- Tu trouves pas qu'il y a une odeur étrange ? On dirait les carbonaras de ce midi....
- Non, gne bemabque bien. Gnaut dire qu'à gnause de gne budain de demps, gn'ai sûbement chobbé un bhûme...
- Sans déconner, Sherlock.
Il faut vite que je jette ce foutu sac à vomi. C'est ce qui me traverse l'esprit au moment où j'arrive à saisir les bribes de conversation des manutentionnaires, occupés à décharger la cale. Avec autant de facilité à l'aller qu'au retour, nous arrivons efficacement à nous faufiler entre les caisses lorsque les deux hommes ont le dos tourné, pour finalement sortir discrètement du dirigeable. Le sac de voyage sur l'épaule, je progresse donc à la suite de mon coéquipier qui me guide à travers les quais. Des quais immenses.
- La Malmise, un fleuve qui traverse la ville.
Au vu de la saleté apparente des eaux, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il porte bien son nom. N'hésitant pas une seule minute au vu de la pollution du machin, je jette donc mon sachet cartonné dans lequel se trouve feu mon repas. Celui-ci est aussitôt englouti par les eaux noires et épaisses du plan d'eau.
- J'espère que toute la ville n'est pas aussi sale. fais-je tout en jetant un regard observateur dans les environs.
Pour le moment on ne peut pas voir grand chose. Dissimulés entre les rangées de cargaisons stockées sur les quais, le paysage semble n'être qu'un labyrinthe de gros caissons en taule disposés en gigantesques blocs. Des pâtés de maisons, mais en version conteneurs. D'ailleurs les deux gars du zeppelin ne sont pas les seuls à bosser ici, raison de plus pour foutre le camp rapidement sans trop s'interroger sur ce qu'il peut bien y avoir dans les caisses.
- Non, mais l'eau est une ressource précieuse ici. Tu comprends bien pourquoi.
A nouveau, je zieute avec un regard abscons les eaux poisseuses et polluées. Ouais, impossible de boire ou de se laver avec une telle chose. Sauf si on veut chopper des maladies. Par chance, notre chemin nous mène plutôt loin de la Malmise et de ses effluves pestilentielles, pour nous mener davantage vers le centre-ville. Vers l'un des quartiers, celui des ouvriers selon les indications fort utiles de mon guide touristique.
- Ca a son petit charme.
- N'est-ce pas ? Une architecture typiquement de chez nous. Des immeubles de style Victorien.
Les bâtisses ainsi nommées bordent la route, mitoyennes les unes aux autres, lourdes et hautes comme des centaines de petites tour aux multiples étages. Certaines sont en sale état, d'autres totalement insalubres et inhabitables, tandis que les plus belles semblent avoir été récemment rénovées au vu de la peinture fraiche qui les recouvre. Malgré ce curiosité architecturale, Lone Down est le pays fondateur du paysage terne, qui ne tarde pas à faire un avec la légère bruine qui s'abat depuis le...
- Oh...
Étrange vision que celle de l'archipel de Strong World au loin, vu du dessus. Encore plus étrange lorsque l'on se rend compte que l'immensité bleue tout en-dessous n'est en réalité pas le ciel. Mais bientôt ce paysage céleste va changer, car déjà de gros nuages semblent se profiler à l'horizon. Et avec eux des pluies torrentielles qui m'amènent à considérer une marche un peu plus rapide. Où doit-on se rendre déjà ?
- Au quartier des mineurs. Il existe des tunnels aménagés qui le raccordent aux Mines Asthirites.
Je hoche la tête, bien déterminée à ne pas poser davantage de questions. Nos déplacements doivent être furtifs, surtout si l'homme peut être aisément reconnu. Ce n'est pas une capuche sur le crâne qui nous met spécialement en sécurité, ni même en confiance. Raison pour laquelle on longe les murs des maisons étroites construites tout en hauteur. En briques ocres. Car parmi les couleurs primaires de Lone Down on retrouve du ocre, du gris et du marron. Ocre sur les bâtiments, gris pour le ciel et le marron pour la boue qui tapisse les pavés. Ou bien peut-être qu'il ne s'agit pas uniquement de boue.
- Erk. fais-je tout en esquivant une flaque noirâtre et immonde aux relents encore plus dégoutants.
J'aurais aimé dire que la traversé s'est déroulée rapidement, cependant ce n'est pas le cas. Déjà une heure que nous marchons dans les rues infinies, arpentons ruelles et boulevards, passons par un bon nombre d'intersections et croisons une quantité inégalable de statues de tout style. Et nous ne sommes toujours pas sortis du quartier des ouvriers.
- Lui, c'est le vice-amiral Nel Sohn. L'un des pères fondateurs de Lone Down et un membre éminent de la Marine à son époque. C'est pour défendre le royaume qu'il a cessé de se battre pour le Gouvernement Mondial. Un exemple pour moi.
- Même si vous étiez resté Commodore, vous n'auriez rien pu changer à la situation de l'île. Vous avez échoué à la défendre contre la révolution.
Ma pointe se veut acerbe et sèche, pour mettre l'homme devant ses propres démons. Il a quitté son poste alors qu'il aurait pu percer plus haut dans la hiérarchie et revenir avec toute une armada pour délivrer sa patrie. Mais non, il a choisi de tout plaquer pour devenir Lord, prince d'un roi déchu, puis plus personne. Exilé.
- Je ne regrette pas mon choix. Vous êtes là non ? Une attaque aurait fait un grand nombre de morts, mais vos compétences stratégiques vont permettre de réduire les coûts humains.
Droite comme un piquet, je refuse d'avancer davantage. Au contraire, je me retourne vers l'individu et le prends à part, dans l'une des nombreuses ruelles séparant les pâtés de maisons victoriennes.
- Que savez-vous de mes compétences stratégiques ? Qu'est-ce qui vous fait penser qu'un Commandant de la Marine pourrait normalement changer la situation de votre pays à lui seul ? Je ne fais même pas partie de l'élite. Alors, parlez, dites moi tout.
L'homme en a trop dit ou pas assez, il doit se rendre à l'évidence. Je sais qu'il sait. Et je me doute que Hayley est derrière tout cela. La pimbêche.
- La reine m'a dit que vous en étiez capable... en tant qu'agent émérite du Cipher Pol. m'avoue-t-il avec une expression oscillant entre la désolation et l'inconfort.
- Bon et bien au moins tout est clair. Mais vous avez intérêt à ne rien divulguer à ce sujet. Je tiens à l'intégrité de ma couverture. Sinon je n'hésiterai pas à briser chacun de vos os et vous donner en pâture aux bêtes sauvages. Je me suis bien fait comprendre ?
L'ex-Commodore affiche un regard crispé, mais finit enfin par confirmer, à bon entendeur. C'est tout dans son intérêt de la mettre en veilleuse s'il veut récupérer son trône. Et au moins il sait à présent à qui il a à faire. Plus rien ne m'empêchera donc d'aborder nos futures manœuvres de façon concrète et directe, sans avoir à passer par une traduction appropriée. Car la justice à laquelle j'obéis n'est pas la façon de procéder, mais le rendu final. Il y aura donc forcément des innocents qui devront perdre la vie, mais ça je pense qu'il en est déjà conscient. Tout ne peut pas être tout blanc ou tout noir.
- Remettons nous en route, sinon on risque de susciter l'attention des riverains. conclus-je tout en me dirigeant derechef en direction de l'allée.
Pour enfin pénétrer quelques minutes plus tard dans le quartier des mineurs et découvrir dès la première rue passée une entrée souterraine bordant l'intersection. Un grand trou avec des rambardes sur les côtés, un panneau par-dessus et des marches qui semblent descendre vers l'obscur inconnu. Alors on descend en haut, spécificité Lone Downinenne, sans se poser plus de questions.
Dans les tunnels de la Mine Asthirite.
- Non, gne bemabque bien. Gnaut dire qu'à gnause de gne budain de demps, gn'ai sûbement chobbé un bhûme...
- Sans déconner, Sherlock.
Il faut vite que je jette ce foutu sac à vomi. C'est ce qui me traverse l'esprit au moment où j'arrive à saisir les bribes de conversation des manutentionnaires, occupés à décharger la cale. Avec autant de facilité à l'aller qu'au retour, nous arrivons efficacement à nous faufiler entre les caisses lorsque les deux hommes ont le dos tourné, pour finalement sortir discrètement du dirigeable. Le sac de voyage sur l'épaule, je progresse donc à la suite de mon coéquipier qui me guide à travers les quais. Des quais immenses.
- La Malmise, un fleuve qui traverse la ville.
Au vu de la saleté apparente des eaux, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il porte bien son nom. N'hésitant pas une seule minute au vu de la pollution du machin, je jette donc mon sachet cartonné dans lequel se trouve feu mon repas. Celui-ci est aussitôt englouti par les eaux noires et épaisses du plan d'eau.
- J'espère que toute la ville n'est pas aussi sale. fais-je tout en jetant un regard observateur dans les environs.
Pour le moment on ne peut pas voir grand chose. Dissimulés entre les rangées de cargaisons stockées sur les quais, le paysage semble n'être qu'un labyrinthe de gros caissons en taule disposés en gigantesques blocs. Des pâtés de maisons, mais en version conteneurs. D'ailleurs les deux gars du zeppelin ne sont pas les seuls à bosser ici, raison de plus pour foutre le camp rapidement sans trop s'interroger sur ce qu'il peut bien y avoir dans les caisses.
- Non, mais l'eau est une ressource précieuse ici. Tu comprends bien pourquoi.
A nouveau, je zieute avec un regard abscons les eaux poisseuses et polluées. Ouais, impossible de boire ou de se laver avec une telle chose. Sauf si on veut chopper des maladies. Par chance, notre chemin nous mène plutôt loin de la Malmise et de ses effluves pestilentielles, pour nous mener davantage vers le centre-ville. Vers l'un des quartiers, celui des ouvriers selon les indications fort utiles de mon guide touristique.
- Ca a son petit charme.
- N'est-ce pas ? Une architecture typiquement de chez nous. Des immeubles de style Victorien.
Les bâtisses ainsi nommées bordent la route, mitoyennes les unes aux autres, lourdes et hautes comme des centaines de petites tour aux multiples étages. Certaines sont en sale état, d'autres totalement insalubres et inhabitables, tandis que les plus belles semblent avoir été récemment rénovées au vu de la peinture fraiche qui les recouvre. Malgré ce curiosité architecturale, Lone Down est le pays fondateur du paysage terne, qui ne tarde pas à faire un avec la légère bruine qui s'abat depuis le...
- Oh...
Étrange vision que celle de l'archipel de Strong World au loin, vu du dessus. Encore plus étrange lorsque l'on se rend compte que l'immensité bleue tout en-dessous n'est en réalité pas le ciel. Mais bientôt ce paysage céleste va changer, car déjà de gros nuages semblent se profiler à l'horizon. Et avec eux des pluies torrentielles qui m'amènent à considérer une marche un peu plus rapide. Où doit-on se rendre déjà ?
- Au quartier des mineurs. Il existe des tunnels aménagés qui le raccordent aux Mines Asthirites.
Je hoche la tête, bien déterminée à ne pas poser davantage de questions. Nos déplacements doivent être furtifs, surtout si l'homme peut être aisément reconnu. Ce n'est pas une capuche sur le crâne qui nous met spécialement en sécurité, ni même en confiance. Raison pour laquelle on longe les murs des maisons étroites construites tout en hauteur. En briques ocres. Car parmi les couleurs primaires de Lone Down on retrouve du ocre, du gris et du marron. Ocre sur les bâtiments, gris pour le ciel et le marron pour la boue qui tapisse les pavés. Ou bien peut-être qu'il ne s'agit pas uniquement de boue.
- Erk. fais-je tout en esquivant une flaque noirâtre et immonde aux relents encore plus dégoutants.
J'aurais aimé dire que la traversé s'est déroulée rapidement, cependant ce n'est pas le cas. Déjà une heure que nous marchons dans les rues infinies, arpentons ruelles et boulevards, passons par un bon nombre d'intersections et croisons une quantité inégalable de statues de tout style. Et nous ne sommes toujours pas sortis du quartier des ouvriers.
- Lui, c'est le vice-amiral Nel Sohn. L'un des pères fondateurs de Lone Down et un membre éminent de la Marine à son époque. C'est pour défendre le royaume qu'il a cessé de se battre pour le Gouvernement Mondial. Un exemple pour moi.
- Même si vous étiez resté Commodore, vous n'auriez rien pu changer à la situation de l'île. Vous avez échoué à la défendre contre la révolution.
Ma pointe se veut acerbe et sèche, pour mettre l'homme devant ses propres démons. Il a quitté son poste alors qu'il aurait pu percer plus haut dans la hiérarchie et revenir avec toute une armada pour délivrer sa patrie. Mais non, il a choisi de tout plaquer pour devenir Lord, prince d'un roi déchu, puis plus personne. Exilé.
- Je ne regrette pas mon choix. Vous êtes là non ? Une attaque aurait fait un grand nombre de morts, mais vos compétences stratégiques vont permettre de réduire les coûts humains.
Droite comme un piquet, je refuse d'avancer davantage. Au contraire, je me retourne vers l'individu et le prends à part, dans l'une des nombreuses ruelles séparant les pâtés de maisons victoriennes.
- Que savez-vous de mes compétences stratégiques ? Qu'est-ce qui vous fait penser qu'un Commandant de la Marine pourrait normalement changer la situation de votre pays à lui seul ? Je ne fais même pas partie de l'élite. Alors, parlez, dites moi tout.
L'homme en a trop dit ou pas assez, il doit se rendre à l'évidence. Je sais qu'il sait. Et je me doute que Hayley est derrière tout cela. La pimbêche.
- La reine m'a dit que vous en étiez capable... en tant qu'agent émérite du Cipher Pol. m'avoue-t-il avec une expression oscillant entre la désolation et l'inconfort.
- Bon et bien au moins tout est clair. Mais vous avez intérêt à ne rien divulguer à ce sujet. Je tiens à l'intégrité de ma couverture. Sinon je n'hésiterai pas à briser chacun de vos os et vous donner en pâture aux bêtes sauvages. Je me suis bien fait comprendre ?
L'ex-Commodore affiche un regard crispé, mais finit enfin par confirmer, à bon entendeur. C'est tout dans son intérêt de la mettre en veilleuse s'il veut récupérer son trône. Et au moins il sait à présent à qui il a à faire. Plus rien ne m'empêchera donc d'aborder nos futures manœuvres de façon concrète et directe, sans avoir à passer par une traduction appropriée. Car la justice à laquelle j'obéis n'est pas la façon de procéder, mais le rendu final. Il y aura donc forcément des innocents qui devront perdre la vie, mais ça je pense qu'il en est déjà conscient. Tout ne peut pas être tout blanc ou tout noir.
- Remettons nous en route, sinon on risque de susciter l'attention des riverains. conclus-je tout en me dirigeant derechef en direction de l'allée.
Pour enfin pénétrer quelques minutes plus tard dans le quartier des mineurs et découvrir dès la première rue passée une entrée souterraine bordant l'intersection. Un grand trou avec des rambardes sur les côtés, un panneau par-dessus et des marches qui semblent descendre vers l'obscur inconnu. Alors on descend en haut, spécificité Lone Downinenne, sans se poser plus de questions.
Dans les tunnels de la Mine Asthirite.