Elle n'avait pas directement vu la différence.
Pourtant le paysage avait drastiquement changé en l'espace de quelques yards. Il leur avait fallu plusieurs heures pour sortir de la vallée s'étendant au-delà de la Cavité : l'unique moyen de rejoindre la pointe sud-ouest de l'île. Depuis la Capitale, en tout cas.
Jusque là l'environnement avait principalement constitué une sorte d'alternance de sables rocheux et de carrières de pierres. Le tout dénué de la moindre trace de verdure rappelait ces îles montagneuses frappées par les vagues où seul le roc fleurissait, poli et blanchi par l'écume amère. Sauf qu'ici l'eau peinait à manquer.
Puis soudainement, au détour d'une énième falaise similaire à toutes les autres, le paysage avait rapidement varié pour rejoindre d'autres nuances si éloignées du gris et du noir qui avaient jusque là teinté les yeux des deux aventuriers. Devancée par le Veau, la pirate se voyait obligée de trottiner à son allure au risque de se perdre, ce qui l'obligeait à revoir sa façon de marcher et à se concentrer pour avoir l'air davantage bonhomme.
Les pas de velours, ça ne correspondait pas réellement au caractère qu'elle s'était dessinée.
Alors concentrée sur ses pieds, obligée de revoir son centre de gravité et toutes les notions d'équilibre qu'elle avait dû acquérir jusque là, elle avait quelques peu perdu en contemplation et son regard ne s'était plus réellement porté sur les roches alentours qui semblaient être les mêmes systématiquement. Toutes. A chaque fois. Et ce ne fut que lorsqu'une tige de fleur pointât le bout de son pistils qu'elle osa lever les yeux.
Autant le duo arrivait à proximité de la cité pirate qu'ils pouvaient apercevoir en contrebas, siégeant sur un bout de terre au centre d'une baie gigantesque, autant la végétation devenait progressivement plus luxuriante. Paradoxalement, c'était l'endroit le plus pourri de l'île qui jouissait de l'environnement le plus sain : les environs d'Alsbrough. Elle émit à ce propos un petit rire cynique qui ne manqua pas d'arriver jusqu'aux oreilles de son compagnon.
- Que'que chose d'marrant ?
Elle fit oui de la tête, sans toutefois le renseigner sur la source de son hilarité. Il ne chercha pas non plus à en savoir plus, marcher semblait déjà une épreuve assez compliquée pour le pauvre bougre. S'il devait en plus s'inquiéter de la sénilité de sa congénère eh bien...
A mesure que les deux révolutionnaires s'enfonçaient donc dans la jungle humide et chaude accueillant visiblement toute la faune et la flore qu'il manquait au restant de l'île, la blonde s'était plusieurs fois surprise à toucher des plantes et leurs feuilles du bout des doigts. Plusieurs fois, en passant, le Veau s'était temporairement interrompu lui aussi pour venir récupérer divers champignons et herbes potentiellement médicinales. Ce qui laissait tout le loisir à l'agente de poser les yeux ça et là pour découvrir des cas qu'elle n'avait jamais eu l'occasion d'observer jusqu'alors.
Elle semblait des fois oublier qu'elle se trouvait dans le Nouveau Monde. Mais les occasions de se le rappeler n'étaient jamais bien loin.
- On n'est p'u très loin. grinça maladroitement Benoît, alors qu'ils ne s'étaient remis en marche une énième fois que depuis quelques dizaines de minutes.
A ces mots il leva péniblement le bras pour désigner ce qui, de loin, ressemblait à un épais rempart, mais qui progressivement tenait plus d'une épaisse tour rectangulaire s'élevant de la ville. Vraisemblablement une sorte de palais... avant qu'Anna ne remarque la structure en verre à son sommet. Jamais elle n'avait alors vu pareil phare.
Puis ce furent finalement les véritables murs de la ville qui apparurent dans leur champ de vision. Et les silhouettes le garnissant, en plus des quartiers pauvres s'y étalant à proximité : des maisons fébriles se servant des murailles comme murs porteurs, elles-mêmes attelées à d'autres baraques et tentes absurdes. Que la misère restât à l'écart de la ville, cela n'avait rien de surprenant, le Seizième appliquait déjà cette politique. Mais que les pirates fussent eux-même à l'origine de cette ségrégation, cela ne reflétait que quelque chose d'encore plus mauvais.
D'aussi mauvais que la présence d'hommes en armures ou de douaniers qui vinrent les accueillir devant l'une des grandes portes leur faisant face. Des hommes dont seul le regard vide et nauséabond semblait les différencier de gardes honorables, de soldats royaux comme dans des centaines d'autres contrées respectables.
Car dans l'esprit malade d'Anna, tous ici étaient pirates.
Tous étaient coupables.
Et tous étaient condamnés.
Pourtant le paysage avait drastiquement changé en l'espace de quelques yards. Il leur avait fallu plusieurs heures pour sortir de la vallée s'étendant au-delà de la Cavité : l'unique moyen de rejoindre la pointe sud-ouest de l'île. Depuis la Capitale, en tout cas.
Jusque là l'environnement avait principalement constitué une sorte d'alternance de sables rocheux et de carrières de pierres. Le tout dénué de la moindre trace de verdure rappelait ces îles montagneuses frappées par les vagues où seul le roc fleurissait, poli et blanchi par l'écume amère. Sauf qu'ici l'eau peinait à manquer.
Puis soudainement, au détour d'une énième falaise similaire à toutes les autres, le paysage avait rapidement varié pour rejoindre d'autres nuances si éloignées du gris et du noir qui avaient jusque là teinté les yeux des deux aventuriers. Devancée par le Veau, la pirate se voyait obligée de trottiner à son allure au risque de se perdre, ce qui l'obligeait à revoir sa façon de marcher et à se concentrer pour avoir l'air davantage bonhomme.
Les pas de velours, ça ne correspondait pas réellement au caractère qu'elle s'était dessinée.
Alors concentrée sur ses pieds, obligée de revoir son centre de gravité et toutes les notions d'équilibre qu'elle avait dû acquérir jusque là, elle avait quelques peu perdu en contemplation et son regard ne s'était plus réellement porté sur les roches alentours qui semblaient être les mêmes systématiquement. Toutes. A chaque fois. Et ce ne fut que lorsqu'une tige de fleur pointât le bout de son pistils qu'elle osa lever les yeux.
Autant le duo arrivait à proximité de la cité pirate qu'ils pouvaient apercevoir en contrebas, siégeant sur un bout de terre au centre d'une baie gigantesque, autant la végétation devenait progressivement plus luxuriante. Paradoxalement, c'était l'endroit le plus pourri de l'île qui jouissait de l'environnement le plus sain : les environs d'Alsbrough. Elle émit à ce propos un petit rire cynique qui ne manqua pas d'arriver jusqu'aux oreilles de son compagnon.
- Que'que chose d'marrant ?
Elle fit oui de la tête, sans toutefois le renseigner sur la source de son hilarité. Il ne chercha pas non plus à en savoir plus, marcher semblait déjà une épreuve assez compliquée pour le pauvre bougre. S'il devait en plus s'inquiéter de la sénilité de sa congénère eh bien...
A mesure que les deux révolutionnaires s'enfonçaient donc dans la jungle humide et chaude accueillant visiblement toute la faune et la flore qu'il manquait au restant de l'île, la blonde s'était plusieurs fois surprise à toucher des plantes et leurs feuilles du bout des doigts. Plusieurs fois, en passant, le Veau s'était temporairement interrompu lui aussi pour venir récupérer divers champignons et herbes potentiellement médicinales. Ce qui laissait tout le loisir à l'agente de poser les yeux ça et là pour découvrir des cas qu'elle n'avait jamais eu l'occasion d'observer jusqu'alors.
Elle semblait des fois oublier qu'elle se trouvait dans le Nouveau Monde. Mais les occasions de se le rappeler n'étaient jamais bien loin.
***
- On n'est p'u très loin. grinça maladroitement Benoît, alors qu'ils ne s'étaient remis en marche une énième fois que depuis quelques dizaines de minutes.
A ces mots il leva péniblement le bras pour désigner ce qui, de loin, ressemblait à un épais rempart, mais qui progressivement tenait plus d'une épaisse tour rectangulaire s'élevant de la ville. Vraisemblablement une sorte de palais... avant qu'Anna ne remarque la structure en verre à son sommet. Jamais elle n'avait alors vu pareil phare.
Puis ce furent finalement les véritables murs de la ville qui apparurent dans leur champ de vision. Et les silhouettes le garnissant, en plus des quartiers pauvres s'y étalant à proximité : des maisons fébriles se servant des murailles comme murs porteurs, elles-mêmes attelées à d'autres baraques et tentes absurdes. Que la misère restât à l'écart de la ville, cela n'avait rien de surprenant, le Seizième appliquait déjà cette politique. Mais que les pirates fussent eux-même à l'origine de cette ségrégation, cela ne reflétait que quelque chose d'encore plus mauvais.
D'aussi mauvais que la présence d'hommes en armures ou de douaniers qui vinrent les accueillir devant l'une des grandes portes leur faisant face. Des hommes dont seul le regard vide et nauséabond semblait les différencier de gardes honorables, de soldats royaux comme dans des centaines d'autres contrées respectables.
Car dans l'esprit malade d'Anna, tous ici étaient pirates.
Tous étaient coupables.
Et tous étaient condamnés.
Dernière édition par Annabella Sweetsong le Ven 24 Fév 2017 - 17:47, édité 2 fois