Ça grouille, ça gueule, ça se bouscule, bref, ça vit. J'adore cette foutue baie, c'est à se demander pourquoi je m'y suis pas installé. Pour sûr qu'être nomade ça indispose méchamment quand on aime profiter du paysage. Mais c'est la vie que je me suis choisie, faut chercher le grisbi là où il est, et l'argent ne dort jamais.
Y'a pas que la plèbe qui fourmille, l'information circule et passe d'une oreille à l'autre comme un pou infestant crâne après crâne. Faut savoir démêler le vrai du faux, ne rien gober quand le ragot semble trop amer, mais prendre en compte toute les rumeurs, même les plus aberrantes, c'est souvent les plus savoureuses.
J'en chie pour me mouvoir dans cette foule qui s'active comme dotée d'une volonté propre. Déjà bien cinq ou six fois que j'ai senti des mains me palper le charnu, désolé les gars, mon porte-monnaie est pas dans une de mes poches arrière, pas la peine d'insister. Des pickpockets à tous les coins de rue, ça a son charme, comme l'odeur de poisson rance qui embaume toute la baie de Jing, sans parler de leur manie à gueuler pour se parler les uns aux autres. Je sais que ce genre d'ambiance bordélique ça rebute du monde, mais quand on saisit quel ordre régit ce chaos de ville, on s'y plaît vachement.
Voilà que je m'arrête. Fait chaud, je m'éponge le visage dégoulinant de sueur avec mon mouchoir de poche. On me pousse un peu parce que je suis dans le passage. C'est vrai qu'un gugusse de mon poids dans le chemin, ça a le don de gêner.
Alors je me traîne devant une enseigne de restaurant local, ça sent bon le porc grillé par là.
- Paraît qui z'enduisent le bestiau d'une sauce au miel... J'en saliv'rai presque.
Mais non, faut pas que je cède à la tentation. Obèse, mais pas gourmand, j'oublie jamais que le réconfort ne vient qu'après l'effort. C'est qu'après le labeur que le goût de la bouffe en devient meilleur. Je parle d'expérience.
Non, avant d'alimenter ma panse, faut que je trouve ce type : James. Pas un natif vu le nom, mais ça l'empêchera pas de faire mon bonheur. Les rumeurs dans la baie allant bon train, j'ai pas manqué de graisser la patte de qui y fallait pour avoir mon quota d'informations lucratives. Pensez donc, ce type serait pirate. Aucune prime au compteur, juste comme je les aime : suffisamment immoraux pour écumer les mers, mais pas suffisamment célèbres pour m'en servir au mieux.
Parce qu'il va me servir ce con de pirate. Moi, et surtout le gouvernement mondial. C'est pas tout ça de jouer les caïds sur un bateau, faut assumer la contrepartie. Lui faire comprendre que s'il existe, c'est parce qu'on le laisse exister, tout bêtement.
- Hôtel Ji Hai Jo, c'est mon t'rminus.
La porte d'entrée est tout juste assez large pour que je passe. Je vous jure, ces commerçants qui s'imaginent que leurs clients doivent tous correspondre à un type physique précis, c'en est presque vexant. Quand la standardiste me voit arriver, elle blanchit à vue d'œil, comme si c'était un monstre qui l'approchait. Le gabarit a de quoi rebuter, faut dire ce qui est, mais c'est le visage qui rassure pas non plus. L'argent ne dort jamais, et moi non plus, j'ai triste mine malgré mon sourire pas franchement séducteur.
- Blackburn.
Peu importe qu'elle ait affaire au gouvernement, à un pirate ou au croque-mitaine, elle a compris à mon intonation que j'allais pas tergiverser pour avoir le numéro de la chambre de mon gars. Tremblante, elle consulte son registre, me jetant des regards furtifs entre deux pages, pour s'assurer que j'essaie pas de la bouffer pendant ce temps. Et voilà qu'elle me sort mon Graal format papier, le formulaire qu'a rempli cette chiure de forban. Délicat, je m'en saisis du bout du pouce et de mon index.
- Chambre du singe de jade... Vous avez d'ces noms.
Je relève mon nez du papelard pour lui jeter un dernier coup d'œil. Sans être foncièrement laide, je la trouve vilaine. Pas de pitié pour les tromblons, c'est dans l'ordre des choses.
- Pensez même pas à l'capter par escargophone. Ça m'emmerd'rait vraiment d'devoir mettre des fleurs sur votre tombe.
Sans un mot, elle acquiesce à toute vitesse. L'est pas bien jolie, mais l'est docile comme il faut. Une fille à marier pour sûr. Si j'étais pas si pressé, je me ferais un plaisir de la secouer dans une chambre histoire de me faire pardonner de mon comportement.
En chemin vers la piaule de mon lascar, c'est que je sentirais presque les escaliers se fendre au fur et à mesure que je grimpe. Même le plancher du couloir grince. Heureusement que Blackburn s'attend pas à ce que je lui rende visite, ça ferait une paye qu'il aurait détalé autrement.
De ma grosse pogne, je frappe trois fois la porte de sa chambre.
- C'est pour quoi ?!
- James Blackburn ?
- Y'a pas de Blackburn ici. Tirez-vous.
Non seulement il m'ouvre pas la porte, mais en plus il m'envoie chier. Prudent le gars. Pas assez cela dit quand on m'a au derche.
- Vous sauriez où l'trouver ? J'ai un colis d'un certain... Mochi à lui r'mettre. Paraît qu'c'est urgent, le type m'a dit "Question d'vie ou d'mort".
Il aura pas traîné avant de mordre à l'hameçon, je l'entends déjà qui se rue jusqu'à la porte. D'après les renseignement que j'ai payé, il est maqué avec un certain Mochi, lui aussi, inconnu au bataillon. Mais bon, quitte à jouer aux pirates, autant le faire à deux, c'est plus rigolo.
Le dernier verrou a sauté, il m'ouvre la porte et alors qu'il s'attendait à un colis, c'est mon poing dans sa gueule qu'il reçoit. Surpris, il titube en arrière en se tenant le nez et il tombe assis sur le plumard dans sa trajectoire.
J'entre en claquant la porte derrière moi.
- Eh bah, où sont tes manières ? Pas d'thé ? Pas d'café ? Pas d'biscuit ? Mais où t'as été élevé donc ?
Là où il a été élevé, je le sais très bien, et c'est justement pour ça que ce forban à la noix y m'intéresse pas mal. Un descendant de la noblesse, c'est juste le pédigré qu'il me faut pour ce que j'ai en tête. Reste à le persuader. Après une introduction aussi violente, je le sens pas chaud pour me suivre, il jette un œil à un pistolet sur la table de nuit. Belle pièce.
- Si j'étais toi j'y pens'rais pas. À vue d'nez, y'a un cinquante scénarios qui m'passent pas l'tête si tu touches à ton pétard. Pas un seul s'termine bien pour toi.
Y pourrait tenter le tout pour le tout, mais en me voyant m'asseoir sur un pouf miteux, y pige que je lui veux pas de mal. J'aurais voulu le buter qu'y m'aurait jamais vu venir de toute façon. Enfin y décolle les mains de son nez et, quasi imperturbable me lâche :
- Qu'est-ce que tu me veux ?
Moi qui craignais qu'y me fasse perdre mon temps, il entre dans le vif du sujet. Ça j'aime. Tant pis pour le thé et les gâteaux, on va aller au plus pressé.
- Harkonnen ça t'dit quelqu'chose ?
À son regard pétillant, je vois bien que oui. J'ai appuyé sur le bon bouton, le jukebox est lancé, reste plus qu'à voir sur quoi je vais le faire danser. Ça va être un morceau plutôt remuant que je vais lui proposer, un tube à deux-cent millions de berries.
- T'en as dit trop ou pas assez. Poursuis.
Eh beh ! C'est qu'il serait presque autoritaire le con là. On retrouve bien l'arrogance de ces fumiers de nobles, comme quoi, même à s'encanailler avec la flibuste, on reste du sang bleu. Tant qu'il va dans le sens de mes intérêts, y peut me parler comme à son chien. Le pognon avant tout, pour son éducation, on verra plus tard.
- Herf herf herf... J't'aime bien James, t'm'es vraiment sympathique. Mais j'vais ni t'dire qui j'suis, ni pour qui j'bosse. Tout c'que t'as à savoir, c'est que j'suis un ami. Un ami qui aurait bien b'soin d'un coup d'main pour délester Jirel Harkonnen de deux-cent millions de berries.
Quand il entend la somme, ses yeux s'écarquillent doucement. C'est fou, chaque fois qu'on mentionne des grosses sommes, les gens commencent à vous apprécier. Si c'est pas triste tant de vénalité. Plus je vois les hommes, plus j'aime mon chien. Et mon chien aujourd'hui, c'est James Blackburn. Il va aller cambrioler un noble pour le gouvernement mondial, mais ça, il le sait pas encore.
- Ça t'dit quelqu'chose la... la... p'tain j'oublié l'nom. Ah si ! La harpe enchantée, c'est l'nom !
- La harpe endiablée, pas enchantée. Eh bien quoi ?
C'est qu'il est plus calé sur le sujet que je m'y attendais. Je pensais que personne connaissait le nom de cette foutue peinture à part les experts en la matière. Décidément, ce jeune là monte dans mon estime. Pas bon ça de monter dans mon estime, ça veut dire qu'on est dangereux. J'aime pas les gens dangereux.
- Bah euh... Un type là, Jirel Harkonnen, d'après quelques renseign'ments qu'j'ai. Il aurait mis la main d'ssus en sous main, ach'té c'te peinture d'manière illégale quoi. Paraît qu't'es pas très copains avec les Harkonnen et...
Un instant, je m'arrête. La manière dont il fronce les sourcils, c'est pas juste de la rancune, il l'a vraiment mauvaise contre ces types là. J'aurais peut-être dû payer un extra à mes sources pour en savoir plus, y'a l'air d'avoir du drame derrière. Tant mieux, au moins je suis sûr qu'y sera avec moi pour ce coup.
- et... y s'trouve qu'il entrepose sa toile ici, dans sa résidence s'condaire à Kanokuni. J'ai des contacts dans l'coin à qui j'pourrais la fourguer pour deux-cent millions. Seul'ment, pour mettre la main d'ssus, c'est une aut' paire d'manches. D'où ma visite, pour un part'nariat tout ça.
Y réfléchit. Saute sur l'occasion couillon, pense pas ! Agis ! C'est sûr qu'une aubaine pareille qui vient frapper à votre porte, et aussi vous cogner dans le nez au passage, c'est trop beau pour être vrai. Le voilà qui croise les mains, il se tourne les pouces, on le sent hésitant. Allez, dis "oui je le veux", je te promets des noces en or.
- Je prends les plus gros risques dans l'affaire. Les Harkonnen sont pas du genre à laisser leurs trésors sans protection. Je veux soixante-quinze pour cent.
- Quarante ?
- Soixante-dix dans le meilleur des cas.
- C'est moi qu'ai les réseaux, sans moi, pas de pognon. Cinquante.
- Soixante, je descends pas plus bas.
Ambitieux celui-là. Moi qui m'imaginais que c'était du tout cuit cette affaire, le voilà qu'y me force à négocier, c'est fort ça. Quelque part, ce type force le respect à ne pas se plier à mes injonctions. Faut croire que le sang bleu c'est fourni avec la fierté qui va avec. Sur ce, je lui tend la main, et il s'en saisit.
- Content qu'tu sois dans l'coup. J'ai l'habitude d'bosser sans documentation pour pas qu'on mette la main d'ssus, alors écoute-moi bien, j'vais t'donner tous les détails de l'affaire, démerde-toi pour pas en oublier une miette.
Y'a pas que la plèbe qui fourmille, l'information circule et passe d'une oreille à l'autre comme un pou infestant crâne après crâne. Faut savoir démêler le vrai du faux, ne rien gober quand le ragot semble trop amer, mais prendre en compte toute les rumeurs, même les plus aberrantes, c'est souvent les plus savoureuses.
J'en chie pour me mouvoir dans cette foule qui s'active comme dotée d'une volonté propre. Déjà bien cinq ou six fois que j'ai senti des mains me palper le charnu, désolé les gars, mon porte-monnaie est pas dans une de mes poches arrière, pas la peine d'insister. Des pickpockets à tous les coins de rue, ça a son charme, comme l'odeur de poisson rance qui embaume toute la baie de Jing, sans parler de leur manie à gueuler pour se parler les uns aux autres. Je sais que ce genre d'ambiance bordélique ça rebute du monde, mais quand on saisit quel ordre régit ce chaos de ville, on s'y plaît vachement.
Voilà que je m'arrête. Fait chaud, je m'éponge le visage dégoulinant de sueur avec mon mouchoir de poche. On me pousse un peu parce que je suis dans le passage. C'est vrai qu'un gugusse de mon poids dans le chemin, ça a le don de gêner.
Alors je me traîne devant une enseigne de restaurant local, ça sent bon le porc grillé par là.
- Paraît qui z'enduisent le bestiau d'une sauce au miel... J'en saliv'rai presque.
Mais non, faut pas que je cède à la tentation. Obèse, mais pas gourmand, j'oublie jamais que le réconfort ne vient qu'après l'effort. C'est qu'après le labeur que le goût de la bouffe en devient meilleur. Je parle d'expérience.
Non, avant d'alimenter ma panse, faut que je trouve ce type : James. Pas un natif vu le nom, mais ça l'empêchera pas de faire mon bonheur. Les rumeurs dans la baie allant bon train, j'ai pas manqué de graisser la patte de qui y fallait pour avoir mon quota d'informations lucratives. Pensez donc, ce type serait pirate. Aucune prime au compteur, juste comme je les aime : suffisamment immoraux pour écumer les mers, mais pas suffisamment célèbres pour m'en servir au mieux.
Parce qu'il va me servir ce con de pirate. Moi, et surtout le gouvernement mondial. C'est pas tout ça de jouer les caïds sur un bateau, faut assumer la contrepartie. Lui faire comprendre que s'il existe, c'est parce qu'on le laisse exister, tout bêtement.
- Hôtel Ji Hai Jo, c'est mon t'rminus.
La porte d'entrée est tout juste assez large pour que je passe. Je vous jure, ces commerçants qui s'imaginent que leurs clients doivent tous correspondre à un type physique précis, c'en est presque vexant. Quand la standardiste me voit arriver, elle blanchit à vue d'œil, comme si c'était un monstre qui l'approchait. Le gabarit a de quoi rebuter, faut dire ce qui est, mais c'est le visage qui rassure pas non plus. L'argent ne dort jamais, et moi non plus, j'ai triste mine malgré mon sourire pas franchement séducteur.
- Blackburn.
Peu importe qu'elle ait affaire au gouvernement, à un pirate ou au croque-mitaine, elle a compris à mon intonation que j'allais pas tergiverser pour avoir le numéro de la chambre de mon gars. Tremblante, elle consulte son registre, me jetant des regards furtifs entre deux pages, pour s'assurer que j'essaie pas de la bouffer pendant ce temps. Et voilà qu'elle me sort mon Graal format papier, le formulaire qu'a rempli cette chiure de forban. Délicat, je m'en saisis du bout du pouce et de mon index.
- Chambre du singe de jade... Vous avez d'ces noms.
Je relève mon nez du papelard pour lui jeter un dernier coup d'œil. Sans être foncièrement laide, je la trouve vilaine. Pas de pitié pour les tromblons, c'est dans l'ordre des choses.
- Pensez même pas à l'capter par escargophone. Ça m'emmerd'rait vraiment d'devoir mettre des fleurs sur votre tombe.
Sans un mot, elle acquiesce à toute vitesse. L'est pas bien jolie, mais l'est docile comme il faut. Une fille à marier pour sûr. Si j'étais pas si pressé, je me ferais un plaisir de la secouer dans une chambre histoire de me faire pardonner de mon comportement.
En chemin vers la piaule de mon lascar, c'est que je sentirais presque les escaliers se fendre au fur et à mesure que je grimpe. Même le plancher du couloir grince. Heureusement que Blackburn s'attend pas à ce que je lui rende visite, ça ferait une paye qu'il aurait détalé autrement.
De ma grosse pogne, je frappe trois fois la porte de sa chambre.
- C'est pour quoi ?!
- James Blackburn ?
- Y'a pas de Blackburn ici. Tirez-vous.
Non seulement il m'ouvre pas la porte, mais en plus il m'envoie chier. Prudent le gars. Pas assez cela dit quand on m'a au derche.
- Vous sauriez où l'trouver ? J'ai un colis d'un certain... Mochi à lui r'mettre. Paraît qu'c'est urgent, le type m'a dit "Question d'vie ou d'mort".
Il aura pas traîné avant de mordre à l'hameçon, je l'entends déjà qui se rue jusqu'à la porte. D'après les renseignement que j'ai payé, il est maqué avec un certain Mochi, lui aussi, inconnu au bataillon. Mais bon, quitte à jouer aux pirates, autant le faire à deux, c'est plus rigolo.
Le dernier verrou a sauté, il m'ouvre la porte et alors qu'il s'attendait à un colis, c'est mon poing dans sa gueule qu'il reçoit. Surpris, il titube en arrière en se tenant le nez et il tombe assis sur le plumard dans sa trajectoire.
J'entre en claquant la porte derrière moi.
- Eh bah, où sont tes manières ? Pas d'thé ? Pas d'café ? Pas d'biscuit ? Mais où t'as été élevé donc ?
Là où il a été élevé, je le sais très bien, et c'est justement pour ça que ce forban à la noix y m'intéresse pas mal. Un descendant de la noblesse, c'est juste le pédigré qu'il me faut pour ce que j'ai en tête. Reste à le persuader. Après une introduction aussi violente, je le sens pas chaud pour me suivre, il jette un œil à un pistolet sur la table de nuit. Belle pièce.
- Si j'étais toi j'y pens'rais pas. À vue d'nez, y'a un cinquante scénarios qui m'passent pas l'tête si tu touches à ton pétard. Pas un seul s'termine bien pour toi.
Y pourrait tenter le tout pour le tout, mais en me voyant m'asseoir sur un pouf miteux, y pige que je lui veux pas de mal. J'aurais voulu le buter qu'y m'aurait jamais vu venir de toute façon. Enfin y décolle les mains de son nez et, quasi imperturbable me lâche :
- Qu'est-ce que tu me veux ?
Moi qui craignais qu'y me fasse perdre mon temps, il entre dans le vif du sujet. Ça j'aime. Tant pis pour le thé et les gâteaux, on va aller au plus pressé.
- Harkonnen ça t'dit quelqu'chose ?
À son regard pétillant, je vois bien que oui. J'ai appuyé sur le bon bouton, le jukebox est lancé, reste plus qu'à voir sur quoi je vais le faire danser. Ça va être un morceau plutôt remuant que je vais lui proposer, un tube à deux-cent millions de berries.
- T'en as dit trop ou pas assez. Poursuis.
Eh beh ! C'est qu'il serait presque autoritaire le con là. On retrouve bien l'arrogance de ces fumiers de nobles, comme quoi, même à s'encanailler avec la flibuste, on reste du sang bleu. Tant qu'il va dans le sens de mes intérêts, y peut me parler comme à son chien. Le pognon avant tout, pour son éducation, on verra plus tard.
- Herf herf herf... J't'aime bien James, t'm'es vraiment sympathique. Mais j'vais ni t'dire qui j'suis, ni pour qui j'bosse. Tout c'que t'as à savoir, c'est que j'suis un ami. Un ami qui aurait bien b'soin d'un coup d'main pour délester Jirel Harkonnen de deux-cent millions de berries.
Quand il entend la somme, ses yeux s'écarquillent doucement. C'est fou, chaque fois qu'on mentionne des grosses sommes, les gens commencent à vous apprécier. Si c'est pas triste tant de vénalité. Plus je vois les hommes, plus j'aime mon chien. Et mon chien aujourd'hui, c'est James Blackburn. Il va aller cambrioler un noble pour le gouvernement mondial, mais ça, il le sait pas encore.
- Ça t'dit quelqu'chose la... la... p'tain j'oublié l'nom. Ah si ! La harpe enchantée, c'est l'nom !
- La harpe endiablée, pas enchantée. Eh bien quoi ?
C'est qu'il est plus calé sur le sujet que je m'y attendais. Je pensais que personne connaissait le nom de cette foutue peinture à part les experts en la matière. Décidément, ce jeune là monte dans mon estime. Pas bon ça de monter dans mon estime, ça veut dire qu'on est dangereux. J'aime pas les gens dangereux.
- Bah euh... Un type là, Jirel Harkonnen, d'après quelques renseign'ments qu'j'ai. Il aurait mis la main d'ssus en sous main, ach'té c'te peinture d'manière illégale quoi. Paraît qu't'es pas très copains avec les Harkonnen et...
Un instant, je m'arrête. La manière dont il fronce les sourcils, c'est pas juste de la rancune, il l'a vraiment mauvaise contre ces types là. J'aurais peut-être dû payer un extra à mes sources pour en savoir plus, y'a l'air d'avoir du drame derrière. Tant mieux, au moins je suis sûr qu'y sera avec moi pour ce coup.
- et... y s'trouve qu'il entrepose sa toile ici, dans sa résidence s'condaire à Kanokuni. J'ai des contacts dans l'coin à qui j'pourrais la fourguer pour deux-cent millions. Seul'ment, pour mettre la main d'ssus, c'est une aut' paire d'manches. D'où ma visite, pour un part'nariat tout ça.
Y réfléchit. Saute sur l'occasion couillon, pense pas ! Agis ! C'est sûr qu'une aubaine pareille qui vient frapper à votre porte, et aussi vous cogner dans le nez au passage, c'est trop beau pour être vrai. Le voilà qui croise les mains, il se tourne les pouces, on le sent hésitant. Allez, dis "oui je le veux", je te promets des noces en or.
- Je prends les plus gros risques dans l'affaire. Les Harkonnen sont pas du genre à laisser leurs trésors sans protection. Je veux soixante-quinze pour cent.
- Quarante ?
- Soixante-dix dans le meilleur des cas.
- C'est moi qu'ai les réseaux, sans moi, pas de pognon. Cinquante.
- Soixante, je descends pas plus bas.
Ambitieux celui-là. Moi qui m'imaginais que c'était du tout cuit cette affaire, le voilà qu'y me force à négocier, c'est fort ça. Quelque part, ce type force le respect à ne pas se plier à mes injonctions. Faut croire que le sang bleu c'est fourni avec la fierté qui va avec. Sur ce, je lui tend la main, et il s'en saisit.
- Content qu'tu sois dans l'coup. J'ai l'habitude d'bosser sans documentation pour pas qu'on mette la main d'ssus, alors écoute-moi bien, j'vais t'donner tous les détails de l'affaire, démerde-toi pour pas en oublier une miette.