Retour aux bonnes vieilles valeurs, finie la boucherie, le carnage et les coups donnés à droite à gauche sans réfléchir. La dualité de la piraterie et du Gouvernement Mondial entre leurs deux héros, leurs deux effigies, luttant à armes quasiment égales.
Voilà une dizaine de minutes que je tenais tête au barbare qui affichait désormais une expression sombre et des vêtements déchirés. Plus de chemise de lin, mais des lambeaux blancs et rouges pendant sur son torse recouvert d'hémoglobine. Le corps tailladé par une multitude de blessures superficielles, l'ennemi se tenait toujours droit et restait concentré malgré la froideur de son exaspération, cependant les quelques entailles qui avaient percé à travers son armure de fluide avaient visiblement fini par rendre certains de ses mouvements plus lents ou plus grossiers. Je n'étais pas dans un meilleur état : recouverte de la tête aux pieds d'hématomes, j'avais récemment senti quelques côtes se rompre à la suite d'un coup de pied bien placé sur mon flanc droit et un tendon de ma jambe gauche venait tout juste de m'abandonner, pour me laisser quasiment unijambiste dans le combat qui se profilait. Si au départ le gaillard voulait me garder en vie pour s'amuser avec moi par la suite, désormais ses yeux trahissaient d'autres pulsions.
- Finalement j'ai changé d'avis. Il n'y aura pas de survivant. m'intime-t-il enfin avec soulagement, avant de se précipiter vers moi.
Le coup est prévisible et je tente déjà de me déplacer pour l'esquiver, cependant mon mollet n'est pas de cet avis, me clouant sur place. J'observe le poing de l'ennemi se recouvrir à nouveau d'une couleur noire tandis qu'il fait appel à son Haki, prend de l'élan et...
- Tekkai !L'espace d'une seconde, la carapace semble résister à l'attaque... avant de se briser subitement et me laisser savourer la puissance du coup de poing porté à mon visage. L'attaque est dévastatrice et m'envoie brutalement heurter le dénivelé du gaillard d'avant, dans lequel je m'enfonce sur une bonne dizaine de centimètres. Les étoiles dansent, mon corps lui chute et heurte le sol du pont principal, que j'épouse sans aucune résistance. Sonnée comme une cloche, j'ai le sentiment que mon cerveau est en train de couler hors de mon oreille, qu'il s'enfuit par mes narines et macule avec son sang les planches en bois sur lesquelles je demeure allongé. C'est foutu. J'entends les pas de mon adversaire qui se dirige tranquillement vers moi, prenant un malin plaisir à profiter de sa victoire, finalement si facile et si immédiate. Il a seulement fallu d'un tendon, d'un talon d'Achille. Je sens malgré tout mes forces revenir mais lentement, trop lentement en comparaison de l'allure de l'homme qui vient s'agenouiller devant moi et me saisir par le col, par le biais duquel il me soulève comme une poupée de chiffons.
- Tu t'imagines peut-être que j'en ai terminé ? ricane-t-il tout en rapprochant mon visage ensanglanté de sa gueule diabolique.
J'essaye d'agir, mes mains s'accrochent à son bras, tentent de le griffer mais l'homme s'est revêtu de son armure invisible et mon agitation semble n'avoir pour seul effet que d'accentuer son rire gras et monstrueux. Puis soudain, un nouveau coup de poing vient brutalement heurter mon visage pour m'arracher à la tenaille du bonhomme et m'envoyer rouler contre le bastingage.
- Je ne fais que commencer.Même si je peux encore prévoir les attaques, je ne suis plus à même de les éviter. Mon corps est endolori et le dernier coup m'affligera à coup sûr d'un œil au beurre noir pour les prochains jours. Néanmoins tout n'est pas perdu, non, car mes forces n'ont pas totalement disparu et c'est ainsi que j'arrive à redresser l'échine à la force de mes bras, puis à me remettre debout pour faire face à l'opposant qui demeure cette fois-ci immobile. Je comprends à quel point tout cela est un jeu pour lui, car le psychopathe semble cette fois-ci attendre que je vienne vers lui pour me cueillir gentiment. Néanmoins la situation ne tourne pas tant que ça en sa faveur puisque le nombre de larbins sous son commandement a drastiquement diminué. A vrai dire, ils ne sont plus qu'une dizaine à occuper Larson à présent et ce dernier est bien trop dans son combat pour témoigner de l'état dans lequel je suis. Pour les prochaines minutes, l'adversaire est donc tout à moi.
- Je n'ai pas... encore abandonné... haleté-je, effectuant un mouvement circulaire de l'épaule pour dénouer mes muscles endormis par la douleur.
Faisant fi de l'affliction qui me transperce le genou, j'avance donc en direction de l'ennemi. Doucement d'abord, puis de plus en plus rapidement avant de me retrouver finalement face à face avec lui. S'il y a une chose dont je suis sûre, c'est que même si l'homme maîtrise la Couleur de l'Armement, sa perception, elle, est loin d'être surhumaine. Ainsi il ne s'attend pas à ce que je fonde vers le ciel au dernier moment où son nouveau coup s'apprête à exploser sous mon menton.
- Kamisori, Rankyaku Ran !Avant que Vognar n'ait le temps d'effectuer son durcissement de la peau, plusieurs de mes attaques font mouche, criblant son torse et sa tête d'entailles pour la plupart bénignes... sauf une bien profonde au niveau de sa clavicule. Voyant l'expression de rage sur son faciès, j'anticipe alors sa contre-attaque en me déplaçant subitement vers le gaillard d'arrière, sur lequel j'atterris avec difficulté.
Finie la partie de chasse, le capitaine a perdu son sang froid. Dans un hurlement de rage, celui-ci n'est plus aussi immuable qu'avant, aussi tacticien ; à la place, c'est une véritable bête fauve qui se rue sur moi pour m'asséner de coups aussi brutaux que grossiers. Là où le Haki m'est d'une aide très précieuse. Comme si le temps avait soudain ralenti, je me vois alors me pencher prestement à gauche, à droite ou bien encore me baisser pour éviter les attaques de mon adversaire, ce qui ne fait qu'accentuer son énervement et laisser apparaître des brèches plus grosses. L'homme semble un véritable professionnel dans l'utilisation de son fluide, cependant sa hargne l'empêche de voir clair et me permet de le surprendre par un coup rapide et puissant porté juste au-dessus de la ceinture.
- Tekkai kenpou... Jugon !Renforcé par le Tekkai, le coup vient brutalement heurter le ventre de l'homme et l'envoie voltiger à son tour sur le pont principal, provoquant une trou immense et fumant dans le plancher du navire. Voyant du coin de l'oeil mon camarade enjamber la rambarde et effectuer quelques Geppou pour venir se tenir à mes côtés, je trouve le timing étonnamment parfait.
- Beau boulot, Sweetsong.- Ce n'est pas encore fini. fais-je tout en pointant le cratère non loin.
En effet, la silhouette qui vient d'y être éclipsée commence déjà à se relever et à faire craquer ses phalanges en guise d'avertissement. L'attaque a surtout été dévastatrice pour le moral de l'ennemi, qui doit désormais faire face à deux agents du CP9 au lieu d'un, de quoi le rendre furax, ce qui finira par le perdre. Les muscles gonflés et les veines poignant sur l'intégralité de son corps, le combattant semble sur le point de se propulser dans notre direction pour nous assaillir à l'aveuglette. Cependant il n'en est rien et celui-ci se fend simplement d'un rire long et démesuré, à l'image de la décadence de sa folie.
- Je ne peux pas perdre contre de vulgaires toutous du Gouvernement Mondial. Je vais vous laminer.Ses menaces traduisent sa compréhension de la situation dans laquelle il se trouve. Tous ses hommes de main sont morts ou ont pris la tangente, laissant soudain le capitaine seul et désœuvré. Il sait qu'il n'a plus rien à perdre, ce qui ne peut le rendre que plus dangereux.
- Allons-y. lâche mon chef d'équipe après un bref regard entendu, tout en se déplaçant instantanément face au forban, sur le pont principal.
L'homme se gausse toujours, cependant son sourire est inversé et traduit son malaise. C'est la folie qui a désormais pris le pas et le fait paraître davantage diabolique. Ses yeux, hors de contrôle, oscillent entre mon supérieur et moi, comme cherchant à juger lequel de nous deux attaquera le premier. Moins harassé par ses précédents combats, Larson possède encore toute sa vitalité, ainsi que son joker qu'il ne tardera pas à utiliser, c'est donc tout bonnement que je le laisse avoir la main pour venir discrètement prendre l'ennemi à revers.
- Soru. Jugon !S'attendant à une attaque de front, le pirate jubile en prenant de l'élan pour frapper l'air devant lui avec son bras droit recouvert de Haki, entrant subitement en contact avec le poing de mon coéquipier. Pendant un dixième de seconde, le pirate semble avoir l'ascendant, avant de découvrir avec stupeur une tâche noire sur l'une des phalanges de son adversaire, qui grandit et vient brusquement dévorer l'intégralité de sa main à l'image d'un gant.
- Durcissement.Le choc tient les deux hommes en haleine, sauf que les techniques de combat du vieillard sont généralement loin d'être aussi prévisibles et aussi simples, ce qui m'oblige à remarquer sa jambe droite déjà haute levée qui s'apprête à accabler l'ennemi d'un violent mawashi dans les côtes. Chose que Vognar remarque à son tour... mais trop tard. Car le poing de Larson vient soudainement s'ouvrir comme une fleur pour agripper solidement la main de l'ennemi et lui faire une clé de bras pour à la fois le maintenir en place et le déstabiliser davantage. Concluant son attaque par un ultime Rankyaku, l'agent vient finalement bloquer l'homme avec un genou à terre, me laissant l'ouverture parfaite pour enfin jouer mon rôle. Ayant profité de la manœuvre de diversion de mon camarade, j'apparais donc subitement dans le dos du forban et n'attends pas plus longtemps pour l'empaler subitement avec mon Meitou sorti de son fourreau, traversant brusquement le dos du condamné avec les trois-quarts de ma lame pour en faire ressortir l’extrémité au niveau de son thorax.
Durant une dizaine de secondes, le corps du cornu continue alors de donner de multiples signes de vie, parcouru de spasmes et de tremblements incontrôlés, venant saisir de sa main libre la pointe de Clair de Lune comme pour tenter de la retirer... Profitant de ces derniers instants de lucidité, mon partenaire se penche pour dévisager de plus près le visage du démon.
- Pourquoi avez vous attaqué le train ?Je me rappelle les paroles prononcées par le capitaine des Furious mentionnant le fait que les Checkmates étaient à la recherche d'agents du CP9, cependant la question du pourquoi de cette curieuse alliance restait énigmatique. Qu'est-ce qui avait poussé le pirate à continuer à sourire et à se battre avec autant de détermination, même après que l'intégralité de son équipage avait disparu. Néanmoins la réponse est simple, concise et aussi claire que de l'eau de roche, ce qui finit par décrocher un dernier sourire au forban tandis que celui-ci épelle difficilement ses quelques derniers mots :
- Pour... l'ar... gent...Puis dans un dernier tremblement, l'homme blessé à mort finit par s'écrouler, abandonnant la poigne de sa main autour de mon sabre que je retire automatiquement, laissant mollement tomber son bras bientôt suivi par le reste du corps qui vient gîter inanimé sur le sol.
- Voilà une bonne chose de faite. termine mon supérieur tout en se redressant avec le cadavre du pirate qu'il ne tarde pas à hisser sur son épaule.
Les yeux encore posés à l'endroit où l'ennemi s'était effondré quelques instants plus tôt, je hoche la tête avant d'emboiter tant bien que mal le pas de mon chef d'équipe, déjà parti récupérer les corps des deux autres primés sur le second navire. Il s'agit désormais de revenir à bord du train, ce que mon supérieur s'empresse de faire le premier par quelques impulsions du Geppou qui l'entraînent dans les airs. Mais alors que je suis sur ses talons, le gaillard stoppe spontanément sa progression pour m'indiquer de l'index les deux carcasses bloquant les rails et donc toute possibilité de repli pour l'Umi Ressha. Immédiatement, je comprends ce qu'il me reste à faire.
- Rankyaku !J'enchaîne ainsi quatre puissantes lames d'air qui viennent violemment percuter les navires et les découpent en plusieurs parties, ne tardant pas à sombrer indépendamment les unes des autres pour laisser la voie libre à nouveau. Seuls quelques débris demeurent, vestiges de feu l'équipage des Furious Pirates.
Succédant finalement mon arrivée à bord, j'étends instantanément mon Haki et découvre la situation à l'avant du train, une dizaine de wagons plus loin. Les Checkmates approchent, les Marines tirent à vue et les civils sont de plus en plus apeurés. J'arrive même à discerner la silhouette recroquevillée de Lady Montmirail dans la loge du vice-amiral, que je devine confrontée au danger pour la première fois de sa vie. Je l'envie. Néanmoins je n'ai pas plus de temps pour m'attarder sur les détails insignifiants que déjà mon chef d'équipe me demande un compte rendu sur mon observation. Et tandis que le train semble se remettre en marche et faire machines arrières, je vrille sur l'homme désormais à jeun un regard plus sombre et plus sérieux que jamais.
- Il faut que l'on rejoigne le vice-amiral Fenyang.