PREMIÈRE DANSE
Se jeter dans la gueule du loup
Se jeter dans la gueule du loup
- Soyez la bienvenue ! En un être bien éduqué, par réflexe, la jeune borgne marqua un arrêt pour une inclinaison de bienséance à l’intention du portier du casino ; manquant de se faire bousculer par ceux qui étaient derrière elle. Ces derniers lui lancèrent alors des regards noirs lorsqu’ils la dépassèrent sur le côté. La jeune femme comprit qu’elle venait de commettre son premier faux pas dans ce monde où elle posait les pieds pour la première fois. Se disant de faire plus attention, elle se laissa emporter par la marée humaine qui s’engouffrait dans l’établissement. Elle avait fait exprès de venir à une heure de pointe, se disant qu’ainsi elle passerait inaperçu. Précaution qui ne servirait à rien si elle attirait les regards à cause de ses écarts. Tout en suivant la direction vers le coin qui l’intéressait, discrètement, elle étudiait les comportements des habitués afin de se les approprier. À première vue, il n’y avait rien de spécial à assimiler, si ce n’était que la procédure à suivre pour jouer et qui variait selon les jeux mais elle n’était pas là pour se distraire. Pour l’occasion, la chasseuse de primes avait troqué sa tenue de gamine habituelle contre une robe chinoise courte de couleur noire avec des sublimes motifs rouge doré sur le devant. Elle avait fait exprès d’en choisir une bien échancrée des deux côtés, non pas pour mieux aguicher, mais pour être à l’aise dans ses mouvements, au cas où un combat se révèlerait inévitable. Le vêtement mettait en valeur son opulente poitrine ainsi que ses hanches et postérieur bien généreux. À son passage, des hommes la suivirent des yeux alors que certaines femmes la fusillèrent du regard. Ne prêtant aucune attention aux regards indiscrets, des pas rassurés, la jeune femme poursuivit son avancée. Arrivée à l’espace dédié aux jeux de table, où était censée se trouver sa cible actuelle, la chasseuse de primes ralentit les pas mais ne marqua le moindre arrêt. Avec assurance, elle déambula au hasard dans les allées assez spacieuses entre les tables des jeux jusqu’à ce que son regard se posa sur la tête blonde qui l’intéressait. Sans surprise l’homme était déjà bien calé entre deux femmes aux formes bien féminines mais dont la générosité ne rivalisait pas avec celles de la chasseuse de primes. Si elle était une de ces femmes habituées à n’avoir aucun scrupule à user de leur charme pour arriver à leurs fins, la jeune borgne aurait pris un malsain plaisir à se faufiler entre le blondinet et une de ses conquêtes mais au lieu de cela, délicatement, elle glissa entre la brune, qui se trouvait à droite de sa proie, et un homme d’un certain âge. À peine s’était-elle positionnée qu’une main vint se poser sur sa fesse droite. C’était l’œuvre de l’homme à côté. Gardant son calme, la jeune femme à la chevelure blanche se pencha légèrement du côté du pervers pour lui murmurer gentiment de retirer sa main. Mais, en guise de réponse, la main baladeuse se ferma un peu plus sur son postérieur. La victime de la dépravation posa alors sa main droite sur celle du vicieux puis elle attrapa un doigt de ce dernier pour le ramener légèrement vers l'arrière. Elle n’avait pas retourné complètement la phalange car son souhait était de dissuader le dépravé de cesser son jeu malsain en toute discrétion mais, à sa grande surprise, celui-ci poussa un hurlement comme si elle venait de lui casser définitivement le doigt. - Petite pute ! Tu m’as cassé le doigt ! - Mais qu’est-ce que vous raconter ! Je ne vous l’ai même pas retourné ! Prise au dépourvu et parce qu'elle était une honnête personne, la jeune borgne commit l'erreur de ne pas nier l'accusation. L'assemblée, alertée, avait cessé leurs activités pour assister au spectacle. Même la cible avait arrêté de jouer pour regarder. Alors que des agents de sécurité se rapprochèrent de la scène, la chasseuse de primes maudit intérieurement son infortune. Elle qui désirait rester discrète était devenue le centre d'attention et tout ça à cause d'un vieil obsédé. Les poings fermés d'irritation refoulée, elle réfléchit à un moyen de s'extirper de sa délicate situation sans attiser le feu. Elle pourrait s'échapper en usant de la force mais cela mettrait en péril sa mission. Perspective qu'elle ne voulait point envisager. Elle opta alors pour la solution de ne pas se défendre, du moins pas devant autant de spectateurs. - Qu'avez-vous donc à hurler de la sorte Monsieur Dassia ? Ne voyez-vous pas que vous perturbez les joueurs ? Lança la cible qui s'était avancée. - C'est cette sal … cette fille ! Elle m'a cassé un doigt ! - Elle l'a cassé sans doute parce que vous l'avez posé là où il ne fallait pas ! … N'ai-je pas raison Mademoiselle ? Ne comprenant rien mais voyant là une opportunité à saisir, la chasseuse de primes hocha la tête d'acquiescement et appuya même son affirmation pour chercher à se laver de toute culpabilité. - Il a posé sa main sur mes fesses. Je lui ai demandé gentiment de la retirer mais il a persisté ! Face à la révélation, des chuchotements se firent entendre. La jeune borgne ne prenait aucun plaisir à accuser de la sorte un de ses semblables mais pour atteindre son objectif actuel, elle était même prête à vendre son âme au diable. D'ailleurs, autrement elle ne serait pas là à chercher à attirer l'attention d'un des hommes de la Famille Tempiesta, clan qui trônait actuellement à la tête des Sept Familles, la société mafieuse qui faisait régner la loi à Manshon et qui contrôlait des nombreux territoires sur les Blues.
Le dénommé Dassia regarda tout autour de lui puis excédé par les murmures incessants et les yeux accusateurs des spectateurs à son égard, après un regard qui disait "vous me le payerez" à l'intention de la chasseuse de primes et de la cible, il s'éclipsa, forçant un passage à travers la foule. Les curieux retournèrent à leurs distractions principales alors que les agents de sécurité rebroussèrent chemin. La jeune borgne quant à elle fixa Lamorosa Johnny qui lui, la lorgnait également de son côté ; une expression que la jeune femme n'arrivait pas à déchiffrer se peignant sur son minois de mauvaise graine. Voyant sans doute en la jeune femme à la chevelure blanche, une rivale potentielle, la blonde et la brune de Johhny vinrent s'accrocher lascivement aux bras de ce dernier ; tout en lui lançant des regards assassins. Au lieu de répondre à la provocation qu'elle trouvait sans intérêt, la chasseuse de primes fit une légère courbette à l'intention de son sauveur de circonstance. - Je vous remercie pour votre intervention qui m'a sortie d'une situation fort embarrassante ! … Je n'apprécie pas vraiment de devoir quelque chose à quelqu'un alors que puis-je donc faire pour vous, pour m'acquitter de ma dette ? Il était hors de question pour la jeune borgne de laisser échapper l'opportunité de se rapprocher de sa proie qui était à présent à sa portée. Le bras gauche du chef de la famille Tempiesta était réputé aimer les femmes mais, n'étant pas habituée au jeu de la séduction, l'approche de la chasseuse de primes était plutôt à son image, polie et naïve, et non celle d'une femme fatale ; rôle qu'elle était pourtant prête à endosser mais dont elle avait du mal à se revêtir. L'homme se décrocha des deux sangsues pour passer un bras derrière la jeune borgne afin de la saisir par la taille. Malgré la tentative de ne pas laisser la fille effarouchée prendre le dessus, la jeune femme ne put s'empêcher de tressaillir sous le contact. Un malaise qui n'échappa pas à Johnny qui afficha alors un sourire amusé. - Votre compagnie pour ce soir me suffira empalement ! Murmura le séducteur à l'oreille de la vierge qui freina l'envie de s'écarter de l'homme qu'elle trouvait bien trop entreprenant bien qu'elle s'était préparée à devoir subir ce genre d'initiative. Peut-être me porteriez-vous chance ! … D'ailleurs, je suis attendu à la salle VIP pour des parties de poker. M'honoriez-vous de votre présence belle Demoiselle ? En guise de réponse la chasseuse de primes se contenta de hocher la tête vigoureusement ; trop vigoureusement tant la nervosité la gagnait. Malgré la préparation mentale au préalable à l'idée de devoir se laisser toucher par l'ennemi, elle semblait être sur le point de craquer et se demandait si elle n'aurait pas dû plutôt opter pour une méthode plus dans ses habitudes ; comme rentrer par effraction chez la cible puis la capturer. Mais il était trop tard. Plus de marche arrière possible et abandonner maintenant signifierait certainement l'échec de sa mission. Reprenant son courage à deux mains, la chasseuse de primes se laissa emporter par l'élan de Lamorosa, sous des regards curieux et ceux assassins de la blonde et la brune délaissées. Les deux jeunes gens ne tardèrent pas à atterrir devant une grande porte joliment décorée et devant laquelle étaient postés deux gardes. Après une inclinaison respectueuse, les deux colosses ouvrirent la mystérieuse porte pour laisser passer Lamorosa Johnny et sa nouvelle conquête. La jeune borgne ravala sa salive tout en reprenant sur elle-même alors que la cloison se refermait sous un léger bruit qui semblait lui murmurer qu'elle venait de se jeter dans la gueule du loup. Ils longèrent un immense couloir, richement décoré et baigné sous une douce mélodie d'ambiance. Ils ne croisèrent que quelques rares personnes, élégamment vêtus, et tous se saluaient d'un signe de tête à chaque croisement. Puis Johnny s'arrêta devant une porte qu'il poussa sans attendre. - Après vous ! Une courbette et un sourire séducteur avaient accompagné l'invitation. Avec méfiance, la jeune borgne s'engagea à l'intérieur de la pièce. Effectivement, c'était bien une salle de jeux mais curieusement elle était vide. Chose qu'elle trouva fort étrange mais alors qu'elle se retourna pour interroger celui qui l'accompagnait, un violent coup à la tête la fit sombrer dans le néant. - Navrée ma beauté mais le devoir avant le plaisir ou je me fais éclater par le petit Manuel ! |
Dernière édition par Yamiko le Dim 9 Aoû 2015 - 22:06, édité 1 fois