Jambe de… CRAC.
Le soleil était de mise, trônant dans le ciel tel un aigle royal. Les rayons chauds caressant mon visage. Cette chaleur était couplée à une légère brise de fraîcheur, les deux donnant un résultat agréable et doux. Le vent se glissant dans mes cheveux, touchant le bout de mes oreilles. Un temps idéal, mais certainement pas pour se battre ni pour l’infiltration que nous nous apprêtions à faire. J’aurais bien sûr préféré rester allongé dans les hautes herbes, profitant du passage des nuages au-dessus de moi. Le calme, l’allonge paisible de cette journée interminable. Mais non. J’étais là, prêt à passer à l’action, prêt à entrer dans le bâtiment dans le but de mettre la main sur Jambe de Bois. D’après ses informations et d’après ses énigmes, nous savions déjà dans quelle pièce il se trouvait, à quel endroit précis. C’était là un grand monument, probablement un hôtel avec plusieurs chambre, il ne fallait donc pas se tromper sur la porte à ouvrir.
« On y va. »
Nous n’étions qu’une poignée, mais j’espérais que cela serait suffisant. Nous entrâmes dans le bâtiment, faisant un simple signe au gérant. Nous étions de la Marine, nous étions en uniforme, il ne trouva pas grand-chose à dire en nous voyant entrer de force. Montant le premier étage, puis le second, je me trouvais très vite devant la porte recherchée. Elle semblait propre, non piégée, il ne me restait plus qu’à tourner la poignée. Poignée qui serait très certainement bloquée, fermée à clé ou je ne sais quoi pour nous empêchant de pénétrer à l’intérieur du dit-lieu.
-Lieutenant... Qu’attendez-vous ? On y va ?
« … »
« On y va. »
D’un geste volontaire, je tournais la poignée, même si j’étais certain qu’il me faudrait au final enfoncer la porte pour pouvoir pénétrer à l’intérieur. Etrangement… c’était déjà ouvert. Rien n’était fermé, comme s’il nous laissait le champ d’action libre. Etrange. Etait-il déjà parti ? Etait-ce pour cela qu’il n’avait pas pris la peine de refermer derrière lui ? Possible, probable, même.
-Oh ? Il semblerait que vous ayez trouvé, finalement ?
… une voie venait de la pièce voisine, probablement la chambre. Préparés au combat, nous prirent le temps d’aller voir prudemment. Un homme était là, dans une pièce totalement vide, assis sur une chaise au centre de celle-ci. Le reste de l’appartement n’était pas mieux. Une table, une petite cuisine, rien de plus. Aucun meuble, aucun vêtement, pas même un lit, étrange. En observant les lieux, je me rendais compte qu’effectivement, la fenêtre donnait une vue plongeante sur la scène de crime. Une vision parfaite des lieux, même à plusieurs mètres de distance. Tout était sous notre nez, depuis le commencement de l’affaire. Il nous suffisait de regarder au bon endroit. Il était là, assis, nous contemplant de la tête aux pieds. Il ne disait rien d’autre, attendant simplement que je prenne la parole. Vêtu d’un long manteau rouge, il portait un chapeau, un bandeau noir sur son œil gauche. Une longue tresse passait le long de ton torse, un sabre à la ceinture. Et, évidemment, sa légendaire jambe de bois, symbolique au nom qu’on lui donnait. Il portait trois ceintures, ainsi qu’une longue botte montant jusqu’au genou. Un sourire moqueur, fier, un regard qui montrait sa pleine confiance en lui-même.
« … »
« On t’a trouvé. »
-Jambe de Bois ! Nous sommes là pour t’arrêter ! C’est terminé pour toi, enflure ! Tu vas payer pour tes crimes, tu vas payer pour cette famille que tu as lâchement assassinée ! J’espère que tu ne t’attends pas à de la clémence, parce que c’est la peine de mort qui t’attend ! N’espère jamais revoir la lumière du jour parce qu’elle n’existera plus pour toi ! C’est terminé, rends toi !
Il nous fixait, assis. Pas le moindre mouvement, pas la moindre expression sur son visage, en dehors de cette fierté aveugle. Un petit rire en coin, qui se transforma très vite en un rire sombre et diabolique. Il resserra les mains, les croisant l’une avec l’autre. Il baissa très légèrement la tête avant de prendre à nouveau la parole.
-Je vous félicite, vous m’avez trouvé. A vrai dire, j’attendais, mais je ne m’attendais pas vraiment à voir quelqu’un franchir cette porte. Je suis étonné que vous ayez pu trouver réponse à mes énigmes… J’aurais évidemment préféré que ce ne soit pas le cas.
-Est-ce que tu as des complices ? Est-ce que tu es seul ? Réponds ! Ou on te fera cracher les mots nous-mêmes !
-Alors, Marine ? On laisse parler les femmes à sa place ? Pas très jolie, comme méthode, non ?
« Réponds. »
-Vous devriez savoir que je suis un pirate recherché sur tout North Blue, mais que j’opère généralement dans les petites villes. Ce cas-là était un peu… exceptionnel, si je puis dire. J’agis seul et je n'ai pas d'équipage, ce qui me permet d'être beaucoup plus discret et flexible. En général, ce moyen d’opérer me permet surtout d’empêcher la Marine de me trouver et de m'emprisonner. Je dois dire que vous êtes les premiers, je vous félicite. Cela fait maintenant des années que mon moyen de faire est le même, que je me terre non loin du lieu de mon crime, attendant en général que l’enquête se passe avant de m’éloigner. Et pourtant, personne ne m’avais jamais attrapé. Enfin, attrapé, vous n’en êtes pas encore là, evidemment.
-Jambe de bois… tu es imbu de toi-même, arrogant. Ce sont les indices que tu laisses derrière toi qui t’ont trahi. Tu pensais pouvoir toujours t’en tirer ? Et bien cette fois-ci, c’est terminé. Tu aurais effectivement mieux fais de t’en aller quand tu en avais l’occasion. Maintenant, prépare-toi. Tous tes crimes, toutes ses personnes que tu as tuées, tu paieras pour ça. Cent trente morts, dont plus de la moitié en femmes et enfants, quatre-vingt Marins, le tout en seulement un an. Et je n’imagine pas ceux que tu as pu tuer avant cela. C’est terminé.
-Terminé ? Cela sera terminé quand je le déciderai. Vous me voulez ? Venez donc me chercher. Vous n’êtes qu’une poignée, comment voulez-vous réussir à m’attraper ? Je suis bien curieux de voir cela.
Les six hommes avec moi se mirent en avant, voulant procéder à l’arrestation de Laura Jambe de Bois. Ils avancèrent en direction de la pièce. Leurs pas faisaient grincer le sol, un peu trop, même… Avant que je n’aie eu le temps de les prévenir de s’arrêter ou de reculer, toute la partie entre les deux pièces s’effondra sous leur poids. Une bande d’environ un mètre de largeur s’affaissa, faisant chuter les hommes deux étages en dessous, inconscients. Il ne restait plus qu’Iwa et moi-même pour nous occuper de Jambe de Bois. La tâche ne s’annonçait pas facile, mais nous devions le faire. Nous nous devions de l’arrêter ici et maintenant.
-Je vous attends, Marins !
Il se leva de sa chaise, puis sorti son sabre de son fourreau. Il recula de quelques pas, nous faisant alors signe de le rejoindre de l’autre côté du trou. Malgré le fait qu’il ait une jambe en bois, il n’avait aucunement l’air de manquer de dextérité, bien au contraire. Il semblait agile, confiant, bien sur ses appuis. Je regardais Iwa du coin de l’œil, lui faisant comprendre mon intention. Nous n’avions plus qu’à avancer, nous n’avions plus qu’à sauter au-dessus du trou pour rejoindre notre adversaire. Une fois face à lui, c’était alors un combat au sabre, à deux contre un. Même si nous avions l’avantage numérique, l’homme avait l’air plus que confiant, sachant probablement très bien manier la lame.
-Laissez-moi l’affronter, Lieutenant.
Iwa s’avança seule vers l’homme, décidant de l’affronter dans un duel au sabre. Elle porta le premier coup, mais il put l’éviter facilement, portant à son tour une attaque qu’elle dévia de justesse. Il la projeta au sol sans grande difficulté. Il était incontestablement plus fort qu’elle, mais si elle avait plus de technique… La technique seule ne lui permettrait pas de remporter la victoire. Elle se remit sur pieds. Elle positionna son sabre à l’horizontal, au niveau de ses yeux. Coudes levés, appuie sur les jambes fléchies, positionnée de profil. Aucun doute, elle allait tenter son attaque la plus redoutable d’entrée de jeu.
-Tsubame… GAECHI !
Sa lame partie vers la gauche, avant de revenir à droite d’un geste vif et précis de bas en haut. Tout en effectuant son mouvement, elle avança de quelques pas, passant derrière son adversaire. Cette attaque, il ne pouvait pas l’éviter, elle était beaucoup trop rapide pour s’esquiver. C’était termin… il se retourna brusquement, tranchant le dos de la jeune fille. Criant de douleur, elle tomba au sol, roulant sur le dos. Il avait esquivé son attaque… incroyable. Elle était à terre, se tordant de douleur.
-Une de moins, au suivant. J’avoue être un peu déçu, faibles, faibles…
Sans réfléchir à une réelle stratégie, je fonçais droit sur lui, frappant de toutes mes forces. Il esquivait, il parait mes attaques sans réelle difficulté. Il répondait à son tour avec sa lame. Même si notre force se valait, il avait plus de technique, j’avais beaucoup plus de mal à esquiver ses attaques que lui les miennes. A mon tour, je ripostais, encore et encore, frappant toujours plus violemment mon adversaire, qui se jouait de moi. Esquivant à gauche, puis à droite, il me donna un coup de genou au ventre, me faisant plier. Il enchaîna avec un coup de pied horizontal, me faisant chuter à terre. Je n’arrivais pas à lui tenir tête, il était trop fort pour moi. Il fallait que j’arrive à le désarmer pour l’affronter sans son sabre. Je me devais de me souvenir des conseils portés par Mata Iwa lors de notre petit entraînement. Un mouvement souple, léger, le poignet, et non la force. La dextérité, la souplesse et non la brutalité. Je me relevais, lentement, prêt à reprendre le combat. Je me dressai face à lui, prête à en découdre. Je pris la respiration, le fixant droit dans les yeux. Ma main était ferme mais légère, mes pensées étaient focalisées. J’attaquai à nouveau, utilisant les mouvements appris plus tôt par la jeune femme. Un coup vertical au niveau de la tête, évite. Un coup horizontal au niveau de la gorge, évité également. Qu’est-ce qui n’allait pas ? Pourquoi ne pouvais-je pas le toucher ? Aller, bon sang ! Il s’avança, bloquant mon bras, me désarmant par la même occasion. Il me jeta à terre, pointant son sabre sur ma gorge.
-Tu es faible, trop faible. J’ai gagné, tu as perdu, c’est terminé. J’espère que tu n’avais pas de dernières paroles, parce que je ne compte pas t’en laisser. Adi…
Il s’arrêta de parler. Il s’arrêta de bouger. Son bras se figea. Il tendit son oreille, levant légèrement la tête. Il avait entendu les Marines à l'extérieur. Ceux qui attendaient notre retour, ceux que n'en pouvaient plus d'attendre. Ils arrivaient, ils montaient les escaliers dans un grondement sourd, celui de dizaines de pas retentissant à l'unisson. Ne prenant nullement le temps de terminer sa phrase, il m'adressa un petit sourire avant de briser la fenêtre, s'enfuyant lâchement dans les rues de la ville.
-Lieu…lieutenant… est-ce que vous allez bien ? Je… je suis désolé, je n’avais pas d’autre choix que de… Je suis désolé.
« Je vais bien… merci. »
Me relevant, je ne pouvais pas le laisser partir, sous aucun prétexte. Prenant un court élan, je m'agrippai aux bordures de la fenêtre, me laissant ainsi tomber en bas, poursuivant mon ennemi. Il ne s’échappera pas, jamais.