Pulu pulu
Hep, Kiril, bien arrivé ?
Hm... Tu te fous de la tronche de qui là ?
Bon ok, c'est pas l'endroit rêvé mais c'est mieux que d'enfoncer des bides tous les jours, non ?
Pardon ?
Ben... Lynbrook quoi. Mais ! Si tu veux mon avis, "l'aminche", tu devrais te reposer. Un surin, ça pardonne pas. Bonnes va-
Gotciao !
Et maintenant me voilà seul enveloppé par le soupir de Cryos, et mes plaies encore ouvertes craquettent, gelées, sous le souffle de Morok qui m'étreinte d'un froid diabolique. Un froid que je n'ai jamais ressenti jusque-là et surtout un froid qui me fait douter de la température qu'on prête à l'enfer, les jets de feu, la lave, la chaleur, ces conneries qu'on raconte aux gosses, ces conneries auxquelles croient les plus grands, des fois.
Avant, j'étais un bleu marine amoureux, soucieux de dompter sa vie avant qu'elle ne le dompte mais récemment je me suis rendu compte que ce n'était pas possible et me voici. Un point dans la foule. Une tâche dans un paysage endormie, coloré d'une non-couleur qui contrairement à ce qu'ils disent, est loin de m'apaiser, est loin de pouvoir m'apaiser, n'a simplement pas le pouvoir de quoique ce soit à part me geler les burnes.
Boréa qu'elle s'appelle, ma nouvelle némésis. Je suis passé d'une vie, à une femme, à la marine, à une amitié, à une île. Boréa. Il faut toujours qu'elles drainent mon corps de toutes leurs forces, ces "elles", il faut toujours qu'elles me combattent jusqu'à m'assécher de mon énergie, dans l'amour comme dans l'arène, mais la dernière est allée plus loin à la manière d'une mante religieuse, elle a visé mon âme... Avec un poignard.
Boréa ne risque pas de m'attaquer par derrière, elle, mais déjà son décor m'épuise, les lumières du port de Lavallière m'agressent. Mes yeux ne s'y sont jamais fait, à la lumière. Parce que je viens d'un trou, une caverne sombre, putain du Grand Obscur, où les seules flambeaux proviennent des éclairs de génies du crime digne du Mad Thinker. Et leur lampe est pas celle qui éclaire le plus.
Je suis passé d'une vie, à une femme, à la marine, à une amitié... Elles ont toute gagné, tout le temps. Envoyé en vacances sans que je ne demande rien, ça veut tout dire, Harry qui prend ma place aussi, Lana qui me dit que j'ai le coeur là où... Et maintenant je suis coincé dans cette grotte glacée, à jouer la stalactite en attendant un coup de vent, un coup de grâce qui me fera me briser par terre, en mille morceaux.
Mais avant ça, il y a les gens. Ils existent. Et souvent, l'un d'entre eux a un grain. Souvent c'est celui là qui décide de venir me parler.
Hep, pssst, vu ta gueule, t'es clairement pas du coin.
Pourquoi, j'ai une bonne tête ?
Non, tes dents claquent comme un gosse quand il va voir une radasse pour la première fois.
Merde, autant que ça ?
Ouep, autant que ça. D'où c'est qu'tu viens ?
Lynbrook, Grand Line.
Lynbrook !? Bon p'têt que j'devrais r'tourner compter les mout-
Reste ici. Tu voulais quoi ?
Euh...
Tu sais comment on m'appelle là-bas ? Non ? T'as pas envie de savoir, crois moi. Alors qu'est-ce que tu voulais ?
Ben... J'taf au service d'expulsion d'Boréa. Disons qu'y a une sorte d'endroit spectaculaire ici, et que les gens y sont attirés, et p'têt que...
Hm ?
Et bah, l'truc est surprotégé, t'vois, et pis si on t'y prend quand on doit pas t'y prendre, tu fiches plus jamais les pieds ici. Mais comme j'taf ou que j't'ai dit que j'taf, ben si tu voulais ben...
Ah. Tu voulais faire le bon pote qui m'propose de voir un truc extraordinaire puis par derrière me la mettre et récupérer tout ce que j'ai avec l'assurance de plus jamais m'revoir, t'façon ?
Hé-
Beigne qui t'assomme et tu fais un p'tit somme.
Lynbrook m'a appris une chose, reconnaître la gueule d'un bachotteur. Et celui-là était pas franchement fut-fut. Le pauvre dans les vappes tient une sacoche où il semble garder toute sa vie. Voyons voir comment qu'il s'appelle...
Charlot Charlie. Gueule d'escroc, nom d'escroc. J'vais lui prendre sa veste tiens. N'empêche, c'est quoi ce truc spectaculaire ?
Oh merde ! Charlot s'est mangé un pain !
Un maigrichon en débardeur s'approche en courant pour claquer le Charlie comme pour voir s'il est mort.
Et bien, ça aurait pu, mais je ne me sens pas très bien... Attends, en débardeur ?
Eh mec, comment tu t'appelles ? On te paie ta tournée ! Cet enfoiré sans scrupules expulsent n'importe qui pour sa bourse ! Un ptit gars, ou une ptite fille naïve, c'est fini !
Pas de tournée, non... Mais j'aimerais bien savoir de quelle spectacle il parlait ?
Spectacle ? Ah ! La chute boréale ! Laissez tomber, aucun étranger ne peut la voir. Déjà qu'pour un natif, c'est compliqué... Mais j'l'ai vu une fois. C'est magnifique. J'étais jeune, mais j'avais l'impression d'être vieux quelque part... Comme si je partageais ma vision avec des milliers de personnes... Un étrange sentiment. Comme si bah... Comme si mon âme s'était pleinement éveillée ! D'un coup et-
Bah ?
L'éveil de l'âme... Et une chute boréale. Il faut que j'aille voir ça, mon âme presque éteinte, me le crie d'une faible lueur. Effrayant de sentir son corps s'endormir petit à petit quand l'esprit lui a la vitalité d'un môme de trois ans. Je sens tout partir... Et j'ai l'envie inexplicable de me raser la tête.
Mais avant que je ne puisse faire un pas, elle se retrouve brusquement devant moi. Comment est-ce possible ? Et pourtant ses cheveux me donnent l'impression de ne plus être ici, d'être... au loin, à l'opposé, sur South Blue. Non, mieux. D'être là où l'on s'est rencontré, en 1620, déjà deux ans. Est-ce qu'elle se rappelle ? Entouré du monde ou de la réalité sans trop y faire attention parce qu'on se retrouvait pour ne rien faire à deux. Et ses cheveux... sont le soleil juste en face de moi qui me murmure de ne pas jouer avec le feu mais qui me supplie de le faire. C'est elle ! Comment a-t-elle pu me laisser partir, déjà ? Pourquoi n'a-t-elle jamais cherché à m'appeler ? Qu'est-ce que tu faisais, Lana...
Tu viens avec moi !
Et je me mets à courir avec elle sur une épaule...
Dernière édition par Kiril Jeliev le Dim 14 Juin 2015 - 22:33, édité 1 fois