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Tu m'as rencontré à un moment étrange de ma vie..


Pulu pulu

Hep, Kiril, bien arrivé ?
Hm... Tu te fous de la tronche de qui là ?
Bon ok, c'est pas l'endroit rêvé mais c'est mieux que d'enfoncer des bides tous les jours, non ?
Pardon ?
Ben... Lynbrook quoi. Mais ! Si tu veux mon avis, "l'aminche", tu devrais te reposer. Un surin, ça pardonne pas. Bonnes va-

Gotciao !

Et maintenant me voilà seul enveloppé par le soupir de Cryos, et mes plaies encore ouvertes craquettent, gelées, sous le souffle de Morok qui m'étreinte d'un froid diabolique. Un froid que je n'ai jamais ressenti jusque-là et surtout un froid qui me fait douter de la température qu'on prête à l'enfer, les jets de feu, la lave, la chaleur, ces conneries qu'on raconte aux gosses, ces conneries auxquelles croient les plus grands, des fois.

Avant, j'étais un bleu marine amoureux, soucieux de dompter sa vie avant qu'elle ne le dompte mais récemment je me suis rendu compte que ce n'était pas possible et me voici. Un point dans la foule. Une tâche dans un paysage endormie, coloré d'une non-couleur qui contrairement à ce qu'ils disent, est loin de m'apaiser, est loin de pouvoir m'apaiser, n'a simplement pas le pouvoir de quoique ce soit à part me geler les burnes.

Boréa qu'elle s'appelle, ma nouvelle némésis. Je suis passé d'une vie, à une femme, à la marine, à une amitié, à une île. Boréa. Il faut toujours qu'elles drainent mon corps de toutes leurs forces, ces "elles", il faut toujours qu'elles me combattent jusqu'à m'assécher de mon énergie, dans l'amour comme dans l'arène, mais la dernière est allée plus loin à la manière d'une mante religieuse, elle a visé mon âme... Avec un poignard.

Boréa ne risque pas de m'attaquer par derrière, elle, mais déjà son décor m'épuise, les lumières du port de Lavallière m'agressent. Mes yeux ne s'y sont jamais fait, à la lumière. Parce que je viens d'un trou, une caverne sombre, putain du Grand Obscur, où les seules flambeaux proviennent des éclairs de génies du crime digne du Mad Thinker. Et leur lampe est pas celle qui éclaire le plus.

Je suis passé d'une vie, à une femme, à la marine, à une amitié... Elles ont toute gagné, tout le temps. Envoyé en vacances sans que je ne demande rien, ça veut tout dire, Harry qui prend ma place aussi, Lana qui me dit que j'ai le coeur là où... Et maintenant je suis coincé dans cette grotte glacée, à jouer la stalactite en attendant un coup de vent, un coup de grâce qui me fera me briser par terre, en mille morceaux.

Mais avant ça, il y a les gens. Ils existent. Et souvent, l'un d'entre eux a un grain. Souvent c'est celui là qui décide de venir me parler.

Hep, pssst, vu ta gueule, t'es clairement pas du coin.
Pourquoi, j'ai une bonne tête ?
Non, tes dents claquent comme un gosse quand il va voir une radasse pour la première fois.
Merde, autant que ça ?
Ouep, autant que ça. D'où c'est qu'tu viens ?
Lynbrook, Grand Line.
Lynbrook !? Bon p'têt que j'devrais r'tourner compter les mout-
Reste ici. Tu voulais quoi ?
Euh...
Tu sais comment on m'appelle là-bas ? Non ? T'as pas envie de savoir, crois moi. Alors qu'est-ce que tu voulais ?
Ben... J'taf au service d'expulsion d'Boréa. Disons qu'y a une sorte d'endroit spectaculaire ici, et que les gens y sont attirés, et p'têt que...
Hm ?
Et bah, l'truc est surprotégé, t'vois, et pis si on t'y prend quand on doit pas t'y prendre, tu fiches plus jamais les pieds ici. Mais comme j'taf ou que j't'ai dit que j'taf, ben si tu voulais ben...
Ah. Tu voulais faire le bon pote qui m'propose de voir un truc extraordinaire puis par derrière me la mettre et récupérer tout ce que j'ai avec l'assurance de plus jamais m'revoir, t'façon ?
Hé-

Beigne qui t'assomme et tu fais un p'tit somme.

Lynbrook m'a appris une chose, reconnaître la gueule d'un bachotteur. Et celui-là était pas franchement fut-fut. Le pauvre dans les vappes tient une sacoche où il semble garder toute sa vie. Voyons voir comment qu'il s'appelle...

Charlot Charlie. Gueule d'escroc, nom d'escroc. J'vais lui prendre sa veste tiens. N'empêche, c'est quoi ce truc spectaculaire ?

Oh merde ! Charlot s'est mangé un pain !

Un maigrichon en débardeur s'approche en courant pour claquer le Charlie comme pour voir s'il est mort.

Et bien, ça aurait pu, mais je ne me sens pas très bien... Attends, en débardeur ?

Eh mec, comment tu t'appelles ? On te paie ta tournée ! Cet enfoiré sans scrupules expulsent n'importe qui pour sa bourse ! Un ptit gars, ou une ptite fille naïve, c'est fini !
Pas de tournée, non... Mais j'aimerais bien savoir de quelle spectacle il parlait ?
Spectacle ? Ah ! La chute boréale ! Laissez tomber, aucun étranger ne peut la voir. Déjà qu'pour un natif, c'est compliqué... Mais j'l'ai vu une fois. C'est magnifique. J'étais jeune, mais j'avais l'impression d'être vieux quelque part... Comme si je partageais ma vision avec des milliers de personnes... Un étrange sentiment. Comme si bah... Comme si mon âme s'était pleinement éveillée ! D'un coup et-
Bah ?


L'éveil de l'âme... Et une chute boréale. Il faut que j'aille voir ça, mon âme presque éteinte, me le crie d'une faible lueur. Effrayant de sentir son corps s'endormir petit à petit quand l'esprit lui a la vitalité d'un môme de trois ans. Je sens tout partir... Et j'ai l'envie inexplicable de me raser la tête.

Mais avant que je ne puisse faire un pas, elle se retrouve brusquement devant moi. Comment est-ce possible ? Et pourtant ses cheveux me donnent l'impression de ne plus être ici, d'être... au loin, à l'opposé, sur South Blue. Non, mieux. D'être là où l'on s'est rencontré, en 1620, déjà deux ans. Est-ce qu'elle se rappelle ? Entouré du monde ou de la réalité sans trop y faire attention parce qu'on se retrouvait pour ne rien faire à deux. Et ses cheveux... sont le soleil juste en face de moi qui me murmure de ne pas jouer avec le feu mais qui me supplie de le faire. C'est elle ! Comment a-t-elle pu me laisser partir, déjà ? Pourquoi n'a-t-elle jamais cherché à m'appeler ? Qu'est-ce que tu faisais, Lana...

Tu viens avec moi !

Et je me mets à courir avec elle sur une épaule...


Dernière édition par Kiril Jeliev le Dim 14 Juin 2015 - 22:33, édité 1 fois
    Frottant ses mains l'une contre l'autre, la rouquine les frictionna encore un moment en poussant un long soupir. De la buée s'échappa de ses lèvres gercées par le froid. Elle se demanda ce qu'elle fichait ici. A Boréa. De la neige jusqu'aux genoux, à progresser difficilement, à se questionner sur sa présence sur cette île... Elle qui détestait la neige, ou même le froid. Après son passage sur Tequila Wolf qui lui avait valut rhume sur grippe systématiquement, elle s'interrogeait sincèrement sur ce qui lui était passé par la tête en se payant son billet pour Boréa. Le froid lui griffa la peau et la transperça de part en part. Un sac dans les bras qu'elle soulevait péniblement, fait d'aliment probablement déjà congelé (probablement comme elle), Lilou se renfrogna dans son écharpe. Elle était bien contente d'avoir laissé ses cheveux lâchés, au moins, la morsure du gel ne s'insinuait pas dans son cou...

    Même si, en se levant ce jour-là pour partir lutter contre le froid, elle ne s'était pas imaginée un seul instant que sa chevelure de feu allait lui valoir quelques problèmes. Notamment lorsqu'elle se retrouva happée par un type louche qui lui ordonna de venir avec lui sans lui demander son avis. Non... Personne ne rêve de ce genre de choses, de se faire approcher par un grand brun au regard sombre, la barbe de plusieurs jours et l'air pas tout à fait sur terre. Lilou, par exemple, était très loin de penser qu'elle allait passer une partie de sa vie sur l'épaule de cet homme, sans en connaître le nom, ni les motivations par ailleurs. Qu'avait-elle fait ? Que se passait-il ? Que lui voulait-il ? Beaucoup de questions qui ne sortirent pas immédiatement, mais seulement une qui prit le pas alors que son ventre se creusait sur l'os de son épaule :

    Qu'est-ce que tu fais ?! Hurla la jeune fille sur l'épaule de ce type qu'elle n'avait jamais vu et qui l'embarquait dieu savait où ! Pose-moi, tête de nœud !

    Évidemment, les insultes fusèrent à la suite, même si elle n'était franchement pas en position de faire trop la maligne. Elle ne comprenait absolument pas ce qu'il se passait... Ce type courrait comme un taré et ils s'enfoncèrent dans les terres gelées alors qu'elle se débattait comme une furie en espérant ne rien se casser dans la bataille. Ce fut parfaitement inutile. Le bras du brun lui tenait la taille fermement, et même en battant des jambes et en lui collant des coups dans le dos pour qu'il la lâche, il n'était pas décidé à la laisser faire ou simplement à la laisser partir.

    Et à force de voir la route défilée sous ses yeux en hurlant dans les oreilles de l'inconnu, Lilou était vraiment en train de se poser des questions et par la même, de se monter la tête : Était-ce... Un kidnapping ? Ses yeux s'arrondirent... Etait-ce vraiment en train de lui arriver ? A elle ? Elle n'était pas le genre de personne qu'on enlevait. Elle ne savait rien ! Enfin... si, elle avait des connaissances, mais rien qui dans son esprit avait de l'intérêt pour un illustre inconnu. L'avait-on embauché ? Allait-il lui faire du mal ? Encore une question de plus, et la rouquine était prête à fondre en larmes parce que tout ça n'avait aucun sens !

    Lilou lutta. Encore. Longtemps. Jusqu'à ce qu'ils distancent les quelques types attirés par ses hurlements désespérés et ses insultes que l'on pouvait qualifier d'imaginatives pour la plupart. Jusqu'à ce que le paysage reste lui-même tout en changeant au passage. Jusqu'à ce que le froid ne soit qu'un souvenir vague alors qu'elle se concentrait sur sa survie et l'angoisse qui lui tenait le ventre. Elle lutta donc, jusqu'à ce que la prise de l'homme sur sa taille ne soit plus très sûre et qu'il ne la lâche enfin.

    Elle toucha le sol en un saut, et se redressa aussi vite. Comme un petit animal effrayée, guidée par l'instant de survie, elle avisa rapidement l'individu d'un regard colérique :

    Tu ne m'approches pas ! Tu restes LOIN de moi ! Ordonna-t-elle en le repoussant du bout de ses bras, hurlant toujours au milieu d'un monde qu'elle ne connaissait pas, face à un type qu'elle ne connaissait pas non plus... C'est quoi ton problème gros débile ? T'as été fini à la pisse, c'est ça ?!

    Ses yeux d'ambres le foudroyaient. Si elle avait pu le tuer ainsi, sans doute qu'il serait tombé raide mort sans avoir eu le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, sans trop savoir ce qu'elle devait faire. S'il était son ravisseur, s'il allait la torturer ou lui faire du mal, lui demander si son père n'avait pas oublier de lui faire, au hasard, un cerveau, n'avait rien d'une bonne idée. Mais Lilou n'était pas du genre à savoir comment se comporter en général, alors lorsqu'il s'agissait d'un grand n'importe quoi, il ne fallait clairement pas compter sur elle... Enfin... Elle se tourna nerveusement, enfonçant ses gants dans ses poches, songeant à revenir sur leur pas, à fuir très loin d'ici...

    Mais quels pas ? Leur route avait déjà disparu à cause de la neige, et Lilou se figea soudainement. La course l'avait échauffé, elle ne sentait plus le froid. Mais par contre, elle envisageait très bien l'hypothermie qui allait suivre parce que ce gros débile les avait amené, lui et elle, juste à côté du trou du cul du monde sans lui demander son avis...

    MAIS ON EST OUUUUU LA ?
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    Merde. J'aurais du m'en rendre compte plus tôt ! Mais j'avais déjà le sentiment que je faisais une grosse erreur quand je l'ai foutu sur mon épaule. Elle a fait que gueuler, elle m'a pas frappé, elle m'a pas non plus tiré les cheveux... J'me suis dit que peut être... que c'était pas Lana ? Mais quand des types ont commencé à me poursuivre parce qu'il pensait que j'étais un gros taré, j'ai paniqué... Je pouvais pas simplement lui dire, désolé mademoiselle, c'était une erreur. Si ? Non je pouvais pas ! Et maintenant ! Bordel !
    Mais il faut que je lui dise un truc ? Non je ne suis pas fou ? J'ai fait une chtite erreur excuse moi serrons nous la main ? Mais la tension monte, on est perdu, et je connais pas cette île. Alors le seul truc qui me vient à l'esprit, là, ben...


    Dernière édition par Kiril Jeliev le Dim 14 Juin 2015 - 22:33, édité 1 fois
      TU VAS LA FERMER OUI !? LAISSE MOI RÉFLÉCHIR !


      Dernière édition par Kiril Jeliev le Dim 14 Juin 2015 - 22:33, édité 1 fois
        Bon, semblerait que je sois perdu. Il fait froid, je n'aime pas le froid, putain. Si je repars peut être de l'autre sens sans m'arrêter... Oui mais attends combien de temps est-ce que j'ai couru comme ça ? Il commence à faire nuit.

        Je me retourne vers La... vers l'inconnue. Je lui adresse un sourire gênée.

        Bon, c'est ici que notre route se sépare. Ciao bella, désolé pour la gêne occasionnée.

        Et je repars en sens inverse, décontracté, comme si de rien était.


        Dernière édition par Kiril Jeliev le Dim 14 Juin 2015 - 22:33, édité 1 fois
          Elle n'en croyait pas ses yeux.

          Sincèrement... Elle n'en revenait pas. Non seulement il lui demandait de la fermer parce que MONSIEUR devait réfléchir, pour ensuite lui dire avec l'air décontracté qu'il avait couru longtemps, qu'il n'aimait pas le froid, et lui annoncer avec un sourire gêné qu'il l'avait amené ici pour RIEN, que c'était là que leurs routes se séparaient, et advienne que pourra.

          La rouquine le fixait avec les yeux exorbités. SERIEUSEMENT ?! Elle n'en croyait pas ce qu'elle voyait, les mires rivées sur le dos de l'inconnu. Tout ça... POUR CA ! Non mais ça devait être une blague, non ? Une sacrée blague !

          Serrant les poings, elle resta bien quelques secondes, la bouche entrouverte à ne pas en revenir. Jusqu'à ce que son nez se fronce sous la colère, et qu'elle avale la distance qui la séparait désormais de lui. Une main sur l'épaule plus tard, elle le fit se retourner et lui colla une méchante droite sur la joue. Méchante, à la Lilou donc. De sa petite mimine gantée, qui désormais lui faisait mal, elle sautilla à côté en lâchant des « aie aie aie ! » qui trahissaient son inexpérience dans le domaine.

          Bon, même si elle n'avait pas l'habitude, ça ne voulait pas dire qu'il ne l'avait pas mérité. Et puis... Elle tapait peut-être comme une fillette, mais elle savait crier bien plus fort que lui (ça, c'était une certitude !), alors autant en profiter :

          « Désolé pour la gêne occasionnée », qu'elle reprit avec ironie en le fixant d'un regard sombre : C'est tout ce que t'as à me dire ?! Tu me perds dans ce merdier et maintenant je dois me débrouiller toute seule ? Non mais tu t'es pris pour qui, machoman ?

          Il l'avait appelé « Bella ». Genre. Elle. Bella. Elle eut un rire sans joie et en rajouta une couche :

          Tu crois vraiment t'en tirer à si bon compte ? T'as pas l'impression d'être RESPONSABLE de ma situation, lààà ?

          Bonne question. Apparemment pas. Il avait même plutôt l'air de s'en moquer, et tout ça ne lui faisait sans doute ni chaud ni froid. Ou juste froid, vu la température. Agitant toujours sa main en essayant de faire passer la douleur qui lui grignotait les phalanges, elle poussa un long soupir rageur :

          TU m'as collé là-dedans, TU vas me ramener chez moi ! Et sur ton dos, tiens ! C'est comme ça que j'y suis venue jusqu'ici alors y'a pas de raisons !

          Le ton de sa voix ne souffrait d'aucun refus. Puis de toute façon, elle était prête à l'escalader juste pour être sûre d'obtenir gain de cause.
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          Encore elle...

          Ahem...

          TU CROIS PAS QUE JE SUIS DÉJÀ ÉPUISÉ DE T'AVOIR PORTÉ PENDANT 50 KILOMÈTRES !? Je peux pas te ramener. Il y a un truc que je dois aller voir avant de rentrer. Tu viens avec moi et tu te tais ou sinon tu repars toute seule dans le froid ! Et tu risques de mourir congelée !


          Je vois son visage se décomposer et la seconde d'après elle me fout une beigne, une vraie beigne cette fois-ci. Une beigne comme celle de Lana. Je plisse encore les yeux, même après avoir reçu le coup. Et je réponds en la poussant. Elle tombe en plein dans la neige.

          HAHA !
          A...
          A quoi ?
          A...A..
          Ah ben tu vois qu'on peut se marrer tous les deux, haha !
          ATCHOUM

          Oh bordel ! Manquait plus qu'elle me donne une bonne raison de m'en vouloir. Pour sûr que j'vais direct en enfer si j'laisse une nana seule dans le froid, hm ? Bon, j'la prends sur le dos. J'sens ses ongles m'déchirer la peau. Elle le fait exprès, sûrement une petite vengeance. J'vais pour lui prendre un mouchoir dans mon veston quand j'fais tomber les papelards de ce vieux Charlot de Charlie. Oh merde !

          Y a des photos du charlatan avec sa mater, sa carte d'agent de...sécurité ? Et la chute et ses environs schématisés. Maintenant que je châsse bien le plan, je m'aperçois qu'on est à côté du délire. Même très près. Le truc indique aussi le chemin pour la civilisation civilisée, que je dis à la demoiselle.

          T'entends ? Pour rentrer et arrêter de me casser les pieds, c'est par...

          BROUUM

          Oh bordel, l'éclair. Veut dire que ça va flotter dans pas très long... Ses ongles me re-déchirent la peau. Cette fois-ci c'est pas exprès. Oh non, me dites pas que

          Tu peux gueuler, frapper et maltraiter un inconnu mais TU AS PEUR D'UNE PETITE LUMIÈRE ?

          J'tourne la tête autant que je peux, mais elle cache son visage dans mon dos. Hier grand seigneur et aujourd'hui petit chaton difforme, hein ?
            Chouette...

            Avec ses bêtises maintenant, Lilou était trempée jusqu'aux os. Le cul dans la neige, et trompée jusqu'aux os ! Elle allait rentrer enrhumé encore, et agoniser dans son lit pendant plusieurs jours avec ses bêtises... Enfin, ça, c'était si elle réussissait à rentrer. Et ses négociations qui n'en étaient pas vraiment semblaient vraiment mal engagées en l'état. Heureusement que son éternuement impromptu lui sauva la mise. Sans doute que la culpabilité avait pas mal de poids dans la balance. C'était à son avantage, elle n'allait pas s'en plaindre. Elle en profita juste pour faire mal, puisque c'était dans sa nature d'être franchement revancharde.

            Et puis, il le méritait. Si elle ne savait pas pourquoi elle faisait tout ça, lui, il le savait forcément.

            Mais le coup de tonnerre lui fit l'effet d'une douche froide en plein Boréa. Elle ne s'y était pas attendue, et elle plongea immédiatement le visage dans le dos de l'homme sans demander son reste. Le cœur serré, glacé par le temps, trempé à cause de l'idiot qui la portait, il ne manquait plus que ça. L'orage. Et les moqueries de ce gros nul aussi.

            La ferme, souffla-t-elle d'une voix froide qui ne transpirait plus l'assurance du tout. La ferme, la ferme, la ferme,...

            Elle grogna.

            Dépêche-toi d'aller voir ce que tu veux voir et on rentre, c'est tout ! On a pas à parler toi et moi, et j'ai pas à te confier mes peurs et mes secrets pour que le temps passe plus vite. Alors garde tes pensées pour toi, tes avis par la même occasion, je m'en cogne d'une force qui t'en donnerai-

            Elle ne put terminer. Un autre grondement plus tard, et elle se contenta de trouver refuge dans son dos à nouveau en retenant un petit cri qui aurait sans doute fait rire son porteur.

            Mais pas elle. Lilou ne riait pas. Elle voulait en finir tout de suite et se mettre à l'abri. Et s'il fallait devenir sourde le temps d'un trajet pour s'éviter les remarques désobligeantes d'un illustre inconnu, tant pis. Elle était prête à encaisser.
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            Y a pas à dire, elle est chiante. Et elle se permet de me manquer de respect alors qu'elle à l'air d'être beaucoup plus jeune. J'ai essayé de parler mais pas moyen, elle me griffe ou me mord à chaque fois. Du coup je la ferme et j'en profite pour regarder le paysage de nuit.

            Lavalliers ne m'a pas fait d'effets particuliers si ce n'est que j'ai été profondément ennuyé. Mais quand un éclair chante le monde d'en haut, je sens un court instant l'île s'allumer. Pour de vrai. Et il n'y a pas que le blanc, il n'y a pas que l'étendue, pas que le brouillard froid et brumeux. Il y a de grands lacs d'abord, de grands lacs naturels complètement gelés, et qui doivent l'être toute l'année. Il y a aussi des grands monts dont on ne peut voir le sommet à cause des nuées qui empourprent les yeux de ceux qui n'ont pas l'habitude, nous. Il y a, caché de l'air glacial, un air frais qui à l'air d'assainir les poumons. Je les recrache aussitôt après m'avoir fait la remarque.

            J'aurais bien voulu qu'elle voit ça...

            *croque*

            MAIS TU VEUX QUOI JE PEUX BIEN ME PARLER A MOI MÊME, SI ?

            *coup de tête*

            ...

            *croque*

            MAIS J'AI RIEN DIT !?

            *coup de tête*

            ... J'aurais bien voulu qu'elle voit ça.
            Mais au lieu de ça je tombe sur une hystérique qui a peur de l'orage et qui me mord à chaque fois que je veux en placer une ! Elle me serre un peu plus quand moi je m'émerveille, la lumière qu'il répand sur le monde, ce phénomène inexplicable. Juste un instant.

            Arrête de fermer les yeux, et regarde une seconde !
            Non.
            Pourquoi non ?
            Parce que !
            Parce que quoi ?
            Parce que ! Tais toi !

            Et ça a été comme ça à peu près tous le chemin, à peu près parce que c'était soit ça, soit je me prenais des coups. Donc bon. Finalement, on s'est rapproché de l'entrée de la chute. Comme Charlot l'a dit, l'endroit est surprotégé. Les agents de sécurité ou peu importe comme on les appelle, ont l'air d'être entraîné à pas vouloir dormir. Comment est-ce que je vais faire pour entrer...

            Je me trouve derrière le pied d'un mont, guettant comment rentrer sur le périmètre.
            Entre temps, l'orage s'est arrêté, mais l'inconnue avec la gueulante au max est toujours sur moi. Hm... Il faudrait au moins qu'elle me serve à quelque chose...

            Bingo.

            DIVERSION !

            Je la pousse loin, très loin. Sa chevelure de feu est immanquable après tout ! Le temps que la milice arrive...
              Bwaaaaah !

              Il la poussa, en effet. Et elle, elle se prit les pieds dans une racine d'arbre en se sentant tomber au sol bêtement. La tête la première dans la neige qu'elle dévala comme une boule avant d'arriver sur un terrain plat. Sortant à peine le visage de sous le tas, elle toussa bruyamment en retenant des insultes entre ses dents. Elle allait le bouffer. NON. Elle allait le fouler du pied jusqu'à ce qu'il la supplie d'arrêter, et là seulement elle le boufferait. Se redressant sur ses petits bras, elle se redressa à peine pour voir deux grosses chaussures fourrées se pointer dans son champ de vision.

              Et en relevant la tête, elle comprit, sans trop savoir pourquoi, qu'elle avait été mise dans de beaux draps.

              Passe encore le fait qu'il l'ait kidnappé en la prenant pour une autre, qu'il ait manqué de l'abandonné dans un endroit paumé après s'être perdu, qu'il ait commencé à se moquer d'elle. Lilou était prête à lui pardonner tout ça si seulement il l'avait ramené entière jusqu'à sa piaule. Mais là... LA. Il allait le payer très cher.

              La rouquine se sentit décoller du sol en quelques secondes, quand le garde sous ses yeux l'attrapa par le col de son vêtement et la sortit de la neige. Ses yeux d'ambres se plantèrent dans ceux noirs de son vis-à-vis. La barbe drue, l'air sévère, sous un bonnet qui faisait disparaître ses sourcils, Lilou n'en menait clairement pas large.

              Cette zone est interdite.
              Ah ?

              La rousse papillonna des yeux en faisant mine d'être une véritable idiote. Sauf que dans sa tête, elle était en train de tuer l'inconnu qui l'avait mis dans ce merdier. Rouloulou.. Celui-là, il allait tellement regretter le jour où il était né !

              Et selon les textes de loi de Boréa, quiconque s'approche ou pénètre dans cette zone se doit d'être banni définitivement et laissé au large dans une barque avec trois jours de vivre.

              La rouquine le fixa un temps avant d'éclater de rire. Elle se bidonna même un long moment alors que son voisin, lui, ne semblait visiblement pas du tout trouver ça drôle. Alors, Lilou se calma légèrement. Avant de s'arrêter totalement. Et de sentir l'angoisse monter furieusement dans ses tripes :

              Sérieuuuuuux ? Quoi ?! Mais je ne voulais pas du tout rentrer ! En fait, c'est pas moi ! C'est un gars, il m'a amené ici ! Il m'a kidnappé ce matin et il s'est perdu en partant en courant ! Et ensuite, il a voulu m'abandonner au milieu de nulle part sauf qu'après, il s'est découvert une conscience et il a accepté de me porter ! Puis je sais pas ce qu'il s'est passé après... L'homme d'en face la fixa sans la croire. Elle s'en rendit compte en parlant, que son histoire n'avait rien de très crédible. Et le pire pourtant, c'était qu'elle était simplement vraie... J'avais peur de l'orage alors je me suis planquée, et la minute d'après il m'a balancé ici pour faire...

              Pour faire quoi d'abord ? A quoi servait-elle là ?

              Pour faire...

              Diversion... ?

              OH L'ENFLUUUURE !

              Elle allait vraiment le tuer.
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              Putain, elle va vraiment me tuer ! Mais bon, c'était un sacrifice nécessaire. Si elle avait été gentille, encore, je dis pas... Mais là, elle était franchement pas sympa alors bon.

              Moi, je longe la paroi en attendant un signe. Et il arrive sous la forme d'un garde, casquette, vêtement noir, soit ce qu'il me faut. Mais si la marine m'a bien appris une chose, c'est qu'un type du genre ne marche jamais tout seul. Je pourrais réfléchir, chercher à repérer le deuxième mec, ou à les avoir en même temps mais... Mais quoi ? Ah oui ! Je m'en tape complètement !

              GERONIMO

              Je lui colle une droite en plein la tronchiole, il finit par terre à baver certainement entrain de rêver des plats épicés de sa grand mère. Comme prévu, l'autre arrive de nulle part avec son poing prêt à me foutre un marron brûlant sauf que merde, je suis Kiril.

              Je frappe en premier, petit con !

              Il rejoint son collègue par terre, j'en profite pour mener un p'tit interrogatoire comme j'ai l'habitude.

              Eh, arcasien ! Pourquoi est-ce que vous nous faites autant chier pour pas qu'on regarde votre foutu chute arc en ciel, hein ?
              hehau
              Quoi ? Eh regarde moi quand je te parle ! ponctué de mes phalanges. Héhé.

              Il lève la tête

              Eh baisse les yeux quand j'te parle ! ponctué de mes phalanges aussi. Héhé.

              Je suis chiant comme type... Vraiment épuisant. Mais au moins je me fais rire.

              Tu veux pas me répondre ? C'est pas grave ! On me dit pas ce que je dois faire moi. Je suis la loi partout où je vais. Si je veux regarder un truc, j'ai mes yeux. T'es mes yeux, hm ?
              non
              C'est bien. Bon, un mot avant de perdre définitivement ta dignité ?
              huh
              D'accord !

              ***


              Le pire, c'est qu'elle a cru qu'on allait croire à son histoire...
              N'empêche qu'on devrait la garder plus longtemps, elle est mignonne.
              Moi j'dis que c'est bien, une nana comme ça, qu'elle mente mal. Si jamais tu t'fous avec c'genre de nana, tu sais direct quand elle te double.
              Mouais, moi ça me fait peur. C'est pas, vous savez, ces mythomanes ? Elle avait vraiment l'air de croire à ce qu'elle disait.
              Ouais, on s'inquiétait de ça avec Kirl, du coup il est allé la voir, on va être moins sévère au niveau de la punition, j'pense. Lui donner, cinq jours de vivres, p'têt.
              Dommage, on la reverra plus, du coup.
              Ouep.
              Mais en fait, c'est qui Kirl ?

              ***


              On dirait que mon appât a pas eu la belle vie le temps que je suis parti, héhé. Derrière ses barreaux temporaires, elle me fixe, derrière elle j'vois la faucheuse. J'hésite à la libérer du coup. Mais j'ai l'impression que ce serait pire sinon.

              Dis, tu me frapperas après. Pour l'heure, on doit faire vite. Ces débiles le sont pas assez, alors.

              Elle dit rien... C'est bizarre. Mais à peine j'ouvre la cellule qu'elle bondit sur moi comme une furie. Et cette fois-ci, elle l'a vraiment mauvaise. C'est à dire qu'elle vise mes bourses. Plusieurs fois.

              débile! si... si je... ARGH ! SI JE MEURS ! débile... tu seras expulsée de l'île alors, aide moi à me relever...

              Elle me tend la main, le visage toujours très inquiétant et quand j'empoigne sa sympathie, elle détruit littéralement la mienne. On peut dire que.. je l'ai mérité ?
                En taule avec une promesse d'expulsion.

                Elle n'y croyait pas. Ou alors, elle ne voulait pas y croire. Elle ne sut dire combien de temps elle passa derrière les barreaux à attendre le pire, mais quand l'inconnu revint avec son air benêt, elle comprit surtout qu'il était l'heure de se venger. Et elle se vengea, comme convenu. De là à savoir si c'était vraiment le bon moment, Lilou s'en moquait bien. Tout ce qu'elle voulait, c'était lui faire payer ce qu'il lui avait fait.

                Alors, l'aider à se relever ?

                Pas question. A la place, elle le rossa. Et ensuite seulement, elle le remit sur ses jambes avec un grand sourire. Ils étaient presque quitte. Désormais, il devait la sortir d'ici. Sauf qu'avant, elle devait le menacer :

                Je te préviens, si tu me refais un coup tordu pour m'abandonner à des gardes, ou au milieu d'une forêt, ou pour me malmener encore, la prochaine fois, je me contente pas de te cogner, je te dévisse la tête et je te l'enfoncerais si fort dans ton fondement que tu pourras te lécher la glotte, c'est clair comme ça ?

                Ça avait l'air. Bon, Lilou ne faisait pas si peur que ça physiquement, mais elle avait quand même assez d'aplomb pour effrayer.

                Maintenant, je te suis.
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                Dis...

                Pour confirmer...

                T'es sûr de ce que tu fais ou c'est encore du grand n'importe quoi, là ?
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                Hm...
                  Tu tentes de communiquer là ? Non parce que c'est léger, sinon, comme réponse.
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                  Tu sais, c'est comme l'enfer. C'est facile d'y aller. Par contre d'en sortir... Je suis pas Dante, donc si on a des emmerdes, j'ai prévu de leur péter la gueule.
                    T'es un gars subtil toi.

                    Moi, j'ai prévu de te laisser faire et de rester en dehors de ça.

                    De toute façon, je sais frapper que les cons. T'as bien vu.
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                    Avant que je ne puisse lui rétorquer tout mon argot, une lumière inhabituelle vient amuser mes yeux. C'est en levant la tête que je l'aperçois, encore à des milliers de mètres de nous. La chute ! Elle héberge des myriades de couleurs froides : du violet pâle comme tu aimes, du bleu-gris argent, du vert étincelant ! Une image à couper le souffle, et je ne respire déjà plus.

                    Comme on me l'avait dit plus tôt, j'ai l'impression d'être âgé. Mes paupières polkent sur mes châsses à force d'essayer de les maintenir ouvertes. Et je vois des choses qu'on ne peut pas voir. Je vois... Des sentiments ? Je crois. Comme j'ai été il y a longtemps, happé dans quelque chose de formidable comme la chute. Comme elle, c'était inexplicable. Qui peut comprendre ?

                    S'ils refusent de la montrer au monde, c'est simple.. C'est que c'est incompréhensible. Elle perce l'âme en deux, elle sépare l'esprit du corps, elle efface la raison pour ne laisser que le cœur.

                    Je repense à toi. Sans raison, le cœur est inarrêtable, et c'est pour ça que je t'aime tant. Et c'est pour ça que le mien, de cœur, déborde d'amour qui s'écoule sans arrêt et peu importe le temps, c'est lui qui voudra te reconnaître partout, en n'importe qui et en n'importe quoi. Il voudra te voir partout. Il te voit partout parce que tu me manques et tu me manqueras toujours, toujours un peu plus, tant que je ne serai pas avec toi.

                    Je me demande aussi pourquoi, à quelque chose de si magnifique on donne ce nom là. Comme si tu pouvais être ma chute... C'est ce que j'ai pensé au départ. Mais tu sais, je peux l'accepter parce qu'elle n'a pas de fin. J'ai l'impression de voir mon cœur. Comment est-ce que tu pourrais battre ça ? Comment est-ce que tu pourrais battre quelque chose d'infini ? C'est impossible !

                    Je veux pouvoir t'embraser et t'éteindre.

                    Je veux pouvoir t'embrasser et t'étreindre et à chaque fois te serrer si fort que tu aies cette image de mon cœur. C'est tout bonnement imbattable !

                    Si tu comptes battre ça, dis moi comment.

                    Je suppose que vous avez fini de nous prendre pour des cons ?

                    Oh merde.

                    Hm ? Je suis des votres, Kirl. Je sais pas comment elle a fait mais elle a réussit à s'écha-

                    Pour une fois, c'est moi qui me prends une beigne. Une grosse...


                    ***

                    Haha, merde ! C'est qu'ils plaisantaient pas avec le truc de la barque au milieu de nulle part, avec simplement trois jours de vivre. Héhé, ça va ? Non ? Héhéhé !
                    Rame.
                    Quoi ?
                    RAME OU JE TE PÈTE LES DENTS !
                    Ah ! Oui bien sûr !


                    Dernière édition par Kiril Jeliev le Mer 17 Juin 2015 - 0:08, édité 2 fois
                      Non mais t'es vraiment incroyable toi comme gars... Je devrais pas être là, et par ta faute, j'y suis quand même ! Fallait que tu m'amènes avec toi dans ton merdier, que tu fasses tes conneries et qu'EN PLUS tu te fasses chopper...

                      Comment je pourrais battre ça, hein ?


                      Lilou fronça le nez en se calant dans sa barque. Les jambes ramenées contre sa poitrine pour se tenir chaud, elle lança un regard sombre à celui qui lui faisait face. Pourquoi tout ça ? Pourquoi ? Pour lui, et pourquoi elle ? La rouquine n'entrevoyait aucune réponse à ces questions. Elle se demandait pourtant pour quelle raison elle en était rendue là. Ce qu'elle avait fait pour mériter ça. S'il y avait vraiment un but à cette rencontre, et si tout ça avait un sens pour eux.

                      Elle n'était pas du genre à croire à une instance supérieure. Dieu, le karma, le destin, le hasard. Qu'importait finalement qui réjanter le monde et l'humanité, s'il y avait vraiment quelqu'un finalement ou s'ils étaient laissés sans rien, à croire à des concepts abstraits en espérant découvrir le sens de la vie. Il n'empêchait que le dessein de cette rencontre restait flou pour Lilou. Elle avait beau le fixer en essayant de comprendre ce qu'il se passait dans sa tête, elle n'y voyait juste rien.

                      Et qu'étaient-ils censés faire désormais ? Se regarder dans le blanc des yeux pendant qu'il ramait pour réparer ses bêtises ? Discuter de tout et de rien, en se racontant leur vie respective ? S'oublier momentanément en se souvenant de ce qu'ils avaient partagé ensemble ?

                      Peut-être. Peut-être que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire.
                      Se souvenir d'un instant volé.

                      De ce sentiment unique que peu pouvaient prétendre connaître et partager avec d'autres. Certains étaient chanceux. Comme eux. Parce qu'ils s'étaient trouvés, un peu maladroitement sans doute, à leur manière surtout, et ils avaient réussi à vivre quand même. La seule question qu'elle se posait, malgré ses moues et ses bouderies, était de comprendre pourquoi elle ne l'avait pas connu plus tôt. Peut-être que ça aurait changé bien des choses pour elle, de voir, de comprendre, d'essayer avant de s'en sortir avec lui. C'était curieux, encore. Inexplicable. Incompréhensible, qu'il avait pensé en parlant de la chute.

                      Elle était d'accord avec ça. Ils étaient incompréhensibles.

                      Alors elle esquissa un sourire amusé. Comment pouvait-elle battre ça ? Dans sa recette, il y avait de la ténacité et de l'espoir. Elle était ce genre de personne têtue qui ne jetait jamais l'éponge, jamais avant la fin. S'il y avait une fin, car ce point n'était pas encore certain et il laissait planer une crainte que tout s'arrête un jour. Était-ce possible ? Non. Pas pour eux. Pas vrai ?

                      Au moins, on mangera comme des Rois. Ils ont donné des langoustes.
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                      Pour toi c'est possible de cacher l'allégresse, mais des fois, entre deux coups de rame, j'arrive à percevoir un sentiment autre que la colère ou l'indifférence et ça me fait du bien. J'ai peur que tu le sois. J'ai peur que tu n'arrives jamais à t'exprimer, à me dire ce que tu ressens, ce que tu penses des machins nulles ou chouettes de la vie. J'ai peur que tu n'en aies pas envie. Et tu ne parles pas.

                      Ton nom ?

                      Je te regarde et écoute les sons que tu fais, tu respires fort. Si tu n'as que ça à m'offrir alors je prends, sans me plaindre. Jusqu'à ce que je les connaisse à la perfection. Jusqu'à ce que je sois capable de savoir à quoi est-ce que tu soupires, à quoi est-ce que tu réfléchis.

                      Maintenant, le soleil se lève et je ne sais pas où on est. Est-ce que c'est mal, à ton avis, de ne pas vouloir savoir ? De vouloir être oublié par tout le monde, de vouloir être seul avec l'inconnu encore quelque temps. A cet instant je me sens libéré de tout. Pour une fois, je me sens vainqueur. Quel est ce sentiment ?

                      Je crois que les souvenirs de ces rituels d'amour à la chute boréale m'ont transpercé le cœur et que je les sens vivre en moi. Mais je veux les faire vivre à l'extérieur aussi ! Je ne devrais pas en avoir honte, si ? Et pourtant je sens ma raison me retenir, mes yeux sont incapables d'entrer en contact avec les tiens. Tu vois bien mon expression, et tu ne la comprends pas, et tu ne comprends rien toi non plus. Au final, on est pareil. Mais j'ai l'impression que tu es ma nouvelle némésis, que je n'arriverai jamais à te battre. Sauf que toi non plus parce que...

                      Parce que je suis têtu tout le temps ? Dans tous les domaines ?

                      Ah, ça s'éclaircit.
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