Ce soir, je bosse. Et ça m’plaît pas. Boire un petit coup auprès d’un feu dans une taverne chaleureuse et accueillante ? Impossible quand on a un escargophone d’urgence. Impossible quand une vieille cible du gouvernement refait surface et qu’on est le plus proche d’elle. J’suis dans une période noire. Pas le noir externe de mes habits qui m’aide à me faufiler discrètement dans les ruelles de la ville. Mais celui, interne, qui me ronge la caboche. Une de ces périodes où je me demande pourquoi je roule pour le Gouvernement Mondial, pourquoi je trahis, pourquoi je tues, pourquoi je retourne les cerveaux pour le compte de deux petites centaines de nations qui me sont totalement indifférentes.
Alors je me faufile dans le froid par nuit noire, je me cache et j’épie, fuyant comme la peste les reflets lumineux des lampadaires sur la neige. Je sonde chaque bruit qui court, les oreilles tendues. J’en abandonne la plupart, j’en retiens certains que je prolonge par d’autres rumeurs, d’autres langues déliées. La cible est discrète, se tient à carreaux. Voilà cinq jours que je fais le tour de l’île à la recherche du moindre indice qu’elle laisse sur son passage. Petit à petit, j’accumule les infos, je les trie, les range en catégories, les case par ordre d’importance dans les recoins de mon cerveau. A défaut de chercher les nouvelles, peut-être cherche-je une raison d’agir ainsi ?
Armand de Lioncourt, ancien Comte de la Fère, est un noble déchu de son rang. Cela fait cinq ans qu’il a disparu de la circulation en volant un navire gouvernemental. Officiellement, c’est ce que les Tenryubitos lui reprochent et ce pourquoi ils cherchent à le tuer ou à le ferrer. Même si l’odeur du sapin empuantit toute l’affaire, l’excuse se tient. Les Tenryubitos sont des gens qui n’ont tellement rien à foutre de leurs journées, vautrés qu’ils sont dans le faste et la luxure, qu’ils ne trouvent rien d’autre à faire pour tromper l’ennui que d’entretenir de vieilles rancunes. Rancunes entretenues par le biais de pauvres gens qui ne demandent rien à personne, évidemment. Mais bon, on trompe pas le flair d’un vieux goupil. Quand j’dis que ça sent le sapin, c’est que l’affaire est loin de s’arrêter là où l’on m’en a fixé les limites. Armand est dépositaire d’un secret. Un secret qui vaut cher. Un secret qui divise. Ceux qui veulent qu’il reste littéral ont envoyé les Marines. Ceux qui veulent qu’il soit partagé m’ont envoyé, moi. Je croise pas mal d’uniforme à la Mouette depuis que j’suis là. Eux aussi, ils savent qu’Armand traîne dans le coin. Alors je ralentis leurs recherches. Je graisse des pattes pour diffuser de fausses pistes, je me déguise en parfait petit mousse pour lancer de fausses alertes ou bien je revêt l’imper en cuir et le tricorne distinctifs d’Armand et apparaît dans un coin de l’île pour les y faire piétiner. Peut-être qu’elle se trouve là, ma raison : détourner les gens, que ce soient de leurs intentions, de leurs valeurs, de leurs éthiques, de leurs missions, ça m’amuse. La vie n’est qu’un jeu, après tout. Si un jeu ne procure pas le moindre divertissement, alors peut-être ne vaut-il pas la peine d’être vécu.
Je traîne sur les toits, évitant les passants. D’habitude le froid et la nuit sont deux choses qui, même seules, suffisent à attirer le chaland chez soi et à l’y terrer. Mais sur cette île, même la combinaison de ces deux éléments ne suffisaient pas à faire cesser les activités. Le marché nocturne est ouvert et accueille du peuple. Les étals s’entassent les uns sur les autres, les braseros sont des points de rassemblement incontournables et les marchands vomissent la buée de leurs bouches tout comme leurs slogans tapageurs. Les Marines patrouillent, zieutent partout, en vain. Rien de telle qu’une foule pour cacher l’arbre de la forêt. A moins que ce soit le contraire, j’sais plus. Si le zig veut faire le plein de vivres ou ses petites courses pépère au nez et à la barbe du gouvernement, c’est le lieu parfait. Perso, j’garde ma position en hauteur, plus de visibilité, meilleur champ de vision, et, ma silhouette se dissipant dans les ténèbres du ciel, je peux voir ceux qui encerclent les braseros sans qu’eux ne puissent me voir. Sur le toit d’un des bâtiments centraux de la Place, je guette ma proie, attend de pouvoir entrer en contact avec elle. Mais, surtout, j’attends une réaction des Marines, un moyen de les faire tourner en bourrique. Juste histoire de se bidonner un petit coup.
Alors je me faufile dans le froid par nuit noire, je me cache et j’épie, fuyant comme la peste les reflets lumineux des lampadaires sur la neige. Je sonde chaque bruit qui court, les oreilles tendues. J’en abandonne la plupart, j’en retiens certains que je prolonge par d’autres rumeurs, d’autres langues déliées. La cible est discrète, se tient à carreaux. Voilà cinq jours que je fais le tour de l’île à la recherche du moindre indice qu’elle laisse sur son passage. Petit à petit, j’accumule les infos, je les trie, les range en catégories, les case par ordre d’importance dans les recoins de mon cerveau. A défaut de chercher les nouvelles, peut-être cherche-je une raison d’agir ainsi ?
Armand de Lioncourt, ancien Comte de la Fère, est un noble déchu de son rang. Cela fait cinq ans qu’il a disparu de la circulation en volant un navire gouvernemental. Officiellement, c’est ce que les Tenryubitos lui reprochent et ce pourquoi ils cherchent à le tuer ou à le ferrer. Même si l’odeur du sapin empuantit toute l’affaire, l’excuse se tient. Les Tenryubitos sont des gens qui n’ont tellement rien à foutre de leurs journées, vautrés qu’ils sont dans le faste et la luxure, qu’ils ne trouvent rien d’autre à faire pour tromper l’ennui que d’entretenir de vieilles rancunes. Rancunes entretenues par le biais de pauvres gens qui ne demandent rien à personne, évidemment. Mais bon, on trompe pas le flair d’un vieux goupil. Quand j’dis que ça sent le sapin, c’est que l’affaire est loin de s’arrêter là où l’on m’en a fixé les limites. Armand est dépositaire d’un secret. Un secret qui vaut cher. Un secret qui divise. Ceux qui veulent qu’il reste littéral ont envoyé les Marines. Ceux qui veulent qu’il soit partagé m’ont envoyé, moi. Je croise pas mal d’uniforme à la Mouette depuis que j’suis là. Eux aussi, ils savent qu’Armand traîne dans le coin. Alors je ralentis leurs recherches. Je graisse des pattes pour diffuser de fausses pistes, je me déguise en parfait petit mousse pour lancer de fausses alertes ou bien je revêt l’imper en cuir et le tricorne distinctifs d’Armand et apparaît dans un coin de l’île pour les y faire piétiner. Peut-être qu’elle se trouve là, ma raison : détourner les gens, que ce soient de leurs intentions, de leurs valeurs, de leurs éthiques, de leurs missions, ça m’amuse. La vie n’est qu’un jeu, après tout. Si un jeu ne procure pas le moindre divertissement, alors peut-être ne vaut-il pas la peine d’être vécu.
Je traîne sur les toits, évitant les passants. D’habitude le froid et la nuit sont deux choses qui, même seules, suffisent à attirer le chaland chez soi et à l’y terrer. Mais sur cette île, même la combinaison de ces deux éléments ne suffisaient pas à faire cesser les activités. Le marché nocturne est ouvert et accueille du peuple. Les étals s’entassent les uns sur les autres, les braseros sont des points de rassemblement incontournables et les marchands vomissent la buée de leurs bouches tout comme leurs slogans tapageurs. Les Marines patrouillent, zieutent partout, en vain. Rien de telle qu’une foule pour cacher l’arbre de la forêt. A moins que ce soit le contraire, j’sais plus. Si le zig veut faire le plein de vivres ou ses petites courses pépère au nez et à la barbe du gouvernement, c’est le lieu parfait. Perso, j’garde ma position en hauteur, plus de visibilité, meilleur champ de vision, et, ma silhouette se dissipant dans les ténèbres du ciel, je peux voir ceux qui encerclent les braseros sans qu’eux ne puissent me voir. Sur le toit d’un des bâtiments centraux de la Place, je guette ma proie, attend de pouvoir entrer en contact avec elle. Mais, surtout, j’attends une réaction des Marines, un moyen de les faire tourner en bourrique. Juste histoire de se bidonner un petit coup.