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Quand ça part en sucette.

Kage Berg, deux jours avant le début de la Foire...

Quand ça part en sucette. Kage_b10

Tous les trois mois, cette foire a lieu, et tous les trois mois, c'est le bordel. La marine rameute ses troupes pour protéger les peuples, mais des voleurs, des bandits et des pirates pointent le bout du nez pour rafler tout ce qu'ils peuvent trouver. Cet événement étant récurrent, beaucoup de gens ont eu le temps de l'observer. Et tout le monde sait maintenant que les vaches gagnantes valent une fortune, et que le vainqueur lui aussi y gagne beaucoup.
Et de grandes menaces impliquent de grandes mesures. La marine le sait, et même si le Gouvernement Mondial n'en a que faire de Kage Berg, les grands de ce monde savent que si ils laissent les pirates piller, violer et ravager impunément, leur réputation sera entachée, et les gens commenceront à douter. Je sais ce que vous pensez, je le pense aussi, et certains le pensent aussi. Mais faire en sorte que le Gouvernement fasse un massacre résoudra surement les choses, mais ce n'est pas le moyen qui devrait être utilisé. Kevan le sait. Résoudre le mal par le mal n'a jamais fonctionné bien longtemps. La supercherie est toujours bien vite mise à nue.

Pour cette raison, Kevan a été envoyé ici, à Kage Berg. Comment ça, rien de ce qui a été dit n'indique la raison de sa venue ? Dîtes plutôt que vous ne suivez pas. On va la refaire une deuxième fois, mais en plus clair pour des personnes de votre condition. Comment ça c'est offensant ? Arrêtez de me couper. La Révolution n'ayant pas de cellule active à Kage Berg - précisément parce que ce n'est le bordel que tous les trois mois - ils envoient un émissaire à chaque foire pour contrôler la situation, si elle dégénère. Jusque là, ça a toujours allé. La marine a toujours fait son boulot. Pas de bain de sang, pas de balles perdues, rien de tout ça. La piraterie s'en est soit sortie en blessant uniquement la marine, soit... Bah soit elle ne s'en est pas sortie, en fait.
Dans ce monde, ceux qui brisent les règles sont appelés des déchets, mais ceux qui laissent des innocents mourir ou être humiliés devraient être considérés comme pire que cela.

Le Lancier a accepté cette mission pour cette raison. Il ne veut pas d'effusions de sang, et sur West Blue, l'endroit le plus propice à un innocent prenant une balle perdue, c'est Kage Berg. Cette foire étant un lieu de débauche le temps d'une journée. Il s'est donc déplacé à l'avance, pour observer les mouvements suspects et exposer les plans de forbans au grand jour avant qu'ils ne puissent les mettre à exécution. Ayant élu comme domicile temporaire une tente modeste à quelques centaines de mètres de la scène où seront exposés les bêtes, il se trouve à distance respectable de tout et peut se servir de l'endroit comme point d'observation. D'ailleurs, de grandes tentes se trouvent aussi en marge, sûrement des campements des marines ou des brigands qui préparent leurs stratégies.

Plus loin, de l'autre côté de la scène, une énorme baraque est en construction. Devant elle, gueulant des ordres à tout va, un corps d'homme et une tête de cheval. Bien qu'interrogé, Kevan s'est rendu compte au fil des missions que... Que c'est d'une normalité incroyable. Il porte la veste de Lieutenant... Ou de Lieutenant Colonel... Le Lancier ne sait pas trop. Mais ce qu'il sait, c'est que cette personne est la personne la plus dangereuse pour lui ici, en dehors des pirates qu'il ne connait pas.

Les deux jours qui suivent sont calmes, rien ne se passe, absolument rien, jusqu'au fameux...


Dernière édition par Kevan Helmet le Lun 12 Jan 2015 - 19:40, édité 2 fois
    Barre toi, casse toi !
    Il te faut quoi, hein ? T'en veux encore, t'en as pas vu assez ?!
    Et arrête de me reluquer comme ça, t'as rien écouté, rien compris ! Comment je dois te le dire pour que t'imprimes ? J'dois te traiter de pauvre conne ? C'est ça ? Alors écoute pauvre conne, j'suis une bête, un baril d'essence dans une cheminée, j'vais finir par te péter au visage si tu t'approches trop, comme à chaque fois.


    Et y a ce type allongé sur l'herbe qui gueule, soul comme un cochon. Et cette vieille aux yeux bridés qui pisse, là-bas, à trois mètres de la tente du responsable. Et la fille assise en haut d'une baraque montée à l'arrache, regard noir sourcils froncés. Et les caractères de merde des gens, qui nous, qui les traitent tour à tour comme des animaux ou des aliénés. Ca pue la mort, ça pue la pisse, certains ont sorti leur costard trop grand et mal taillé, mais c'est mal venu. C'est mal venu parce que c'est un événement de genre de gars qui font les conscrits, de genre de gars qui viennent de la cambrousse, parce qu'on est en cambrousse. Salopette et carotte à la ceinture, ils nous la jouent à la dure, mais au fond, ça va mal finir, tout le monde le sait, les bretelles déchirées, les chaussures balancées. Ils finiront par balancer des gnions, par s'en prendre et par manger l'béton. Mais y a pas d'béton, y a que de l'herbe, parce que c'est la foire de la vache, pas une concession de vieux rafiot. Ce soir, ils vont essayer d'niquer, de baiser, mais pas d'faire l'amour, parce que pour eux, l'amour c'est pour les pédés, eux ce qu'ils veulent c'est être délaissé. Délaissé là-bas, derrière la tente, à profiter d'leur va et vient de tolard.

    Piquette dans le verre d'un, vieille bière aux allures douteuse dans le verre de l'autre. Ils boivent pour boire, ils boivent pour apprécier. Parce qu'ils savent pas apprécier en temps normal. Ils se sentent obligé. Mais au fond, y a rien de compliqué, tout ce qu'ils veulent, c'est être heureux, mais ils y arrivent pas... Et c'est pour ça. C'est pour ça que la mère bossu de ce vieux dégénéré est devenue folle. Mais y a pas que ça. Y a pleins de trucs, y a ces amis fragiles qui se font tabasser. Et lui qui veut pas comprendre que tu pourrais le torgnoler avec des idées que ça s'imprimerai quand même pas. Et l'autre connard qui parle fort, qui parle mal et qui passe son temps la bite à l'air à chier sur les passants. Et lui qui trouve pas parce qu'il veut pas trouver, et lui qui trouve pas parce qu'il cherche même pas, et lui qui trouve, mais qui s'en fout.

    Regarde-la, elle qu'à un regard vide, un regard vague, un regard qui dit qu'elle maîtrise pas ce qu'il y a dans sa caboche. Et elle, qui crache ses poumons, alors qu'elle a rien demandé à personne. Et puis lui, là, qui veut se casser loin, mais qui peut pas, parce que son taux de sang dans l'alcool est trop bas. Regarde-les, regarde-les bien. Voilà à quoi ça ressemble, la foire de la vache.

    Et Kevan les voit, Kevan les observe, mais Kevan n'a jamais vu ça avant. Alors Kevan hausse les sourcils et laisse grande ouverte sa gueule. Parce que Kevan, malgré le fait qu'il aime profiter, ne profite jamais comme ça. Regarde-les, à n'en avoir rien à foutre, à ne pas respecter ceux qui viennent de loin, ils s'en battent, ce qu'ils veulent c'est profiter de cette journée. Une fois tous les trois mois c'est comme ça.
      Kevan ne sait que penser actuellement. Mais il en arrive à une conclusion inévitable et qui rend sa mission tout à fait inutile et obsolète : Ce n'est pas de la piraterie qu'ils doivent être protégés, mais d'eux-mêmes... Et cela, il ne s'y attendait pas en arrivant ici. Mais maintenant il sait, maintenant il comprend, et maintenant il doit commencer à bouger.
      Sorti de son coma mental momentané, il se dirige vers ces grandes tentes érigées en marge de la fête. Lance dans le dos, regard froid, il entre impunément sans être invité. Dedans, il n'y a personne. Pas âme qui vive.

      Quoique. Là. Juste là. Dans le lit. Dans le lit sale. Là. Juste là.

      Quelqu'un.

      Et ce quelqu'un dit.

      Et ce quelqu'un râle. Mais qu'est ce qu'il râle ?

      Il râle ça, avec un goût amer dans la gorge :

      Putain. J'suis où encore. Sûrement un rêve. Mais alors pourquoi ça y r'ssemble ? On dirait l'même matin, l'même réveil. Tout seul, comme un con, dans ces draps, dans ces draps sales. Dégueulasses, mais ceux d'mon sommeil. Juste avant, encore rêvé d'mes dents qui s'barrent en couilles. Elles tombent, elles fuient d'ma gueule à l’haleine de tabac pas frais. Mais y avait pas qu'ça. Y avait mes ongles aussi, qui s'faisaient la malle, sans doute à cause d'mes doigts cornés et jaunis par la clope. Pi y avait du sang séché, mais ça, c'pas important. L'plus important, c'est qu'j'avais l'impression d'dégueuler du verre. Du verre pilé. Sorti d'cette gueule, cette gueule qui veut plus rien avaler. Putain. J'râle. J'râle de ces nuits. J'râle de ces nuits passées en chien d'fusil. J'veux dormir encore. J'veux dormir comme avant. J'en ai marre. J'veux retrouver ce que j'avais, comme tous ces olibrius. J'veux dormir en position fœtus.

      Et puis c'est quoi, ça, là ? Là, par terre, là sur moi. Là c'est mouillé. C'est ça. Oui j'sais. Encore les mêmes larmes. Et là, la cigarette qui diffuse plus, éteinte par le temps. Merde que ça parait vrai. Putain. J'pleure dans mon lit, j'pleure n'importe quand, j'pleure même aux chiottes bordel. Mais personne m'a pincer, j'pleure pas d'vant les gens, avec leurs sourires abrutis qui puent l'encens. Alors j'reste là. J'reste là à bouillonner, le cul vissé sur une chaise, à rien faire, ou à faire, mais j'brûle comme le feu d'une cheminé. La différence c'est que j'm'éteins jamais, j'y arrive pas, j'voudrais mais j'peux pas. Alors ils me regardent. Avec leurs sourires jaunes. Mesquin. D'arnaqueur. Avec ces lèvres pâles et cette langue si pâteuse. J'arrive à peine à râler, j'préférerais encore dégobiller. Me racler la gorge, déglutir dans l'évier mes crachats blancs, blancs comme du foutre. Puis m'regarder dans la glace, voir comme j'suis moche, vérifier mes gencives, vérifier ma caboche. Mais j'y arrive pas. J'voudrais mais j'peux pas. J'voudrais m'secouer. Secouer l'sac à geindre que j'suis.

      Mais ça passe. Y parait qu'ça passe. Mais c'pas ici que ça passera. Ici les gens pissent partout, dégueulent, s'mettent des gnons. Mais on m'a dit quelque chose. Quelque chose d'intelligent, quelque chose d'aimant. Parait qu'même les déchets remontent à la surface. Parait qu'on s'réveille un matin sans tout ça. Sans l'odeur rance, sans cette sensation d'encore, de déjà vu, de j'suis qu'une merde ambulante pas foutue d'réussir sa vie, pas foutue d'apprécier sa vie, pas foutue d's'apprécier soi-même. Alors j'espère. Mais j'comprends une chose. Cette souffrance, cette sensation d'encore, elle vaut toujours mieux que la mort. Alors j'vais commencer à m'balader, à profiter. J'vais arborer un r'gard fier, pi j'me trimbalerai la bite à l'air.

      Mais j'dis ça, mais c'est qu'un rêve. Ou peut être pas. Merde. Ils sont parti. La tente est vide, quelle heure il est sale déchet ? J'me déteste, j'me hais, j'peux pas m'regarder. C'était l'heure et j'l'ai loupé. Quelle idée, la foire à la vache, putain merde qu'on m'foute un coup de hache. Ils avaient commencé, peut être que la rafle était entamée.

      Mais finalement j'm'en bats, j'veux plus d'cette vie, j'veux changer, j'veux m'barrer. Alors c'est parti, j'm'en vais profiter.


      Et il se lève. Et il passe à côté de Kevan. Une odeur de blasé, déprimé, au bord du suicide le suivant. Mais Kevan sait maintenant. Des pirates. Des forbans. Et ils veulent tout rafler. Il doit agir. Il doit agir vite. Mais il ne doit pas attirer l'atten*

      - T'es qui, toi ?
        Un pirate entre dans la tente. Un pirate aux airs... de pirate. Visage couvert de cicatrices, barbe mal taillée et non-entretenue, veste décolorée, pantalon déchiré. Un vrai pirate. Et puis, il parle avec un accent étrange. Un accent de ceux qui viennent d'ailleurs. Mais le révolutionnaire ne relève pas. Le forban est venu cherché celui qu'ils ont laissé derrière. Mais il se débat. Il ne veut pas. Il fait le fou. A l'asile qu'il doit aller. Il se débat de toutes ses forces. L'autre essaye de le résonner. Mais il ne veut pas. Il fait tomber des tables, des chaises, bientôt il fait écrouler la tente. Et Helmet en profite. Helmet s'en va. Helmet rejoint la place centrale. Tout en restant naturel, il se fond dans la masse puant l'alcool, le malpropre et la clope. De là, il se rend compte qu'il ne peut rien voir. Alors il ressort de la foule. Puis il attrape une caisse en bois gisant sur le sol.

        Entrant dans la foule, il se rend compte que... Il a oublié quelque chose. Il ressort. Il prend une grande inspiration. Et il rerentre. Arrivé à peu près au milieu du boxon, il pose le caisson. Et il monte dessus. De là, il peut observer tous les groupes apparents. Et bien sûr, il y en a qui font pirates. Ils font tellement pirates que Kevan s'étonne de l'inaction de la marine. Pourquoi ne font ils rien ? De ce qu'il en sait, ils auraient déjà dissipés la foule et foutu un bordel monstrueux, tirant à tout va en ne distinguant pas alliés d'ennemis...

        Mais un son attire l'oreille de Helmet. Un son dont l'intensité s’accroît de seconde en seconde. Bientôt, on peut distinguer que c'est une musique. Une musique des plus festives. Une musique qui donne envie de bouger, de danser, de se trémousser. Et c'est ce qu'il se passe. Des boucaniers commencent à rassembler des tables, puis se mettent à danser dessus tels des dégénérés. Bien sûr, la grande quantité de binouze ingurgitée quelques minutes, quelques heures plutôt commencent à faire effet dans l'organisme de tout le monde. Bien que pour certains, l'effet prend une tournure morne, triste et morose, pour la plupart, c'est un véritable spectacle entraînant. Sur son caisson, même le révolutionnaire se résout à bouger la tête, et à agiter timidement ses hanches et ses jambes.

        Même les plus marginaux ne peuvent s'empêcher de rejoindre ces pieds de vignes se fendant la poire. Après tout, en cette sombre époque, ils en ont besoin. Tous sont dans l'intention de boire comme des trous jusqu'à sombrer dans un coma éthylique. Mais le bruit généré par les cordes vocales d'une des vaches plus excitées que les autres résonne sur la plaine, plombant l'ambiance au passage et attirant tous les regards vers elle. Plus un son, rien. Un olibrius plus torché que la moyenne éclate de rire et c'est reparti, la bringue peut continuer, et ils peuvent s'envoyer du rhum, de la tequila et de la bière à foison, encore et encore.

        Soudain, un importun pirate vient jouer le rabat-joie de service en fauchant la jambe du partisan de la révolution. Trébuchant de son point d'observation, il n'en perd pas moins son sens de l'analyse et remarque que cette personne n'est autre qu'un flibustier sans foi ni loi. A peine à terre, il se relève et ne lui laisse le temps de rien qu'aussitôt son poing vient rencontrer le milieu de son visage avec véhémence. Ses phalanges s'impriment sur la gueule du forban tout en s'enfonçant de plus en plus. Puis, tel un ballon de baudruche que l'on aurait gonflé puis lâché d'un coup, il s'envole vers la foule, emportant quelques personnes sur son passage, et va s'écraser dans une tente un peu plus loin, qui ne tarde pas à s'écrouler sur celui-ci.

        Et c'est vers Helmet que tous les regards se tournent maintenant.
          Le visage tout à l'heure presque radieux et sans ironie de Kevan devient alors sombre et froid. L'énergumène l'ayant pris par surprise lors d'un moment d'inattention, il se sent irrité. Toutefois, à mesure que sa colère s'évapore dans l'air, il se rend compte du souk  qu'il vient de mettre, et ce en si peu de temps. La tente s'écroulant et les paysans renversés n'étaient que des détails comparé à ce qu'il se passe actuellement. Devant les yeux écarquillés de Helmet, une émeute se forme peu à peu, et le bois éventré du pilier supportant le panneau de bienvenue à la foire ne peut plus rien soutenir. S'enchaîne alors des catastrophes improbables comme le panneau tombant et tranchant une vache en deux, ou l'écroulement du deuxième pilier sur la scène, faisant tomber une torche sur le rideau qui peu à peu souffre de la danse frénétique des flammes grandissantes. Un nuage de fumée se forme alors et englobe toute la plaine, la marine s'excite enfin et tente de rétablir l'ordre. S'essayant à guider des villageois venus de loin et des paysans bornées complètement à la masse et éméchés, c'est une catastrophe qui prend forme sous les yeux ébahis du révolutionnaire. Tous tentent de suivre la marche mais ils n'y parviennent pas. Beaucoup trébuchent, d'autres prennent peur pour la moindre broutille, car c'est l'effet de l'alcool sur eux. Certains bouffent des murs, d'autres continuent à avoir la bouteille au fond de la gorge. Mais dans ce chaos des plus monstrueux, qui en profite ? Cet équipage de pirate. Cela faisait-il parti de leur plan ?

          Sans doute. Mais il ne le saura pas si il ne fait rien. S'enfonçant dans l'épaisse brume pour rejoindre la tente du responsable de la foire, Kevan tente d'avancer en évitant ceux qui arrivent dans l'autre sens. Non sans mal, il parvient à progresser malgré la visibilité limité. Toutefois, le nuage de fumée semble infini. Cela va faire quelques minutes maintenant qu'il court, qu'il court, mais qu'il n'en sort pas.

          - Merde, si ça continue j'ar…

          - GWEHEHEHEHEHEHE, ALLEZ ON EMBARQUE LA MAGOT ET ON S'CASSE !

          - Oh, alors ils sont par là hein.

          Guidé par le son de la voix aiguë et portante du pirate, Kevan parvient à sortir de l'épais brouillard jusqu'à tomber devant eux. Planté là. A ne rien pouvoir dire, ni faire. Devant lui, il n'y avait rien. Mais si l'on regarde un peu plus à gauche, et un peu plus à droite, on peut voir deux groupes. Celui de la marine et celui des pirates. Tous deux se faisant face. Un peu plus en avant, les deux meneurs d'homme discutent en beuglant des menaces de morts etc, rien de bien intéressant. Ce qui est intéressant, c'est leur trogne. Le genre de gueule qu'on oublie pas, dont on se souvient. L'un a une gueule de cheval, l'autre... L'autre est assez spécial. Un nez imposant parsemé de points noirs plus gros que des trous de taupe. Des yeux fermés par des joues grasses et crasseuses, des nibards qui lui tombent jusqu'aux putains de genoux. Et une voix... Une voix aiguë à vous péter les tympans. Ridicule à souhait. Tellement rid... Telleme.. Tel..

          - Hahahahahahaha, oh putain, sérieusement, c'est quoi ç... Ah.
          Mh.
          Merde.
          Salut, les gars.


          - EH ! LIEUTENANT COLONEL ! C'EST LUI !
          - Ouais ! C'est lui celui qui a foutu un boxon pareil !
          - J'vous avais bien dit que cet abruti pouvait pas être leur capitaine !
          - C'est sûrement lui leur vrai leader ! Tenez vous sur vos gardes !


          - Heh ? Vous vous foutez de moi là ? C'est une blague ? La raison de ce boxon, c'est que j'ai cogné un de ces dégénérés !

          - Eh, chef, vu comment qu'il a j'té Willy tantôt, j'suis d'avis qu'on s'range avec lui s'foutre sur la gueule avec la marine, t'en penses quoi, heh ?
          - Je suis de ton avis ! ça se passera forcément mieux pour nous héhéhéhé ! Allez les gars ! Tous derrière le nouveau Capitaine !


          - Putain de m... J'ai pas mon mot à dire hein !?

          - Allez les gars, on les choppe ! Et au Galop !
          CABRAGE !
            Sans sommations, sans prévenir, sans aucun respect, rien du tout, le Lieutenant Co' se rue vers le révolutionnaire tout juste promu au grade de Capitaine Pirate. Il se déplace à quatre pattes à une vitesse hallucinante. Arriver au niveau de Helmet, il se relève d'un coup, assénant un violent uppercut. Le poing de John Horse vient percuter le menton de l'Omelette de la Révolution avec une rare véhémence.

            - Argh.

            L'homme est projeté en l'air. Tout est ralenti autour de lui, il a du mal à se repérer, et à entendre. Il est sonné. Il s'écrase dans la terre couverte de cendre quelques mètres plus loin. Les pirates commencent à douter de leur stratégie. Ils pensent à fuir. Mais ils ne peuvent pas, car c'est maintenant les petites frappes de la marines qui veulent en découdre. Le coup de poing de leur supérieur a marqué le début de la bataille, et ils peuvent maintenant se jeter sur l'ennemi, sabre et fusil à la main.

            Devant la scène de combat de masse, Horse se rapproche au trot de Kevan. Celui-ci est sonné, mais le combat ne fait que commencer.

            - Huhuhuhu ! Relève toi, j'ai très bien vu ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Contrairement à tous les autres, je ne suis pas dupe. Tu as bloqué une grande partie de ma puissance avec un coup de coude au moment où mon poing a touché ton menton. Alors relève toi, qu'on en finisse et que je te mette au fer!

            - Héhé. Je ne voulais pas de problème avec la marine, en venant ici. Mais tant pis.

            Attrapant une poignée de cendre bien pleine dans sa main gauche, il se relève à l'aide de sa lance. Horse approche toujours. Mais à cause de sa rapidité surhumaine, Helmet ne peut pas se permettre de le laisser attaquer le premier.

            - Shii-Cho !

            Les mains du révolutionnaire se serrent, la veine de son front se gonfle, ses muscles se contractent, et ses appuis s'enfoncent profondément dans le sol. Jusqu'à ce qu'il s'élance sur le marine. Arrivé à portée de lance, il balance son arme d'avant en arrière à une vitesse incroyable, mais à une seule main, contrairement à ce qu'il fait habituellement. Tout ce que l'on peut voir, ce sont des traits, on ne distingue pas à l’œil les mouvements de sa sagaie. Toutefois, John Horse peut les voir, lui. Et il esquive chacun des coups portés en arborant un sourire désinvolte.
            Helmet s'attendait à ça avant d'attaquer. Son adversaire va plus vite que lui. D'où le contenu de sa main gauche. Ralentissant ses attaques, il arrête bientôt totalement les assauts et balance la cendre dans les orbites de son adversaire. Bwahahaha ! Ayant maintenant l'avantage, il ne va pas laisser sa chance passer.

            - Soresu.

            Kevan bondit sur son opposant et lance un coup vertical, de haut en bas. Son regard est énervé, assassin, un vent de pulsion meurtrière souffle sur toute l'île, donnant un frisson à chacune des personnes présentes ici. Tout bruit cesse. Tout le monde arrête les combats. Les entrechoquements d'épées s'arrêtent, les coups de feu ne retentissent plus, et la lame déterminée du partisan de la révolution vient s'écraser sur John Horse.

            - Caveçon !

            Une détonation retentit. Le sol s'enfonce sous les sabots de John. Et entre ses mains se trouve la lame de la lance de Kevan Helmet. Tout autour d'eux, le sol est enfoncé. Tout autour d'eux, la poussière est balayée. Sur le visage de l'Omelette, on peut distinguer un soupçon d'inquiétude, couplé à une bonne dose d'agacement. Le Lieutenant Colonel balance ensuite la lance vers le sol, qui se plante profondément, puis profite de la faiblesse de son adversaire pour lui asséner un coup de poing dévastateur, plaquant Helmet et l'ancrant dans la boue.

            Le visage ensanglanté, Kevan se relève non sans mal.

            - Ouais, t'es pas n'importe qui faut l'avouer.
              - Ataro !!

              Kevan recule d'un bond et se met à distance de sagaie de John. Il commence à sauter et à effectuer des pirouettes tout autour de son adversaire. Petit à petit, il atteint une vitesse qui rend difficile la distinction de sa position. Puis viens la phase trois. Des coups de lance surgissent de sa trajectoire, venant provoquer des minis-entailles sur le corps du marine. Petites entailles qui agacent grandement notre cher lieutenant colonel, qui hennit de plus en plus fort. Tentant d'attraper l'arme du révolutionnaire à chaque fois que ses yeux lui permettent de la voir, il ne parvient à aucun résultat, ce qui ne fait qu'attiser sa rage.
              Colère ayant atteint son paroxisme, Horse décide de foncer sur la trajectoire de Helmet et de le chopper bien comme il faut, histoire de lui foutre la tête au carré, parce que putain y en a marre et putain c'est chiant de se faire humilier comme ça ! Le marine ferme les yeux, puis, d'un coup, tout son bras se contracte et il décoche un puissant coup de poing.

              Kevan sait que ça vient vers lui et que ça va le toucher. Il stoppe net les pirouettes alors qu'il est en l'air, et bloque le coup de poing à l'aide de sa hampe. Le bois craquelle sous le choc, mais ne se brise pas. Une détonation retentit, plus puissante que tout à l'heure. Beaucoup plus puissante. Les deux hommes tiennent la position. Celui qui flanche va en prendre pour son grade. Mais Kevan sait comment s'en sortir. Il dirige le poing de Horse vers le bas, puis brise le contact. Avec l'inertie, le poing de John vient s'écraser dans le sol, puis c'est tout son bras qui se trouve emprisonné.

              - Durarararara !


              Un ricanement plus tard, Kevan se rétabli derrière John.

              - Aribashi

              Le révolutionnaire prend une profonde inspiration. Il prend des appuis stables. La veine de son front se gonfle deux fois plus que tout à l'heure, ses muscles se contractent jusqu'au point où l'on se demande si oui ou non, ça va exploser à la prochaine seconde. Sa mâchoire se serre. On ne le voit pas, mais on le sent. Ca va partir.
              Et il relâche la bête.
              Des coups de lance fusent dans tous les sens, on ne peut pas voir d'où va venir la seconde, on ne voit pas ce qu'il se passe, mais la terre est retournée, on aperçoit des effusions de sang, des fissures se créent peu à peu dans le sol. Même des pirates et des marins sont touchés alors qu'il se sont approché un peu trop. La technique est encore trop peu précise, mais lorsqu'il arrête, l'environnement est dévasté et la cendre plus tôt retombée est encore une fois en lévitation. Par terre, le poing toujours dans le sol, Horse gît, les yeux blancs.

              - Merde chef, il est hyper fort lui, il voulait le butin tout à l'heure ! Regardez le maintenant, il est au bord de la mort on dirait !
              - Putain oui, bon on fait quoi ?
              - On est des pirates, certes, mais on est pas des enflures ! J'propose qu'on le prenne avec nous et qu'on tente de le recruter après !
              - Pas con ! Allez les gars, récupérez moi ça et on s'barre d'ici !

              Après ça, trou noir pour Kevan.
              Jusqu'à ce qu'il se réveille en mer. On ne sait où. Mais au dessus de lui, il y a des voiles noires.

              - Putain d'merde ! J'suis où !?

              Plouf.

              - Blblblblblblbl !

              - CHEF ! CHEF ! Je croyais que c'était un poisson et... Je l'ai balancé par-dessus bord
              - Putain merde Kenny, les gens qui sont allongés ne sont pas des poissons ! Faut que t'arrêtes ! On va jamais pouvoir être un grand équipage si tu balances tous nos blessés à l'eau ! Surtout que là, il est déjà trop loin...

              Finalement, c'est qu'un équipage de branque, et même sans intervention de Kevan ils se seraient vite fait mater par la marine...