"Dans le genre ermite pas net, il doit quand même se positionner dans le haut du panier. Faut pas être bien net pour s’exiler dans un coin pareil… "
Odeurs putrides et putrides visions.
C’est de cette façon qu’un citadin, habitué à son petit confort, pourrait décrire sa première impression de la bien nommée Amerzone. À peine s’approchait-on des côtes que l’eau commençait à brunir, perdant peu à peu tout son charme azuré pour prendre une nouvelle teinte, maussade.
Sans qu’on s’en rende compte notre embarcation pénétrait dans une terre hors du temps, un sanctuaire du périple et du monde sauvage.
Une végétation noueuse et cabossée envahissait le moindre espace, longeait la moindre rive, tant et si bien qu’au travers des racines aériennes, la terre et la mer se mêlait, le discernement se perdait, et avec lui nos sens.
La vue s’embrouillait, l’odorat se révulsait et, distraits par le cri sourd d’un oiseau, nos sentiments soudainement s’agitaient.
L’impatience se faisait ressentir. L’idée de faire demi-tour avait quelque chose de tentant.
Quand, enfin, finirait cette traversée ?
"Tu comprendras quand tu le rencontreras, je te garantie.
-Ça explique peut-être deux trois trucs sur toi déjà, j'espère juste ne pas être aussi influençable... Manquerait plus que je me teigne les cheveux en vert.
-Haha, je te parie que tu vas bien l'aimer... Un peu rigide, mais ce n'est visiblement pas ce dont j'ai hérité. "
Fraîchement, ou presque, débarqué au port de Freetown, les croupiers apprentis explorateurs en avait déjà pris pour leur grade.
Qui ne prenait pas plaisir à recevoir une flopée d’injures en réponse d’un simple bonjour, je vous le demande. La faune qui peuplait embarcations et pontons n’était en effet pas bien aimable, composée de vieilles branches collectionnant les cicatrices, elle semblait avoir été forgée dans le mépris et l’hostilité.
Le message avait au moins le mérite d’être clair, ils ne souhaitaient pas être dérangés.
La pêche aux informations risquait de ne pas être une partie de plaisir.
D’un accord silencieux, ils poursuivirent leur route. L’endroit était grand, la capitale de l’île s’ils en croyaient les cartes, ils finiraient sans aucun doute par trouver quelqu’un qui accepterait de les aider. Mais pour cela, il devait se rendre là où la population serait plus diversifiée… voire même souriante.
Nova, qui n’avait pas dit grand-chose au cours de la matinée faute d’une mauvaise nuit, s’était enfin décidée à rompre le silence. Raphaël en fut grandement soulagé, il appréciait les moments de calme mais la traversée de l’île l’avait mit particulièrement mal à l’aise. Malgré ses maintes tentatives pour lancer une discussion, rien n’y avait fait.
Il ne laissa donc pas filer l’occasion.
"Pourtant, je crois que les locaux le battent à plate couture. J'’arrive pas trop à savoir si c’est de la méfiance, du mépris ou purement de la haine. Si tout le monde est comme ça, on va peut-être devoir y aller à la chance… et vu la taille de l’île…
- Bouais… Je crois que niveau accueil, j’ai rarement vu pire, ça va être drôle de trouver des infos. Tu gagnes peut être souvent tes paris, mais j’ai moyen confiance pour l’exploration en solo… Oh bon sang, j’suis tellement fatiguée, je vais pas me montrer patiente longtemps.
- Si on trouve une auberge sur le chemin, ce sera l’occasion de se poser. "
Bientôt ils gagnèrent un quartier qui semblait correspondre aux critères de Raphaël. Des allées de baraques qui croisaient des échoppes, des gens se promenant, vivant par petits groupes et échangeant sans complexe les uns avec les autres, des rires, des cris, des bousculades.
Le lieu était relativement animé et retranscrivait plutôt bien une vie qui aurait pu être citadine.
Et pourtant le charme n’opérait pas.
Tout semblait normal, les gens étaient peut-être un peu plus renfrognés que sur d’autres terres, mais avait l’air de s’en accommoder. Et puis soudain ils les remarquaient.
Plus d’insultes alors, mais de temps à autres de mauvais regards. Des visages qui se retournaient sur leur passage, des portes qui se fermaient et de drôles de murmures. Raphaël arrêta la rouquine alors qu’elle s’apprêtait à provoquer un groupe de jeunes les dévisageant.
Peut-être se montrait-il trop optimiste, mais il avait encore bon espoir de trouver quelqu’un qui pourrait répondre à leurs questions sans leur cracher d’acerbes réponses.
Et puis si vraiment ça ne venait pas… Ce ne serait plus au tour des glaires de sortir.
Mais ce serait en dernier recours.
Discrètement.
Ils n’étaient pas là pour se créer des ennuis.
"M’énervent, m’énervent, m’énervent ! Ils vont me faire attraper une migraine si ça continue !... ", marmonna Nova alors qu’une petite vieille venait de les ignorer royalement. "Je te promets que le prochain qui me regarde de travers je lui saute à la gorge. C’est quand même pas si compliqué de répondre bordel !
- Les touristes c’est visiblement pas leur fort héhé ! oh-"
Bousculé, Raphaël ravala sa réplique. Un petit garnement haut comme trois pommes venait de lui rentrer dedans avec la délicatesse d’un jeune marcassin.
Tout aussi crasseux que ses congénères, mais d’avantage espiègle que mauvais, il repartit au pas de course, sans s’excuser, comme pour chercher à s’éloigner le plus possible des croupiers..
Et tandis que l’une lâchait le chapelet d’insultes qu’elle préparait depuis déjà plusieurs minutes, l’autre s’était déjà lancé à la poursuite du gamin.
"Je reviens !
-Qu-Quoi ?!"
Et elle resta là, la mâchoire tombante, figée dans une expression entre agacement, fatigue et pensées désobligeantes.
Raphaël s’engouffra dans un passage adjacent. Il ne connaissait pas les lieux, mais en avait rapidement saisi l’agencement simple. En quelques foulées il se retrouva à la hauteur d’un croisement qu’il prit aussitôt. Il déboucha sur l’allée principale et se remit soudainement à marcher, la traversant avec flegme, une main dans la poche.
L’enfant était là un instant après, courant, s’assurant qu’il n’était pas suivi en jetant des coups d’œil inquiets vers l'arrière. Il ne l’avait pas remarqué.
Au moment où il passa à sa hauteur, le vert se fendit d’un geste expert, récupérant sans difficulté la bourse que le gamin serrait dans ses petites mains de brigand.
Il ne remarqua l’absence de son larcin que quelques enjambées plus tard. Se retournant pour voir Raphaël lui sourire.
"Je crois que c'est à moi, ça ne t’embête pas que je le reprenne ? "
Il fit sonner les pièces d’or au nez du jeune homme, qui plus que frustré semblait vraiment surpris qu’on ait pu l’avoir si facilement. Il garda le silence un moment, prostré entre son échec et une lueur d'admiration. L’archéologue en devenir y vit tout de suite une opportunité de lancer le dialogue.
Il déchanta rapidement.
"PAPAAAAAAAAAAAAA ! " Lâcha-t-il en commençant à pleurnicher, laissant le temps à un homme robuste de sortir la tête de son échoppe, tout de suite suivi par quelques autres, tout aussi bien bâtis. "Lui là. "
La morve au nez, de fausses larmes coulant sur ses joues et avec une petite voix de chouineur, l’apprentie crapule déclara sa sentence en désignant l’étranger.
"Ca s'permet d'venir chez nous pour terroriser les mômes ? T’vas lui rendre cque tu lui as pris et vit'fait.
- C’est pas exactement ce qui s’est passé, c’est lui qui-
- J’me suis mal fait comprendre ?
- Non mais vous êtes gonflés quand même ! Il -
- 'Quel moment j’t’ai demandé de parler le ruminant ?T'donnes et tu t'casses de not' île. "
Raphaël serra le poing. Il n’était pas du genre à se laisser emporter par les insultes, mais la bande qui commençait à se regrouper ne l’incitait pas à leur laisser le dessus dans cet échange.
Le père sortit une machette, le garçon lâcha un petit rire, les autres se firent plus intimidants.
Ne pas se créer d’ennuis hein…
"Raphaël qu’est-ce que tu-…
-COURS ! "
Odeurs putrides et putrides visions.
C’est de cette façon qu’un citadin, habitué à son petit confort, pourrait décrire sa première impression de la bien nommée Amerzone. À peine s’approchait-on des côtes que l’eau commençait à brunir, perdant peu à peu tout son charme azuré pour prendre une nouvelle teinte, maussade.
Sans qu’on s’en rende compte notre embarcation pénétrait dans une terre hors du temps, un sanctuaire du périple et du monde sauvage.
Une végétation noueuse et cabossée envahissait le moindre espace, longeait la moindre rive, tant et si bien qu’au travers des racines aériennes, la terre et la mer se mêlait, le discernement se perdait, et avec lui nos sens.
La vue s’embrouillait, l’odorat se révulsait et, distraits par le cri sourd d’un oiseau, nos sentiments soudainement s’agitaient.
L’impatience se faisait ressentir. L’idée de faire demi-tour avait quelque chose de tentant.
Quand, enfin, finirait cette traversée ?
"Tu comprendras quand tu le rencontreras, je te garantie.
-Ça explique peut-être deux trois trucs sur toi déjà, j'espère juste ne pas être aussi influençable... Manquerait plus que je me teigne les cheveux en vert.
-Haha, je te parie que tu vas bien l'aimer... Un peu rigide, mais ce n'est visiblement pas ce dont j'ai hérité. "
Fraîchement, ou presque, débarqué au port de Freetown, les croupiers apprentis explorateurs en avait déjà pris pour leur grade.
Qui ne prenait pas plaisir à recevoir une flopée d’injures en réponse d’un simple bonjour, je vous le demande. La faune qui peuplait embarcations et pontons n’était en effet pas bien aimable, composée de vieilles branches collectionnant les cicatrices, elle semblait avoir été forgée dans le mépris et l’hostilité.
Le message avait au moins le mérite d’être clair, ils ne souhaitaient pas être dérangés.
La pêche aux informations risquait de ne pas être une partie de plaisir.
D’un accord silencieux, ils poursuivirent leur route. L’endroit était grand, la capitale de l’île s’ils en croyaient les cartes, ils finiraient sans aucun doute par trouver quelqu’un qui accepterait de les aider. Mais pour cela, il devait se rendre là où la population serait plus diversifiée… voire même souriante.
Nova, qui n’avait pas dit grand-chose au cours de la matinée faute d’une mauvaise nuit, s’était enfin décidée à rompre le silence. Raphaël en fut grandement soulagé, il appréciait les moments de calme mais la traversée de l’île l’avait mit particulièrement mal à l’aise. Malgré ses maintes tentatives pour lancer une discussion, rien n’y avait fait.
Il ne laissa donc pas filer l’occasion.
"Pourtant, je crois que les locaux le battent à plate couture. J'’arrive pas trop à savoir si c’est de la méfiance, du mépris ou purement de la haine. Si tout le monde est comme ça, on va peut-être devoir y aller à la chance… et vu la taille de l’île…
- Bouais… Je crois que niveau accueil, j’ai rarement vu pire, ça va être drôle de trouver des infos. Tu gagnes peut être souvent tes paris, mais j’ai moyen confiance pour l’exploration en solo… Oh bon sang, j’suis tellement fatiguée, je vais pas me montrer patiente longtemps.
- Si on trouve une auberge sur le chemin, ce sera l’occasion de se poser. "
Bientôt ils gagnèrent un quartier qui semblait correspondre aux critères de Raphaël. Des allées de baraques qui croisaient des échoppes, des gens se promenant, vivant par petits groupes et échangeant sans complexe les uns avec les autres, des rires, des cris, des bousculades.
Le lieu était relativement animé et retranscrivait plutôt bien une vie qui aurait pu être citadine.
Et pourtant le charme n’opérait pas.
Tout semblait normal, les gens étaient peut-être un peu plus renfrognés que sur d’autres terres, mais avait l’air de s’en accommoder. Et puis soudain ils les remarquaient.
Plus d’insultes alors, mais de temps à autres de mauvais regards. Des visages qui se retournaient sur leur passage, des portes qui se fermaient et de drôles de murmures. Raphaël arrêta la rouquine alors qu’elle s’apprêtait à provoquer un groupe de jeunes les dévisageant.
Peut-être se montrait-il trop optimiste, mais il avait encore bon espoir de trouver quelqu’un qui pourrait répondre à leurs questions sans leur cracher d’acerbes réponses.
Et puis si vraiment ça ne venait pas… Ce ne serait plus au tour des glaires de sortir.
Mais ce serait en dernier recours.
Discrètement.
Ils n’étaient pas là pour se créer des ennuis.
"M’énervent, m’énervent, m’énervent ! Ils vont me faire attraper une migraine si ça continue !... ", marmonna Nova alors qu’une petite vieille venait de les ignorer royalement. "Je te promets que le prochain qui me regarde de travers je lui saute à la gorge. C’est quand même pas si compliqué de répondre bordel !
- Les touristes c’est visiblement pas leur fort héhé ! oh-"
Bousculé, Raphaël ravala sa réplique. Un petit garnement haut comme trois pommes venait de lui rentrer dedans avec la délicatesse d’un jeune marcassin.
Tout aussi crasseux que ses congénères, mais d’avantage espiègle que mauvais, il repartit au pas de course, sans s’excuser, comme pour chercher à s’éloigner le plus possible des croupiers..
Et tandis que l’une lâchait le chapelet d’insultes qu’elle préparait depuis déjà plusieurs minutes, l’autre s’était déjà lancé à la poursuite du gamin.
"Je reviens !
-Qu-Quoi ?!"
Et elle resta là, la mâchoire tombante, figée dans une expression entre agacement, fatigue et pensées désobligeantes.
Raphaël s’engouffra dans un passage adjacent. Il ne connaissait pas les lieux, mais en avait rapidement saisi l’agencement simple. En quelques foulées il se retrouva à la hauteur d’un croisement qu’il prit aussitôt. Il déboucha sur l’allée principale et se remit soudainement à marcher, la traversant avec flegme, une main dans la poche.
L’enfant était là un instant après, courant, s’assurant qu’il n’était pas suivi en jetant des coups d’œil inquiets vers l'arrière. Il ne l’avait pas remarqué.
Au moment où il passa à sa hauteur, le vert se fendit d’un geste expert, récupérant sans difficulté la bourse que le gamin serrait dans ses petites mains de brigand.
Il ne remarqua l’absence de son larcin que quelques enjambées plus tard. Se retournant pour voir Raphaël lui sourire.
"Je crois que c'est à moi, ça ne t’embête pas que je le reprenne ? "
Il fit sonner les pièces d’or au nez du jeune homme, qui plus que frustré semblait vraiment surpris qu’on ait pu l’avoir si facilement. Il garda le silence un moment, prostré entre son échec et une lueur d'admiration. L’archéologue en devenir y vit tout de suite une opportunité de lancer le dialogue.
Il déchanta rapidement.
"PAPAAAAAAAAAAAAA ! " Lâcha-t-il en commençant à pleurnicher, laissant le temps à un homme robuste de sortir la tête de son échoppe, tout de suite suivi par quelques autres, tout aussi bien bâtis. "Lui là. "
La morve au nez, de fausses larmes coulant sur ses joues et avec une petite voix de chouineur, l’apprentie crapule déclara sa sentence en désignant l’étranger.
"Ca s'permet d'venir chez nous pour terroriser les mômes ? T’vas lui rendre cque tu lui as pris et vit'fait.
- C’est pas exactement ce qui s’est passé, c’est lui qui-
- J’me suis mal fait comprendre ?
- Non mais vous êtes gonflés quand même ! Il -
- 'Quel moment j’t’ai demandé de parler le ruminant ?T'donnes et tu t'casses de not' île. "
Raphaël serra le poing. Il n’était pas du genre à se laisser emporter par les insultes, mais la bande qui commençait à se regrouper ne l’incitait pas à leur laisser le dessus dans cet échange.
Le père sortit une machette, le garçon lâcha un petit rire, les autres se firent plus intimidants.
Ne pas se créer d’ennuis hein…
"Raphaël qu’est-ce que tu-…
-COURS ! "
Dernière édition par Raphaël Andersen le Mar 26 Jan 2016 - 11:16, édité 7 fois