Parfois la force n'est pas la seule manière d'éteindre un conflit. L'homme d'esprit est souvent plus dangereux qu'une arme chargée.
Mochiovel, Le dauphin
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Un passage obligé pour tout chasseur de primes, c’est l’attente. C’est toujours long, froid et pénible. Moi je suis du genre patient, m’enfin quand même... Surtout quand il est question de grappiller des informations, faut toujours se mettre sur une zone passante. Alors on se retrouve au bar. Mais attention, pas n’importe lequel. Le bouge de première, « la zone » comme disent ceux de la haute. Là bas, les conversations c’est comme le mauvais vin chez l’alcoolique, ça pique, c’est aigre pourtant on en redemande. Justement, la table d’à côté me rabats les oreilles depuis un moment. Je te jure...
- Tiens, tu la connais l’histoire du benêt ? - T’es con ? Oui je la connais... - Bah ton voisin, il la connaît pas lui ! Alors, je te raconte. J’étais en pleine recherche de criminels sur une île paumée. J’avais mon bahut sur le dos. Et il désigne son escopette posée sur ses genoux. Vla’ que je croise un guss’ : sourire d’ange, les yeux rieurs ; un connard quoi. Moi je le calcule vite parce que le brigand c’est mon affaire. - C’est son affaire qu’il dit, arf ! - Du coup, j’abaisse l’escopette, méfiant. Le bougre avance, l’air joyeux. Il me dit qu’il est perdu alors moi aussi sec, je lui propose de le ramener. Vrai que je lui dis ça, hein Francky !? - Pour sûr, vieux, m’enfin abrège... - Mais tais toi donc, tu vois bien que le jeune il boit mes paroles ! Alors, le brigand, je le dirige vers la première ville. Je sens qu’il est ferré le poisson, m’enfin on est toujours un peu monté fin dans ce genre d’affaires... Du coup, en entrant en ville je le lâche pas. Je lui dis, tu sais qu’il y a un mec, si tu vas le voir, il te file 100.000 Berry, comme ça, sans rien d’autre ? Le couillon rigole et me fait les yeux ronds alors je lui montre une piaule où Francky attends. ET VLAN ! On lui saute dessus. On l’assomme façon abattoir, on le ficèle et on l’expédie direct au QG de la marine. Propre, efficace. - Haha, il est trop con, et il valait combien ? - 3 ans. - 3 ans ? - Ouais, 3 ans de cabane. C’est ce que ça nous a coûté de taper sur le fils du commandant... - Ah... - Ouais, l’histoire du benêt...
Encore des caves... Ça commence à me plaire. A l’autre table, les gaillards semblent plus futés, peut-être trop... Voilà justement un autre qui vient les accoster. Bigre ! Il doit faire dans les cent kilos l’animal. Torse nu et des tatouages qui transpirent la violence, pour sûr les barjots c’est pas ce qui manque ici. Enfin venant d’un mec qui s’habille en moule-bite rouge...
Torse nu et des tatouages qui transpirent la violence
Posté Dim 31 Aoû 2014 - 0:49 par Rydd Steiner
- Vous êtes de quel profession vous autres ? - Ah nous ? Et bien de ceux qui gagnent des berrys en privant de libertés les importuns désignés. - Jolie métaphore. - C’est une périphrase très cher. Susurre-t-il à son comparse. - Oh tu me fais chier... - Voilà, ça c’est métaphorique. - Je cherche Rydd Steiner, je paye. Bave-t-il, totalement inintéressé par le débat stylistique des deux chasseurs de primes. - Bah écoutez, je serai ravi de vous alléger de quelques sacs, m’enfin là se serait honteux. Il se trouve juste à la table, là.
Et vla’ qui me pointe du doigt ce con. Du coup le curieux approche, il s’installe en face de moi.
- T’es Steiner ? - Si on m’avait dit que même en costume rouge y’avait des mecs qui pourraient pas encore me reconnaître, j’aurai pas cherché à faire dans le voyant... - Je viens pour une petite affaire liée à Roger Pancamo. - Qui ça ? - Le vendeur, Roger Pancamo ! - ... ? - Bon, je suis pas venu dans un esprit de querelle. Seulement, la marchandise faut la rendre. C’est que ça fait une somme. 30 millions, au moins !
Le souci, c’est quand on commence à parler argent, arrivé à un certain chiffre, tout le monde écoute. Et justement, le bar est devenu subitement muet. Par contre aveugle, personne ne l’est devenu. On me lance des œillades comme si j’étais subitement fait d’or.
- Moi non plus je suis pas particulièrement querelleur. M’enfin, la marchandise ; quelle marchandise ? - Tu sais de quoi je parle, enflure ! - Ola, j’ai l’air d’un grossiste ? - C’est toi le gros ! - Hein ? - Je vais te faire passer à table moi ! - Huh ?
Et voilà qu’il se lève et aussitôt me décoche une droite façon boxeur. J’ai le réflexe habituel, la parade, je me protège de mon avant bras. Ça m’empêche pas de valser sur trois bons mètres. Je vole avec la grâce d’un poulet, je tombe mais je me remet vite sur mes pieds. Je sors un sabre, histoire de me donner meilleure contenance. J’ai encore le bras endolori, un vrai furieux celui-ci. La table la plus proche de moi se lève comme un seul homme. Toujours pareil, quand on se lance dans ce genre de partie fine, y’a jamais moyen de rester en petit comité.
Le premier qui arrive à portée se prend un coup de lame dans la brioche, sa glisse facile, du coup il hurle et tombe à terre. Les autres perdent subitement l’envie d’approcher. Pas le gros qui m’a cogné. Il me lance carrément une table. Elle arrive sur ma face de telle sorte que je vois plus qu’elle. Je la sépare en deux d’un coup de taille et surpriseeee ! Le gros est derrière, bras armé, bref ça va pas le faire. Le poing entre en contact avec mon menton. Ça fait mal. Très mal. Pas le temps de se relever que je suis de nouveau roué de coups. Je lui plante quand même ma lame dans la jambe, juste histoire de pas passer pour un branque.
Posté Dim 31 Aoû 2014 - 0:54 par Rydd Steiner
Je me relève péniblement. Je suis plus étourdi qu’après une soirée de picole. L’autre boîte et semble d’autant plus énervé.
- Hey mon gars ! Est ce qu’on pourrait pas faire une pause et discuter en garçons bien élevés ?
Grognement affecté, frappes sur le torse, manifestement c’est un non primal. Et il se rue une nouvelle fois sur moi. Il est balèze en attaque mais fébrile en défense. Alors en encaissant je deviens une cible dont il n’a pas l’habitude. Il commence à montrer des signes de fatigues et offrent des ouvertures. Une frappe un peu trop en extension et je lui enfonce trois pouces de lame dans le biceps. Par réflexe il recule et reçoit une estafilade sur le torse.
- Putain mais t’es qui toi ? Déclare-t-il, surement étonné de tomber sur plus fort que lui.
Non je ne réponds pas, je ne laisse pas le temps de temporiser. J’envoie un coup d’épée de haut en bas de la main droite, il esquive d’un pas de côté. Et là je sors un classique du fourbe : de la main gauche je dégaine un pistolet.
PAN !
Une balle droit dans l’abdomen. Le mec s’effondre aussitôt, écume en bouche, yeux dans le vague.
- C’était évident... Personne s’attaque au Tigre à Saint-Urea. - Vos gueules !
Le public s’enfuit dès que je les pointe de mon arme pourtant déchargée et encore fumante... La porte du bar s’ouvre avec fracas et on se marche dessus pour sortir en premier. Les rapaces attendaient surement de voir s’ils pouvaient récupérer l’un des deux.
- Bête, il avait une prime le gros. Affirme un chasseur à un de ces acolytes.
Il avait une prime ce couillon ? Je m’approche du comptoir et je mets la main sur les primes empilées nonchalamment. Je cherche avec attention. Du coup je vois pas l’ombre massive qui se dresse lentement dans mon dos. Soudain ma tête heurte le comptoir, puis est relevée et refrappée sur le meuble en bois. Le gros a reprit ses esprits. Une fois lâché je glisse sur le sol.
- Aie, aie, aie. - Tu sais qui je suis moi ? Samuel Daniels ! 25 millions !
25 pour le tatoué !? Autant j’étais dans le vague mais annoncer une prime à un chasseur de primes, c’est comme réveiller un vieux démon. Montée d’adrénaline rapide, j’ai les doigts qui commencent à bouger tous seuls.
- Maintenant tu vas...
PAN !
Posté Dim 31 Aoû 2014 - 0:58 par Rydd Steiner
Toujours avoir un second flingue...
Cette fois ci, Monsieur torse d’éphèbe semble bien sonné. Je lui colle tout de même quelques droites qui font trembler les murs, on est jamais trop prudent. Je le ficèle et direction les autorités les plus proches. On me paye rubis sur ongle, j’entends les éloges habituels.
- Bien joué le Tigre. - Monsieur Steiner, soyez assuré que Madame Stanhope sera informé de vos exploits. - Ouais, ouais. Merci... Dites, à tout hasard, sauriez pas où je peux trouver « Roger Pancamo » ? - Le vendeur ? - Euh, oui. Il se trouve que j’ai un business en cours avec lui. - Il a un bureau qui donne sur la place de l’obélisque. Genre bon chic, bon genre. - Merci. - Et ? Euh, un autographe pour mon fils ? François ! - Ouais pour sûr, attendez je dois avoir un carton d’autographe sur moi. Voilà ! - Ouah super le Tigre !
Ouais, chasseur de primes c’est aussi être un bon commercial. Puis faut dire que depuis tant d’années que je sillonne le Royaume, je commence à me faire un sacré nom dans le secteur. Quand je repense à l’autre là... « Daniels » ! Bizarre qu’un type si fort et primé s’attaque au seul gaillard capable de l’étaler rapidement...
Ouais, chasseur de primes c’est aussi être un bon commercial.
Posté Dim 31 Aoû 2014 - 1:04 par Rydd Steiner
J’arrive vite place de l’obélisque. Pas difficile ensuite de trouver l’enseigne tapageuse « PANCAMO » qui me signifie que je suis sur la bonne voie. A l’intérieur c’est un peu la caverne de Gold Roger. Y’a de tout, bijoux, esclave, denrées alimentaires rares, vêtements griffés. En moins de dix secondes un barbu s’élance vers moi, le sourire le plus charmeur et faux-cul jamais accroché au visage d’un mec.
- Mon-sieur Rydd Stei-ner un plai-sir de vous ren-contrer !
Le vendeur marque toutes les syllabes pour une raison inconnue.
- Je cherche Roger Pancamo. - Mais c’est moi ! - C’est vous le connard qui m’envoyez des balèzes pour une foutue histoire de marchandise. C’est pas banal de voir les criminels se jeter directement dans la gueule du loup ! - Argh oui, ce petit incident... - Voudriez-vous passer dans le bureau ? Evitons d’ennuyer la clientèle avec ce sujet, le commerce, vous comprenez...
Je suis donc introduit dans un bureau coquet. Boiseries apparentes, bureau ouvragé, bouteilles en cristal sur un meuble attenant. Des tableaux partout, tous des portraits de Pancamo lui même, le sourire large systématiquement.
- Prenez donc un siège ! - Merci. - Ah c’est un incident regrettable. Daniels était mon premier vendeur. Un homme terriblement efficace. Mais dernièrement il a fait dans le trop violent et pas assez dans la persuasion. Il avait ennuyé un concurrent un peu trop puissant. Du coup on a vite remonté des anciennes affaires sur lui et voilà, 25 millions de prime. L’accident bête. Et tous ces actes sont affiliés aux miens, c’est dangereux. - L’accident bête c’est plutôt de tomber sur ma pogne. Il a pris deux balles et plusieurs coups d’épées et pourtant arrivé au QG du quartier ouest il se tortillait comme un forcené. - Oui une force de la nature, indubitablement. Je dois admettre que...
Bizarrement, Roger change subitement de physionomie. Son regard se fait froid, moins amical.
Son regard se fait froid, moins amical.
- C’est avec la certitude que vous en viendriez à bout que je l’ai envoyé vers vous. Daniels était fort mais... Moins que vous. Et surtout les brutes ne réfléchissent pas à se font avoir simplement. - Et vous espérez vous en sortir comme ça ? Je règle les problèmes vrais mais je ne le fais pas pour le plaisir. - Justement ! Je pensais à vous rémunérer ! Encore que la prime devrait suffire mais je suis un homme reconnu pour sa mansuétude. Je pourrai vous payez en espèces sonnantes et trébuchantes mais vous pourriez gagner plus autrement. - On parle de combien là ? - Oh facilement autant que se que vous a rapporté mon très infortuné employé. - 25 ! Là je suis votre homme ! J’écoute ! - Simple. Un coffret m’appartenant a été dérobé. Vous me le rapportez et vous êtes payé. Il se trouve chez Bric & Briques, un marchand de pierres du côté des quais. Un concurrent a moi qui me fait bien du tort... - Et le hic ? - Aucun ! Ce monsieur n’a pas protection. - Et ça vaut 25 sacs cette commission ? - Mais le contenu de ce sac vaut plus, fort heureusement vous n’êtes pas en mesure de le faire fructifier comme moi. Ce marchand m’a dérobé pensant que je ne remonterai pas jusqu’à lui, il s’est fourvoyé. - Ouais... Bon, tope là. Mais payable d’avance, je suis un scrupuleux. - Sans problème, je vous règle en sortant. Vous avez bien raison d’être scrupuleux Monsieur Steiner.
Et je ressors de la boutique dans le flou total. Une mission si simple pour 25 millions, je suis verni. Surement que je rapporte le double voire le triple à ce Pancamo mais ça reste un bon deal. Encore plus vu que je suis déjà payé.