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Jetables. Premières lettres - Dernières lignes. Jetées.

Jenv,

J'arrive. Bientôt. J'ignore si ça a un sens. Je ne pense pas. Je pense que ça peut en avoir. Je ne pense rien. Pour une fois je vais faire et voir après. J'ai déjà fait sans réfléchir, un peu, hier, ou avant-hier, ou je ne sais plus, et je vois maintenant les conséquences. C'est mal engagé. Le monde a peur. Ils parlent dans leur sommeil. Je me demande si moi aussi. Ils implorent ma pitié. Il paraît que l'espoir est vertu d'esclave, mais je ne suis plus esclave.

J'écris avec mes tripes pour te dire que je t'ai aimée avant de mourir. À défaut de te l'avoir dit avant que tu meures. Et les flots engloutiront cette vérité comme le temps a effacé tes libertés passées. Comme les hommes qui ont décidé qu’ils savaient pour les autres, si laids et si faibles et si laids d'être faibles qu'ils ont besoin de modèles à ton image, t'ont figée en une vaillante amirale, belle et juste et incorruptible. Comme ils ont figé Vlat Flermet en un innocent de tout, bon marine, bon mari.

J'en ai vomi mais je me suis guéri de toi. Ou j’ai appris à survivre avec ton départ. Ou j'ai, juste, survécu à ton départ. Parce que je survis, parce que toujours je survis. Parce que je ne sais pas mourir. Je n'ai rien appris. Je ne sais pas si on peut apprendre. Tu as même une statue sur mon île, à Troop Erdu. Je ne t'ai jamais demandé si elle t'allait. Je te le demanderai. Tu me diras. Ha... Ça, ça n’a aucun sens. Je ne serai que poussière, comme toi, et jusque la fin il sera trop tard pour te demander. J'aurais voulu te la montrer. Maman t'aurait aimée, je pense. T'aimait déjà, je suis sûr. Je ne sais pas si elle a oublié ça aussi. La femme mystérieuse dont son fils qu’elle a oublié ne pouvait pas parler, quand il était militaire de renom. Je ne suis pas sûr qu'elle se souvienne. Ça paraîtrait logique que non, mais la logique non plus n’a plus de sens.

Je me suis guéri de tout, je crois. Je peux y aller. J'y vais. Quelques lettres encore, et j'y vais.

Merci.


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Une fois j’ai cru pouvoir changer,
De vie, de destin.
Mais tu es partie, je suis resté.
Je ne t’en veux pas, Sarah.
C’est pour le mieux

Maintenant...


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Liberté, c’était ton nom.
Tu allais, tu revenais.

Mes doigts, chanceux,
Ont effleuré
Ta beauté farouche.
Si farouche...

Je dois me décommander, Liberté. Nous ne nous reverrons pas en 1626, finalement. Le rythme de nos rencontres est brisé. Tu es loin derrière moi, je le sais par les journaux, mais j’en suis aussi un peu responsable, je le sais bien. J’ai tué un garçon hier, ou avant-hier. Un petit qui n’avait rien d’humain. Je repense à Jempa, depuis, ou quel qu’aurait pu être son nom. Je me dis qu’il n’aurait pas pu être aussi raté que ce déjà monstre que j’ai occis. Je me dis qu’on aurait pu s’aider, toi et moi, Liberté. Moi et toi. Et nous, voire, peut-être bien. Qu'on s'est aidés.

Je me demande quel genre de père présent j’aurais pu lui être. Je me demande si Izya aurait été jalouse. Je me demande comment tu vis, comment tu te souviens de moi. Si tu m’as oublié sous le seuil d’une vie tout sauf quelconque, où les projets que tu m’avais confiés ont pris le pas sur tout le reste, moi compris. Si au contraire c’est d’une vie normale que tu cherches à te satisfaire, après ce que tu as déjà fait, avant qu’il ne soit trop tard pour toi. Si tu as préféré être heureuse, égoïste, en m'oubliant moi et en oubliant de vouloir sauver le monde comme tu voulais...

Égoïste, Liberté,
J'aurais voulu l'être avec toi.

Mais dans une autre vie, hein ? On aurait pu, tu sais ? Mais si, on aurait pu... Je sais comment tu as réagi quand j'ai mentionné Jenv, dans ce salon poussiéreux sur Clockwork, et je sais qu'on aurait pu parce que tu m'aimais comme je t'ai aimée. C'est aussi clair dans mon esprit que cette nuit solitaire à Peutin où on a, où on s'est, où on était libres à deux et Viper n'avait jamais existé. Aussi clair que cette aube quand je t'ai déposée sur ce banc, toute endormie, toute abandonnée à l'homme que tu espérais que j'étais. Que j'étais, Liberté, et qu'une part de moi est toujours. Aussi clair que quand je t'ai quittée pour, pour je ne sais plus, pour des raisons qui n'en étaient pas, qui n'en seront jamais. Aussi clair que ces premiers temps à Bliss, avec la nonne. Ce baiser volé, abandonnés au milieu de la mitraille. Aussi clair qu'à Down Below. Tu te souviens de Serenity, Liberté ? C'était il n'y a pas si longtemps. Et je me souviens aussi de la façon dont tu as détesté la reine Alma, pensant que je te délaissais...

On aurait pu, si, Liberté. Je sais que tu diras non. On pourrait encore. Mais plus avec le moi de ce monde, plus personne avec le moi de ce monde je suppose… Laquelle d'entre vous pourrait faire avec un type qui s'appelle comme je m'appelle, qui a fait ce que j'ai fait et qui flotte désormais dans l'éther sans bords de sa folie ? Ce serait de la torture, hein. Hein, Liberté ? Tu ne serais plus libre avec moi. Moi je serais libre avec toi, je pense. Mais certaines ont essayé, et ce qu'elles ont enduré effraierait moins farouche que toi...

Quand tu liras mon nom de nouveau, Liberté, je n'ai qu'un souhait. Souviens-toi de nous. Souviens-toi de ce qu'on s'est offert l'un à l'autre. Moi la force d'être toi-même. Toi l'envie de retrouver qui j'avais été. Ç'a été long, par petites touches. On a dû se revoir plusieurs fois pour y arriver. Je crois qu'on y était parvenus, qu'on s'était apprivoisés, l'espace d'un instant. Un court instant avant que tu ne te cabres sous la contrainte d'une symbiose si contre-nature. J'ai même cru pouvoir te conserver, qu'on pourrait... Ha. Tahar Tahgel, homme libre. Quel fou y aurait cru que moi-même ?

Ha. Quel fou que moi-même, hein...

J'ai lu tes exploits, tu sais ? Tu auras lu les miens, qui n'en sont pas. Si je suis heureux pour quelqu'un d'autre que cette fille dont je t'ai parlé et que tu n'as jamais rencontrée, c'est pour toi, Liberté.

Casse les schémas, Liberté. Tes os fragiles survivront.

Libère-toi toi-même.


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Izya,

Je serai bref comme nos rencontres, il y a bientôt quinze ans et plus récemment. À chaque fois, le temps a filé. Les heures se sont égrenées mais au moins je me souviens de chacune d'entre elles. Je me souviens de cet écureuil qu'on a traqué, la nuit, pour une poulie. De ta fougue et de ton effronterie. Tu te souviens, toi ? Tu étais jeune, une enfant. Tu n'avais pas peur de moi alors que tu aurais dû, que n'importe qui d'autre que toi aurait craint le mauvais bougre que j'étais déjà...

J'aurais voulu ne pas te faire peur quand je t'ai retrouvée la dernière fois, chez ta mère, chez toi. Et en vérité, je crois que c'est mon reflet dans tes yeux qui m'a effrayé moi-même. C'est ce que j'ai essayé de te dire quand j'ai préféré partir. Tu ne comprenais pas. Tu n'aurais pas pu comprendre, je le comprends maintenant. J'ai compris beaucoup de choses depuis que je t'ai quittée.

C'est quand on se sépare qu'on se rend compte de ce qu'on perd, paraît-il. Aujourd'hui, alors que je suis parvenu à la fin de mon monde, je n'ai pas de regrets mais je sais ce que je laisse derrière.

Et c'est douloureux, Izya. Je ne fuis pas, je ne te fuis pas. Je fais ce que j'aurais dû faire il y a longtemps. Ce que je crois juste. Un homme, un vieillard avec un chapeau de cuir que tu aimerais peut-être, m'a dit il n'y a pas si longtemps que si « les hommes luttaient pour faire ce qui leur semble juste, même s’il n’y a nul absolu en matière de justice, ils feraient beaucoup plus de bien qu’à viser le simple assouvissement de leurs envies immédiates ». C'était une phrase pompeuse venue d'un homme libre comme je ne l'ai jamais été, mais elle fait sens là où plus grand-chose d'autre n'en a autour de moi. J'aimerais qu'un jour tu comprennes à ton tour, si tu n'as pas déjà compris toute seule.

Izya, pardonne ton vieux père pour qui il était trop tard, tout fier de toi qu'il était. Et ne l’imite pas :

Sois heureuse.


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Ela,

Je suis désolé. Je t’aimais aussi.


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