L’intuition était bonne, il s’agit bien des parents de la jeune fille que j’ai rencontré il y a de ça deux ans. Un père et une mère modeste, qui proposent surtout de la nourriture succulente. Je comprends maintenant pourquoi leur fille a dévoré une gaufre en quelques instants, pendant que je m’amusais à lui raconter toutes sortes d’anecdotes. La Marine d’Elite doit surement lui plaire, qui sait si je la recroise un jour ? Nous aurions tonne de choses à nous raconter mais surtout un superbe combat à livrer. Maintenant, je me tente à recommander une deuxième tartelette à la fraise mais l’impression que l’heure défile à toute allure me raisonne et me force à quitter l’enseigne. Le sac bien chargé et la bourse allégée, me voilà prêt à partir avant de lancer une belle promesse comme quoi « si je croise leur fille, je préviendrai qu’elle manque à ses parents. »
Des gens très sympathiques, en tout cas.
Ce bougre de De Ville doit surement s’être réveillé à l’heure qu’il est et aller chercher quelques bricoles ne devrait pas prendre une éternité. Allons jeter un coup d’œil dans la chambre, et que je fasse attention à ne pas me perdre dans cette fourmilière. Surtout que la journée commence à doucement s’entamer, faisant sortir toute la populace et l’autorité de leurs habitacles. Ce sac me ralentit et très loin de moi l’envie qu’on en contrôle le contenu. Bon, je vais passer par les ruelles comme un fantôme et taper une petite pointe si ça me chante. Allez, c’est parti !
[…]
C’était rapide, et ça défoule énormément. Tous ces petits obstacles qui t’intiment de passer par-dessus en prenant un élan et un envol digne d’un ange. Pas très gracieux vu le poids du sac mai- j’arrête, j’arrête. Une vilaine goutte de sueur glisse le long de la tempe tandis que j’entre dans le motel, à la recherche de mon partenaire. Silencieux, direction la chambre, sac à la main. Le petit est tranquillement assis, l’ennui doit surement le rendre malade.
Alors, tu as trouvé ce qu’il faut ? que je lui lance avant de m’assoir à côté de lui.
Oui. Voilà la corde, les sacs et les somnifères ! Ça n'a pas été difficile de trouver tout ça, les commerçants avaient tout ce qu'il fallait !Parfait. Personne ne t'aurais suivi, jeté des regards soupçonneux ? Rien qui ne t'aurais mis la puce à l'oreille ?Non personne n'a demandé quoi que ce soit. Et puis cette Torelli m'aurait attrapé depuis longtemps si elle m'avait suivi.Je ne pensais pas forcément à elle. Bref, de mon côté j'ai tout ce qu'il faut. Je pars en fin d'après-midi récupérer la poulie et confectionner les joujoux. De ton côté, voici tes équipements pour ce soir. Une lame pour casser les vitres ainsi que les vêtements et un sac histoire d'y entreposer les tiens. Tu sais, tu poses la lame contre la vitre et tu frappes d'un coup sec. Les vitres ne servent à rien quand on regarde de plus près, on dirait du papier à cigarettes.D'accord, je découpe les vitres et prend les trésors. Trop facile ! me dit-il en se saisissant de la lame et des vêtements.
En effet, ils auraient dû penser à renforcer la sécurité. Et essaie les vêtements, il ne vaudrait mieux pas que t’accroches malencontreusement ou que tu ne sois pas assez couvert. Au boulot, je mesure la corde qui me semble convenable au niveau de la taille pour y nouer fermement le crochet. Changement de vêtements rapide et raccommodage d’un vulgaire linge noir pour en faire des capuchons, histoire que la tête sois largement couverte. La tenue est convenable, comme au bon temps. Pour ça c’est bon, corde roulée dans le grand sac et tenue pliée, le tout sous le lit. Dernière chose maintenant, les calmants. Trois cachets sortis, posés sur la table et bien moulu de sorte à être bien assimilable et qui ne tacherait pas la couleur de la boisson. Hop, l’affaire est dans le sac. Nous allons avoir besoin d’énergie ce soir, je vais aller m’allonger un peu et attendre l’après-midi.
Et prier au passage pour qu’il ne nous arrive rien.
[…]
Il y avait de l’ennui dans cette « méditation », mais surtout cette remise en question perpétuelle. Pourquoi ci, pourquoi ça, pourquoi je fais tout ça ? Un sabre attractif, un collègue attiré par la richesse avec entre deux un plouc du nom de Lawrence. Toute ces péripéties faites jusqu’à maintenant me semblent bien insensées et quand même dénuées d’intérêt ne serait-ce que se remplir les poches pour recommencer une fois celles-ci vidées. En réfléchissant, si quelqu’un fait ce genre de choses c’est surement qu’il a quelque chose à prouver. Quelque chose qui le pousse à commettre tout ça, ancrée profondément en lui. Ca peut aussi être l’instinct de survie, prendre conscience que l’on possède des compétences non négligeables et d’en profiter comme il se doit. Faut que j’arrête de réfléchir comme ça, ça risquerait de me perdre un jour ou l’autre.
Marre d’être allongé, je décolle ! […]
*Pulupulupulupulu*
Allo ? C’est encore moi, Lawrence ! J’espère que tu es présent car j’arrive vers chez toi. Surtout que je n’ai pas trop de temps, Myosotis m’attend sagement au port.Viens donc, que je t’accorde un peu de mon temps ! J’arrive d’ici quelques instants.Devant la porte, j’appréhende le moment avant de frapper de trois coups. Ca ouvre. A la porte, un senior légèrement endimanché qui m’accorde un léger sourire, quoique franc. Une petite empoignade et me voilà à l’intérieur. Le sac bien serré autour de l’épaule pour paraitre naturel et accompagné d’une mine un peu triste, je fais doucement remuer le sachet de sédatifs dans la poche. Tout ce chemin n’a pas été fait pour rien, encore un peu de comédie et ce sera bon. J’ai tout de même l’impression d’être la pire ordure qui soit. Droguer et voler son mentor… C’est un sacré connard qu’Hollander a face à lui. Mais on ne va pas faire dans les sentiments.
Alors, c’est déjà le moment, héhé ? Remarque que nous nous sommes vu que très peu durant ton séjour.Je le conçois mais il faut dire que les événements se sont déroulés très vite et ce, sans que je m’y sois préparé.
Ne t’en fais pas, va. Nous aurons tout le temps pour nous voir par la suite. Viens donc t’assoir un peu, désires-tu quelque chose à boire ? J’ai souvenir que tu n’aimes pas beaucoup l’alcool. Les temps ont changés, tu peux me servir ce que tu désires. Bien. Prononça l’homme chauve en se levant de son épais siège en cuir.
Tu sais Lawrence, les choses n’ont pas vraiment changées depuis le moment où nous nous sommes « quittés ». Lanca-t-il en cherchant une bouteille dans l’armoire de sa cuisine en coin.
Ah oui ? Où voulez-vous en venir ? Eh bien, disons que j’ai la même considération qu’il y a plusieurs années. Je dis ça car je te sens un peu nerveux, alors qu’il ne faut pas. Si tu as besoin de n’importe quoi, même avoir quelqu’un à qui te confier…Je comprends, c’est plaisant à savoir Ashton. Héhé, la preuve, ta poulie est prête ! J’étais heureux quand je t’ai vu avec ce Myosotis, à faire de l’escalade ensemble. Ca change de ces moments où tu ne parlais pas beaucoup et ne fréquentait pas grand monde. Enfin bon, je ressasse en bon vieil homme que je suis. Dit-il en se dirigeant vers la table basse, pour y déposer les verres.
C’est très gentil à vous, et ce côté de ma personnalité et bel et bien mort aujourd’hui !
C’est bon à savoir, maintenant santé !Santé.
KlingEn même temps, chacun arrose son gosier de ce breuvage brulant. Mon dieu que c’est dégueulasse. Hors de question que je reprenne une goutte de cette boisson.
Où sont les toilettes s’il te plait ? Au fond du couloir ! Merci.Sac à terre, je me dirige vers le pipi-room muni du petit escargophone, prêt à faire retentir le son de l’arnaque. C’est beau, je sais. Le son du denden d’Hollander retentit dans sa chambre. D’un bond, je l’entends se diriger vers l’endroit. C’est l’occasion ou jamais, quelques secondes suffisent ! Sorti, sachet dégainé prêt à être vidé et mélangé. Dans l’autre pièce, un homme cherchant son correspondant au bout du fil, mais personne. Stressé et angoissé, je m’efforce de remuer le verre à l’aide mon doigt le plus rapidement possible, de sorte à ce que même la plus fine particule de médicament se dissipe dans ce liquide ambré. Le voilà qui revient, et l’état du verre devrait faire l’affaire.
Etrange, personne au bout du fil. Boarf, ce genre de chose arrive fréquemment. Pour le peu que quelqu’un se trompe…
Peut-être. Bon, on passe aux choses sérieuses ? Hein ? Allons dans l’atelier, pardi ! Au moins voir ce que j’ai pu faire pour vous. Aaaah, d’accord. J’en brûle d’envie en effet, héhé. Ton alcool doit y être pour quelque chose aussi !
Il est bon, hein ?Avant que nous nous levions, j’incite indirectement mon ami à déguster son verre, étant donné la belle gorgée que je m’apprête à enfiler. Et ca a l’air de fonctionner en plus. Ce genre de petites manies qui fonctionnent à tous les coups. Qui font que ton cerveau réagit quasi-automatiquement si ça fonctionne. Comme quand quelqu’un va exposer une connerie comme un soda, vous pouvez être sûr qu’une bonne partie des gens va partir se rafraichir après avoir vu la scène. Tu divagues Lawrence, faut arrêter de raconter n’importe quoi au bout d’un moment.
Descendu dans l’atelier, une petite boite attend sur l’établi. Tout est bien en ordre, ce qui permet de constater que le professeur n’a pas l’air à court de matériaux. Si l’alcool et les calmants font effet, je m’empare de quelques petites choses et je m’évanoui en vitesse dans la nature.
Et voilà pour toi ! Sans attendre, je déballe l’objet pour l’examiner. Il n’a pas perdu la main dit donc, la poulie est comme neuve. Une sorte de crochet sur le dessus histoire de la fixer, l’endroit pour passer la corde est parfait aussi.
Merci, vraiment.Arrête avec la politesse, pas de merci entre nous. Avec ceci, aucun risque que ça lâche, crois-moi ! Pfiou, ce verre m’a tapé.Je te crois, je te crois. Dis, tu en as fini avec les explosifs ou… ?HEIN ?! Tu sais très bien que ca m’est impossible, petit Lawrence. Qu’il me lance en m’assenant une claque dans le dos.
Oui je me doute bien, mais comme tu m’as dit que les choses n’ont pas changées…
Dis-moi ce que tu veux voyons ! Tester un nouvel explosif, fumigène plus exactement. Intéressant, a quoi penses-tu ? Plastique et aluminium, histoire de m’amuser à créer une épaisse fumée. Plastique et alu hein… Pour la forme c’est b-Ooooah pardon, bien. Mais pour le fond, ce sont des matériaux assez toxiques. Juste bien faire attention à ne pas respirer la fumée. Si tu en inhales ce n’est pas la mort, mais ça risque de faire mal au crâne. Bien sûr, en bon prof-Oooah professeur, je te fais confiance quant à la possible utilisation de ces engins, hein. Grand dieu, ce que je suis fatigué.Ça arrive, surtout que tu as fait la fête hier.Ou-Oui, nous avons fêté la retraite d’un ami et…Et ?Et je vais m’assoir. Fais ce que tu v-Ooooah, merde alors.Ça va passer, regardez-moi m’atteler à la tâche, comme à l’époque ! Je peux me servir en tubes et matériaux ? Fais comme chez toi. Les pots sont là et les tubes sont dans la caisse, près de la porte condamnée. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le voilà qui commence à piquer du nez sérieusement. L’air de rien, je mélange les composants et commencent à remplir les tubes et les tasser. Pas beaucoup de poudre histoire de maitriser l’aspect « bruit ». Une demi-dizaine devrait faire l’affaire, mieux vaut trop que pas assez.
Les explosifs, quel plaisir autant pour les oreilles que pour la vue, tu ne trouves pas ? Ce moment où ton petit bâton commence à s’embraser et balaie tout autour de lui. C’est là qu’on se rend compte qu’un rien peut nous rappeler à quel point nous sommes… Ashton ? Asht-
Endormi, la tête sur le côté. Quelle efficacité, n’empêche.
Bien, la dynamite est prête et blottie au fond du sac. Je fais bien attention à tout ranger dans l’atelier pour ensuite aider Hollander à aller dans son lit. Je passe un peu partout histoire de m’assurer que toute trace de mon passage est bel et bien effacée pour ensuite prendre discrètement la porte, sans aucuns bruits. Maintenant, je retourne à l’hôtel pour informer De Ville que nous avons juste à attendre la nuit tombée.
[…]
Pas de regards ni quoi que ce soit en arrivant à l’auberge, je monte et part m’enfermer dans la chambre.
Un dernier briefing, exposé à voix basse.
Désolé d’avoir été long, mais tout est en place désormais. On récapitule : ce soir nous sortons d’ici vers deux heures du matin. Une fois à l’arrière du musée, nous enfilons nos tenues et planquons nos vêtements dans nos sacs à dos pour les laisser cacher quelque part, dans une poubelle par exemple. Je grimpe, je te fais grimper et je descends le premier afin de larguer les fumigènes et sécuriser la zone. Tu viens derrière moi et commence à remplir les sacs. Nous repartons par le même endroit pour ensuite attendre notre contact qui va arriver en charrette. Pour ce qui est du moyen de transport, nous n’aurons pas le choix que de trouver une embarcation. En espérant que ça passe.
Après un long moment d'attente et un ultime briefing, nous étions prêts. Les affaires bien réparties dans les sacs, le plus grand en possession de mon partenaire. Nos sacoches contenant les vêtements sont fermement accrochées en bandoulière. Comme d'habitude, il n'y a pas trop de discussion. Chacun sait ce qu'il a à faire et est concentré sur son rôle pendant ce rapide fauchage. Ça va être du gâteau, me voilà détendu juste comme il faut afin de cartonner une fois là-bas. Le tavernier sait que nous quitterons la chambre « tôt le matin ». Sans aucun bruit, les affaires sont rassemblées et nous quittons l'enseigne à pas feutrés.
Dehors, la ville est totalement endormie. Il n'y a pas un chat, mis à part quelques gens passant de temps en temps. Nous n'empruntons aucune voie « principale » afin de nous déplacer jusqu'au lieu du vol le plus discrètement possible. Une fois dans la ruelle nous faisant nous tenir bien en face du bâtiment, je jette un œil par dessus les murs pour m'assurer que personne ne nous attend. Pas de Torelli en vu ou de groupes de soldats en planque. Mais afin d'être sur à cent cinquante pour cents, je commence à doucement prêter l'oreille pour sonder les sons alentours.
Ce que je dois avoir l'air bête en faisant ça, à fermer l'oeil et à remuer la tête par petits mouvements vifs comme un aveugle. En tout cas, ce don est diablement efficace. Ça peut prendre du temps jusqu'à ce que cela fonctionne mais, pour le coup, je n'ai rien remarqué d'anormal. D'un geste sur, un signe est lancé à Myosotis pour que nous nous précipitions vers l'arrière du musée.
Là-bas, nous nous changeons en vitesse et commençons à déposer la poulie et la corde au sol. Comme prévu, les sacs contenant nos vêtements civils sont cachés un peu plus loin, entre deux poubelles.
Enfin, nous y voilà.