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Du sens de l'orientation légendaire des hommes

Le punk boude.

Depuis que nous avons pris le large et qu'Aimé a pris la décision de rentrer sur Alvel pour se reposer, Kiril est plus ou moins distant avec moi. Et comme en général, les relations humaines et moi ça fait à peu près quinze ou exponentiellement plus, aller lui parler et poser à plat ce qui ne va pas n'est absolument pas ma spécialité. Des brèves discussions que j'ai pu avoir avec lui, cette volonté de prendre le large n'est pas tout à fait anodine, et des dires de Rei, concerne pour la majorité cette crainte qu'il a eu de me perdre lors de son sauvetage.

Tenter d'améliorer les choses ne suff pitas à faire en sorte que ça soit vrai, il faut souvent passer au-dessus et avoir une vraie et sincère discussion avec lui. Sauf que sur ma longue liste de spécialité que je peux avoir, ça n'en fait malheureusement pas partie. Une semaine entière que Rei est à bord avec nous, une semaine durant laquelle communiquer avec les autres s'est avéré compliqué, et pas seulement parce qu'humainement, je n'ai jamais été habile. Le fait que mon oreille gauche me mène la vie dure y joue aussi pour beaucoup.

Je n'entends plus rien avec elle, si ce n'est un bourdonnement qui ne cesse jamais et qui ne va pas en s'améliorant. Linus n'arrête pas de me dire (ou plutôt de me crier dans l'autre oreille), que ça reviendra avec un bon médecin et du repos, mais je n'y crois plus. Sloth a pris un bout de moi lors de notre affrontement, et une oreille en moins c'est déjà trop. Je fais croire aux autres que je ne m'en formalise pas, que ce n'est pas grave, même si au fond, ça m'agace quand même pas mal. Entre la brûlure qui me mange la moitié du cou depuis l'histoire avec Végapunk et maintenant ça, j'ai l'impression qu'y laisser un peu de ma peau à chaque entrevue devient une habitude.

Et ça ne doit pas en devenir une.

Devant cette évidence, je rejoins Kiril sur le pont, là où il zone avec Aimé les trois quarts du temps. Après une discussion avec l'aîné de Serena, j'ai récupéré l'éternal pour Alvel. Il nous a mis sur la bonne piste, continuer ainsi ne devrait pas être très compliqué, même pour deux quiches comme Kiril et moi. Aimé s'est méfié d'abord, mais devant mon air assuré a finalement eu confiance. Il nous a prévenu qu'en une semaine, on devrait être à bon port.

Punk, c'est toi le capitaine ! Que je lui lance en déboulant à côté de lui, lui balançant l'éternal entre les mains au bout d'une chaîne à mettre autour du cou : C'est donc toi qui tiens la barre et qui dois nous amener à bon port !

Il va pas tarder à me sortir qu'il n'est pas navigateur, et gnagnagna, mais je ne lui en laisse pas le temps puisque nous avons beaucoup plus important à gérer, et c'est donc à mon capitaine et meneur d'homme qui se prend pour un bg que je me confis :

Alors Capitaine, j'ai pris des résolutions cette semaine. Plusieurs pas très importantes, comme par exemple ne plus permettre à Yarost rentrer dans ma cabine. J'ai posé des pièges un peu partout d'ailleurs, tu lui diras. Nouant mes cheveux en un chignon haut, je me place du bon côté pour pouvoir entendre ses réponses. Là où mon oreille droite pourra capter ses mots : Enfin, y'en une autre qui compte : Je suis résolue à ne plus laisser qui que ce soit me blesser encore. C'est dingue ces gens, tu mets en jeu un doigt, ils te prennent le bras. Tout ça parce que je suis soit-disant pas très sympa et super primée.

Et en disant ça, le journal est arrivé ce matin, il paraît. Linus me l'a sorti en agitant sous mon nez les primes en question. Celle de Kiril est haute, encore plus après les événements d'Hungeria. Nul doute qu'après l'épisode sur l'Alcatraz, elle augmentera encore. Pour ma part, je ne m'en vante pas mais je n'en ai pas honte. Je sais pourquoi elle est là et ce qu'elle vaut sur mes actes :

D'ailleurs, t'as vu ma prime ? Ils m'ont pris sous mon plus beau profil, je trouve. C'est déjà pas mal !

Et en disant ça, je la lui colle sous le nez alors qu'il ferait mieux de tenir la barre.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 24 Avr 2016, 13:03, édité 1 fois
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Et silencieusement je la regarde, détaille ses pupilles noires comme l’encre du plume que j’utilisais quand je lui écrivais. Toutes ces lettres, ces mots, je commence à les voir d’une autre façon. Je commence à profiter et me réjouir du temps que je passe avec elle parce que je sais que celui-ci a certainement une courte espérance de vie. Alors, au lieu de craindre ce qu’il me réserve, je le remercie pour ce qu’il m’offre. C’est en adoptant cette façon de penser que sa seule présence est devenue un véritable phénomène qui nous isole du reste du monde, rien que ça. C’est grâce à ça que je remarque ce que je n’ai jamais pu remarquer avant : des imperfections… comme des histoires, les siennes, sur sa peau ; des mimiques invisibles quand on y prête pas attention ; l’autre visage, celui qu’elle a sous le masque, énième masque, que lui a offert cette prime, l’autre visage, celui qu’elle a sous ce masque, celui qu’elle met pour faire en sorte que l’on pense que tout va bien. Mais ce que je perçois surtout c’est que quand bien même être avec moi la soulage un peu, il y a toujours cette partie sans couleur en elle et elle sait qu’elle le restera à jamais. Quand elle y pense, elle est souvent loin, elle se retire inconsciemment à ma vue. Puis, nageant littéralement dans ses pensées, elle regarde l’océan comme cet ennemi éternel que l’on a depuis si longtemps que le perdre nous ferait de la peine.

C’est bon tant que tu es ici. Yarost ne les laissera pas te toucher. A moins que ce soit un groupe de nanas… argumentées.
Ah bon ? Et c’est pareil pour toi ?
Non. Mais si on perd Yarost, on perd notre atout. Je ne suis pas sûr d’avoir suffisamment de force pour me battre contre une pareille bête.
Moi je suis sûre que j’en ai, au moins ! Vu toutes les raclées qu’il se prend !

Pour quelques mots le monde s’efface. L’équipage, le bateau, même l’océan et l’horizon. Il ne reste qu’elle et moi, et les mots qu’elle dit. Il n’y a plus ni les masques ni cette partie d’elle qu’elle craint, il n’y a plus que ce qui est vrai, que ce qui reconstruit le monde, le mien cette fois, mon propre monde. C’est comme, alors, retirer un voile, retirer une manière d’être et simplement dire ce qui est. Alors quand nous sommes seuls dans ce monde, à sa vue, je me rends compte qu’elle est belle. Je m’en rends compte mais je l’ai toujours su, c’est étrange.

Tu es jolie.

Elle l’est. Il m’a été simple de le dire. Dans ce monde, c’est vrai, l’instant d’après ne fait pas peur, tout ce qui compte ce sont les vibrations qu’émettent le corps. Des vibrations ?

C'est vrai. Ce monde n'existe pas. Pourtant, les vibrations, elles, sont bien réelles et l'Attrape-Rêve tremble comme le reste de l'équipage à bord. Que se passe-t-il ? Soudainement, l'océan se déforme et les vagues s'élèvent.

Nou... Nounours ?
Une tempête... Une tempête arrive, Kiril !

Le ciel, calme jusque là, change de couleur en quelques battements de cœur. Je serre le poignet de Lilou de peur qu'il ne lui arrive encore quelque chose. Aimé n'a pas tort. Il s'agit d'une tempête, mais ce qui se dessine au loin est encore plus terrifiant.

Une tornade... Une tornade devant nous ! Lilou, dans la cabine !
Qu'est-ce qu-
C'est un ordre !

La météorologie étrange de Grand Line n'est pas un mythe. Et un malheur ici n'arrive jamais seul.

Ta longue-vue Kiril ! Regarde l'eau, juste devant !

Mes châsses s'écarquillent et gonflent de torpeur... Impossible.

Un maelstrom..?
Non, Kiril ! Il y en a plusieurs ! Il faut qu'on sorte immédiatement de là !

La tornade quant à elle, grandiose et menaçante, danse sur la piste du désespoir des hommes, des tourbillons énormes qu'on ne rencontre que dans les histoires délirantes d'un vieux pivé pilier des comptoirs de rades malfamés.

Il faut faire demi tour, Nounours.
J-j-je crois qu-que ce n'se-sera pa-pa-pa-pas possible ! Regardez aut-t-tour !

Linus à l'autre bord contemple avec effroi le spectacle. L'Attrape-Rêve est piégé de toute part ! Et... tous ces éléments qu'on pourrait croire être hasardeux ne sont pas l'affaire de notre présence ici au mauvais moment. A Lynbrook, plus particulièrement au Savoir Lounge, mon père avait dégoté un livre d'étranges histoires d'équipages confrontés à la mer de la Cinquième voie de Grand Line. On pourrait douter du témoignage des auteurs anonymes mais tous décrivaient : Des tourbillons, une immense tornade et un vent tempétueux. Tous l'oeuvre d'un seul être, le Roi des Mers qui hantent nos océans. Poséidon !

On ne pourra pas sortir d'ici avant de l'affronter. On ne pourra pas sortir d'ici si on ne le bat pas, même.
Si on ne bat pas qui ? De qui tu parles ?
Je crois que je sais ce qui se cache derrière tout ça. Et si j'ai raison, il doit être là, quelque part, sous l'océan... Poséidon.
    Ok.

    Me faire envoyer comme une enfant de cinq ans dans la cabine de l'équipage, on me l'avait jamais faite de ma vie. Même du temps où Oswald était mon supérieur et où il s'inquiétait pour moi à la moindre mèche de travers il n'avait pas osé me donner des ordres de ce genre, notamment parce que sinon, après, il aurait été un homme MORT. Mais c'est peut-être même pas le pire dans cette histoire, non. Le pire, c'est que je me retrouve en effet dans ma cabine, posée sur ma couche, les bras croisés sur la poitrine à voir les meubles de ma chambrette se faire ballotter à droite puis à gauche pendant que ça hurle sur le pont sans que je puisse rien entendre de mon oreille bouchée.

    Depuis quand j'obéis, moi ? Je veux dire... j'obéis à un ordre qui n'a aucun sens, aucun but, et qui transpire la peur de perdre ? Je pousse un long soupir tandis que le tiroir de ma commode prend ses aises et ses libertés et se retrouve catapulté à l'autre bout de la pièce. Je glisse sur mon matelas, sans m'arrêter de ronchonner. C'est contagieux, la peur ? Si oui, faudrait éradiquer cette maladie du navire avant que les autres soient touchés.

    Je secoue la tête, croisant le regard de Yarost caché dans mes affaires. Va savoir comment ce petit crétin est arrivé là, mais je n'ai pas encore trouvé le moyen de m'en débarrasser définitivement. Lui, notre atout le plus précieux ? C'est une petite crasse ambulante et perverse, et Kiril s'est pris d'affection pour cette petite chose abjecte qui pourtant ne doit pas penser que du bien de lui. Nos yeux se croisent donc, et il sent un frisson lui remonter l'échine. Pris la main dans le sac là où il a l'interdiction formelle d'être. Ça va chier.
    Mais plus tard.

    Depuis quand Kiril est un trouillard comme ça ? Que je lui demande alors qu'il me fixe avec de grands yeux, l'air de pas comprendre pourquoi je ne l'ai pas encore frappé. Il hausse les pattes après un moment de flottement, l'air de me dire « parce qu'il l'a toujours été mais t'inquiète ma douce, moi je te protégerais de tout ». Mon absence de réponse en dit long sur ce que je pense. Je me redresse et vais vers la porte. C'est ça, planque toi et sors que quand on te le dit.

    Le temps a viré de tout beau, du magnifique ciel bleu à perte de vue à la tempête sans pareille. Je suis loin d'être un poids lourd, et il se pourrait même que j'ai du mal à avancer jusqu'au punk sans me sentir soulever par les bourrasques de vent qui ont pris le pas sur le reste. Aimé et Linus vont et viennent et tentant de rattraper les cordes, le gouvernail semble devenir comme fou alors que la toile tape et vire de bord à tous les instants sans qu'on puisse rien y faire. L'attrape rêve est en proie à un adversaire qu'il n'a encore jamais affronté semble-t-il, pire que les Charybde et Scylla que j'ai traversé en mer avec l'agent Hisachi avant de rejoindre les Rhinos Storm.

    Grand Line réserve tant de surprises, c'en est fascinant. Et effrayant évidemment. Mais je pense avoir plus peur des hommes pour ce qu'ils font que de la nature pour ce qu'elle est. Douce et dangereuse. C'est ainsi qu'elle signe ses actes. Là où les hommes mentent, surinent et violent à tout va, elle n'a toujours été qu'honnête avec ceux qui vivent d'elle. Pleine de surprises cependant, et d'une spontanéité étrange. Mais comme tout, elle est ballottée par une balance, après la tempête reviendra le beau temps :

    On traverse ça, à pleine vitesse ! On ne s'aventure pas vers les creux, on prend juste les courants et on arrivera à sortir de cet enfer ! Je réussis à hurler ça à Kiril avant de rajouter : Sans peur, c'est mieux encore !

    De toute façon, nous n'avons pas le choix.


    Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 24 Avr 2016, 13:03, édité 1 fois
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    Elle m'énerve. Mais, je préfère l'ignorer avant que l'on perde une cohésion dont on aura besoin pour se sortir de là. Si on s'en sort. D'accord, capitaine, que je dis. Je vais pour activer les jets dials du navire pour augmenter nos chances de ne pas être englouti par un maelstrom... de 4%. Je sais que ça ne sera pas suffisant, il faut que je réfléchisse... Les voiles ? Elles sont déployées mais le vent part dans tous les sens, il détruira le grand mât en quelques secondes avec leur aide si on ne les remonte pas.

    Il faut hisser les voiles, Nounours !
    C'est impossible, imbécile ! Le vent est bien trop puissant !
    Je le ferai moi-même, dans ce cas... Lilou, il va falloir qu'on fonce vers la tornade entre temps.

    Passer entre les tourbillons est aussi un plan auquel j'avais pensé avant d'observer à la longue-vue ce qu'il y a après. Eh bien, il n'y a rien que du pareil, après. Des tourbillons au grand loin. On pourrait s'amuser à zigzaguer indéfiniment pour retrouver l'océan mais je suis certain que ça serait une perte de temps. Si le chemin jusqu'à la tornade parait désert de tout risque, c'est qu'il doit y avoir une raison.

    Tu es dingue, hein ?
    Oui. Je pense qu'après la tornade, il n'y a rien, pas de tourbillon. Après, il devrait être là... Poséidon. Fais-le !
    Impossible, gros neuneu ! Peu importe combien l'Attrape-Rêve est rapide, on ne pourra pas la traverser sans qu'elle le détruise.
    Fais confiance à ton bateau !
    Mais... Mais une goutte d'eau te rend plus faible que Yarost ! Alors une tornade !?
    Je serai dans la cabine.
    Et si le toit s'arrache ?
    Il ne s'arrachera pas !
    Et si la cabine s'inonde ?
    Lilou...
    VOUS PENSEZ QU'ON A LE TEMPS POUR PRENDRE UNE TASSE DE THÉ AUSSI, PEUT-ÊTRE ?

    Je pousse Lilou vers le gouvernail et me dirige vers les câbles. Nounours a raison. Du temps, on en a jamais autant manqué. J'ai l'impression que des milliers de fins nous attendent, et qu'elles viennent vers nous. Malheureusement pour elles, je suis le genre de type qui n'attendra pas le vent pour éteindre la flamme. Je déciderai du sort que j'aurais, et je ne mourrais pas en mer. Ni Linus, ni Rei, ni Nounours, ni Yarost. Ni Lilou. Je le sais parce que je l'empêcherai. Parce que je suis le capitaine.

    Il faut absolument que l'on aille à Alvel, après. J'ai sous estimé Grand Line et son océan. Il faut que l'Attrape-Rêve se munisse de plus d'options pour contrecarrer les plans de cette radasse bleue. Mais pour l'instant, on se contentera de sa volonté de vivre et d'exister en tant que le bateau qui aura vu se réunir l'équipage le plus atypique du millénaire. Au moins.

    Je tire sur le premier câble, la grande voile me résiste tant que je prévois qu'elle se déchire si je continue. Il faudrait la nouer à la main et pour ça... grimper ?

    N'y pense même pas ! On se servira des roues, on les déchire ! Toutes !
    Les déchirer ?
    C'est ça ou ce vent bizarre nous mène aux tourbillons !

    Il marque un point. Je n'arrive pas à déterminer dans quel sens le vent se dirige vraiment, certainement un peu dans tous les sens. Dans tous les cas, avec les voiles affalées, on irait vers la mort avant même d'avoir essayé de l'éviter.

    Et c'est, en un sacré bout de temps quand même, seulement la seconde fois que je vois Nounours sortir son meitou. Il le tient comme je tiens un os de mout' et crée trois lames d'air précise auxquelles les voiles ne résistent, évidemment, pas. Elles tombent instantanément et Linus, Rei, Nounours et moi les foutons au large alors que j'observe Lilou au gouvernail, pétrifiée.

    APPUIE SUR LA MANETTE ! TU VOULAIS APPRENDRE A NAVIGUER NON ? JUSTE... APPUIE !

    Puis je disparais dans la cabine. En croisant les doigts. Très fort.
      Je grelotte comme jamais. Même Drum ne m'a pas paru aussi éprouvant du temps où j'y étais et que j'envoyais des lettres à Kiril pour lui dire que si l'enfer existait, il devait être recouvert de neige et de glace. Il devait s'appeler Drum, et être plein de pirates comme de révolutionnaires. Un rictus s'affiche sur mon visage, alors que les tremblements sont comme frénétiques et qu'ils tiennent mon corps entier. Chaque goutte est comme gelée, le vent est glacial, il n'y a rien à faire pour se réchauffer. Même les mouvements que je fais pour tenter de maintenir le navire à flots sont pénibles à cause de tout ça. J'ai l'impression qu'une épaisse couche de béton recouvre mon corps, emprisonne mes muscles, et chaque geste est une torture d'efforts qui ne change pas grand chose à l'issue de tout ça.

      Est-ce que j'ai peur ? Je ne saurais le dire, là. Peut-être parce que la fatigue qui me tire le corps quand nous cherchons à maintenir le cap de l'attrape-rêve et nous sauver la peau est plus forte que le reste. Tout semble parfaitement irréaliste autour de nous, ce déchaînement sans pareil n'est peut-être finalement qu'un cauchemar que nous affrontons sans en avoir le choix. Mais la violence elle-même donne l'impression de ne pas être vraie tant elle s'impose à nous sans qu'on ait pu la voir venir.

      Je me dis qu'enfin, j'étais peut-être mieux dans la cabine. Rei, Linus, Aimé, ils luttent tous pour y survivre et moi, voilà ce que je me dis. C'est ridicule. Kiril doit la rejoindre pour sa part, et l'ordre qu'il me hurle me fait finalement réagir avant qu'il ne disparaisse. Sa place est là-dedans de toute façon, sinon, il ne pourra jamais passer cette obstacle que nous monte Poséidon lui-même.

      Mes mains se jettent sur la dite manette que Kiril m'a désigné tantôt. Les muscles de mes bras se tendent pour le tenir mais le déchaînement des courants malmène un peu plus le navire et j'ai du mal à maintenir le cap là où nous devons aller. Apprendre à naviguer à la dure, hein. Je n'ai jamais voulu ça. Je préférais largement le moment où Aimé me confiait l'Eternal en me confiant qu'il avait déjà fixé tout ce qu'il faut où il faut pour qu'on ne se trompe pas de direction. Il n'avait probablement pas prévu la suite, aucun de nous n'est doué pour ça. Pour sentir les frictions dans l'air, le plomb dans l'oxygène que nous respirons, l'humidité qui affaiblie un homme comme Kiril, et tout le reste. Les variations dans l'atmosphère sont mystérieuses pour nous tous, et nous nous les prenons de plein fouet à chaque fois...

      Accroche-toi !

      L'ordre que tonne Aimé m'arrache une grimace de frustration. Mes mains sont rivées sur les commandes depuis peu de temps et pourtant j'ai l'impression qu'il faudra me les briser pour que je puisse lâcher prise. Je lui lance un regard furieux alors qu'il vient soutenir mes gestes là où le navire n'en fait qu'à sa tête, et où le temps est clairement contre nous :

      Je fais que ça !

      Il grogne. Lui aussi en a marre de tout ça, de tout qui s'annonce mal.

      Parce que face à GrandLine, nous sommes infiniment petits, et infiniment faibles. Mais lui comme moi avons le désir de protéger les amis qui sont ici, et à qui nous tenons. Rei s'agrippe comme elle le peut à une corde nouée. De son bras remis, elle maintient Linus auprès d'elle pour qu'il ne soit pas embarqué par les vagues qui se déchaînent sur nous maintenant. Nous sommes trempés jusqu'aux os, et Aimé me tient partiellement à l'abri de sa carrure.

      L'eau salé m'éclabousse, m'aveugle un temps. Froncer les sourcils ne suffit plus, le sel semble m'être lancé dans les yeux directement par Poséidon lui-même. Et les courants changent de sens, nous en captons un qui nous rapproche d'un tourbillon incroyablement grand. Aimé donne un grand coup pour tenter de virer de bord. Nous luttons vainement.

      Je crois qu'il faut savoir accepter son sort parfois.
      Ou alors en tirer parti.

      Qu'est-ce que tu fais ?!

      Je viens de repousser l'homme d'un coup de coude. Il se retrouve contre le bastingage, manquant de passer par-dessus bord. Et sans crier gare, je reprends le courant qu'il a tenté de fuir. L'attrape-rêve prend de la vitesse comme jamais, et même les vents semblent avec nous. Tout va vite, et je n'ai que peu de temps pour réagir sur l'instant. La gravité s'inverse quand nous rentrons à peine dans le tourbillon duquel nous commençons à faire le tour. Les vents soufflent mais n'ont que peu de prises sur nous. Le cap est fixé sur la tornade qui nous attire inexorablement.

      Nous la contournerons. Nous la frôlerons.

      Je pousse les dials à bloc pour nous sortir du courant, nous quittons le tourbillon de justesse, captant ensuite un autre courant nous menant vers un autre. Même si tout semble dur, le soutien que revient m'apporter Aimé m'aide. Il a compris où je voulais en venir.

      Tu danses avec la Mort, rouquine, ne l'oublie pas !

      Je lui adresse un sourire, alors que la Tornade nous guette d'un œil mauvais.

      C'est ta sœur qui m'a appris cette valse... Suis ses traces, et tu verras !
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      Et du fond de ma cabine, veillant l’œil sous la fenêtre, j’ai vu l’Océan se déchaîner comme il ne s’était jamais déchaîné sur aucun navire avant le nôtre, navire coincé dans son étreinte féroce. On nous prévient que cette partie de Lui, ce côté terrifiant, existe réellement et que nous pauvres idiots, la chassant de notre tête, on préfère la vivre et la rendre véridique à travers les histoires des autres, à travers les poèmes et les pièces de théâtre animées sur les grandes places. Alors comme vexé, Il a décidé de s’en prendre à nous avec une violence qui empoisonnera toutes nos espérances de Le voir comme il était auparavant.

      La mer nous donne une leçon à retenir, elle restera à jamais plus puissante que nous les hommes. Et que, si on se vante de pouvoir en jouer, de colère, elle peut très bien nous anéantir sans qu’on ne parvienne à l’arrêter, n’importe lequel de ces hommes qui oublient un peu trop parfois qu’ils ne sont qu’invités ici. Je la soupçonne en grinçant des dents, de ne pas nous avoir choisi nous par hasard. De ne pas m’avoir choisi moi, par hasard.

      Le plus grand charpentier du monde, celui qui prétend pouvoir se jouer d’elle avec des bateaux que j’équipe de gadgets puissants et rusés pour contourner ses sautes d’humeur. L’Attrape-Rêve lui, comparé à ce que je pourrais trouver à Alvel, l’île où mon rêve se concrétise, est le plus faible de mes créations car je l’ai réalisé à Armada. Malgré ça, j’ai pensé prendre la mer sans qu’elle ne nous pose de problèmes, en la méprisant pensant que je suis un pirate redoutable.

      Et c’est vrai, c’est ce que j'ai honteusement pensé jusqu'à ce que la nature ne me montre cette facette d'elle. Depuis la prime, je ne suis plus l’homme que j’étais quand je suis arrivé à Dead End.

      L’homme que j’étais avant ça, même... L’homme que j’étais quand j’ai rencontré Lilou.

      J’ai changé d’une manière terrifiante et j’ai gagné la réputation d’être un homme sans peur aucune mais avec qui boire n’est pas trop difficile, plutôt bon avec ceux qui ouvrent leur bobine pour dire des trucs pas cons, plutôt bon avec les innocents dans la misère qu’on laisse sous les règles atroces de ces dirigeants qui ont le cœur où les poules ont les œufs.

      Le mec qui s’est retrouvé avec une histoire connue par toute la batelée. Cette confiance en moi, je m’en retrouve maintenant humilié et je sais que j’ai grand-chose d’un paranoïaque mais je ne veux pas croire que ce soit une coïncidence. L’Océan me barre le chemin vers mon rêve, vers une courte pause qui me séparera de lui jusqu’à la prochaine fois. Il me défie en faisant appel à tous ses pouvoirs rien que pour m’enterrer me faire souffrir l'agonie même après mon passage en Enfer, à force de me remémorer ce qu’il m’aura fait perdre.

      Mes aminches. Ceux pour qui j’arracherai la mâchoire puis le cœur d’un inconnu, son cadum et sa grognasse, ceux pour qui je défierais n’importe lequel de ces arcasiens en uniforme, en capuche ou en casquette, ceux qui font cinquante mètres, ceux qui en font quarante-neuf de moins, ceux qui s'habillent de paille, ceux qui se parent de babioles dorées, ceux de petite famille, de moyenne, de grande, ceux avec les fers, les fers invisibles et ceux qu'on voit.

      En clair tout le monde, océan de merde.

      Et si j'ai pris de la tronche, et si j'ai bonne langue, et si je m'attige, cher Océan,
      Ce n'est certainement pas pour me plier à tes exigences, les voir disparaître pendant qu'ils prennent tous les risques pour qu'on se sorte de ta furie... insignifiante en fait, parce que tu ne fais partie que de la foule de chafouins que je sacrifierai sans hésiter si jamais on essayait de me les prendre de force. Mes aminches.

      Je les vois tous lutter à la barre parce que tu es magnifique et puissant, parce que ta force est sans doute sans limite, parce que l'Attrape-Rêve n'est qu'un insecte ridicule dans les mondes que sont tes bras et dans la prison infernale qu'est ta bestialité. Et tu grimaces, parce qu'il est impossible pour eux d'ignorer ça et que pourtant ils persistent à te défier avec ce que l'humain a de plus fort et de plus chiant : sa capacité à être putain de têtu.

      Comme Lilou l'a fait, c'est à moi d'ouvrir la porte de la cabine et de sortir les rejoindre sous le déferlement de la Grande Bleue. Mes muscles se détendent aussitôt, dès leur contact avec l'humidité, et mes pas se font de plus en plus incohérents. Je tends ma main affaiblie et arrive à atteindre les épaules Nounours qui est bien trop occupé à tenir la barre pour se foutre en rogne parce que je suis là. Je les rejoins dans leur tâche quand le bateau est à deux doigts d'être pris dans la tornade.

      Son courant est d'une force divine. La volonté de l'homme aussi. La nôtre plus que celle des hommes d’ailleurs, parce nos liens et notre passé à chacun forment les racines d’un arbre gigantesque. Et si la forêt doit faire face au déchaînement d’une quelconque divinité, des millions d’arbres pourront tomber mais il restera toujours le nôtre.
      Et c'est plus avec espoir qu'avec force qu'on arrive à hisser l'Attrape-Rêve hors de son martèlement.

      Nous l'avons contourné et maintenant tout n'est plus que silence.



      Silence coupé par mon derrière sur la couverte. Boum. Je n'en peux plus. Mais avec les dernières forces qu'il me reste je souris au soleil revenu et puis je me marre.

      Haha. On l'a fait s’agenouiller devant notre Equipage, ce fils de radasse !
        C'est comme si nous passons une étape. Comme si soudainement, nous franchissons le pas d'une porte et que l'ambiance tourne du tout au rien. Le déchaînement de la tempête cesse comme il est venu, aussi brusquement que possible. J'ai l'impression alors que l'air que j'avais tant de mal à aspirer quelques secondes plus tôt me brûle et me réchauffe doucement la gorge en même temps. Ça pourrait être douloureux, ça l'est, mais de concert, ça m'apaise. La tempête est terminée, voilà, et l'effort que mes muscles ont entrepris aussi.

        Je relâche la barre et Aimé en fait autant, Kiril qui nous a rejoint s'écarte à peine et je manque de m'effondrer à même le sol sans me rattraper. C'était des plus éreintant. Avec le Léviathan, nous avons vécu pire, mais à bord de cette bête, de ce monstre de navigation, les choses étaient bien différentes. Tout était largement moins éprouvant, moins dangereux. Nous étions un roc difficile à bouger, qui ne souffrait pas des vagues ou de l'agitation du mauvais temps. Le Léviathan me manque terriblement, il faut le dire.
        L'attrape rêve est très loin de lui. Physiquement, et dans ses formes aussi. Kiril le dit comme mon navire, mais à son bord, je ne ressens pas la mer de la même manière que sur le Léviathan. Je ne l'ai pas construit de mes mains, rénové à la sueur de mon front. Je n'en ai pas fait un monstre immuable et puissant. L'attrape rêve est comme une petite chose à peine née qui affronte le monde avec une certaine naïveté. Il est vif, rapide, nerveux. Là où le Léviathan était affreusement lent, un géant à mouvoir, un roc qui déboule sur la colline sans qu'on puisse l'arrêter.

        Différents donc.
        Je ne saurais dire pourtant si je préfère l'un ou l'autre. Il faut que j'apprenne à connaître l'attrape-rêve comme j'ai connu le Léviathan pour m'en rendre vraiment compte. Pour l'instant, j'éprouve juste ces différences en plein cœur, comme un coup dans le diaphragme qui m'empêche de respirer.

        Enfin...

        Je soupire ce mot qui soulage immédiatement tout le monde. Prête à me tourner vers Kiril comme pour lui dire « bah tu vois, c'était pas si pire ! » et qu'il n'a plus à s'en faire pour le reste parce que nous sommes tirés d'affaire. Mais non. Dès que je vais pour esquisser ses mots, coincés au bout de ma langue, un grondement furieux résonne sous l'océan, et dans la seconde qui suit, d'énormes bulles remontant du fond de l'eau effleurent la coque de l'attrape rêve et le font vibrer étonnemment fort.

        Le sol tremble, et se dérobe sous mes pieds. Je me raccroche à ce que je peux, à la rambarde, pour voir que par-dessus bord, sur un diamètre immense, une ombre fabuleuse passe sous notre coque, la touche même dans un grincement étrange et s'esquive plus tard. Et là, le remou se fait plus incroyable encore que la tempête que nous venons de traverser et qui s'évapore derrière nous :

        Merde !

        Nous n'arriverons pas à Alvel très vite. Pas en affrontant coup sur coup un ouragan puis un monstre marin. Une nageoire s'extirpe de l'eau et elle fait bien douze fois la taille de notre navire. Quand elle retombe lourdement à l'intérieur, les vagues qu'elle produit nous arrose de la tête au pied. Et déjà trempés jusqu'aux os, je ne pensais pas que ça pourrait être pire. Nous n'avons pourtant vu qu'un vingtième de la créature qui en a après nous. Et un vingtième, c'est rien.

        NON MAIS C'EST QUOI CA ?! Que je hurle en me tournant vers Kiril qui aimerait bien me rétorquer un truc avant que j'ordonne déjà de faire quelque chose pour décamper d'ici. Fuir semble être la seule issue possible.

        Mes cheveux me collent au visage, j'essaie d'enlever le sel qui me brûle les yeux. Nous n'avons plus de voiles pour avancer à cause de la tempête, et pas un souffle de vent à prendre de toute façon.

        Et avec ça, nous allons devoir nous en sortir.

        Dans ce genre de situation, étrangement, le Léviathan me manque. Je regrette de ne pas l'avoir pris avec moi en partant, même si je n'aurais jamais réussi de toute façon. Alvel me semble si loin encore. Tellement que je pense que jamais nous ne l'atteindrons. Pourtant là-bas, Skye a promis de me ramener Bee, et le Serenity. Et si je n'y vais pas... Ils vont devoir faire sans moi, encore. Et moi sans eux. Encore...

        C'est à croire que le destin a toujours eu un sens de l'humour assez cruel.
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        Du sens de l'orientation légendaire des hommes 1463865027-pose

        Après nous avoir arraché de l'intégralité de notre force en excitant les eaux, Poséidon apparaît comme le boss du niveau que l'on a à affronter tout de suite après, sans avoir récupéré, sans avoir beaucoup d'options non plus parce que sinon ce serait trop facile. Sa gueule monstrueuse s'élève à des dizaines de mètres de la surface, il peut aisément gober l'Attrape-Rêve s'il le souhaite. Et qui sait, peut-être qu'il le souhaite ?

        J'aimerais répondre à Lilou que tout ira bien, que l'on se sortira de l'impossible encore une fois mais là je sèche... vraiment. Qu'est-ce que l'on peut faire ? Je ne tiendrais même pas debout si j'essayais de me redresser, faute à la flotte, l'humidité et la peur. Surtout elle. Elle pompe plus d'énergie qu'une radasse, qu'un marmot ou qu'une Lilou.

        Je reste muet tout en sachant que si je ne prends pas une décision tout de suite, on pourrait dire adieu à l'équipage et ses rêves d'ailleurs.

        Kiril !

        Nounours force le regard ce qui veut dire que Nounours lui non plus n'a pas de solution. Je grince des dents si fort que toutes les petites souris du monde ont du m'entendre. Puis je prends une grande inspiration.

        Je sa-
        J-j-je s-sais !
        Hein ?

        Linus a disparu une seconde dans la cabine fourre-tout et est revenu avec des fioles et des solutions chimiques, je suppose. Des trucs de toutes les couleurs. Qu'est-ce qu'on pourrait bien faire de ça, hein ? Lui jeter à la figure et lui provoquer une sérieuse démangeaison ?

        Oh bonne idée ça ! Tu peux nous rendre invisible ?
        ...
        Invincible ?
        N-NON !
        Ah ! Immangeable alors ?
        F-f-ferme là!

        D'accord.

        A quoi est-ce que tu penses Linus ?
        F-f-fuir ! C-ce m-mon-monstre est tr-tr-trop p-p-puissant !
        Qu'est-ce qu'il y a dans ces fioles ?
        D-des so-solu-lu-tions v-v-variées, j-j-juste, jette les d-d-dans sa gu-gu-gueule !

        Nounours s'exécute et la fiole va se perdre dans le monde qu'est la bobine de Poséidon. Quelque chose d'étrange se produit dans son corps, certainement, parce qu'il commence à se tortiller sans raison. On regarde Linus mais il ne semble pas avoir la réponse. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il faut actionner la manette des jets pour se barrer le plus vite possible de là. Ils ne nous aideront pas beaucoup vu la taille de la bête mais c'est la seule option qui nous reste... Pour l'instant.
          Et ça, je le jette ? Demanda calmement Aimé en désignant une fiole de son gros doigt.
          Oui !

          Il y a un bruit de verre brisé. Aimé vise bien. La fiole s'éclate et dégage une fumée verdatre au contact de la peau du monstre. Celui-ci serpente comme l'animal qu'il est, poussant un sifflement d'outre tombe qui me glace le sang. C'est désagréable. J'oublie souvent que je suis si petite comparée au monde. Minuscule, une anecdote sur une ligne de journal. Face à lui, je suis contrainte de m'en rendre compte.

          Et ça ?
          Oui !

          Nouveau lancé franc. Qui vise juste. A peine en dessous de l'oeil. Cette fois-ci, la fumée est rose, il s'en dégage une odeur sucrée et plutôt agréable qui semble adoucir la bête. Elle siffle toujours, même si, cependant, elle s'apaise momentanément. Le sel colmaté sur ses narines laisse passer ce parfum délicat, qui nous parvient aussi alors que Kiril, comme moi, cherchons à prendre la tangante plus que jamais. Discrètement, nous nous activons, nous bougeons, pour aller et venir, et réactiver tous les mécanismes déjà usés...

          Et ça aussi ? renchérit-il, l'air soucieux.
          O-Oui !
          Même si y'a marqué « danger de mort » et que ça semble suspect ?

          Linus craque. Aimé prend trop de précaution, sans doute intimidé par la présence en face de nous qui se fait plus imposante encore. Ses dents claquent furieusement, comme prête à nous dévorer. Je serre les mâchoires quand je vois mon ami se saisir de sa fiole et la lancer droit sur la tête de la bête. Au contact, le verre se brise à nouveau et s'éclate comme dans une explosion, faisant reculer à peine le monstre marin qui grogne. Cette fois, plus de sifflement, il s'agit d'un hurlement furieux de celui qui n'a pas apprécié la tentative. L'une de ses queues sort de sous mer et perce dans notre direction, manquant de se ficher dans le bois du navire. Avec Kiril, nous arrivons à peine à la dévier. La mousse salée nous éclabousse, et le punk manque de lécher le parquet, soudainement vider de ses forces.

          Pas bon.

          Mais Linus ne perd pas espoir, et lance une seconde offensive : Une goute de sueur perle sur son front, alors qu'il se pince à la suite le nez comme pour se protéger. Il sait exactement ce qu'il vient de faire. Quand il y a un nouveau tintement de verre brisé, la bête se redresse brutalement et le temps semble s'arrêter. En quelques secondes, notre odorat se retrouve aussi agressé que celui du monstre qui se projette en arrière pour tenter d'échapper à cette odeur innomable. La nausée me monte, alors que les vagues nous balotent quand le monstre se tortille sous nous de dégoût :

          OH BORDEL ! Je m'accroche à une rambarde en me pinçant le nez comme je le peux. Mais la bille me monte déjà aux lèvres et mon cœur prend les montagnes russes en agitant mes tripes au passage.
          Qu'est-ce que c'est que ça ?! Hurle Aimé en se tenant les narines de peur qu'elles ne s'en aillent sous le choc.
          M-Maintenant, on s-s-s-en va ! Ordonna le chimiste qui manque de se casser la figure quand le corps de Poséidon frôle et bouscule l'Attrape Rêve en s'enroulant sur lui-même pour faire disparaître ce parfum nauséabond.

          Ses yeux noisettes se rivent sur Kiril. Le punk n'a encore rien dit, mais il n'en pense pas moins. Tant qu'il pense à leur sauver la peau, c'est bien tout ce qui compte pour Linus.
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          Je regarde le fond de ma poche en redoutant ce qui arrivera si. Malgré les efforts de l'équipage pour remettre le bateau en route, dans l'espoir de fuir ce monstre, moi à bout de force, je me tiens assis le regard vidé d'espoir. Ils ne me regardent pas, ils savent ce que la flotte me fait. Je suis faible. Il n'y a que Yarost pour me tenir compagnie avec ses grands yeux qui ont l'air de tout comprendre ce qu'il y a dans mon cœur. Et dans ma tête.

          Qu'est-ce qu'il y a petite bête ? Tu le sens aussi ? Tu sens sa présence infernale sous l'Attrape-Rêve, toi aussi ? Il nous arrachera le nôtre si ton vieil aminche ne joue pas son rôle de capitaine jusqu'à la fin. Je ne sais pas ce que ça pourrait bien me faire, ce que ça pourrait bien faire, mais pour le vaincre n'est-ce pas la seule solution ?

          Il ne dit rien.

          Je me transforme en Komodo pour fuir à l'odeur nauséabonde et Yarost me chuchote de ne pas trop être moi. Mais qui d'autres puis-je être ? Un peu plus fort et digne de confiance comme Nounours ? Un peu plus intelligent, un peu plus prudent comme Linus ? Un peu plus... Comme Lilou. Je suis déjà comme elle, en y réfléchissant. Elle est débile et entêtée et inconsciente aussi et insensée mais là où elle me ressemble le plus c'est qu'elle fera toujours passer ceux qu'elle aime avant. Et ça Yarost, c'est quelque chose qu'on a et qui ne disparaît jamais.

          Maintenant, j'entends l'océan gronder. Poséidon est juste en dessous bien qu'on ait avancé de quelques centaines de mètres depuis qu'il s'était enfoui dans son royaume. Il est bien trop gros, long et large, et, si je ne dis rien après ça, c'est vraiment que ce n'est pas le moment de faire de l'humour. Je serre ce qu'il y a au fond de ma poche, mon bras entier tremble. Je dois être fou. On en raconte des histoires terribles sur lui.

          Poséidon enrage sous le navire, l'odeur de la solution de Linus l'a fait monter d'un cran sur l'échelle de la bestialité, il sort son immense tête de l'eau, face à la double-proue du bateau. Je me lève et j'avance. Je serre mes doigts entre eux en le tenant fermement. La gueule ouverte, cette fois-ci n'est pas un avertissement, la prochaine fois qu'il la ferme c'est qu'on sera tous dans son estomac, rongé par l'acide.

          Et ça y est, il plonge à une vitesse ahurissante sur nous, assombri le ciel comme si c'était la fin et puis je le sors, le reject dial qui était terré là, au fond de ma poche. Il absorbe la totalité de la puissance de son attaque mais ça ne suffit pas, il faut le lui renvoyer. J'hésite une seconde avant de me souvenir que je ne laisserai jamais les arcasiens derrière moi crever, et puis j'élance mon poing en plein dans sa tronche, sans oublier, jamais, de crier :

          Beigne dans ta gueule et tu baignes dans ton sang

          Le reject dial multiplie la puissance du coup absorbé par dix et la gueule de Poséidon se creuse en un point avant que l'onde de choc ne l'élimine complètement. Et c'est ainsi qu'il ne devint plus qu'un lointain souvenir. Mais le contrecoup pour moi a été si violent que je ne sens plus mon bras et pour cause, les os sont tous disloqués de mes phalanges à l'épaule. En sang et les veines éclatées, je m’effondre sur la couverte après un gros vertige.

          Kiril !?
          doc, illico