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Tabula rasa

Il y a le ciel qui me regarde. Et moi qui regarde la mer, parsemée d’îlots comme sur lequel je me trouve. Ces îles, c’est Clock Work Island. J’y suis, et je n’ai pas choisi d’y venir. J’y suis, et je n’y peux rien. C’est un gars qui m’a amenée ici. Il m’a parlé des phares du Cap des Jumeaux, de la Translinéenne et d’un loup aussi cornu que le diable lui-même. Il m’a parlé de ce nom que j’ai hurlé durant toute la folie qu’inspirait la fièvre à mon esprit agité.

Ce nom qui n’est rien pour les grands de ce monde, ce nom qui n’est que ce qu’il est, mais qui, au final, amène le coup de trop à moi-même. Ce nom qui déchire mon passé et le futur en deux.

C’est un nom qui m’inspire la peur, le dégoût, autant que la colère et la haine.

Lloyd Barrel.

Une paire de ciseaux tourne entre mes mains, luit quand la lumière vient frapper ses lames froides.


Dernière édition par Honaka Suzuke le Sam 15 Nov 2014 - 15:17, édité 4 fois
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Rouge de sang. Noir d’encre. Blanc de lait.

Rouge, noir et blanc.

Rouge.

Noir.

Blanc.

Rouge !

Noir !

Blanc !

Flashs successifs qui s’emmêlent, colorés et éblouissants.

Cela a été ma nuit de sommeil, d'inconscience et de flottement entre la vie et la mort pendant... Quoi ? Trois jours ? Deux heures ? Quelque chose entre les deux. Ces pensées embrouillées m'ont parues si longues et courtes en même temps.

Du rouge. Du blanc. Et du noir.

Tout rouge. Tout blanc. Ou tout noir.


Dernière édition par Honaka Suzuke le Ven 14 Nov 2014 - 22:29, édité 1 fois
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Je ne saurais dire combien de temps j’ai dormi. Je ne saurais dire ce qu’il s’est passé alors que les souvenirs, les images, les odeurs et les sons se mélangeaient dans ma tête, un grand concert de tons animant une toile vide. Toile qui s’est retrouvée  submergée et étouffée. Elle a cherché de l’air, sans succès, comme moi qui ait cherché la lumière.

Non, je ne saurais raconter ce que je n’ai pas vu, parce que la seule voix et la seule image qui venaient me tourmenter dans ce rêve ou ce cauchemar, c’était celles de Lloyd Barrel.

Tu l’as dans la gorge, hein ?

Oh non... La ferme, toi !

Même pas capable de digérer une défaite. Même pas capable d’accepter que ce gars, là, Romuald… Pas capable d’admettre qu’il t’ait sauvée la vie. Mais t’aurais fait quoi, hein, s’il avait pas été là ? Tu veux que je te le dise ?

Grmmh.

Tu serais morte, s’il n’était pas venu. Tu n’aurais jamais vu le jour venir. Jamais tu ne te serais réveillée.
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Et bien, il n’avait qu’à ne pas venir. Mourir ne m’aurait pas dérangée dans le fond. Cet arrogant Lloyd Barrel ne serait pas venu me rappeler dans mon sommeil de blessée déshonorée que le monde est gouverné par les loups, que les loups mangent les agneaux, que les agneaux se font dévorer par les loups, qu’enfin, les hommes ne sont que l’un ou l’autre. Destructeurs ou détruits. Dévoreurs ou dévorés. Bourreaux ou victime.

Et tu t’appelles samouraï ? Ha ! Laisse-moi rire. Cela fait un bon moment que tu aurais dû t’éviscérer toi-même pour éviter de supporter ton honneur souillé depuis longtemps. Ton père, des scorpions géants, ce pirate arrogant… Tous t’ont craché à la figure ta faiblesse. Veux-tu que je te la dise, souhaites-tu que je la nomme, cette immonde, cette putride bassesse incolore ?

Voilà que la colère moralisatrice revient me siffler aux oreilles… Si je ne savais pas que c’est moi-même qui me fais cette leçon insipide, peut-être croirais-je à ma fin. La fin de moi, l’heure où on récupère ce qu’on a semé.

Ta faille, ton défaut, ta faiblesse, c’est le mensonge, la poudre aux yeux. Surtout à toi-même.

Taire la vérité, au final. Se dire samouraï, protégeant son honneur, le perdre ne sait-on combien de fois, dire préférer mourir qu’être humiliée et vivre encore. Un jour, une semaine, un mois. Des années. Croire être loup alors que l’on est agneau. Avoir croisé un pédant, un gars que l’on croyait fillette inoffensive, alors qu’il a montré une tout autre nature. Monstre de violence, monstre dévastateur, monstre de chaos. Ce genre de bêtes, je ne sais même pas combien il y en a sur Grand Line, je ne sais même pas combien j’en croiserai.

J’ai perdu un honneur que je ne saurai retrouver. J’ai perdu des valeurs qu’on m’a longtemps dictées. J’ai gagné le malheur pour ne plus me relever.

Je me suis crue invincible et insaisissable. Et on m’a attrapée. Oui, on m’a attrapé par les cheveux, ces mêmes mèches sombres et folles, agitées par le vent. Ma colère que je dirige vers les autres comme un diablotin agite une pique grotesquement, celle-là même qui se fait écraser par ma rage moralisatrice, elle m’a alourdie. Tout cela m’a menée à une perte irrattrapable.


Dernière édition par Honaka Suzuke le Sam 15 Nov 2014 - 21:17, édité 1 fois
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Récupérer ce putain d’honneur ?

Hinhin. Il faudrait que je meure. Depuis bien longtemps.

Je suis toujours là, à respirer et à grogner, bête d’homme que je suis.

Et je ne pourrais pas décrire ce que c’est, ce sentiment qui me remplit. La joie de vivre ? Non, c’est beaucoup plus étrange, bien plus profond que la vase au fond d’une mare. La résignation d'une vie sans sens. Je m’accroche à la vie et à mon honneur, je m’y accroche alors que ce sont deux choses qui s’opposent aujourd’hui. Il va bien falloir que je  choisisse l’un ou l’autre.

La vie avec ses maux, ses malheurs et sans se préoccuper de son honneur ?

La mort pour racheter un honneur qu’on emportera dans une tombe ?

… Aaah. Il va bien falloir que je cesse de persister dans cette voie.
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Il y a le ciel qui me regarde. Et moi qui regarde la mer, parsemée d’îlots comme sur lequel je me trouve. Ces îles, c’est Clock Work Island. J’y suis, et je n’ai pas choisi d’y venir. J’y suis, et je n’y peux rien.

Le vent souffle, agite une poussière grise, brune. Le soleil se couche, teinte de sang l’océan.

Le vent souffle, agite ma tignasse brune, mèches lourdes qui ont permis au loup Lloyd de m’écraser plus bas que terre. Il m’a attrapée pour mieux me déchiqueter, m’humilier. Foutu honneur, foutue fierté, foutus préceptes de merde. Pas parce qu’on m’a mise à genoux que je devrais abandonner. Le monde est peut-être cruel pour les agneaux, mais il me suffirait de devenir loup à mon tour, d’aiguiser mes crocs, les faire luire au clair de lune et d’éclater la tête à celui qui veut me faire manger la poussière.

Je ne veux plus qu’on m’attrape.

La paire de ciseaux tourne nerveusement entre mes doigts. Ma main droite triture une première mèche.


Dernière édition par Honaka Suzuke le Sam 15 Nov 2014 - 21:11, édité 1 fois
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Shlack shlack shlack
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Les fils bruns s'entassent à mes pieds, une paille boueuse qui ne me sert plus à rien.

Que c'est bon de ne plus sentir ce poids sur ses épaules. Tout raser pour rebondir.
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Des bruits de pas.

Certainement Romuald qui vient me chercher et me ramener dans la bicoque de fortune, construite en toute hâte sur cet îlot bancal, qu'il habite avec ma sauveuse. Tim. Je me demande encore comment elle peut avoir autant de remèdes dans cette bulle de chaos qu'est Clock Work Island.


-Grmh.

C'est bien lui. Après cinq jours passés à ses côtés, je reconnaîtrais son grognement entre milles.
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-On peut t’trouver du travail jusqu’à ce que tu repartes d’ici. C’pas ça qui manque quand on veut reconstruire une île…
-On verra bien.

Une mouette passe en riant.

-Tim veut attendre que tu sois complètement rétablie.
-Comme elle voudra.

Une deuxième mouette passe en gloussant.

-Mmmh. C’est assez immonde ce que tu as fait à tes cheveux.
-Je sais.
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-Romuald ?
-Honaka ?
-Je peux te demander un service ?
-Du genre ?
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Romuald ne m’a pas demandé pourquoi je voulais brûler ce vieux kimono rose. Tim avait essayé de le rafistoler tant bien que mal, mais celui-ci en avait vu tellement de toutes les couleurs lors de mon affrontement avec Lloyd Barrel qu’il n’était plus qu’une loque rouge empreinte de mon propre sang. Il a simplement allumé le feu et jeté le vieux bout de tissu dedans.

La nuit est tombée. Le fond de l’air est frais. Et même si de grands bruits sourds et inquiétants se font entendre, que des hommes hurlent dans les îlots voisins, on a sorti les bouteilles d’alcools pour s’enivrer de cette nuit bleue ponctuée d’étoiles mielleuses.

La tignasse rousse de Tim brille sous la lumière ardente des flammes. Son cache-œil noir luit moins, étrangement. Déjà bien assez enivrée, elle grogne en levant les bras au ciel :

-Gnahaha, bonne année au sacré bon dieu !
-Grmh. Gueule pas tant que ça, Tim.
-J’gueule aussi fort que je le veux, quand et où je le souhaite, grand nigaud de gardien !


J’ai rien dit, pas un sourire, rien même. Je ne sais pas trop pourquoi. Pour rien, peut-être bien.

Je suis un peu morte, aujourd’hui. J’ai rasé, brûlé, détruit ce qui m’appartient. Ce qui m’appartenait. Adieu l’honneur, adieu la fierté, adieu la certaine forme d’arrogance. Adieu moi. Moi à dieu. Adieu hier, bonjour demain.

Il est temps d’être un homme.
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