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L'entretien du diable

Elle n'avait pas directement vu la différence.

Pourtant le paysage avait drastiquement changé en l'espace de quelques yards. Il leur avait fallu plusieurs heures pour sortir de la vallée s'étendant au-delà de la Cavité : l'unique moyen de rejoindre la pointe sud-ouest de l'île. Depuis la Capitale, en tout cas.

Jusque là l'environnement avait principalement constitué une sorte d'alternance de sables rocheux et de carrières de pierres. Le tout dénué de la moindre trace de verdure rappelait ces îles montagneuses frappées par les vagues où seul le roc fleurissait, poli et blanchi par l'écume amère. Sauf qu'ici l'eau peinait à manquer.

Puis soudainement, au détour d'une énième falaise similaire à toutes les autres, le paysage avait rapidement varié pour rejoindre d'autres nuances si éloignées du gris et du noir qui avaient jusque là teinté les yeux des deux aventuriers. Devancée par le Veau, la pirate se voyait obligée de trottiner à son allure au risque de se perdre, ce qui l'obligeait à revoir sa façon de marcher et à se concentrer pour avoir l'air davantage bonhomme.

Les pas de velours, ça ne correspondait pas réellement au caractère qu'elle s'était dessinée.

Alors concentrée sur ses pieds, obligée de revoir son centre de gravité et toutes les notions d'équilibre qu'elle avait dû acquérir jusque là, elle avait quelques peu perdu en contemplation et son regard ne s'était plus réellement porté sur les roches alentours qui semblaient être les mêmes systématiquement. Toutes. A chaque fois. Et ce ne fut que lorsqu'une tige de fleur pointât le bout de son pistils qu'elle osa lever les yeux.

Autant le duo arrivait à proximité de la cité pirate qu'ils pouvaient apercevoir en contrebas, siégeant sur un bout de terre au centre d'une baie gigantesque, autant la végétation devenait progressivement plus luxuriante. Paradoxalement, c'était l'endroit le plus pourri de l'île qui jouissait de l'environnement le plus sain : les environs d'Alsbrough. Elle émit à ce propos un petit rire cynique qui ne manqua pas d'arriver jusqu'aux oreilles de son compagnon.

- Que'que chose d'marrant ?

Elle fit oui de la tête, sans toutefois le renseigner sur la source de son hilarité. Il ne chercha pas non plus à en savoir plus, marcher semblait déjà une épreuve assez compliquée pour le pauvre bougre. S'il devait en plus s'inquiéter de la sénilité de sa congénère eh bien...

A mesure que les deux révolutionnaires s'enfonçaient donc dans la jungle humide et chaude accueillant visiblement toute la faune et la flore qu'il manquait au restant de l'île, la blonde s'était plusieurs fois surprise à toucher des plantes et leurs feuilles du bout des doigts. Plusieurs fois, en passant, le Veau s'était temporairement interrompu lui aussi pour venir récupérer divers champignons et herbes potentiellement médicinales. Ce qui laissait tout le loisir à l'agente de poser les yeux ça et là pour découvrir des cas qu'elle n'avait jamais eu l'occasion d'observer jusqu'alors.

Elle semblait des fois oublier qu'elle se trouvait dans le Nouveau Monde. Mais les occasions de se le rappeler n'étaient jamais bien loin.

***

- On n'est p'u très loin. grinça maladroitement Benoît, alors qu'ils ne s'étaient remis en marche une énième fois que depuis quelques dizaines de minutes.

A ces mots il leva péniblement le bras pour désigner ce qui, de loin, ressemblait à un épais rempart, mais qui progressivement tenait plus d'une épaisse tour rectangulaire s'élevant de la ville. Vraisemblablement une sorte de palais... avant qu'Anna ne remarque la structure en verre à son sommet. Jamais elle n'avait alors vu pareil phare.

Puis ce furent finalement les véritables murs de la ville qui apparurent dans leur champ de vision. Et les silhouettes le garnissant, en plus des quartiers pauvres s'y étalant à proximité : des maisons fébriles se servant des murailles comme murs porteurs, elles-mêmes attelées à d'autres baraques et tentes absurdes. Que la misère restât à l'écart de la ville, cela n'avait rien de surprenant, le Seizième appliquait déjà cette politique. Mais que les pirates fussent eux-même à l'origine de cette ségrégation, cela ne reflétait que quelque chose d'encore plus mauvais.

D'aussi mauvais que la présence d'hommes en armures ou de douaniers qui vinrent les accueillir devant l'une des grandes portes leur faisant face. Des hommes dont seul le regard vide et nauséabond semblait les différencier de gardes honorables, de soldats royaux comme dans des centaines d'autres contrées respectables.

Car dans l'esprit malade d'Anna, tous ici étaient pirates.

Tous étaient coupables.

Et tous étaient condamnés.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Ven 24 Fév 2017 - 17:47, édité 2 fois
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La plus grande menace à la double-couverture de l'agente était finalement sa folie.

Une folie qu'elle conservait la plupart du temps éloignée sous une carapace de sentiments normaux dissimulant eux-même l'incroyable vide qui lui servait de cœur humain. Et on l'appelait Cœur d'Acier, on ne pouvait avoir plus juste, autant physiquement que psychologiquement.

Surveillant son propre regard, elle s'empressa de descendre son godet d'une traite devant le Veau qui, lui, peinait à boire un simple verre d'eau. Il ne semblait visiblement pas à l'aise avec les tavernes. Ni avec l'alcool. Mais peut-être que ce fussent les moqueries audibles et les vannes incessantes des autres clients qui lui vrillaient les nerfs. Le bouffon restait humain, quand bien même fut-il le dindon de la farce.

De fait, pour le petit boiteux, l'attente paraissait longue. Mais comme à chaque fois, celui-ci parvenait à prendre son mal en patience sans mot dire ; il endurait, bétonné comme les fondations du bar. A défaut de voir l'invité montrer sa frimousse, les deux révolutionnaires eurent à supporter l'arrivée d'un énième ivrogne qui ne put s'empêcher de rire plus fort que les autres.

- Bwahrghargh !! gueula-t-il en s'approchant, postillonnant ça et là les restes de son dernier repas coincés entre ses dents.

C'était l'un de ces archétypes de la flibuste : un type trop grand avec un visage trop émacié renfermant un sourire trop mutilé par une quantité de dents trop absentes. Un turban vissé sur le crâne venait parfaire le tableau du machin qui plaqua rapidement ses deux bras sur la table pour mieux renverser les boissons - un fond de rhum et un demi-verre d'eau - s'y trouvant.

- B'sang mais qu'ess j'vois là, c'beau minois et c'truc là, infâme. C'quoi l'histoire hein ma jolie ? Il t'fait chanter c'ça ?

Déjà plutôt perturbée par le trop grand nombre d'individus abjects présents dans une seule et même ville, Anna peinait de plus en plus à se contenir à la vision et l'audition d'un tel abruti qui aurait mieux fait de rester à sa place, sinon de décamper derechef. Évidemment, il n'en fit rien, continuant de railler le pauvre Benoît qui affichait un visage cramoisi par la honte. Les insultes à son égard allaient crescendo... jusqu'à ce que l'olibrius décidât de renverser sa boisson sur sa tête pour faire rire toute la galerie.

- Héhé t'inquiètes ma belle, le v'là calmé. Tu peux v'nir avec moi. tenta le pirate tout en commettant l'erreur ultime de saisir le bras de la personne la plus cruelle qu'il eusse put trouver dans cette pièce.

Bras qui, au plus grand dame de son possesseur, se retrouva automatiquement détaché par un mouvement habile de celui de la jaune femme. Sans même utiliser un quelconque pouvoir, sinon sa haine viscérale à l'égard des brigands et ce qui de base devait être une simple clé de bras... poussée à l'extrême. Toutefois, ce fut ce qu'elle crut à cet instant-là, mais Benoît lui avait vu la vérité se propager puis disparaître pendant un court moment.

Le membre inerte eut à peine le temps de rebondir sur la table puis toucher terre avant que le rigolo ne se misse à pousser des gargarismes insupportables. Aux oreilles de l'agente, bien forcément, qui ne tarda pas à mettre le pauvre homme en veilleuse... d'un rapide plaquage de sa tête sur la surface en bois de leur malheureuse table.

- N'aurait pas dû faire ça. pointa le Veau, toujours aussi morne, aussi roastbeef ; peut-être même plus que jamais.

Annabella se doutait de la suite, mais la vue du sang et la délivrance qui s'était soudainement emparée d'elle ne demandait qu'à être abreuvée de davantage de morts. Elle avait cette curieuse impression de se retrouver un jour de marché avec le portefeuille plein et l'argent lui brûlant les doigts.

Elle était prête à distribuer des petits pains pour trois fois rien.

Il suffisait pour cela que l'un des camarades du bougre vinsse à élever la voix pour qu'elle lui sautât à la gorge. Elle vit bien l'un des gaillards à sa droite, le capitaine d'un groupe de pignoufs attaché au comptoir, se redresser brusquement, mais à la surprise générale il ne fit rien. Non, c'était un ordre implicite.

De l'autre côté de la pièce, un homme à la carrure remarquable venait de pousser les portillons. Des lunettes de soleil vissées sur le nez, une toque sur la tête et un déguisement pas ou peu assorti venaient décorer son corps de sexagénaire bien conservé. Qu'une cigarette allumée venait ponctuer de mouvements verticaux tandis que celui-ci fredonnait, s'avançait vers le bar et commandait un verre. Et sur ce même ton chantant, lâcha :

- Faut arrêter de les chasser ceux-là, à la fin y'en aura plus.

Les pirates se rassirent alors et la vie reprit son cours dans la taverne comme s'il ne s'était rien passé. Le corps inconscient du gusse glissa lentement de la table pour rejoindre son bras démembré à terre, libérant de la place pour un troisième invité. Celui-ci ne manqua pas l'occasion de prendre une chaise et s'asseoir aux côtés des révolutionnaires.

C'était l'olibrius aux lunettes de soleil, celui qu'ils attendaient.

- Alors ça a un mot pour le chef ? chantonna-t-il sur un rythme rock'n'roll.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mer 22 Fév 2017 - 0:14, édité 1 fois
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Le gugusse était le second dudit capitaine. Sitôt le mot remis entre ses mains, il avait demandé aux deux révolutionnaires de le suivre, ce que Benoît et Anna avaient fait sans protester.

Il semblait que la finalité n'était pas vraiment ce qui était écrit sur la lettre, mais en réalité un entretien au cours duquel...

- Il est écrit qu'en tant que pirate, tu es la plus à même à dialoguer avec le Commandant. Ce qui est plutôt marrant, je dois te l'avouer, car jamais personne n'a été vraiment jugé à même de dialoguer avec le Commandant. énonça le bonhomme dans un curieux trémolo.

Le trio marchait dans les rues bondées de la ville pirate. Malgré la saleté et l'insalubrité de certaines ruelles, l'endroit était plutôt correctement entretenu. Et comme partout, il y avait ici aussi des règles à respecter, malgré le fait que l'endroit fusse aux mains de forbans détestables.

- Laissez les anarchistes s'organiser et ils vous pondront l'idéal qu'ils ont combattu toute leur vie durant. pensa la bonne femme qui ne savait pas vraiment quoi répondre, installant dans la marche solennelle un malaise silencieux.

L'autre ne s'arrêta pas pour autant. Il chantonnait. Tout le temps. Murmurait des mots dans sa barbe que même le Haki de l'Observation ne lui permettait pas de déchiffrer, sur des airs de comptines et d'autres refrains populaires.

Après être passé par un épais quartier commerçant, le convoi traversa un énième rempart au sein duquel se trouvait une zone résidentielle plus huppée. Jadis place des bourgeois et des tenanciers du coin, l'endroit avait été reformaté pour contenir le sommet de la déchéance : les officiers du Commandant et les capitaines de sa flotte. Cette idée s'accola aux différents noms qu'avait déjà combattu l'agente et qui appartenaient à la gigantesque flotte des Sunset. De la cinquième à la troisième, elle s'était confrontée à des gaillards aux pouvoirs surhumains. Mais jamais encore elle n'avait croisé un seul capitaine appartenant à la seconde flotte...

Cette pensée ne l'enthousiasmait pas réellement. Ici, elle n'était pas dans son élément. Plus encore bouleversée de se trouver dans un repère accueillant une quantité phénoménale de pirates, elle avait découvert avec frayeur que ceux-ci s'étaient organisés pour être plus efficaces.

- Z'allez voir, le chef c'est pas qu'il est antipathique. C'est juste qu'il aime pas les gens en général. prévint le second entre deux lattes prestement tirées sur son cigare.

A terme de leur voyage à travers la ville, ils s'étaient tous trois retrouvés devant l'élément le plus grand de la ville : la tour que l'on pouvait apercevoir au loin, le phare. La taille phénoménale de la bâtisse devait conférer à la personne à son sommet une vue globale sur toute l'île et ses eaux territoriales. Autant dire que cela n'était pas véritablement une bonne nouvelle dans l'hypothèse où la Marine devait débarquer.

Cette ville était un non-sens aussi bien qu'un gigantesque point noir sur les plans du Cipher Pol. Qu'il faudrait gommer tôt ou tard, mais plutôt tôt que tard. Pas le choix, cependant, la révolution et la bourgeoisie passaient avant. C'étaient eux qui tenaient le filon principal de l'île : la Capitale où les innocents continuaient d'être persécutés. Et ses terribles visions cauchemardesques.

Encombrée par ses pensées, l'agente ne remarqua même pas lorsque la porte s'ouvrit légèrement et laissa apparaître le visage cramoisi d'un serviteur chargé de garder l'entrée. Celui-ci ne tarda pas à agrandir l'entrebâillure du gigantesque portail en reconnaissant spontanément le visage impatient du Second.

- E-entrez je vous prie... Le Maire vous attend... grinça-t-il fébrilement tout en joignant la parole d'un geste se voulant bienveillant, amical.

Mais l'expression sur son visage laissait entrevoir la douleur de l'enfer. Anna entra toutefois à la suite de son camarade sans montrer la moindre once d'appréhension. C'était son travail de camoufler ses émotions.

Toutefois à l'intérieur, elle bouillonnait.
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La gigantesque tour possédait autant d'étages que de vastes salles richement décorées. Certaines l'étaient par des meubles simples et des décorations basiques, d'autres par des fioritures plus dans le goût local : têtes de morts, bougies à moitié fondues, modèles réduits de bateaux et coffres tantôt vides, tantôt pleins.

Chaque étage possédait son lot de couloirs et de pièces inaccessibles, si bien que l'ascension se fit sans véritable visite guidée. Toutefois la jeune femme reconnut aisément ce qui ressemblait à une salle de fêtes, de banquet ou bien une cuisine à l'étage la surplombant, grâce aux fumets se dégageant d'entre les portes. Elle devina un ingénieux système de treuil permettant l'acheminement des plats entre les différents paliers. Des suppositions qui se confirmèrent lorsqu'elle aperçut une première trappe creusée dans l'un des murs au sein du hall débouchant sur le bureau gigantesque de son hôte.

C'était bien évidemment dans les habitudes d'un agent de débusquer de possibles moyens de fureter dans une infrastructure. Annabella l'avait fait inconsciemment depuis son entrée : son regard s'était glissé dans les moindres recoins des pièces traversées tandis que son haki venait repérer la présence, ou non, d'êtres vivants dans toute la bâtisse. Son don avait évolué au point de lui permettre de sentir des détails précis dans les silhouettes mises en valeur par l'aura surnaturelle. Qu'il manquât un doigt au chef cuistot ou bien qu'une femme de ménage fusse en train de fouiller dans les tiroirs à argenterie, elle le voyait. Les contextes n'étaient plus flous.

Toutefois elle n'avait pas osé sonder derrière la porte du Maire, par peur de rencontrer une résistance et dévoiler sa couverture. Elle n'était qu'une simple pirate engagée dans la révolution locale ; une sorte de mercenaire. Et elle ne s'attendait certainement pas à ce que l'on ait entendu parler d'elle jusqu'ici.

Et pourtant.

Quand les portes s'ouvrirent, ce fut un homme d'une stature édifiante au visage mangé par une barbe brune et à la tête coiffée d'un tricorne qui leur apparut. Fidèle à l'image que l'on se faisait d'un grand capitaine pirate, le gaillard imposait pour le moins. Debout près de l'entrée, il avait pris la peine de venir lui-même accueillir ses visiteurs dans son bureau, le visage terne et la pupille obscure. Il n'éprouvait aucun plaisir à l'idée de les recevoir et ne comptait visiblement pas négocier quoi que ce soit, mais à vrai dire le bonhomme ne semblait pas être du type à éprouver du plaisir tout court.

Pourtant c'étaient bien pour cela que Benoît et Anna étaient là. Benoît qui avait d'ailleurs fait comprendre à la pirate, quelques instants plus tôt, qu'il ne piperait mot durant l'entretien : il était là pour la seconder mais c'était à elle de faire tout le boulot. Déjà pas bien loquace, l'handicapé était désormais aussi mobile qu'une statue sur son siège, voisin à celui qu'occupait la jeune blonde. Car sans même leur dire bonjour, le capitaine les avait aussitôt invités à prendre place devant son plan de travail envahi par de nombreuses cartes, de la paperasse et quelques poignards pour fixer le tout.

Après avoir rapidement fermé les portes, son second vint se placer à ses côtés.

Puis le silence dura pendant de longues secondes sans qu'aucun ne se décidât à le briser. Un grondement sourd provoqué par un raclement de gorge du barbu laissa entendre à l'agente qu'elle devait visiblement se présenter.

Elle commença donc avant d'être brusquement interrompue par la voix sombre d'un homme à fleur de peau.

- Je sais qui tu es, Bonny., tonna-t-il en appuyant bien sur le B du nom pour en faire ressortir une profonde méprise... avant de ricaner aussi sobrement que possible : J'ai eu vent de tes exploits ici.

Chaque mot était pesé dans la bouche du commandant comme s'il devait en filtrer la haine avant de le laisser s'échapper. Son rire, lui, n'avait pas de filtre et venait gratuitement rabaisser la jeune femme comme si elle avait le sentiment d'avoir commis un impair par le seul fait d'exister. Mais au lieu de se décomposer, elle choisit de tenir tête au bourreau. C'était la stratégie, il la mettait à l'épreuve.

- Les rumeurs vont vite et tu n'fais pas exception à la règle, McKlayn. J'suppose qu'on m'a envoyée car personne n'avait les couilles ici d'te dire en face que t'étais une raclure d'fond d'chiottes ?

Bien que Benoît n'émisse aucun son, Annabella vit les muscles de son visage se crisper. Il s'agissait là d'un parfait coup de poker : dans la hiérarchie pirate, il était assez courant que les haut dignitaires en eussent marre de se faire peigner le cul. Elle espérait juste avoir trouvé l'un de ceux là, sinon elle était dans de beaux draps.

Le silence se prolongea donc pendant une bonne minute supplémentaire durant laquelle le pirate fit mine de sonder l'esprit de son opposante, avant d'éclater finalement d'un rire sonore bien tonitruant. Elle n'était toutefois pas sûre que la situation soit forcément bénéfique et fit le choix d'attendre avant de montrer un sourire consensuel.

- Je comprends désormais pourquoi ton copain révo t'a envoyée ici. Il a fait le bon choix.

Un souffle quasiment imperceptible quitta les lèvres serrées du Veau, tandis que le Second affichait un sourire énigmatique. Toutefois la première impression n'était pas la dernière, elle s'aventurait continuellement en terrain hostile et devait raisonner avant chaque parole.

- C'est pas pour rien que j'couche avec lui. laissa-t-elle entendre, goguenarde.

L'homme s'esclaffa à nouveau. A priori son rôle de pirate ne rencontrait pour le moment aucune limite palpable, cependant elle savait que tôt ou tard le manque de renommée allait la trahir. Elle devait se créer son propre passé à partir duquel la théorie qu'elle eusse fini par tomber dans le coin fusse plausible. Elle garda un embryon d'histoire sous le coude, au cas où. Et se dépêcha de présenter la lettre perdue au fond de la poche de sa veste qu'elle avait d'ores et déjà adressé au quartier-maître.

- Et j'suis pas venue les mains vides, évidemment. Nous avons une réponse.

McKlayn réceptionna la missive entre ses doigts calleux et se mit à la lire, affichant un sourire figé sur son visage. Un simple sourire qui pouvait aussi bien trahir le mécontentement que l'inverse. Avant de finalement la plier et la clouer brutalement sous l'un des poignards vissés dans son bureau. Et étirer davantage les commissures de sa gigantesque bouche.

- Ça dit juste que je dois écouter ton laïus... et bien vas y, parle sacrebleu !

Tandis que la pression était palpable, la jeune femme conserva au contraire une voix posée et neutre. Chaque syllabe de ce qu'elle s'apprêtait à dire avait son importance.

- L'jour d'la révolte approche et Jim a bien analysé les termes d'votre échange. Et il accepte. L'albinos vit à cet instant précis une lueur éclairer le regard de son interlocuteur. À condition que c'soit la Vox qui choisisse les esclaves à envoyer à Alsbrough.

Voilà le hic. Le pirate ne perdit pas directement la face mais cessa rapidement de sourire, avant de frapper du poing sur le bureau.

- Ton chef a de l'eau dans les oreilles ?! Je lui ai déjà dit que c'était une offre en or, à prendre ou à laisser ! Et désormais il veut marchander ? gronda le Commandant tout en se levant de son siège, l'apparence terrifiante.

Enveloppé dans son grand manteau, l'homme était en tous points similaire à un ours. Et avant même que la blonde n'eusse pu dire "ouf", quelque chose vint la saisir au cou et la soulever légèrement au-dessus du sol. A première vue il s'agissait d'une corde, cependant celle-ci était noire. Elle reconnut toutefois une capacité qu'elle avait déjà combattu auparavant, à Alabasta, mais cette fois-ci en beaucoup plus impressionnant : le Rope Action.

Lentement mais sûrement, le cordage venait enserrer ses cervicales. Ainsi que celles du Veau qui subissait l’extrémité sortie de sous le bras droit de McKlayn. Le manque d'oxygène commençait cruellement à se faire ressentir. Annabella hésitait. Il était encore trop tôt pour se débattre.

- Je devrais vous tuer sur le champ, ça rendrait ma réponse assez claire, je suppose.

À ces mots, le pirate força davantage, au point que normalement il n'aurait plus été possible pour l'agente d'émettre le moindre son. Cependant une force inconnue semblait lutter dans son cou et donnait visiblement du fil à retordre aux cordages noirs du Commandant. Elle put ainsi exprimer ces quelques mots, espérant que ça mettrait fin au calvaire des deux révolutionnaires.

- Il... te... laissera... la Fleur...

C'était le message secret, la raison pour laquelle on l'avait envoyée elle.

Si jamais les choses tournaient mal, voilà ce qu'elle devait dire. Elle n'était pas sûre de ce que cela signifiait, mais savait pertinemment que le nom de la Maire du Seizième était Fleur Joliteint. Et qu'elle baignait dans tout un tas d'affaires louches, y compris la vente d'esclaves.

Elle se remémora alors le moment où, sur l'oreiller, son amant lui avait fait cette confession.

- Au cas où tu ne serais pas au courant, le Maire d'Alsbrough commande toute une flotte des Sunset Pirates. Et il m'a fait une proposition récemment : celle d'aider la Vox à renverser la tyrannie des Bourgeois. Il nous fournirait des hommes, des armes et de quoi faire tomber les satanés murs de cette horrible citadelle. Et en échange, nous le laisserions se servir comme les Bourgeois le font dans la Capitale... en esclaves. Voici les termes de son marché, voici l'unique moyen de les faire tomber : s'allier avec des pourritures et faire une croix sur nos idéaux. Un sacrifice nécessaire... mais un lourd tribu à payer nous obligeant à tout recommencer sur des fondations moisies. Il ne faut pas que ça arrive, Eleanor. Demain, quelqu'un ira lui remettre notre réponse et le mieux que l'on puisse faire pour le moment, c'est négocier sur le choix des esclaves. Et si jamais cela ne suffit pas, nous serons obligés de lui laisser la Fleur.

A ce moment là, l'agente ne se doutait pas qu'elle serait la messagère, mais désormais ça lui semblait limpide comme de l'eau de roche. A ce moment-là, dans le même lit qu'elle, Jim avait déjà tout planifié et il savait que les négociations seraient rapidement interrompues.

Seulement, pour la révolution, un handicapé et une pirate n'étaient pas une grosse perte. Il avait risqué leurs vies en sachant leurs chances de ne pas en revenir.

Mais les mots avaient fait mouche dans le cœur du pirate et l'étreinte se desserra aussitôt autour des nuques des deux victimes. Celles-ci tombèrent mollement sur le tapis recouvrant le sol de la pièce, toussant et hoquetant à grande peine. Annabella jeta un regard assassin au capitaine qui ne les regardait pas mais semblait en réalité peser le pour et le contre de cette opportunité à saisir. En revanche, elle capta le regard du second qui, lui, la dévisageait avec des yeux ronds comme des soucoupes.

Non, ses pupilles n'étaient pas braquées sur son visage, mais sur son cou, auquel la jeune femme porta sa main droite... et rencontra à la place de sa peau un texture rugueuse et sombre qui s'étendait jusque sur le haut de sa poitrine.

Tous les quatre savaient de quoi il s'agissait.

- Costaude pour un messager. Celle-là t'aurais mis longtemps à l'étrangler Ethan, t'as bien fait d'arrêter.

Le barbu baissa le regard vers son invité, la regarda pendant quelques secondes, avant de hocher la tête. Son esprit semblait avoir retrouvé sa place sous son couvre-chef.

- C'est bon, tu lui diras que j'accepte le marché sous ces conditions. grogna-t-il finalement en regardant les deux malheureux se relever péniblement.

Après ce qu'elle venait de subir, Anna n'avait pas besoin d'en savoir plus, pas besoin de rester ici plus longtemps. Elle opina du chef à son tour, prête à tourner les talons avec Benoît à sa suite, quand la voix du Commandant la stoppa nette :

- La nuit tombe, vous ne comptez tout de même pas prendre la route maintenant ? Permettez-moi d'être votre hôte... et puis vous ne voudriez probablement pas manquer le petit spectacle de ce soir, n'est-ce pas ?

Alors qu'elle tournait quasiment le dos au Maire, la pirate sentit à cet instant un sourire macabre se dessiner sur le visage du forçat.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mer 22 Fév 2017 - 0:15, édité 2 fois
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Le boiteux n'avait pas placé un mot depuis l'entretien. Anna ne savait pas si cela venait d'un problème de vertèbres coincées ou bien du malaise qu'elle ressentait elle aussi.

Les deux gaillards descendaient donc l'escalier de la tour en silence, quittant la chambre de bonne qu'on leur avait allouée pour la nuit. Sur le chemin du spectacle qu'on leur avait promis mais que ni l'un, ni l'autre n'étaient véritablement résolus à voir. L'expression faciale du forban n'avait pas été pour rassurer l'agente qui se doutait d'un truc pas net.

Ce fut finalement Benoît qui lâcha le bébé, une fois les deux gusses sortis du phare, en chemin vers le centre-ville.

- T'avais déjà entendu parler d'Alsbrough avant aujourd'hui ? questionna-t-il sur le ton de la mise en garde.

C'était rhétorique, il la soupçonnait bien de ne pas être au courant. Il n'attendit donc pas qu'elle répondisse par la négative pour continuer. Et lorsqu'il eut fini d'expliquer, un nouveau silence vint ponctuer la conversation. Ce n'était plus un simple malaise, mais plutôt un deuil pour ce qu'ils s'apprêtaient à voir. Si l'innocence prenait fin, c'était bien ici, à Alsbrough.

Finalement, comme il restait encore cinq bonnes minutes de trotte, l'handicapé en profita pour glisser une autre remarque qui, visiblement, l'estomaquait pas mal.

- T'avais pas dit.

- Quoi ?

- Pour le Haki, t'avais pas dit que tu le possédais.

La jeune femme s'arrêta brusquement, crispée, pensant d'abord que le bonhomme évoquait son don de l'observation qu'elle avait abondamment utilisé jusque là. Puis son coeur reprit un rythme normal lorsqu'elle comprit que le Veau ne parlait visiblement pas de ce Haki là. Elle se remit en marche, sans rien  répondre durant de longues secondes. Avant d'avouer, à voix basse, presque inaudible :

- Moi non plus je n'étais pas au courant...

***

Par un procédé incompréhensible, la nuit s'était intensifiée.

De base, il faisait assez sombre sur Arcadia, même le jour, cependant l'albinos n'avait jamais été témoin d'un tel phénomène. C'était presque comme si les ténèbres devenaient tangibles et s'amusaient à bloquer la vue au-delà de quelques mètres. Par chance, les rues par lesquelles passaient les révolutionnaires étaient éclairées. Mais ce n'était pas le cas des ruelles inquiétantes en ramification de l'allée centrale qui les guidait, lentement mais sûrement, vers l'immense feu de joie où les attendait leur hôte.

Il s'agissait d'une immense place pavée au milieu de laquelle se trouvait une sorte d’échafaud. La curieuse estrade dont il était question n'avait pas de poutres ni de cordes pour pendre les malheureux, mais à la place des poteaux dressés... teintés de rouge.

Faisant face à la scène, le pirate trônait sur un siège surélevé, devant une longue table le long de laquelle étaient assis ses plus proches adjudants. Ceux-ci mangeaient et buvaient comme le faisaient des pirates normaux. Des pirates normaux qui affluaient progressivement depuis les tavernes pour venir se poster tout autour de la zone. Certains buvaient, d'autres profitaient des femmes qu'ils agrippaient sauvagement ; certaines luttaient pour s'enfuir et se prenaient des mandales. Tous hurlaient et applaudissaient, ovationnant davantage lorsque le capitaine se dressa.

Son regard sombre remarqua les deux silhouettes en retrait qui se tenaient immobiles.

- Ah ! Mes invités, venez donc me rejoindre ! fit-il tout en désignant deux chaises vides à ses côtés, les prunelles brillantes et le sourire au beau fixe.

Bien évidemment, la plus proche était pour l'agente. Ils prirent donc place timidement, mais tous les efforts pour passer inaperçus furent vains. Beaucoup d'hommes les dévisageaient, certains riaient d'eux, d'autres les insultaient visiblement. A plusieurs reprises, Anna eut l'impression d'être attachée à l'un de ces fameux poteaux où allaient être torturés, elle le savait désormais, des hommes innocents. Des esclaves... mais pas seulement.

Le malaise, comme la nuit, s'intensifia tandis que les minutes s'écoulèrent. Contraints de manger et boire pour ne pas laisser mauvaise impression, ils eurent rapidement les idées brouillées et le cerveau lent, fainéant. Il était rare que l'alcool en vienne à embourber l'esprit de l'agente, cependant la liqueur qu'on leur servait n'avait rien d'un rhum traditionnel. Elle se surprit à tousser en avalant même une première gorgée.

Le Commandant riait à gorge déployée et gardait son regard vrillé sur elle. Elle savait que l'entretien n'était pas réellement terminée et qu'il s'agissait d'une épreuve supplémentaire, une épreuve qui n'avait pas été prévue au programme. C'était, en quelques sortes, une vengeance personnelle sur la Vox, puisque l'esclavage et la torture étaient ce contre quoi luttait la révolution. Ou tout du moins, ce qu'elle prétendait.

Anna n'était pas sans connaître le rôle qu'avait joué l'organisation, des dizaines d'années auparavant, dans tous les massacres perpétrés sur le continent. Les armes chimiques et les bombes avaient pour la plupart été déployés par les révolutionnaires qui avaient accusé le gouvernement en place. La fourberie s'était étendue au massacre, au sacrifice d'innocents pour une cause qui n'avait jamais su rattraper ses erreurs. Mais elle ne s'était jamais étendue jusqu'à une telle cruauté.

Mais ce fut réellement lorsque McKlayn donna l'ordre de faire entrer les premiers esclaves qu'Anna comprit son malheur.

Dans un piteux état, les deux hommes et la jeune femme ne parvenaient d'ores et déjà pas à marcher sans support. Tous avaient moins de trente ans, mais il n'était pas certains qu'ils fussent tous des adultes.

Bien évidemment, la pauvre femme était nue et probablement la plus à plaindre.

Toutefois ce ne fut pas pour elle que l'albinos s'inquiétait. Non, elle avait bien dévisagé les faciès tuméfiés des tristes prisonniers et étaient sûre d'avoir reconnu le plus petit, et toutefois le plus vieux, des deux gaillards. Ses yeux s'étaient rétrécis pour mieux se concentrer sur les traits du visage de la victime, s'imaginant ce à quoi il devait ressembler avant d'être déformé par les coups et les coupures. Puis elle hoqueta.

C'était lui. C'était lui. Elle en était certaine désormais. C'était l'un de ses collègues.

L'un des jumeaux Pong du CP9.

Le plus vieux assurément. C'était rare de voir l'un sans l'autre, ils arrivaient généralement à se débrouiller pour rester en tandem sur leurs missions. Les doutes incendiaient le crâne de la cheffe d'équipe qui imaginait toute une ribambelle de possibilités. Chang était-il venu seul ? Où était son frère ?

Mais rapidement, tout ceci laissa place à une affreuse appréhension : elle allait voir l'un de ses frères d'armes se faire torturer jusqu'à la mort et, pour le bien de sa mission, n'était même pas capable de lui venir en aide. Pire, elle allait devoir assister à toute la scène sans détourner les yeux, car ça, McKlayn ne le tolérerait pas.

La véritable victime de cette mascarade n'était pas le pauvre homme, mais elle.
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Le troisième homme n'avait cessé de se répandre en suppliques depuis qu'on l'avait attaché. Il semblait être le plus au courant de ce que lui réservaient les boucaniers et pleurait leur clémence, leur miséricorde. Mais sa voix ne parvenait ni aux oreilles des brigands, ni à celles de l'agente dont le regard vide venait éplucher le flou de la scène avec un couteau ébréché. Elle n'y voyait rien, elle s'était éteinte. Toutes ses pensées étaient dirigées vers le corps endolori de l'agent.

Parfois un œil se glissait aussi sur la pauvre hère dont le visage épargné ne laissait transparaître aucune émotion, aucune envie de se débattre contrairement à son voisin. Elle attendait la mort, tout simplement.

Elle fut d'ailleurs la première victime de l'odieux processus.

Rapidement, un bourreau s'était présenté à la suite des trois condamnés. Et à sa suite d'autres hommes portant tout un attirail d'objets terrifiants que l'agente n'avait aucun mal à reconnaître. Lames courbes, scalpel, écarteur, matériel d'éviscération, tournevis, fer chauffé à blanc... Tout ce qu'il fallait pour faire passer un mauvais moment à un prisonnier de guerre et bien plus encore. L'espionne découvrit même des outils qu'elle n'avait jamais vu jusqu'alors, mais n'osa pas s'épancher davantage sur leur utilité.

Anna était livide et en proie à des sueurs froides. Elle peinait à se maîtriser et eut davantage de difficultés quand l'embaumeur commença son office.

Silencieuse au départ, la torturée ne put retenir les cris qui vinrent foudroyer le silence ambiant, tandis que les pirates s'étaient tus et appréciaient tous la scène avec des sourires monstrueux. Certains vomirent tout de même mais continuèrent à regarder par la suite.

Après plus d'une trentaine de minutes durant laquelle le chirurgien en herbe exposa la plupart des organes internes de sa victime à l'air libre, il passa finalement au second. Ce-dernier avait cessé de réclamer pitié pour, à la place, prier un dieu quelconque. Il se savait d'ores et déjà mort, mais espérait que ce fusse plus rapide que pour son prédécesseur.

Son dieu n'en fit rien, le calvaire dura près de quarante minutes avant que le pauvre gusse ne rende l'âme, les membres découpés et cautérisés... jusqu'à ce qu'il ne dépassât plus que la tête du tronc attaché au pilier de bois.

Puis vint finalement le tour du CP9. Mais avant même que l'écorcheur n'ait eu le temps de nettoyer ses outils et en saisir de nouveaux, une voix perça à travers la foule.

Celle du Maire qui prit cette fois-ci la peine d'introduire son prisonnier.

- Mesdames et messieurs, ce soir j'ai l'honneur de vous offrir l'un des spectacles les plus plaisants qu'il soit. commença-t-il avant d'être interrompu par un tonnerre d'applaudissements qu'il calma d'un geste du plat de la main. Ce soir, le dernier homme qui se tient devant vous est un cadeau. Un présent que je vous fais et qui j'espère vous plaira. Un assassin et pas n'importe lequel... puisqu'il s'agit de l'un de ces très rares agents du Cipher Pol. Et pas n'importe quel Cipher Pol, mes bons. Non, non... un agent du Cipher Pol Neuf !

Les acclamations retentirent davantage autour de l'albinos et de son compagnon qui, eux, restèrent silencieux. Malheureusement pour eux, Ethan McKlayn n'en avait pas terminé.

- Mais ce n'est pas tout mes frères ! Aujourd'hui j'ai reçu la visite de deux émissaires de la Vox Dystopia venus me porter un message. Le doux message de la guerre et de la victoire, des richesses à venir, de la liberté. Le message de la révolte. Pirates, ce soir nous dînons avec nos alliés... et demain... demain nous lutterons à leurs côtés pour faire tomber la Bourgeoisie !

Les hurlements se firent tels que Benoît eut besoin de se recouvrir les oreilles. Annabella, elle, suspectait le pire. Comme le marteau d'une enclume, telle l'épée de Damoclès, le regard du monstre s'appesantit une dernière fois sur elle. De sa main droite, il lui fit alors le geste de se lever. Ce qu'elle fit, toujours aussi livide, presque fébrile. Puis de son autre main il indiqua son frère d'arme à elle.

- Et pour célébrer cette union, je vous offre cet homme. Je vous offre le plaisir de lui donner la mort. Ce soir, Miss Bonny, c'est à vous de nous divertir. termina-t-il d'une voix calme.

Les lèvres de la prétendue pirate se comprimèrent davantage. Elle ne pouvait pas répondre, sa voix s'était perdue dans le fond sa gorge, toutefois elle parvint à hocher la tête. Puis, lentement, progressant d'un pas devant l'autre, elle contourna la gigantesque table du banquet pour monter sur l'estrade. Le bourreau la frôla en lui présentant d'une main bienveillante son atelier qu'il lui mettait à libre disposition, avant de quitter la scène. La laissant seule... seule avec son camarade.

Chang ne pouvait pas parler, il pouvait à peine voir. Pourtant il l'avait reconnue depuis le départ et il souriait de la voir à ses côtés. Annabella était devenu un membre de sa famille et il n'avait plus à mourir seul, loin de tous ses proches. C'était inespéré. Malheureusement, pour que l'accord tînt, il fallait que le spectacle soit au rendez-vous. Et ça, ils le savaient tous les deux. Tout ce que pouvait donc faire le prisonnier était de profiter d'être entre des mains expertes.

Elle saisit donc un scalpel et commença par une incision au sommet du crâne. L'agent resta silencieux, aussi silencieux que la foule qui admirait le divertissement. Aucun cri, aucun mot n'émana des lèvres déchirées du bonhomme, même lorsque la jeune femme commença à retirer la peau et découvrir la chair et les muscles à vif en-dessous. Une larme quasiment imperceptible coulait lentement sur le visage d'Anna, tandis qu'elle retirait progressivement la peau de l'écorché vif, sous le regard passionné de l'assemblée. Sous celui du capitaine qui souriait de toutes ses dents et celui du Veau qui était horrifié.

Le travail, bien qu'inhumain, était parfait. Anna profitait de longues années d'expérience en la matière et ne pouvait se résoudre à torcher la chose. Elle n'avait aucunement envie de faire souffrir son collègue plus que nécessaire.

Véritable force de la nature, celui-ci tînt jusqu'à ce qu'elle eusse terminé de retirer tout l'épiderme, l'enveloppe, pour ne laisser qu'une chose sanguinolente et fragile à découvert. Le froid de la mort envahit brusquement le corps endolori du pauvre homme. Les spasmes cessèrent finalement après trois longues minutes supplémentaires d'agonie.

Le cauchemar avait duré une bonne heure.

La foule en liesse explosa brutalement dans un tonnerre d'applaudissement, lorsque l'agent rendit son dernier soupire, venant bouleverser la tortionnaire comme si elle venait de se prendre un boulet de canon en plein visage. Elle vacilla, puis se reprit de justesse. Et regagna péniblement sa place, mentalement amoindrie.

Le banquet continua près d'une heure après, mais la jeune femme n'en garda aucun souvenir. Elle se remémora uniquement le moment précis où elle reprit ses esprits, sur la route la ramenant au phare, en compagnie du Veau. Celui-ci savait garder le silence. Et tant mieux car la tristesse dans le cœur métallique de la jeune femme tenait de plus en plus à laisser place à de la haine, une rancœur incommensurable qui la remplissait pleinement.

Elle ne parvint pas à trouver le sommeil ce soir-là. Et dût lutter à de nombreuses reprises pour ne pas se rendre dans la chambre de son hôte et l'assassiner de sang froid.

Le sourire de son camarade figé dans son esprit la consumait de l'intérieur.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mer 22 Fév 2017 - 0:16, édité 1 fois
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Ethan McKlayn insista pour les raccompagner jusqu'à l'extérieur de la ville. Malgré l'expression terne sur le visage d'Anna, il ne put s'empêcher de parler. D'évoquer à quel point il lui était reconnaissant pour hier soir.

Hier soir.

L'agente n'oubliait pas, elle avait rangé les images dans un coin de son esprit. Pour plus tard. Plus tard elle aurait sa revanche et ce serait le barbu qui finirait sur le gibet. Pour le moment elle devait faire semblant. Elle ne pouvait certes pas lui sourire, mais pouvait encore lui répondre. Et le saluer. Et espérer le revoir sur le champ de bataille, car c'était ce que Jim Richards voulait.

Malgré le sacrifice, sa mission avait été une réussite. Et ce fut tout ce que le Veau eut à dire sur le chemin du retour. Ce rapide passage par Alsbrough les avait changés tous les deux. Les dernières parcelles d'innocence dans leurs âmes avaient été dévorées par McKlayn et sa ville infâme.

Il apparut même à l'agente que la Cavité et sa ville fantôme fussent plus accueillantes que le port animé des pirates, lorsqu'ils y parvinrent.

Lorsqu'ils entrèrent finalement dans la base révolutionnaire, ils la découvrirent dans une émulsion improbable. Les révolutionnaires s'activaient de tous les côtés, chargeant et déchargeant nombre de caisses et de barils. Anna et Benoît ne perdirent pas de temps à interroger les passants, devinant que le cœur de toute cette agitation devait se trouver au quartier-général. Ils escaladèrent donc les marches du bâtiment incrusté dans la paroi rocheuse et atteignirent le bureau à son sommet : celui du Leader.

Assis sur le siège, en train de régler la paperasse, se trouvait Richards.

- Ah, vous êtes de retour ! sourit-il en les voyant passer le seuil de l'entrée.

Ses yeux trahissaient son soulagement, même s'il n'en montrait rien. Le Veau, lui, ne perçut rien. Il épargna d'ailleurs à la pirate de devoir faire le rapport, exposant les faits. Le visage du révolutionnaire se décomposa progressivement en assimilant l'histoire, jusqu'à ce que ses prunelles en viennent à se poser définitivement sur sa partenaire. Il ne savait même pas le dixième de ce qu'elle avait véritablement enduré, mais son regard lui intima un certain réconfort.

Le réconfort n'était pas ce dont avait besoin l'agente. Elle espérait que la révolution se misse bientôt en marche vers le Seizième pour écouler sa rage et noyer sa hargne dans le sang des Bourgeois.

- Capturer la Fleur ne va pas être une mince affaire, il aurait été plus facile de l'exécuter durant l'assaut. Mince, je vais devoir revoir mes plans pour le jour J.

Alors c'était défini, il avait commencé à établir des stratégies d'attaque et évoquait enfin une date. Cela ne voulait dire qu'une seule chose...

- Où est Blake ? demanda l'albinos, certaine de déjà connaître la réponse... ou presque.

- Alité. Sa maladie le pousse dans ses derniers retranchements et il m'a confié le commandement de la Vox. Il n'est plus en état de faire quoi que ce soit, à vrai dire.

- Tous les autres sont au courant d'l'opération, donc ?

Le nouveau leader opina du chef.

- De tout sauf de l'alliance avec les pirates. Il va falloir y aller avec des pincettes sur ce coup-là... Mais j'en ai déjà parlé avec mes subalternes et tous me rejoignent sur l'idée que nous avons besoin d'hommes et d'armes. Ce sans quoi nous nous heurterons à un mur. Mais grâce à vous nous sommes dans les temps avec de grandes chances de remplir nos objectifs et mettre fin à cette tyrannie.

Malheureusement, les Bourgeois ne constituaient pas l'unique tyrannie à laquelle devaient se confronter les révolutionnaires. Tous le savaient dans cette pièce.

- T'as parlé d'un Jour J... L'attaque est prévue pour dans combien d'temps ?

Le sujet était épineux, elle s'en était rendue compte. Le révolutionnaire n'avait cessé de tourner autour du pot sans véritablement rentrer dedans. Cette fois-ci il ne pouvait pas se permettre d'éluder la question. Il répondit, fébrilement, incertain.

- Les Bourgeois reprennent du poil de la bête. Ils savent que quelque chose se trame et sont sur la défensive. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de temps...

Il marqua une nouvelle pause. Puis posa les bras sur son bureau, étalant çà et là des feuilles volante sorties de ses classeurs.

- Nous attaquerons dans six jours, le temps de prévenir McKlayn et de mobiliser toutes nos forces. En attendant, prenez du repos, vous l'avez bien mérité... Surtout toi Eleanor.

Ce après quoi l'homme se rassit sur son siège, comme heurté par une fatigue soudaine. L'agente se doutait que son cerveau devait être en éruption, mais ne pouvait rien faire pour le moment pour l'aider. Elle lui glissa toutefois quelques mots à l'oreille.

Car aucun des deux n'avait à rester seul cette nuit.
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