondre en fait, enfin ce qui est fait et fait-on dit bien que quand le lit est fait, il faut le refaire encore mieux non ? Mon esprit est déjà fatigué et cette brusque montée de rouge ne fait rien pour améliorer la chose, du coup je me sens particulièrement amorphe d'un coup. Ce n'est pas que je suis spécialement active quand il ne s’agit pas de travail ou de nettoyage, mais quand même. Enfin même fatiguée je me demande bien où il veut aller avec ce genre de commentaire sur la marine, surtout devant une... Oui bon je suis en civile là et si je suis manique du rangement, je ne suis pas une exaltée de la marine la défendant bec et ongle. Je ne sais pas trop ce qui me vient à l'esprit, je n'ai pas envie et encore moins l'énergie de réfléchir longuement à quoi dire, alors j'espère juste ne pas lancer une trop grosse erreur. Je dis donc honnêtement la première chose qui me vient :

"Fromage blanc."

Heu... Je n'aurais pas dû en fait, je place ma main contre mon visage, les joues rouges et ce geste montrant mon extrême embarras... J'ai peut-être un peu faim aussi. Bon, je me reprends :

"Enfin ce que je voulais dire, c'est que j'aime les Rhinos. Ils sont une seconde famille qui m'a était offerte quand j'ai dû abandonner la mienne après une certaine erreur..."

Je baisse la tête les yeux rivés au sol en caressant mon tatouage sur mon épaule droite. Ce n'était pas vraiment une erreur, mais les conséquences sont bien là : exilée de chez moi et encore j'ai de la chance qu'ils ne sachent pas encore qui j'ai étais. Vous imaginez s'ils venaient à apprendre que j'ai participé à un coup d'État sur mon île ? En fait si j'alignée toutes mes bêtises je suis sûr que je pourrai finir devant la cour martiale, sans parler qu'aligner ça avec m'a monté en galon que certains attributs à de la promotion canapé j'en mènerai pas large... Même si je ne comprends toujours pas le principe de promotion canapé puisque c'était sur un lit, c'est comme passer sous le bureau, en plus d'être crade et inconfortable, c'est faux !

"Quand on aura fini sur Jaya, va faire connaissance avec les gens sur le Léviathans, à force de travailler main dans la main ils sont beaucoup plus proches les uns des autres que partout ailleurs dans la marine... Ils ont même presque réussi à me sortir de ma bulle, c'est pour dire. Ça vaut le coup d'essayer, tu verras."

C'est avec un peu de retard que je réponds à sa question donc... Pourquoi j'ai la vague impression de l'avoir tutoyé ? Encore un coup de mon imagination, décidément j'ai vraiment besoin de dormir, d'ailleurs en parlant de ça je pique un peu du nez ce qui me fait tanguer de plus en plus dangereusement sur ma chaise les yeux mi-clos, en fait gueuler un bon coup ça 'aura peut-être vraiment fait du bien, merci Doc !
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Elle se refait plus calme, timide et maladroite. Enterre la hache de guerre et n'est même pas repartie à l'assaut lorsque du désinvolte a débordé hors d'mon esprit. J'étais persuadé qu'ça sonnerait en elle comme une nouvelle déclaration d'guerre. J'écarquille des mirettes lorsqu'elle balance un fromage blanc dans l'ambiance. Et m'rend compte par la même occasion d'à quel point j'commence à avoir la dalle. Bon signe, ça. Avoir faim d'une salade au fromage blanc. Ça veut dire qu'j'suis pas encore un zombie errant qui se nourrit d'illusions...

Elle se décoince au point d'me tutoyer. C'est fou.

Et elle se décoince au point d'laisser s'échapper quelques mots pas folichons sur son passé. Lié à cet étrange tatouage de clebs sur son épaule, apparemment. Comme une marque indélébile pour meurtrir physiquement le corps d'un passé blessant. J'ose pas lui d'mander de détails, c'pas mon rôle. J'suis pas psy. J'aurais l'empathie pour l'être, psy. Mais certainement pas la résistance mentale pour encaisser la détresse des âmes en peine qui viendraient lâcher leur meute de souvenirs douloureux sur mon divan. J'crisse des crocs, gêné et moi-même un peu geignard sur tout c'qui touche à la famille. Ça m'précipite dans l'gouffre d'mon affreuse mémoire.

Hmm. J'ai plus d'famille non plus. Mes parents sont des politiciens de l'île des homme-poissons. Mon frangin est... hum... parti.

Parti chez les révo'. Mais j'ai pas envie d'le crier sur les toits. C'est qu'ça raisonne bien, les infos croustillantes, dans c'genre de mini-cosmos confiné. Dans ce sous-marin, les ragots, c'est le seul divertissement... Une de mes raisons pour rester barricadé dans mon infirmerie.

Beuh... Six ans. Déjà six ans, l'temps passe vite. Ça fait six ans qu'on a fugué pour remonter à la surface et rejoindre la marine. La politique abîme salement les êtres. Aucune famille ne peut s'en remettre. Jamais connu la douceur d'un foyer uni et aimant, jamais connu un retour à la maison accueilli par des darons souriants. J'avais rien en commun avec ces types qui devenaient toujours plus étrangers à mes rêves. J'voulais pas devenir comme eux. Et à côté, mon grand frangin était tout pour moi. Le frère, le meilleur ami, le père, la mère, la nounou, le prof, le coach. Il cumulait les valeurs à mon égard. Et il le savait. L'a sacrifié un max pour m'aider à aborder correctement les pires virages de la vie. Et... comment j'lui ai rendu ? En le lâchant. Lorsqu'il a piqué sa crise y a trois ans, qu'il a rejoint la révo, j'l'ai pas suivi, me suis accroché à la marine. Comme un clébard qui s'évertue à ronger la moelle d'un os anémique.

Rentré dans la révolution, il est loin, très loin de moi. Notre lien est inébranlable, mais altéré forcément par l'temps et les distances. J'ai laissé mon seul repère derrière moi. J'crois que j'me demanderai toujours au moins une fois par jour c'qui m'a pris de l'abandonner. Une auto-flagellation rituelle. Ça porte un nom. La culpabilité. Les remords. Le doute. Non, en fait, l'existe une tonne de noms pour désigner c'parasite qui ronge l'âme et sa volonté. Qui mine l'espoir.

Ouais, seul. Paumé. Sans frère à qui m'confier. Pas d'épaule sur qui m'poser pour souffler de temps en temps. Trouver une nouvelle famille dans la marine ? Ça sonne trop mielleux à mes oreilles. Mais j'suis trop blasé pour m'rendre compte que tout ça, ça n'dépend sûrement que de moi... Où est passé l'gosse rêveur et candide qu'était en moi ? Je jurerais qu'il était encore là, y a à peine quelques années... Rei. T'es sacrément dérangée, comme moi, comme nous tous. Mais t'as p'tet allumé une vive étincelle en moi. J'place un brin plus d'espoir en cette boîte à sardines, et beaucoup plus de foi en c'voyage à Jaya.

Qui sait. J'irai faire connaissance avec eux. J'ai entendu dire que c'était une drôle de bande, à Navaronne.

Elle tombe de fatigue. Piquant du nez sur ma chaise, à la lueur d'la modeste lampe blanche qu'éclaire aussi mon tas de merde de papelards. Avec les installations d'bidules qui crachent du feu, j'doute pas qu'elle va crouler sous l'boulot tout l'voyage. Mais que l'acharnée accepte pas d's'arrêter. Comme si elle écrasait quelque chose sous le taff. Une douleur, ou que sais-je. Bah, m'fais des idées. Ceci dit, si elle s'lance somnolente à travers la jungle de Jaya, elle va pas faire long feu sur le champ de bataille, la pauvre...

Dis... Si j'accepte de partir prendre une douche, là, tout de suite. Tu accepterais d'aller te reposer ?
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Je ne m'étendrai pas sur la famille, déjà ce n'est pas mon sujet favori et surtout, je percute de moins en moins ce qu'il dit en réalité. Petit à petit la vue encore plus trouble que quelque temps auparavant. Je crois que le marchant de sable est énervé du retard que je lui fais prendre, ça doit être ça, puisqu'il m'a balancé son outil poudreux dans la figure, un grain a bien dû se coincer puisqu'une légère larme a coulée, saloperie de fonctionnaire ! Ce n'est pas que la famille me manque, je suis assez grande pour être partie de chez moi et encore moins l'idée cassée dans l'œuf de pouvoir en fonder une... Je ne suis pas trop de ce genre... En principe. C'est la fatigue, oui c'est ça, cela ne peut être que ça.

"Mouais."

Je n'ai pas la moindre conscience du pourquoi je viens de répondre cela en fait et encore moins dans un langage aussi déformé, une sorte de oui mélangé à un... Je ne sais pas trop et ça n'a pas d'importance. En fait, j'ai de plus en plus de mal à réfléchir et le marchant commence à y aller à coup de massue ce qui explique le début de mal de tête et le fais que je commence à décrocher. Même moi je me rends compte que ce n'est pas du tout poli de ne pas suivre ce que dit Kamina, donc c'est vraiment que je dois changer quelque chose à la situation présente. Il répond par rapport à ce que je lui ai dit sur l'équipage, je pense, mais par la suite les deux seuls mots qui ont percutés mon crane se sont reposer, mais surtout le mot magique "douche" Je le regarde un long moment avec un air bovin et un petit sourire.

"Ha ? Enfin... Oui ?"

Je ne fais même pas semblant d'avoir comprise ce qu'il vient de dire, pour la première fois depuis le début de la traverser je j'entends l'appel de la couette... Non en fais la c'est différent, je ne me sens pas dans une boite en métal sombre et dangereuse, je suis dans une pièce bien éclairée et d'une blancheur presque immaculée avec un médecin en qui j'ai un minimum confiance. J'observe ce qui se transforme de plus en plus en tâche dans ma vision et m'indique clairement que je tire trop sur la corde, je ne suis pas en état de réfléchir. Je me lève, mais trop vite de toute évidence pour mon pauvre cerveau et trébuche en avant, avant de tomber sur l'homme poisson... Oui forcément je ne vais pas le renverser avec ma masse surtout en civile, ou alors peut-être que je le fais et ne m'en rends pas compte.

"Désolé."

Il est temps de sortir, je me dirige d'un pas décidée vers la porte et fais l'erreur de me tourner pour lâcher un vague merci, avant de me prendre le mur à côté de la porte... Non la ça devient ridicule, je râle un petit coup et dit alors l'air résignée.

"Et puis zut."

Je vire mes souliers, mes manches et mon haut et m'allonge sur le vêtement en position fœtale en mettant ma tête sur les deux autres bandes de tissus à fourrure plus ou moins pliés pour faire un oreiller de fortune avant de commencer à m'endormir, ne laissant plus comme signe de vie que sortir une douce respiration.
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C'est ça, de vivre reclus. On s'attache vite au peu qu'on a, on devient farouche et méfiant, on défend crocs et griffes c'qu'on s'attribue comme étant notre territoire. J'crois que Rei a annexé l'mien. Mise KO par son zèle, elle s'est effondrée sur mon carrelage aseptisée, après avoir rebondi dans tous les sens et dans tous les coins. Y compris sur moi. C'est qu'elle prend ses aises, la patronne. Pioncer en sous-vêtements dans l'infirmerie, c'est aussi peu hygiénique qu'immensément suggestif.

Toujours assis sur l'billard, baignant dans sa lumière blanche, j'me passe la palme dans la tignasse de poiscaille poisseux, que j'assaille de preux allers-retours qui font neiger des pellicules sur mon blanc manteau. Les tifs, c'est comme l'âme. Faut les purger d'leur crasse avant qu'ils n'se fassent trop lourds et gras. Rei a certainement pas pané l'ampleur d'ma promesse, pendant qu'elle subissait une attaque-éclair de Morphée, mais moi, j'suis un requin d'honneur. J'ai dis que j'visiterai les douches du vaisseau, j'le ferai. Pas avant, ceci dit, d'avoir jeté une mirette vitreuse à l'édifice de papelards bien rangés s'étalant prétentieusement sur mon bureau...

... Non. Pas tout de suite. Sens des priorités. D'abord, on remet en ordre l'esprit et l'corps, et seulement ensuite, on plonge les paluches dans la paperasse. J'ai l'temps, d'toute façon. Tellement de temps à tuer, ici... Un vrai génocide de minutes malheureuses.

Lève mes fesses, contracte la moindre parcelle des muscles ankylosés d'mon pauvre corps recroquevillé dans cette boîte à sardines depuis trop longtemps, et m'étire longuement et langoureusement. Y a des cracs, des crics, des crocs qui sortent en pagaille d'mes articulations rouillées, des sons bien disgracieux libérés d'un bagne d'os sapés par l'trac et l'attente.

J'contourne la donzelle avachie près de l'entrée, et fait lentement glisser la porte sur ses rails dans un grincement discret. Respirer cet affreux air, cette puanteur d'infirmerie où mon propre fumet marin s'mêlait au chlore nauséabond, ça m'avait refilé une nausée discrète et espiègle qui, a en pas douter, chuchotait son amour à mon cafard. Ça favorisait bien les mauvaises pensées... L'air du reste du submersible est vicié, aussi, mais ça reste un autre air. J'ai besoin de changer d'air. De penser à autre chose. Purger ma peine, c'est ça... Faire demi-tour, et mirer un peu l'futur. C'qui m'attend chez les rhinos.

Deux mégères, posées là dans un coin sombre du couloir comme des racoleuses, pouffant d'rire lorsque j'passe devant elles et se susurrant quelques amabilités lorsqu'elles s'aperçoivent que j'les ai remarqué. M'semble bien qu'elles sont les sous-fifres d'la commandante. J'ai du noir sur le nez ?

Quoi ?
Vous avez "fait connaissance" ?
Hmm. Ouais.
Elle a de drôles de goûts...

Relancées dans une quinte de toux qui mute en fou-rire, j'les laisse à leurs commérages gluants. Ça m'colle à la peau. Ça fait partie d'mon fardeau. L'atmosphère est polluée d'sacrées rumeurs. Que j'déteste nourrir. Mais c'est mon pain quotidien. Me respecter moi-même avant d'être respecté par les autres... Facile à dire. Impossible à appliquer. Ça nécessiterait d'tempérer mes tempêtes. Car c'est la guerre perpétuelle, là-dedans. J'pense pas trouver la paix intérieure un jour... La paix a jamais été une option.

Me faire respecter pour mes actes et ma bienveillance, ça m'paraît déjà plus faisable. Inspirer la justice par l'exécution d'mes anciens rêves d'enfance un peu niais. Forger ma droiture, l'exposer fièrement au monde. Être un héros par les actes et par la prestance. Là, seulement là, on me respectera...

J'avance avec un nouvel entrain dans les couloirs, en direction des douches. Les ombres se sont éloignées, j'me sens mieux, plus éclairé. Plus serein, un peu plus confiant. Satisfait d'm'être fait au moins une alliée à bord. M'perdant un brin dans l'dédale d'acier, j'ose cependant guère demander mon chemin aux collègues... qui vocifèrent quelques menues atrocités après que j'sois passé à leurs niveaux. J'passe mon chemin, mais j'entends tout.

Bordel, il shlingue, le poiscaille...
J'en reviens toujours pas qu'ce truc soit toubib...


Hmm. La poiscaille leur sauvera p'tete la vie un jour...
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