Edwin Morneplume
Pseudonyme : Le Fer de Lance
Age: 58
Sexe :Homme
Race :Humain
Métier : Ex-Contrebandier, Navigateur
Groupe :Marine d'Élite
But :La rédemption par le bien.
Fruit du démon ou Aptitude que vous désirez posséder après votre validation : On verra.
Équipement : Costard. Flingue. Chapeau haut-de-forme (c'est assez bourrin j'dois avouer...je comprendrais le refus pour le chapeau)
Codes du règlement :
Parrain : Très bon film.
Ce compte est-il un DC ? : Ouaip, c'est Oswald.
Si oui, quel @ l'a autorisé ? : Approuvé et léché par craig. Béni par Rachou.
>> Physique
Edwin est grand. Très grand devrait on dire. Du haut de ses deux mètres, on lui reconnait néanmoins une silhouette plutôt svelte et relativement maigre. Ses articulations sont toutes très longues, que l'on parle de ses doigts, ses jambes ou ses bras, Edwin semble même frêle, pourtant, il n'en est rien. En effet, son corps endurci par de nombreuses années à croupir en prison l'ont mener à faire montre d'une endurance et d'une résistance hors du commun. Il sait à la fois faire preuve d'une démarche fluide et silencieuse, mais aussi d'une robustesse et d'une rapidité d'efficacité dans ses mouvements qui démentent les préjugés que son âge pourrait laisser paraître. Ça, on ne peut se le cacher, Morneplume est vieux, assez vieux pour un soldat. Il ne va pas sans dire que ses nombreuses années passées à croupir dans une geôle lui ont donné un air encore plus aigri et fatigué que l'on n'en attribuerait à un quinquagénaire. Néanmoins, Edwin est un homme qui sait prendre soin de son apparence; la barbe taillée, les cheveux bien coiffés, il préfère souvent troquer l'uniforme régulier de marin pour un costume sombre ainsi qu'un chapeau haut-de-forme, trouvant cet accoutrement bien plus confortable. Comme bon nombre des héros que l'on peut côtoyer dans cet univers déjanté, les yeux d'Edwin sont assez accrocheurs. Un regard peiné, mais aussi dur et sec, gris, comme si dans ses iris ne gisaient plus que les cendres d'un brasero autrefois ardent. Finalement, il y a aussi les mains d'Edwin, deux énormes pelles calleuses aux longs doigts osseux et noueux. Des mains habiles qui sauraient broyer des os comme broder de la dentelle. Des mains à la fois violentes et douces, deux armes qui servent très bien Morneplume dans sa quête pour instaurer le bien, que ce soit par la création ou la destruction.
>> Psychologie
Il est l'ombre de ce qu'il était autrefois, Edwin. Son dynamisme, sa fougue, sa joie de vivre, son besoin d'aventure, tous ces traits qui le définissaient se sont écroulés lorsqu'il a lui-même détruit sa raison de vivre. S'il sait sourire, on ne le voit faire que très rarement, comme s'il préservait ces quelques effusions de joie pour des occasions très spéciales. À vrai dire, depuis que l'étincelle de sa joie passée s'est éteinte, rare sont les choses qui lui procure vraiment un semblant de plaisir. Les fugaces moments où on peut surprendre un paisible sourire sur son visage sont lorsqu'il rédige des lettres à son amour défunt. Car autant à l'époque Edwin vivait-il chacune de ses émotions avec l'intensité d'une tempête, autant le seul phénomène l'affectant encore avec tant de force est le deuil qu'il porte à celle qu'il a perdu. Homme de lettres, il sait très bien s'exprimer, mais n'ose pas en abuser non plus. Il préfère s'exprimer en peu de mots, prémâchant souvent ses phrases pour qu'elles soient le plus appropriées. Un aspect important de la façon de penser d'Edwin est son rapport avec la criminalité, la violence et le mal. Cherchant à éradiquer ce qu'il considère comme mauvais pour se purifier du meurtre passionnel qu'il a commis autrefois, Edwin est un analyste qui prend toujours le temps de comprendre si telle personne nécessite sanction ou si telle situation nécessite intervention. Finalement, on ne peut tout de même nier qu'il est paladin dans l'âme, cherchant toujours à aider les faible ou les oppressés, façon directe et assez rédemptrice pour parvenir à son objectif de pardon, selon lui.
>> Biographie
Ça commence par une petite pièce. Difficile à discerner, dans la faible lumière d'une chandelle se noyant peu à peu dans sa cire. Une petite table avec une petite chaise, toute deux en bois. Les documents y sont classés et empilés sans aucune anicroche, comme si chacun des morceaux de papier composant chaque piles avait été formé à tenir une formation aussi impeccable. Ce bureau, il tangue lentement au rythme de la mer. Il grince, aussi, paresseusement entraîné dans la danse incessante de la houle. Les murs, eux, sont tapissés de cartes géographiques aux tailles, échelles et utilités totalement différentes. Si bien qu'on croirait quasiment qu'elles n'ont été posées là que pour décorer d'aventures, de voyages et de rêves les parois du local.
Enfin, une silhouette, grande et svelte, mais courbée et fatiguée. Cette silhouette, elle s'avance vers la petite table, en tire la petite chaise, puis prend place. Un instant plus tard, une plume, de l'encre et du papier sont tous disposés avec une précision stratégique; le récit va enfin pouvoir se poursuivre. L'homme se penche, saisit d'une main large et osseuse la plume, la trempe dans le pot d'encre, puis couche une première lettre sur le papier. Il joue de sa plume comme un escrimeur userait de son sabre, mais aussi comme un amant ferait l'amour à sa maîtresse. Il est la poigne du géant et la caresse de l'ange.
Et tout ça simplement en écrivant les mots suivants:
Autobiographie d'Edwin Morneplume,
né de Juillet 1567.
Il était jeune, Edwin.
Il y a bien longtemps, il fut jeune. Aujourd'hui, il est vieux et barbu. Usé et malmené par le temps. Toutefois, il fut jeune. Jeune et puissant, à la manière de tous ces enfants qui, chacun à leur façon, sont les rois de leurs propres petits mondes. Il fut jeune. Il fut à un moment ce Petit Sauvage qui dort chez chaque enfant. Il fut jeune. Comme sont jeunes ceux qui rêvent et qui espèrent. Comme sont jeunes ceux qui aiment et qui détestent. Il fut jeune. Il rêva. Il espéra. Il aima. Il détesta. Il n'était à peine qu'un gamin que déjà, il se promettait à de telles sensations, de telles réalités. On l'observait gambader dans les ruelles de Luvneelpraad avec tant de vivacité, d'entrain et de fougue qu'on lui reconnaissant déjà cette ardeur avec laquelle vivent les plus grands. Pour Edwin, les jeux de billes étaient de véritables bombardements. Pour Edwin, une partie de cache-cache était un dépistage des plus féroces créatures. L'intensité avec laquelle il abordait déjà les premières années de sa vie l'engageait tout juste sur la route de ceux qui subissent les plus grandes émotions. Ceux qui aiment. Ceux qui détestent. Ceux qui rêvent. Ceux qui espèrent.
Et comme de fait, un jour, Edwin rêva.
Son père, Edgar Morneplume, était un homme riche qui avait su faire bon usage de l'héritage familial et avait poursuivit la tradition familiale. Résultat: comme tous les Morneplume avant lui, Edgar Morneplume était banquier. Ce fut donc en compagnie de son père banquier qu'un jour, à bord de la voiture familiale, Edwin l'aperçut. Aperçut quoi? La mer, voyons. Il n'y avait qu'à observer ses yeux noyés dans le bleu de l'océan pour le comprendre; il était passionné. Oui, décidément passionné, voire fasciné. Plus fasciné qu'il ne l'aurait été face au plus grandiose des tours de prestidigitation. Ce n'était que de l'eau. Cependant, c'était bleu, c'était bruyant. Et c'était énorme. Énorme et époustouflant. Morneplume le père fit arrêter la voiture, le temps que son fils descende et s'avance sur le bord de l'avenue qui longeait la mer. Il s'agissait de ce genre de longue rue portuaire où se retrouvent les promeneurs et les marchands de par le monde. Ces boulevards qui donnent sur une plage de galets où viennent mourir les vagues dans un dernier gémissement tonitruant.
Ainsi, Edwin aperçut la mer, et, hypnotisé, y marcha jusqu'à ce que ses chaussures et ses chevilles soient complètement immergées. C'était énorme, absorbant, engloutissant, monstrueux.
C'était la mer. Le premier rêve d'Edwin.
Où est-ce que ça se termine? demanda-t-il à son père qui le rejoignait.
Nulle part. lui répondit Edgar.
Alors je voguerai sur la mer et j'irai nulle part. répondit fiévreusement Edwin, toujours avec la fougue qu'on lui connaissait si bien.
Il n'avait que cinq ans, et, déjà, il allait nulle part. Quoi de moins précis pour commencer à aborder la vie. Il n'avait que cinq ans, et, déjà, il rêvait d'océan et d'aventure. Edwin grandit à la manière d'un bon garçon bien élevé. Son père, aisé, subvenait aux besoins familiaux et agissait, tout comme sa mère, en bon éducateur et en figure exemplaire. Edwin rêvait le matin, étudiait le jour, puis jouait le soir. Cette routine fut la sienne de longues années durant. De longues années pendant lesquelles il ne put cesser un instant de rêver à cette mer qu'il parcourrait un jour. À le regarder, il y avait bel et bien quelque chose de sain, de poétique dans ces rêveries insatiables. Dès qu'il le pouvait, Edwin dévorait des livres entiers traitant de récits de piraterie et de grandes aventures navales. Si bien que,
quelques années plus tard, déjà, Edwin espéra.
Il espéra qu'à son tour, il n'aurait pas à endosser les responsabilités familiales. Qu'à son tour, il n'aurait pas à hériter du boulot ennuyeux auquel son paternel s'adonnait quotidiennement. Loin de lui l'idée d'être enfermé dans un bureau des heures durant à comptabiliser et à recompter. La mer l'appelait. La mer et ses grondements. La mer et ses vagues, et ses tempêtes, et ses tourbillons, et ses pirates, et ses aventures. La mer. Sa véritable mer.
L'adolescence venue, la liberté gagnée, Edwin se mit à errer. À force de rêver, perché et emmitouflé bien haut dans le cocon des gens riches de Luvneelpraad, on finit par vouloir vivre un fragment de ce rêve. Et ce fragment, cette parcelle d'aventure qu'il pouvait alors s'offrir en errant, Edwin la trouva sur les docks de Luvneelpraad en la personne de Mathias. Mathias était un garçon des rues qui avait eu la chance d'être assez manipulateur et costaud pour survivre aux dépends des autres orphelins et mendiants de la ville portuaire. L'air constamment goguenard, la balafre sur la joue, la crasse sur ses guenilles et sur ses mèches emmêlées, Mathias était de ces petites-frappes qui ont trop bien survécu et trop mal grandi pour être fréquentables. Toutefois, il ne tenait pas d'Edwin de juger si Mathias agissait réellement comme une bonne influence sur lui. Porté trop haut par son goût de mer et d'aventure, Morneplume ne voyait plus clair dans les choix qu'il faisait. En effet, à force de rêver et d'espérer tant d'années sans obtenir un quelconque résultat concret. Cette ferveur candide qui habitait le petit Edwin s'était petit à petit mutée en une poignante, insatiable et dangereuse passion qu'on ne pouvait véritablement contenir chez lui. Le résultat de ce besoin trop longtemps inassouvi fut la participation d'Edwin à de petites aventures, bien moins grandioses que celles auquel il vouait son avenir, mais aussi bien moins légales que ce à quoi on aurait pu s'attendre de sa part.
Ils lui avaient appris à voler, Mathias et ses nouveaux amis. À voler et à battre. À courir pour échapper à la police. À se cacher pour mieux subtiliser, à bluffer pour mieux tromper, à mentir pour mieux trahir. À force d'aventures et de roublardises, c'était un Edwin plein de passion, mais aussi de malhonnêteté qui s'épanouissait, au détriment d'un bourgeon de candeur qu'il laissa piteusement pourrir dans le sillage de son enfance.
Et un jour, il se fit prendre. Et un jour, il eut à affronter la colère de son père, inconscient jusqu'alors des roublardises commises par son fils et héritier.
Tu ne prendras jamais la mer! Jamais! Tu resteras enfermé dans cette maison toute ta vie! Plus jamais tu n'abuseras de ma confiance! Tu deviendras banquier que tu ne le veuilles ou non! Hurlait-il à tue-tête en brisant et en frappant.
Je partirai et je prendrai la mer peu importe! Répliquait-il à tue-tête en brisant et en frappant à son tour.
Ce qu'il y avait d'à la fois étrange et fascinant en la personne d'Edwin, c'était qu'il vivait à la fois ses peines comme ses joies d'une façon foudroyante, intense et passionnée. Si bien que ses colères, quoique particulièrement rares, furent toutes monstrueuses.
Celle-ci était sa première.
Et il partit. Il n'avait que seize ans, mais il partit. Laissant derrière lui une demeure saccagée et une famille bouleversée. Le lendemain, il était sur le premier navire à quitter Luvneelpraad, laissant derrière lui Mathias et ses mauvais amis, sa famille, sa vie, son pays. N'emportant pour seul bagage que sa passion et sa fougue, bouées le portant toujours dans la tempête de ses décisions.
Et l'aventure avait un amer goût de défaite.
Toutefois, la mer, elle, était toujours bleue. Des années durant, il la navigua sans s'arrêter, dévorant chaque parcelle de lagune, de golfe, de lac, de fleuve, de baie, de crique, de calanque, de rivière et d'océan que pouvait lui offrir le destin. Cependant, vivre d'une telle passion est loin d'être chose facile financièrement. Si bien que, mourant d'envie d'aborder la vie de marin à son meilleure, et ayant déjà fricoté avec le monde de l'illégalité, ce fut sans hésitation qu'Edwin devint contrebandier. À force de bonne rencontre aux bons moments et de services rendus aux bonnes personnes, Edwin avait su se faire une place dans le monde du marché noir. Assez facilement, il était devenu un de ces nombreux missionnaires qui font fleurir l'énorme réseau tentaculaire de la mafia de North Blue. Un jour, on pouvait l'envoyer livrer une cargaison vers South Blue et lui faire prendre cap vers West Blue la semaine d'après. C'est ainsi qu'il vécut et c'est ainsi qu'il grandit, en navigateur subtil et chevronné, assez malin pour découvrir la mer un peu plus chaque jour tout en accomplissant un boulot des moins recommandables.
La mer qui brise, qui tue, qui englouti et qui domine, mais aussi la mer qui émerveille, qui impressionne et intimide. C'est tel quel qu'il apprit à la connaître; comme une maîtresse farouche et indomptable, mais ô combien charmante et irrésistible. Le gouvernail à la main, manœuvrant de la plus insignifiante coque de noix jusqu'au plus effilé des esquifs, Edwin l'affronta plus d'une dizaine d'année, cette impétueuse et indéchiffrable déesse.
Jamais il ne se sentit aussi bien, aussi épanoui.
Et enfin, un jour, Edwin aima.
Non, ce ne fut pas la mer. Ce fut une véritable femme. Une fille avec des yeux pers, insondables amalgames bleutés et émeraude. Des cheveux châtains comme une cascade de douceur lui tombant jusqu'aux seins - et quels seins - affichant quelques reflets blonds éparses. Des pommettes relevées, des lèvres pulpeuses, des cils papillonnant. Un ange auréolé de luxure défilant sous les yeux d'Edwin dans les rues de Manshon. Au premier regard il en tomba furieusement amoureux. Avec la même fougue qu'il vivait jusqu'alors ses joies, ses peines et ses passions, Edwin s'enflamma d'un amour inextinguible et ravageur.
Il lui parla, l'invita à boire un café. Elle s'appelait Elsa. Elle était intéressé par son air aventureux, lui était obnubilé par sa beauté. Elle vendait des fleurs, pas très loin par là-bas. Il était de passage sur l'île pour recevoir une cargaison (pour rendre service à la famille Tempiesta, oublia-t-il de lui mentionner). Il était vindicatif et l'étincelle de la vie brillait de mille feux dans son regard, et cela la charmait. Elle était douce et attentive, fascinée par ses aventures, et cela le faisait fondre. Elle l'invita chez elle pour partager son repas. Il accepta. Une fois sur place, ils s'embrassèrent.
Le lendemain, il reprenait la mer. Il promit de revenir très bientôt. Elle promit de l'attendre avec impatience.
Elle promit.
Un jour, elle apprit qu'il était contrebandier. Cette fois-là, Elsa entra dans une colère noire. Elle ne pouvait concevoir que l'homme qu'elle aimait soit un criminel, un homme profitant de l'illégalité. Cependant, Edwin aimait la mer. Cesser de naviguer lui était tout simplement impossible. Il lui promit de trouver un véritable emploi. Il lui promit de changer, de s'améliorer. Elle soupira, lui dit:
Je croyais que tu étais un homme qui faisait le bien, Edwin. Quelqu'un d'honnête.
Elle était déçue, il était piteux. Elle tenta de lui pardonner, il l'aima de cette tentative.
Le lendemain, il reprenait la mer. Il promit de revenir très bientôt. Elle promit de l'attendre avec impatience.
Elle promit.
Chaque fois c'était cette même routine. Mais chaque fois avec un peu moins de cette fascination et de cet amour dans le regard d'Elsa. Elle savait désormais qu'il partait accomplir des actes disgracieux. Elle savait qu'il était de ces hommes qui participent à faire du monde un univers corrompu et morne. Lui, pourtant, ne vivait que sa passion de navigateur, son expérience d'homme d'action vivant l'adrénaline de se savoir en danger constant. Et il continua à lui rendre visite sur Manshon aussi souvent qu'il le pouvait. Et chaque fois il repartait.
Il reprenait la mer. Il promit de revenir très bientôt. Elle promit de l'attendre avec impatience.
Elle promit.
Le jour où elle brisa cette promesse, ce jour là, plus que jamais, Edwin détesta.
C'était un jour de pluie sur Manshon. Un peu plus de deux ans après leur première rencontre. Depuis, Edwin s'était présenté le plus fréquemment possible à Manshon où il avait élu domicile chez Elsa. À chaque visite, l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre n'avait fait que croître, emprisonnant Edwin et Elsa dans une bulle de douceur, un monde rose où tout semblait si simple et beau. Enfin, ce fut le cas jusqu'à ce jour de pluie où, un soir, ayant réussi à rejoindre Manshon plus tôt qu'il ne l'avait véritablement prévu, Edwin s'était immiscé à l'improviste chez sa bien aimée, pensant lui faire une surprise.
La surprise, c'est lui qui la reçu en pleine figure lorsqu'il la surprit avec un autre homme. Un blondinet dans la vingtaine, probablement un marin de garnison à la vue de son uniforme.
Elle hurla, bredouilla des explications.
Lui, le cœur fracassé, la colère lui montant au cerveau, ne parvint qu'à poser une seule question:
Depuis quand?
Trop longtemps.
Pourquoi?
Parce que tu es un homme malhonnête.
Tu avais promis...
J'ai été malhonnête moi aussi, Edwin.
Ce qu'il y avait d'à la fois étrange et fascinant en la personne d'Edwin, c'était qu'il vivait à la fois ses peines comme ses joies d'une façon foudroyante, intense et passionnée. Si bien que ses colères, quoique particulièrement rares, furent toutes monstrueuses.
Celle-ci était sa deuxième.
Et ce fut aussi la première fois qu'Edwin détesta. Il détesta de tout son être et de tout son cœur.
Aveuglé, brisé, il se jeta sur elle. Elle mourut. Elle mourut sous sa poigne. Elle mourut sous ses larmes. Dans le cœur d'Edwin, quelque chose mourut aussi. Quelque chose qu'on aurait cru indéfectible et fondamental chez lui. Ce fut ce feu qui brillait dans son regard qui s'éteignit, ce fut cette fougue qu'on lui reconnaissait depuis tout petit qui s'évapora avec le dernier souffle de celle qu'il aimait. La colère est un fléau aveuglant, et c'est complètement fou qu'Edwin se rua sur le marin.
Le jour d'après, on mettait Edwin derrière les barreaux pour les quinze années suivantes. Quinze longues et pénibles années de détention durant lesquelles ce qu'on connaissait d'un Edwin Morneplume aventureux et dynamique terminèrent de disparaître à jamais. Il n'était plus alors qu'une loque, souillé par la mort et rongé par le regret. Un homme vide auquel on n'attribuait aucun exploit, aucune histoire, aucune personnalité; un figurant dans le déroulement du monde. Un figurant qui, un jour durant sa longue incarcération, se souvint des paroles de celle qu'il avait aimé. Se souvint qu'elle l'avait accusé d'être un homme malhonnête, de ne point faire le bien. Il avait beau avoir tout perdu. Il n'avait beau n'avoir plus rien d'autre, il existait toujours.
Et il pouvait se racheter.
C'était à son tour de faire le bien. À son tour de se prouver au monde. Il allait cesser de suivre égoïstement des passions qui l'avaient poussé à délaisser des parties fondamentales de sa vie. Il allait enfin donner du sien pour une cause meilleure. Il allait devenir quelqu'un de bien, un homme qui s'est donné pour l'application du respect et de l'ordre.
Ainsi, peut-être qu'Elsa, peu importe où elle se trouvait, pourrait un jour lui accorder son pardon.
Il attendit le temps qu'il fallut, ruminant cet idéal qu'il s'était fixé. Pour s'occuper, il se mit à rédiger des lettres adressées à Elsa. Peu lui importait si on les lisait et si on se moquait de lui par la suite, c'était sa façon à lui de se garder en vie. Il pouvait ainsi oublier un moment qu'il l'avait tué lui-même. Il lui écrivait des broutilles, lui parlait du temps à l'extérieur de la prison, de tout et de rien, de son objectif. L'étincelle qui s'était éteinte en lui, il la ravivait de son mieux en couchant, chaque jour, quelques phrases sur le papier. Quelques phrases adressées à la femme avec qui, il le réalisa bien trop tard, il aurait voulu vieillir aux dépends de ses rêves d'aventure.
Il fut contrebandier. Il fut criminel. Il fut prisonnier. Et enfin, lorsqu'il sortit de prison, il devint soldat de la Marine. Le métier par excellence pour le conduire vers la rédemption à la recherche de laquelle il était.
C'était en 1615. Depuis, il fait régner l'ordre sans se poser de question, agissant au gré de ce qu'il considère comme un moyen de se faire pardonner. Et toujours, chaque soir, Edwin Morneplume s'assoit à son bureau, tire du papier, de l'encre et une plume. Puis, il écrit.
Il fait renaître celle qu'il a tué sur papier, dans l'espoir qu'un jour, peut-être, elle puisse réellement lui pardonner ses tords.
Il joue de sa plume comme un escrimeur userait de son sabre, mais aussi comme un amant ferait l'amour à sa maîtresse. Il est la poigne du géant et la caresse de l'ange.
Enfin, une silhouette, grande et svelte, mais courbée et fatiguée. Cette silhouette, elle s'avance vers la petite table, en tire la petite chaise, puis prend place. Un instant plus tard, une plume, de l'encre et du papier sont tous disposés avec une précision stratégique; le récit va enfin pouvoir se poursuivre. L'homme se penche, saisit d'une main large et osseuse la plume, la trempe dans le pot d'encre, puis couche une première lettre sur le papier. Il joue de sa plume comme un escrimeur userait de son sabre, mais aussi comme un amant ferait l'amour à sa maîtresse. Il est la poigne du géant et la caresse de l'ange.
Et tout ça simplement en écrivant les mots suivants:
Autobiographie d'Edwin Morneplume,
né de Juillet 1567.
Il était jeune, Edwin.
Il y a bien longtemps, il fut jeune. Aujourd'hui, il est vieux et barbu. Usé et malmené par le temps. Toutefois, il fut jeune. Jeune et puissant, à la manière de tous ces enfants qui, chacun à leur façon, sont les rois de leurs propres petits mondes. Il fut jeune. Il fut à un moment ce Petit Sauvage qui dort chez chaque enfant. Il fut jeune. Comme sont jeunes ceux qui rêvent et qui espèrent. Comme sont jeunes ceux qui aiment et qui détestent. Il fut jeune. Il rêva. Il espéra. Il aima. Il détesta. Il n'était à peine qu'un gamin que déjà, il se promettait à de telles sensations, de telles réalités. On l'observait gambader dans les ruelles de Luvneelpraad avec tant de vivacité, d'entrain et de fougue qu'on lui reconnaissant déjà cette ardeur avec laquelle vivent les plus grands. Pour Edwin, les jeux de billes étaient de véritables bombardements. Pour Edwin, une partie de cache-cache était un dépistage des plus féroces créatures. L'intensité avec laquelle il abordait déjà les premières années de sa vie l'engageait tout juste sur la route de ceux qui subissent les plus grandes émotions. Ceux qui aiment. Ceux qui détestent. Ceux qui rêvent. Ceux qui espèrent.
Et comme de fait, un jour, Edwin rêva.
Son père, Edgar Morneplume, était un homme riche qui avait su faire bon usage de l'héritage familial et avait poursuivit la tradition familiale. Résultat: comme tous les Morneplume avant lui, Edgar Morneplume était banquier. Ce fut donc en compagnie de son père banquier qu'un jour, à bord de la voiture familiale, Edwin l'aperçut. Aperçut quoi? La mer, voyons. Il n'y avait qu'à observer ses yeux noyés dans le bleu de l'océan pour le comprendre; il était passionné. Oui, décidément passionné, voire fasciné. Plus fasciné qu'il ne l'aurait été face au plus grandiose des tours de prestidigitation. Ce n'était que de l'eau. Cependant, c'était bleu, c'était bruyant. Et c'était énorme. Énorme et époustouflant. Morneplume le père fit arrêter la voiture, le temps que son fils descende et s'avance sur le bord de l'avenue qui longeait la mer. Il s'agissait de ce genre de longue rue portuaire où se retrouvent les promeneurs et les marchands de par le monde. Ces boulevards qui donnent sur une plage de galets où viennent mourir les vagues dans un dernier gémissement tonitruant.
Ainsi, Edwin aperçut la mer, et, hypnotisé, y marcha jusqu'à ce que ses chaussures et ses chevilles soient complètement immergées. C'était énorme, absorbant, engloutissant, monstrueux.
C'était la mer. Le premier rêve d'Edwin.
Où est-ce que ça se termine? demanda-t-il à son père qui le rejoignait.
Nulle part. lui répondit Edgar.
Alors je voguerai sur la mer et j'irai nulle part. répondit fiévreusement Edwin, toujours avec la fougue qu'on lui connaissait si bien.
Il n'avait que cinq ans, et, déjà, il allait nulle part. Quoi de moins précis pour commencer à aborder la vie. Il n'avait que cinq ans, et, déjà, il rêvait d'océan et d'aventure. Edwin grandit à la manière d'un bon garçon bien élevé. Son père, aisé, subvenait aux besoins familiaux et agissait, tout comme sa mère, en bon éducateur et en figure exemplaire. Edwin rêvait le matin, étudiait le jour, puis jouait le soir. Cette routine fut la sienne de longues années durant. De longues années pendant lesquelles il ne put cesser un instant de rêver à cette mer qu'il parcourrait un jour. À le regarder, il y avait bel et bien quelque chose de sain, de poétique dans ces rêveries insatiables. Dès qu'il le pouvait, Edwin dévorait des livres entiers traitant de récits de piraterie et de grandes aventures navales. Si bien que,
quelques années plus tard, déjà, Edwin espéra.
Il espéra qu'à son tour, il n'aurait pas à endosser les responsabilités familiales. Qu'à son tour, il n'aurait pas à hériter du boulot ennuyeux auquel son paternel s'adonnait quotidiennement. Loin de lui l'idée d'être enfermé dans un bureau des heures durant à comptabiliser et à recompter. La mer l'appelait. La mer et ses grondements. La mer et ses vagues, et ses tempêtes, et ses tourbillons, et ses pirates, et ses aventures. La mer. Sa véritable mer.
L'adolescence venue, la liberté gagnée, Edwin se mit à errer. À force de rêver, perché et emmitouflé bien haut dans le cocon des gens riches de Luvneelpraad, on finit par vouloir vivre un fragment de ce rêve. Et ce fragment, cette parcelle d'aventure qu'il pouvait alors s'offrir en errant, Edwin la trouva sur les docks de Luvneelpraad en la personne de Mathias. Mathias était un garçon des rues qui avait eu la chance d'être assez manipulateur et costaud pour survivre aux dépends des autres orphelins et mendiants de la ville portuaire. L'air constamment goguenard, la balafre sur la joue, la crasse sur ses guenilles et sur ses mèches emmêlées, Mathias était de ces petites-frappes qui ont trop bien survécu et trop mal grandi pour être fréquentables. Toutefois, il ne tenait pas d'Edwin de juger si Mathias agissait réellement comme une bonne influence sur lui. Porté trop haut par son goût de mer et d'aventure, Morneplume ne voyait plus clair dans les choix qu'il faisait. En effet, à force de rêver et d'espérer tant d'années sans obtenir un quelconque résultat concret. Cette ferveur candide qui habitait le petit Edwin s'était petit à petit mutée en une poignante, insatiable et dangereuse passion qu'on ne pouvait véritablement contenir chez lui. Le résultat de ce besoin trop longtemps inassouvi fut la participation d'Edwin à de petites aventures, bien moins grandioses que celles auquel il vouait son avenir, mais aussi bien moins légales que ce à quoi on aurait pu s'attendre de sa part.
Ils lui avaient appris à voler, Mathias et ses nouveaux amis. À voler et à battre. À courir pour échapper à la police. À se cacher pour mieux subtiliser, à bluffer pour mieux tromper, à mentir pour mieux trahir. À force d'aventures et de roublardises, c'était un Edwin plein de passion, mais aussi de malhonnêteté qui s'épanouissait, au détriment d'un bourgeon de candeur qu'il laissa piteusement pourrir dans le sillage de son enfance.
Et un jour, il se fit prendre. Et un jour, il eut à affronter la colère de son père, inconscient jusqu'alors des roublardises commises par son fils et héritier.
Tu ne prendras jamais la mer! Jamais! Tu resteras enfermé dans cette maison toute ta vie! Plus jamais tu n'abuseras de ma confiance! Tu deviendras banquier que tu ne le veuilles ou non! Hurlait-il à tue-tête en brisant et en frappant.
Je partirai et je prendrai la mer peu importe! Répliquait-il à tue-tête en brisant et en frappant à son tour.
Ce qu'il y avait d'à la fois étrange et fascinant en la personne d'Edwin, c'était qu'il vivait à la fois ses peines comme ses joies d'une façon foudroyante, intense et passionnée. Si bien que ses colères, quoique particulièrement rares, furent toutes monstrueuses.
Celle-ci était sa première.
Et il partit. Il n'avait que seize ans, mais il partit. Laissant derrière lui une demeure saccagée et une famille bouleversée. Le lendemain, il était sur le premier navire à quitter Luvneelpraad, laissant derrière lui Mathias et ses mauvais amis, sa famille, sa vie, son pays. N'emportant pour seul bagage que sa passion et sa fougue, bouées le portant toujours dans la tempête de ses décisions.
Et l'aventure avait un amer goût de défaite.
Toutefois, la mer, elle, était toujours bleue. Des années durant, il la navigua sans s'arrêter, dévorant chaque parcelle de lagune, de golfe, de lac, de fleuve, de baie, de crique, de calanque, de rivière et d'océan que pouvait lui offrir le destin. Cependant, vivre d'une telle passion est loin d'être chose facile financièrement. Si bien que, mourant d'envie d'aborder la vie de marin à son meilleure, et ayant déjà fricoté avec le monde de l'illégalité, ce fut sans hésitation qu'Edwin devint contrebandier. À force de bonne rencontre aux bons moments et de services rendus aux bonnes personnes, Edwin avait su se faire une place dans le monde du marché noir. Assez facilement, il était devenu un de ces nombreux missionnaires qui font fleurir l'énorme réseau tentaculaire de la mafia de North Blue. Un jour, on pouvait l'envoyer livrer une cargaison vers South Blue et lui faire prendre cap vers West Blue la semaine d'après. C'est ainsi qu'il vécut et c'est ainsi qu'il grandit, en navigateur subtil et chevronné, assez malin pour découvrir la mer un peu plus chaque jour tout en accomplissant un boulot des moins recommandables.
La mer qui brise, qui tue, qui englouti et qui domine, mais aussi la mer qui émerveille, qui impressionne et intimide. C'est tel quel qu'il apprit à la connaître; comme une maîtresse farouche et indomptable, mais ô combien charmante et irrésistible. Le gouvernail à la main, manœuvrant de la plus insignifiante coque de noix jusqu'au plus effilé des esquifs, Edwin l'affronta plus d'une dizaine d'année, cette impétueuse et indéchiffrable déesse.
Jamais il ne se sentit aussi bien, aussi épanoui.
Et enfin, un jour, Edwin aima.
Non, ce ne fut pas la mer. Ce fut une véritable femme. Une fille avec des yeux pers, insondables amalgames bleutés et émeraude. Des cheveux châtains comme une cascade de douceur lui tombant jusqu'aux seins - et quels seins - affichant quelques reflets blonds éparses. Des pommettes relevées, des lèvres pulpeuses, des cils papillonnant. Un ange auréolé de luxure défilant sous les yeux d'Edwin dans les rues de Manshon. Au premier regard il en tomba furieusement amoureux. Avec la même fougue qu'il vivait jusqu'alors ses joies, ses peines et ses passions, Edwin s'enflamma d'un amour inextinguible et ravageur.
Il lui parla, l'invita à boire un café. Elle s'appelait Elsa. Elle était intéressé par son air aventureux, lui était obnubilé par sa beauté. Elle vendait des fleurs, pas très loin par là-bas. Il était de passage sur l'île pour recevoir une cargaison (pour rendre service à la famille Tempiesta, oublia-t-il de lui mentionner). Il était vindicatif et l'étincelle de la vie brillait de mille feux dans son regard, et cela la charmait. Elle était douce et attentive, fascinée par ses aventures, et cela le faisait fondre. Elle l'invita chez elle pour partager son repas. Il accepta. Une fois sur place, ils s'embrassèrent.
Le lendemain, il reprenait la mer. Il promit de revenir très bientôt. Elle promit de l'attendre avec impatience.
Elle promit.
Un jour, elle apprit qu'il était contrebandier. Cette fois-là, Elsa entra dans une colère noire. Elle ne pouvait concevoir que l'homme qu'elle aimait soit un criminel, un homme profitant de l'illégalité. Cependant, Edwin aimait la mer. Cesser de naviguer lui était tout simplement impossible. Il lui promit de trouver un véritable emploi. Il lui promit de changer, de s'améliorer. Elle soupira, lui dit:
Je croyais que tu étais un homme qui faisait le bien, Edwin. Quelqu'un d'honnête.
Elle était déçue, il était piteux. Elle tenta de lui pardonner, il l'aima de cette tentative.
Le lendemain, il reprenait la mer. Il promit de revenir très bientôt. Elle promit de l'attendre avec impatience.
Elle promit.
Chaque fois c'était cette même routine. Mais chaque fois avec un peu moins de cette fascination et de cet amour dans le regard d'Elsa. Elle savait désormais qu'il partait accomplir des actes disgracieux. Elle savait qu'il était de ces hommes qui participent à faire du monde un univers corrompu et morne. Lui, pourtant, ne vivait que sa passion de navigateur, son expérience d'homme d'action vivant l'adrénaline de se savoir en danger constant. Et il continua à lui rendre visite sur Manshon aussi souvent qu'il le pouvait. Et chaque fois il repartait.
Il reprenait la mer. Il promit de revenir très bientôt. Elle promit de l'attendre avec impatience.
Elle promit.
Le jour où elle brisa cette promesse, ce jour là, plus que jamais, Edwin détesta.
C'était un jour de pluie sur Manshon. Un peu plus de deux ans après leur première rencontre. Depuis, Edwin s'était présenté le plus fréquemment possible à Manshon où il avait élu domicile chez Elsa. À chaque visite, l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre n'avait fait que croître, emprisonnant Edwin et Elsa dans une bulle de douceur, un monde rose où tout semblait si simple et beau. Enfin, ce fut le cas jusqu'à ce jour de pluie où, un soir, ayant réussi à rejoindre Manshon plus tôt qu'il ne l'avait véritablement prévu, Edwin s'était immiscé à l'improviste chez sa bien aimée, pensant lui faire une surprise.
La surprise, c'est lui qui la reçu en pleine figure lorsqu'il la surprit avec un autre homme. Un blondinet dans la vingtaine, probablement un marin de garnison à la vue de son uniforme.
Elle hurla, bredouilla des explications.
Lui, le cœur fracassé, la colère lui montant au cerveau, ne parvint qu'à poser une seule question:
Depuis quand?
Trop longtemps.
Pourquoi?
Parce que tu es un homme malhonnête.
Tu avais promis...
J'ai été malhonnête moi aussi, Edwin.
Ce qu'il y avait d'à la fois étrange et fascinant en la personne d'Edwin, c'était qu'il vivait à la fois ses peines comme ses joies d'une façon foudroyante, intense et passionnée. Si bien que ses colères, quoique particulièrement rares, furent toutes monstrueuses.
Celle-ci était sa deuxième.
Et ce fut aussi la première fois qu'Edwin détesta. Il détesta de tout son être et de tout son cœur.
Aveuglé, brisé, il se jeta sur elle. Elle mourut. Elle mourut sous sa poigne. Elle mourut sous ses larmes. Dans le cœur d'Edwin, quelque chose mourut aussi. Quelque chose qu'on aurait cru indéfectible et fondamental chez lui. Ce fut ce feu qui brillait dans son regard qui s'éteignit, ce fut cette fougue qu'on lui reconnaissait depuis tout petit qui s'évapora avec le dernier souffle de celle qu'il aimait. La colère est un fléau aveuglant, et c'est complètement fou qu'Edwin se rua sur le marin.
Le jour d'après, on mettait Edwin derrière les barreaux pour les quinze années suivantes. Quinze longues et pénibles années de détention durant lesquelles ce qu'on connaissait d'un Edwin Morneplume aventureux et dynamique terminèrent de disparaître à jamais. Il n'était plus alors qu'une loque, souillé par la mort et rongé par le regret. Un homme vide auquel on n'attribuait aucun exploit, aucune histoire, aucune personnalité; un figurant dans le déroulement du monde. Un figurant qui, un jour durant sa longue incarcération, se souvint des paroles de celle qu'il avait aimé. Se souvint qu'elle l'avait accusé d'être un homme malhonnête, de ne point faire le bien. Il avait beau avoir tout perdu. Il n'avait beau n'avoir plus rien d'autre, il existait toujours.
Et il pouvait se racheter.
C'était à son tour de faire le bien. À son tour de se prouver au monde. Il allait cesser de suivre égoïstement des passions qui l'avaient poussé à délaisser des parties fondamentales de sa vie. Il allait enfin donner du sien pour une cause meilleure. Il allait devenir quelqu'un de bien, un homme qui s'est donné pour l'application du respect et de l'ordre.
Ainsi, peut-être qu'Elsa, peu importe où elle se trouvait, pourrait un jour lui accorder son pardon.
Il attendit le temps qu'il fallut, ruminant cet idéal qu'il s'était fixé. Pour s'occuper, il se mit à rédiger des lettres adressées à Elsa. Peu lui importait si on les lisait et si on se moquait de lui par la suite, c'était sa façon à lui de se garder en vie. Il pouvait ainsi oublier un moment qu'il l'avait tué lui-même. Il lui écrivait des broutilles, lui parlait du temps à l'extérieur de la prison, de tout et de rien, de son objectif. L'étincelle qui s'était éteinte en lui, il la ravivait de son mieux en couchant, chaque jour, quelques phrases sur le papier. Quelques phrases adressées à la femme avec qui, il le réalisa bien trop tard, il aurait voulu vieillir aux dépends de ses rêves d'aventure.
Il fut contrebandier. Il fut criminel. Il fut prisonnier. Et enfin, lorsqu'il sortit de prison, il devint soldat de la Marine. Le métier par excellence pour le conduire vers la rédemption à la recherche de laquelle il était.
C'était en 1615. Depuis, il fait régner l'ordre sans se poser de question, agissant au gré de ce qu'il considère comme un moyen de se faire pardonner. Et toujours, chaque soir, Edwin Morneplume s'assoit à son bureau, tire du papier, de l'encre et une plume. Puis, il écrit.
Il fait renaître celle qu'il a tué sur papier, dans l'espoir qu'un jour, peut-être, elle puisse réellement lui pardonner ses tords.
Il joue de sa plume comme un escrimeur userait de son sabre, mais aussi comme un amant ferait l'amour à sa maîtresse. Il est la poigne du géant et la caresse de l'ange.
>> Test RP
Elles brûlent, ses mains. Comme si le sang qui s'écoulait dans ses doigts n'était plus qu'un incandescent flot de magma insupportable. À première vue, elles sont propres. Oui, elles sont propres. Quoi de plus évident? Trempée par la pluie, elles ne peuvent sincèrement être souillées de quoi que ce soit. Pourtant, elles le sont, souillées. Tâchées. Marquées par le fer rouge de la culpabilité et du désespoir. Réduites à de simples outils primitifs de mise à mal. Ainsi elles souffrent, ses mains, comme si elles étaient emplies d'une poignée de charbons ardents. Agenouillé sous la pluie, sa haute silhouette fracturée par la peine et la misère qui l'assaillent, il pleure toujours, Edwin. Il pleure comme il n'a jamais pleuré et comme il ne pleurera plus jamais.
Il l'a tué.
Il l'a tué.
Il a refermé ses mains sur son coup en sifflant et en crachant comme un cobra hargneux.
Il l'a tué.
Il a saisi son partenaire par le bras, l'a lancé contre les meubles avec la force d'un géant, la rage brûlant à ses tempes.
Il l'a tué lui aussi.
Il se souvient du silence qui s'est abattu sur la pièce quand ses deux victimes ont cessé de bouger. Il se souvient de son souffle rauque, haletant. Ce souffle de meurtrier qu'il associerait par la suite toujours à cette horrible scène. Puis, tout d'un coup, il a comprit. Il s'est jeté à genoux près d'Elsa. L'a secoué, gémissant et hurlant à la fois.
Réveille-toi! Réveille-toi! Je voulais pas! Je voulais pas! braillait-il en se noyant soudainement dans une solitude plus qu'opressante.
Et ces horribles brûlures pour lui répondre. Ces terribles cicatrices invisibles lui envahissant les paumes et grillant à mort son épiderme. Alors il hurle parce qu'il souffre, puis il se lève et court. Il court jusqu'à quitter l'autel de son infamie. Jusqu'à glisser sur le macadam couvert d'eau de pluie et de s'écraser face contre le sol de Manshon. Le front sanguinolent, les larmes couvrant son visage blême, il n'arrive qu'à racler et frapper le sol avec impuissance, ne sachant s'il doit vivre ou mourir en cet instant.
Il les entend enfin. De nombreux pas, ils courent, ils le hèlent, l'accusent déjà, remuent le couteau dans la plaie. Sale meurtrier, crient-ils, psychopathe, gueulent-ils, criminel, pirate, monstre, fou à lier, malade mental. C'est une exécution publique à l'oral dont il est victime alors que les canons de plusieurs fusils se braquent vers lui. Il se relève, piqué à vif, au bord du gouffre. Il a tué sa raison de vivre. Elle était morte, et son cœur avec elle. Edwin Morneplume n'est plus qu'un cadavre qui déteste et rugit sa peine. Il n'est plus qu'une loque, une hère qui se dresse avec ce qui lui reste de colère face à ceux qui ne le comprennent pas. Il pleure, mais il gronde.
Je l'ai tué! Je l'ai tué! Et vous m'emporterez avec elle! Avec Elsa! Je suis un homme mauvais! Mauvais! Mauvais! Mauvais! Mauvais!
Et comme il répète à tue-tête ce même adjectif, ses poings frappent. Il les provoque. Non. Plus que ça. Il les fracasse, les écrase, les brutalise de ses phalanges mordantes. Ils doivent pourtant le tuer, mais sa haine est trop grande, trop solide et inextinguible.
Je ne suis plus que du mauvais! Une grosse carcasse pleine de mal! Tuez-moi! Le mal sortira!
Une balle. Une seule et il sombre déjà. Un plomb se niche dans sa jambe, paralysant son corps et le jetant contre le sol dans un grognement retenu. Ils l'ont eu. Menotté, capturé, jeté en cellule. Le voilà, le triste sort réservé à Edwin Morneplume le tueur.
Un plafond. Quatre murs. Des fers aux jambes et aux poignets. Voilà ce qui l'attend lorsqu'il se réveille. La pénombre comme seul compagnon d'infortune, ses souvenirs et sa peine comme seuls baguages, voilà à quoi ressemble la perspective de son séjour. Et cet horaire routinier et horriblement pénible se trouve à être son pain quotidien. Une cellule où l'air filtré ne provient que d'une légère fenêtre donnant sur la cour de la prison, cinq barreaux et une mince ouverture d'où ne passe qu'un faible filet d'air non vicié. Une cellule où ne se répercute que l'écho des remords d'un homme vaincu. Où les seules paroles audibles sont les excuses incessantes d'un homme prisonnier de son crime.
Où parfois, lorsque le soleil atteint son zénith, on aperçoit quelques rayons de lumière éclairer un visage triste et abattu.
Ce visage, qui, parfois, relève les yeux et s'illumine un instant, en souvenir d'une époque où il souriait encore.
Il l'a tué.
Il l'a tué.
Il a refermé ses mains sur son coup en sifflant et en crachant comme un cobra hargneux.
Il l'a tué.
Il a saisi son partenaire par le bras, l'a lancé contre les meubles avec la force d'un géant, la rage brûlant à ses tempes.
Il l'a tué lui aussi.
Il se souvient du silence qui s'est abattu sur la pièce quand ses deux victimes ont cessé de bouger. Il se souvient de son souffle rauque, haletant. Ce souffle de meurtrier qu'il associerait par la suite toujours à cette horrible scène. Puis, tout d'un coup, il a comprit. Il s'est jeté à genoux près d'Elsa. L'a secoué, gémissant et hurlant à la fois.
Réveille-toi! Réveille-toi! Je voulais pas! Je voulais pas! braillait-il en se noyant soudainement dans une solitude plus qu'opressante.
Et ces horribles brûlures pour lui répondre. Ces terribles cicatrices invisibles lui envahissant les paumes et grillant à mort son épiderme. Alors il hurle parce qu'il souffre, puis il se lève et court. Il court jusqu'à quitter l'autel de son infamie. Jusqu'à glisser sur le macadam couvert d'eau de pluie et de s'écraser face contre le sol de Manshon. Le front sanguinolent, les larmes couvrant son visage blême, il n'arrive qu'à racler et frapper le sol avec impuissance, ne sachant s'il doit vivre ou mourir en cet instant.
Il les entend enfin. De nombreux pas, ils courent, ils le hèlent, l'accusent déjà, remuent le couteau dans la plaie. Sale meurtrier, crient-ils, psychopathe, gueulent-ils, criminel, pirate, monstre, fou à lier, malade mental. C'est une exécution publique à l'oral dont il est victime alors que les canons de plusieurs fusils se braquent vers lui. Il se relève, piqué à vif, au bord du gouffre. Il a tué sa raison de vivre. Elle était morte, et son cœur avec elle. Edwin Morneplume n'est plus qu'un cadavre qui déteste et rugit sa peine. Il n'est plus qu'une loque, une hère qui se dresse avec ce qui lui reste de colère face à ceux qui ne le comprennent pas. Il pleure, mais il gronde.
Je l'ai tué! Je l'ai tué! Et vous m'emporterez avec elle! Avec Elsa! Je suis un homme mauvais! Mauvais! Mauvais! Mauvais! Mauvais!
Et comme il répète à tue-tête ce même adjectif, ses poings frappent. Il les provoque. Non. Plus que ça. Il les fracasse, les écrase, les brutalise de ses phalanges mordantes. Ils doivent pourtant le tuer, mais sa haine est trop grande, trop solide et inextinguible.
Je ne suis plus que du mauvais! Une grosse carcasse pleine de mal! Tuez-moi! Le mal sortira!
Une balle. Une seule et il sombre déjà. Un plomb se niche dans sa jambe, paralysant son corps et le jetant contre le sol dans un grognement retenu. Ils l'ont eu. Menotté, capturé, jeté en cellule. Le voilà, le triste sort réservé à Edwin Morneplume le tueur.
Un plafond. Quatre murs. Des fers aux jambes et aux poignets. Voilà ce qui l'attend lorsqu'il se réveille. La pénombre comme seul compagnon d'infortune, ses souvenirs et sa peine comme seuls baguages, voilà à quoi ressemble la perspective de son séjour. Et cet horaire routinier et horriblement pénible se trouve à être son pain quotidien. Une cellule où l'air filtré ne provient que d'une légère fenêtre donnant sur la cour de la prison, cinq barreaux et une mince ouverture d'où ne passe qu'un faible filet d'air non vicié. Une cellule où ne se répercute que l'écho des remords d'un homme vaincu. Où les seules paroles audibles sont les excuses incessantes d'un homme prisonnier de son crime.
Où parfois, lorsque le soleil atteint son zénith, on aperçoit quelques rayons de lumière éclairer un visage triste et abattu.
Ce visage, qui, parfois, relève les yeux et s'illumine un instant, en souvenir d'une époque où il souriait encore.
Dernière édition par Edwin Morneplume le Mar 19 Aoû 2014 - 2:52, édité 4 fois