Quatre z'yeux

Rainbase, 1625 ; disons... à peine quelques jours avant qu'Ange n'aille se perdre dans la pyramide où il fait son rp au présent.


Tout récemment Ange avait découvert l'espionnage économique, et il s'était empressé de le mettre en pratique. Concrètement, il faisait innocemment la tournée des établissements concurrents: pas seulement les casinos, mais aussi les hôtels, les restaurants, les théâtres, et plus généralement tout ce qui pouvait rapporter de l'argent. Il se comportait sur place comme un simple client, profitant de son passage pour dépenser des brassées de billets, échanger des banalités avec des gens -c'était fou le nombre de personnes qui le reconnaissaient et le saluaient avec des airs de bons vieux amis juste parce qu'il avait bavardé avec eux à propos du temps qu'il faisait et des derniers gros titres des journaux. Et une fois de retour à son bureau il dressait une liste de ce qu'il avait vu, dans le but de copier comme un cochon pour son propre compte !

Aujourd'hui, l'homme aux dents d'or découvrait l'opéra. Cela ne l'intéressait ni ne l'ennuyait pas particulièrement. De toute manière, il avait la capacité de concentration d'un poisson rouge: aussi, après avoir suivi avec un réel intérêt le spectacle pendant les cinq premières minutes, il commença à s'intéresser à ses voisins, puis au taux de confortabilité des fauteuils des spectateurs -en velours rouge, avec des boiseries-, avant de partir dans d'autres rêveries qui n'avaient pas grand-chose à voir avec le monde qui l'entouraient.

Il fut ramené à la réalité par un bruit semblable à des milliers d'ailes qui battent en même temps. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu'il s'agissait des applaudissements qui clôturaient le dernier acte, et il s'empressa d'imiter ses voisins.
L'avantage quand on se désintéresse du présent au point de concentrer son esprit sur carrément autre chose, c'est que le temps passe vraiment plus vite, ce qui évite de s'ennuyer. Globalement, les journées d'Ange passaient assez rapidement...

***

A la sortie de l'opéra, alors que le sauvage s'extrayait de la foule avec insouciance, il fit pris à parti par trois hommes en uniforme de la police d'Alabasta -exceptées quelques subtiles différences, c'était le même que celui de l'armée: une vieille cuirasse à écailles démodées, un chiffon sur la tête, et en guise d'arme un genre de branche de papyrus, mais en métal. Les nouveaux venus avaient ce genre de tête caractéristique du pnj qui a toutes les chances de se faire tabasser par le premier pj qu'ils cherchent à déranger, mais c'était suffisant pour intimider le pirate aux dents pointues.

- Mr. Ange Del Flo ?

C'était plus une affirmation qu'une question. D'ailleurs, il ne devait pas y avoir d'autre gus sur toute l'île d'Alabasta à se trainer une tête pareille.

On dirait bien des genres de policiers, ou des gardes,... enfin des machins officiels.
Aaargh ! Je file !!
Hé, attends un peu de savoir ce qu'ils te veulent !


Trop tard. Avant même que les trois agents de l'ordre n'aient pu comprendre ce qui se passait, le pirate avait pivoté sur lui-même, puis avait disparu à travers une porte d'air pour réapparaitre quelques centaines de mètres plus loin, à l'abri dans son bureau.

Crétin !! Tu aurais au moins pu les écouter !
Ce n'était pas difficile à deviner ce qu'ils me voulaient: ma tête est mise à prix cinquante-cinq millions de berrys.
Et tu crois qu'on ne va dépêcher que trois hommes pour arrêter un criminel pareil ?
Euh... c'étaient peut être des gardes d'élite ?
Tsss,... ou alors ils savent que tu es une quiche en combat ! Et les autorités auraient justement décidé de t'arrêter maintenant, alors que ça fait des mois que tu habites chez eux ?!
Peut-être qu'ils viennent juste de comprendre que je ne suis pas un corsaire ? Ou alors ils ont une administration super compliquée, et que ça a retardé mon autorisation d'arrestation.
Bah ! De toute manière, s'ils veulent te trouver, tout le monde sait que tu es soit ici au casino, soit dans ta chambre d'hôtel.


N'ayant rien d'autre à ajouter sur le sujet, l'incident resta provisoirement clos pour le sauvage.

***

Ange s'était emparé d'une des tortues qui agrémentaient les bassins de son bureau. A grand renfort d'huile, il avait entrepris de la sortir de sa carapace pour "voir a quoi elle ressemblait sans". Il fut interrompu dans sa tâche ignoble par sa secrétaire qui frappa à la porte.

- Mr. Del Flo ? Une lettre vous en recommandé, de la part des autorités de Rainbase.
- Ah ? Génial... euh, c'est gentil à vous... posez-la dans un coin. Ou alors, faites semblant de la lâcher dans le bassin des tortues par mégarde, ça m'évitera de le faire moi-même.

Avec un sourire malicieux, la secrétaire répliqua:

- Et dans ce cas, je dis quoi aux messieurs qui vous attendent en bas ?

Cette fois c'est terminé ! Je revends mon casino, et je quitte Alabasta !
Surement pas ! Lis au moins leur stupide lettre.
Et s'ils en profitaient, comme d'une diversion, pour rentrer dans mon bureau ?
Lis-la, abruti !


Le sauvage prit le papier des mains de sa secrétaire, et s'installa à son bureau avant de s'aventurer dans les méandres du monde complexe et chaotique de la lecture. Il avait fait des progrès dans ce domaine depuis qu'il jouait aux hommes du monde, et sa capacité à déchiffrer un texte valait désormais celle d'un élève moyen de CE1.

Une fois élaguées les tournures officielles et les phrases pompeuses, le message adressé à Ange lui indiquait qu'il était convoqué sans délai au palais du gouverneur, pour une "clarification de [son] statut".

Histoire de ne pas s'encombrer des gros bras des forces de l'ordre qui l'attendaient au rez-de-chaussée, le patron du Tam Tam Casino fit venir Bad et Stupid, ses meilleurs homes de main, et prit avec eux une porte qui, grâce à la magie de son fruit, les déposa directement devant le palais où il était convoqué. Ainsi, les hommes qui étaient venus le chercher chez lui risquaient de l'attendre encore longtemps, et cette idée l'amusa beaucoup !

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Ange avait cru à tort qu'on l'attendrait de pied ferme au palais. En réalité il y avait là-bas une foule de gens dont les préoccupations étaient bien loin du petit sauvage à la tenue tape à l'oeil. La partie ouverte au public était principalement constituée d'un immense hall avec de nombreux guichets, d'interminables files d'attente de citoyens en tous genres, venus pour des opérations administratives en tous genres, et de salles d'attente avec un ratio d'un fauteuil pour dix personnes.

Avec l'assurance de celui qui est accompagné de deux brutes musclées, le sauvage se dirigea vers l'un des guichets, chassant de la file le malheureux dont c'était le tour. Sans même prendre la peine de dévisager son interlocutrice derrière le guichet, il lui fit son "sourire faussement aimable mais plein de sous-entendus", qu'il avait passé des heures à répéter devant une glace.

- Je suis venu voir le gouverneur. Je attendu. Je suis Ange Del Flo.
- Bonjour monsieur. Vous devez prendre un ticket numéroté, et attendre qu'on vous appelle, comme tout le monde.
- Hein ? Mais... je suis Ange Del Flo ! Vous savez, le pirate mis à prix, le corsaire, tout ça tout ça...
- La borne à tickets est là-bas, monsieur.
- Mais... Euh... et si je vous dis que j'ai deux gros costaux avec moi ?
- Eux aussi doivent prendre des tickets. Suivant, s'il vous plaît !

Hahaha ! Félicitations ! Tu viens de te faire ridiculiser !
Qu'est-ce que je pouvais faire ? Je n'allais tout de même pas tout casser pour les intimider. Et ça grouille de gardes ici.
Mais alors... tu ne comptes tout de même pas attendre ici bien gentiment, au milieu des péquenots ?
Eh bien...
Non ! Tu vas envoyer Bad et Stupid me trouver cette saleté de bureau du gouverneur ou tu es convoqué, et tu as intérêt à te faire honneur là-bas !


Ange s'exécuta. Au moins ses deux gardes du corps n'étaient pas le genre de personnes que l'on empêcherait d'aller quelque part. Plutôt du type dont, en les voyant, on appelait directement la sécurité.
Resté seul, il hésita un moment, puis alla faire la queue pour récupérer un ticket histoire de s'occuper.

***

Vingt minutes plus tard. Le pirate aux dents d'or était sagement en train de rêvasser debout dans sa file d'attente, en s'imaginant, seul, sur un trône d'or, entouré d'une marée de billets. Le tout complètement indifférent aux regards des gens autour de lui qui le dévisageaient, généralement avec le sentiment que "de nos jours, les gens s'habillaient vraiment n'importe comment". Lui ne comprenait pas pourquoi, vu qu'il était persuadé d'être comme il fallait.
Il fut arraché par sa rêverie par une voix qui retentit dans le hall:

- Monsieur Ange Del Flo !

Hein ?
C'est pour toi on dirait.
Mais Bad et Stupid ne sont pas revenus...
Vas-y !


Le pirate se dirigea vers les guichets, et fut intercepté par quatre hommes en armures de la garde. L'un d'eux avait en plus des dorures sur sa cape rouge, et se payait le luxe de ne pas porter de casque: très certainement un officier.

- Ah, vous voilà enfin ! Vos gens au Tam Tam Casino ont fini par nous dire que vous étiez ici. Ce n'était pas très malin de votre part d'être parti sans nous.
- Ahem...

Remet-le à sa place. C'est un pouilleux !
Bein... il a une tête de chef.
Le chef ici c'est toi ! Tu es venu pour parler au gouverneur, pas à des sous-fifres.
Oui mais...
Alors ne le laisse pas te mettre en tort.


- Oui,... bon,... je... ah vous voilà enfin ! C'est mal organisé ici ! Et mal décoré en plus. Et c'est bruyant.

Mieux. Ajoute encore un peu de mauvaise foi. Et sois condescendant.
Condequoi ?
Oublie ça.


- Bref, puisque vous êtes enfin là, emmenez-moi vers quelqu'un avec qui je pourrai parler.

L'officier resta sans réagir aux commentaires désobligeants du sauvage. Il garda un ton très neutre, très professionnel, pour lui répondre.

- Bien sûr. Mr. Pothorose vous attend dans son bureau, nous allons vous y conduire.
- Hein ? Pas le gouverneur ?
- Oh, non ! Le gouverneur Ketuphren est... occupé.

Ne te laisse pas faire ! Boulet !

- Ah, mais... si je ne vois pas au minimum quelqu'un de l'importance d'un gouverneur, je vous fais un scandale ! Ici et maintenant !
- Allons, monsieur ! De toute manière, le gouverneur Ketuphren ne s'occupe jamais de ce genre de cas.

Les quatre gardes ne purent s'empêcher d'échanger un sourire en coin. En réalité, en dehors de la chasse aux papillons et de ses longs repas, le gouverneur ne s'occupait pas de grand-chose.

- Ah. Bon... bon... allons-y alors.

Minable !
Mais...
Bon à rien !
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Le bureau dans lequel avait été conduit Ange -poliment, quoique sans trop de ménagement- était pratiquement l'opposé de celui qu'il possédait au Tam Tam Casino. Ici, pas question de bizarreries ou de confort exubérant: on était dans des locaux du puissant, noble et très ancien royaume d'Alabasta ; en conséquence, chacun des meubles était de style ancien, qui avait probablement servi à des générations de fonctionnaires mais qui restaient toujours parfaitement entretenus, et tous avaient sans doute assez de valeur pour mériter leur place dans un musée. Les murs étaient ornés de fresques discrètes et de bon gout un peu usées par le temps, et un immense tableau de ce qu'avait été la reine Vivi quatre-vingt ans plus tôt trônait au fond de la pièce. Les fenêtres se disposaient très en hauteur pour garder la fraîcheur, ce qui apportait pas la même occasion une petite touche sombre et oppressante au bureau, tout à fait adaptée à l'usage de la pièce.
Le sauvage s'étant plutôt attendu à se faire conduire dans une quelconque cellule pour se faire passer à tabac, il était déjà rassuré sur ce point. En plus, ils n'avaient pas de grosse lampe à lui braquer sur le visage.

Les gardes qui l'avaient accompagnés depuis le hall étaient sortis, le laissant seul avec leur capitaine qui se tenait debout derrière lui, tandis que lui-même était assis sur un fauteuil en bois au dossier raide et au fond plat. Ange n'y était que depuis quelques minutes, mais il le trouvait déjà inconfortable.

- Hum, euh... Bon, et il vient ce monsieur Pothéose ?
- Monsieur Pothorose vous prie de bien vouloir l'attendre, Mr. Del Flo. Il a quelques affaires importantes à terminer avant de pouvoir vous rencontrer.
- C'était bien la peine de venir me convoquer, pour être finalement en retard !

Le sauvage ne pouvait s'empêcher d'admirer et de détester la parfaite maîtrise de cet homme qui restait absolument calme et imperturbable derrière lui. Que ce soit feint ou non de sa part, la capacité de paraître calme en toute situation était tout de même un talent bien utile !
Faute de pouvoir engager la conversation, il dut passer la longue demi-heure qui suivit à essayer de trouver, sans succès, une position confortable sur son siège, tout en essayant d'apprendre par cœur les motifs des fresques murales.

***

Cette fois c'est assez ! Maintenant tu vas partir d'ici, et ils te rappelleront quand ils seront prêts à te recevoir !
Mais non ! Je... je risque de les fâcher si je pars.
Alors fais semblant de l'être encore plus qu'eux ! Montre leur qu'on ne te traite pas comme un pion.


C'est à ce moment que l'homme pénétra dans la pièce. Il était de taille moyenne, avec le visage fermé et légèrement ridé d'un homme ayant atteint la quarantaine, et le teint pâle d'un homme qui ne voit la lumière du jour que lorsqu'il sort de chez lui pour se rendre à son travail. Il était  vêtu d'un coûteux mais sobre costume traditionnel, et était coiffé d'un khat de tissu blanc.
Il prit le temps de s'installer derrière son bureau, de manipuler quelques rouleaux de papier, avant de daigner jeter un regard à Ange. Il avait les yeux d'un bleu très, très clair, au point que son regard mettait mal à l'aise.

- Ah, monsieur Del Flo. Je suis réellement désolé de vous avoir fait attendre.

L'homme aux dents d'or ne répondit que par un vague grognement. Il était pratiquement certain que son interlocuteur était volontairement arrivé en retard, histoire de lui signifier son peu d'importance.

- Je suis Amenaâ Pothorose, conseiller du gouverneur et secrétaire général en charge de la sécurité et de la justice. Ce qui représente, vous pouvez l'imaginer, une masse de travail dans une ville telle que Rainbase.

Tout en parlant, il continuait à vriller de sauvage avec ses grands yeux pâles et oppressants, et ce malgré ses lunettes noires du sauvage qui auraient dû en théorie du lui donner un avantage ! Ange aurait donné n'importe quoi pour pouvoir les crever en y enfonçant ses ongles.

Reprends-toi, idiot ! Il cherche à te déstabiliser avec son attitude à la "j'me-la-joue".
Ah... euh... je dois me présenter aussi, et retirer mes lunettes pour écarquiller les yeux ?
Commence déjà par corriger ton attitude. Souviens-toi de tes leçons ! Et ne te laisse pas écraser !


Afin de se donner une façade, Ange ouvrit sa bouche pour dévoiler son large sourire du "requin ayant dévalisé une bijouterie". Chacun son truc. Et pour ne plus avoir à croiser le regard de son interlocuteur, il se mit à fixer obstinément le sommet de sa coiffe.

La réaction du pirate fit esquisser un sourire à Pothorose. Il était impossible de savoir ce qu'il pensait -surtout pour le novice en matière d'analyse humaine qu'était Ange-, mais il émanait de ce personnage une grande confiance en lui. Son attitude laissait clairement entendre qu'il en savait suffisamment sur le sauvage -ou qu'il était assez sûr de lui- pour ne pas être impressionné, et même pire, de le tenir complètement à sa merci.
A leurs façons, les systèmes bureaucratiques et judiciaires pouvaient battre en puissance n'importe quelle brute de pirate.

- Il se trouve que vous nous posez un souci, monsieur Del Flo. Vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement mondial a mis votre tête à prix pour la somme de cinquante cinq millions de berrys, en représailles contre divers crimes tels qu'association de malfaiteurs, actes de piraterie, en particulier le pillage de plusieurs ports, ainsi qu'en conséquence de vos affrontements avec les forces de la marine. Et il faut ajouter à cela une solide réputation de voleur -à laquelle on pourrait ajouter un délit de très mauvais goût vestimentaire, et une atteinte aux bonnes mœurs pour votre coiffure-.

Ange déglutit. Pas tant parce que son interlocuteur était très bien renseigné à son sujet -ça il s'en doutait-, mais parce que ses phrases devenaient de plus en plus longue, et que son cerveau menaçait de décrocher  tout moment ! Et puis ce satané fauteuil infligeait le martyre à son postérieur !

- Comme vous le savez très certainement, le royaume d'Albasta est un membre actif du gouvernement mondial ; à ce titre, tout hors-la-loi recherché par la marine l'est aussi sur notre territoire. Riche investisseur ou pas. C'est assez regrettable, bien entendu... Vraiment, qu'allons-nous faire de vous ? -En dehors du relooking, du rasoir à cheveux et de la lime à dents, évidemment-.

C'est le moment où je suis sensé me défendre ?
Bah, s'il t'a fait venir ici c'est qu'il a -ou que lui et ses supérieurs ont- une idée derrière la tête.
Alors je continue à l'écouter et à sourire ?
Tu dois garder en tête que s'ils avaient voulu te livrer simplement à la marine, ils ne seraient pas en train de perdre leur temps avec toi. Alors maintenant, essaie de savoir clairement où ils veulent en venir.
D'accord...
Et surtout, ne dis pas de bêtises !


- Eh bien... je suis d'accord avec vous, c'est dommage. Mais enfin, nous sommes entre adultes raisonnables, n'est-ce pas ? Alors -hum- il y a surement moyen...
- Vous avez parfaitement raison: des moyens il y en a. Cependant, la solution la plus simple, vous en conviendrez, serait que le capitaine Manhêtaré ici présent vous passe les menottes et vous conduise aussitôt en prison. Vous en convenez, n'est-ce pas ?
La présence du capitaine se fit plus insistante dans le dos d'Ange. Il aurait juré entendre le cliquetis d'une paire de menottes.
- Hein ? Euh... je ne suis pas sûr...
ça veut dire que convenmachin ?
C'est quoi cette attitude ? Tu n'étais pas sensé ne plus bredouiller ? Et avoir l'air sur de toi ?!
Bein...

- Et alors... tout ce travail que j'ai fait depuis mon arrivée, et... ce... cet argent que j'ai dépensé uniquement par -hum hum- générosité ? Enfin, je veux dire... je n'ai jamais rien fait de mal depuis mon arrivée chez vous. Ce serait même plutôt l'inverse ! Et même, mieux: mon équipage s'est comporté comme un groupe de citoyens tout ce qu'il y a de plus honnêtes depuis que j'en suis le capitaine.
En apparence en tout cas...


Le sauvage avait l'impression que sa faible défense amusait le conseiller secrétaire général. En tout cas, elle lui fit vaguement étirer les lèvres. Mais ses yeux, toujours aussi oppressants, démentaient tous sentiments amicaux.

- Décidément monsieur Del Flo, on ne m'avait pas menti à votre sujet. Justement, vous avez mis le doigt sur ce qui nous intéresse en ce moment. Comme vous l'avez souligné, vous avez eu une attitude plutôt calme jusqu'à maintenant. Et vos intentions pacifiques semblent confortées par  votre possession, quoique nébuleuse, de la fameuse lettre de corsaire. De plus, sachez-le, nous vous considérons comme un investisseur prometteur et digne d'intérêt: aussi votre arrestation serait vraiment dommage, autant pour nous que pour vous -même si je la trouverais très appréciable, à titre personnel-. C'est pourquoi, après mûre réflexion, le gouvernement de ce pays vous offre un arrangement. Une occasion de vous racheter.

- Un arrangement ?

Ah non, tu ne vas pas répéter bêtement tout ce qu'il dit !!
Répéter tout ce qu'il... ? Ah, oh, euh... pardon.
Alors on reprend: sois sur de toi, et un peu hautain.
Euh... voilà.
Maintenant, poses tes mains en cloche, et tu lui fais un grand sourire, mais dans un genre pas trop aimable.


-Hum... si on parle de s'arranger, je crois que vous commencez enfin à m'intéresser !

Eh bien voilà, quand tu veux !

- Voici donc notre ligne de conduite: aussi longtemps que vous demeurerez sur le territoire d'Alabasta, et tant que votre conduite y sera irréprochable, Son Altesse la reine Vivi Néfertari vous offre de bénéficier de la nationalité Alabastienne. Cela se traduirait, entre autres, par la possibilité de geler la fâcheuse prime qui est sur votre tête, ce qui vous donnerait l'occasion, vous l'aurez compris, de poursuivre vos activités dans la légalité.


Aargh !
C'est un véritable cadeau royal, ça !
Héhé, c'est le genre d'accord qu'on signe les yeux fermés !
Hum... non, justement. Alors reste concentré, nigaud !


- C'est... hum... très alléchant tout ça. Cependant... qu'en est-il des... petits caractères en bas du contrat ?
- Les contreparties sont très simples. Premièrement, et je regrette d'avoir à insister sur ce point, mais vous devez savoir que vous n'aurez pas le droit à l'erreur: la moindre incartade vous serait fatale. Mais soyez rassuré, nous ne doutons pas d'avoir affaire à une personne... sérieuse.
Enfin, il reste une dernière formalité. J'ignore si vous le savez -en fait vous l'ignorez sûrement- mais la prime des criminels et généralement fixée en fonction de plusieurs critères: leur dangerosité pour les autres, mais aussi en estimation des torts qu'ils ont commis. Dans votre cas, nous pourrions envisager ça comme une dette que vous auriez à l'égard des personnes à qui vous avez causé du tort. Voilà pourquoi il vous est demandé de vous acquitter de cette dette, afin d'intégrer notre royaume comme un homme neuf -et accessoirement, de nous aider à combler notre déficit budgétaire-.


Hein ?! Me taxer cinquante cinq millions ?!
Ça reste une bonne affaire.
Ça représente un gros morceau de ma fortune !
Et la liberté en contrepartie ! Réfléchis ! Tu n'auras plus à te cacher ou à avoir peur. Et tu es riche, maintenant.
Eh bien...
Tu vois, on aura beau les critiquer, ils sont réglo finalement les gens du gouvernement mondial.


- Vous n'imaginez pas à quel point je suis à la fois heureux et soulagé, après toutes ses années passées à... euh... vivre dans la misère et le vol par faute de choix, de vivre... hm... dans un pays qui prend autant soin de ses résidents. Donc c'est d'accord !

- Nous entamerons les procédures de naturalisation dès le versement de la somme. Avant de nous quitter, je vous saurais gré de lire -en admettant que vous sachiez faire ça-, et de signer ces quelques papiers qui nous permettront de constituer votre dossier, et éventuellement de vous éviter des ennuis désagréables avec les chasseurs de primes locaux.

***

Il semblait à Ange que de longues heures s'étaient écoulées entre le moment où il était entré dans le palais du gouverneur et celui ou -enfin-, il avait pu en ressortir. Il n'avait pas réussi à remettre la main sur Bad et Stupid, mais ils étaient assez grands pour retrouver leur chemin tout seuls.

Surement plus facilement que toi, d’ailleurs...


Les derniers évènements lui laissaient un sentiment mitigé: d'abord, et c'était clair, il avait plus ou moins été mené par le bout du nez, échouant d'un bout à l'autre à se donner un air digne. Enfin, vu ce dont il était capable ça aurait pu être pire...
Mais ensuite, et surtout... il était un homme libre maintenant ! Il n'était pas devenu cambrioleur puis pirate par passion, par vengeance, ou parce qu'il aimait tuer, mais uniquement pour échapper à la misère. Et pour la première fois après plus de cinq ans il n'avait plus à se soucier d'où il allait dormir le soir, ni d'où allait venir son prochain repas, ni d'avoir à fuir les forces de l'ordre ! Peut-être qu'en accumulant un certain quota de malchance au cours de sa vie, on finissait par déclencher un effet inverse ?
Quoi qu'il en soit, cette nouvelle situation allait donner un sérieux coup de pouce à ses ambitions...

Et maintenant ?
Maintenant, tu vas passer à la rédaction du journal local. Autant que la nouvelle se sache !Quelques liasses de billets devraient suffir à t'acheter un article aussi élogieux que partial !
Oh, bonne idée !
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