En mer, North Blue...
- On est au bon endroit ? s'enquit Lady Ombeline.
- Sans aucun doute permis, m'dame ! lui répondit avec conviction, le vieux briscard navigateur de l'équipage. On est bien dans la Soupe aux Traitres.
La commandante d'élite Ombeline fixa son regard quelque part sur l'horizon. Il n'y avait un aucun navire en vue. Rien de bien étonnant, la Soupe aux Traitres était une portion de North Blue évitée des flottes commerciales à cause de sa sinistre réputation de mer hantée. Mais aucune malédiction n'avait jamais réussi à dissuader celle qu'on surnommait "L'épée du Matin" de traquer sans relâche ses proies, surtout quand elle avait la conviction de se rapprocher de sa cible. L'insaisissable Olusegun Soljäer. Ils étaient là... Forcément...
- On se serait pas trompé dans nos prévisions par hasard ?
- Ça m'étonnerait beaucoup, assura Darlessa Simons, Lieutenant à bord du croiseur Achéron. On sait qu'ils ont levé l'ancre quelque part dans l'archipel du Cul-aux-ruches et qu'ils font voile vers la Route du Chanvre. De tous les chemins de contrebandiers, celui qui passe par la Soupe est le plus sûr. Et puis, on est en avance, faut attendre.
- Hmmm.
- C'est pas ton fort, je sais.
Le respect des règles de la hiérarchie ou des convenances entre officiers n'était pas non plus le dada de l'équipage d'Ombeline qui n'était rien de plus qu'un ramassis de gens d'horizon divers mus par une seule chose : la violence. Tristement célèbre, l'équipage des "Bêtes de l'Ombre" n'en était pas moins efficace. A leurs actifs le démantèlement du réseau Damam de trafic de cadavres sur East Blue, l'annihilation de la Cellule Révolutionnaire et de la rébellion en principauté de Maltasthan et bien d'autres encore. Ils avaient pignon-sur-rue mais trainaient tout le temps des casseroles de dégâts collatéraux tout aussi importants que le mal qu'ils combattaient. Depuis peu, dans le viseur des Bêtes, le marché ô combien fructueux de la contrebande d'antiquités sur North Blue. Longtemps marginalisé et inconsidéré de la stratosphère criminelle de North, le secteur connut une forte expansion ces dix dernières années, dopé par l'arrivée de quelques "experts" de West Blue. Là-bas, ce marché était l'une des plus importantes vaches à lait du crime organisé.
- Sortez les log-pose et les magnétopose qu'on a en stock ! cria Ombeline prise d'une soudaine inspiration.
- T'as craqué ou quoi ? fit Darlessa. Ça va te servir à quoi sur les Blues ?
- La ferme, ignare ! répliqua-t-elle. Va rejoindre ton poste, Mlle la snipeuse. Bon, ces machins détectent le champ magnétique des iles de Grand Line, on est d’accord ? demanda-t-elle ensuite au navigateur.
- Oui, m'dame. C'pour ça qu'on peut pas les utiliser ici.
- Ouais mais ça veut dire qu'on peut s'en servir pour détecter n'importe quel champ magnétique, n'est-ce pas ? Ils sont pas uniquement calibrés sur celui des iles ?
- En théorie... ouais m'dame, répondit le vieux loup de mer après un instant de réflexion. Tant que c'est aussi fort que c'lui des iles. Ou p't'être un peu plus faible...
- Les champs magnétiques sont générés par un tas de choses. Le noyau de fer en fusion des iles, les aimants, le corps humain même si pour ces derniers, l’émanation est très infime. C'est un truc que j'ai appris avec un binoclard de limier... Enfin, bref ! Mettez les chaloupes et canoés à l'eau, que chaque équipe se munisse d'un Pose ! Vous vous éloignerez de l'Achéron en décrivant des cercles concentriques de façon à couvrir toujours plus de terrain.
Même si les ordres étaient pour le moins étranges, il n'y eut aucune contestation. Les Bêtes faisaient souvent des trucs bizarres et la plupart du temps, sortir des sentiers battus était payant. C'est aussi pour ça qu'ils aimaient et adulaient leur commandante. Accoudée au bastingage, Lady observa ses hommes se disperser en une douzaine de petits bateaux à rames. La chasse risquait d'être longue. Un fusil de précision longue portée en bandoulière, le lieutenant Darlessa Simons vint la rejoindre sans lui poser davantage de questions malgré sa perplexité. Rien de tel que le plaisir de tâter du résultat en fin d'expérience, même si elle pensait avoir à peu près cerné l'idée qui cogitait dans la tête de sa commandante. Les circuits électriques généraient forcément des champs électromagnétiques...
Un quart d'heure passa, puis ce fut une heure, puis deux. Les embarcations étaient à présent si éloignées du vaisseau mère qu’elles n’étaient guère plus grosse que des petits pois à l'horizon. Ombeline n'avait pas changé de position et fixait toujours le large, le coude reposant sur le bastingage, une main sous le menton. D'autres minutes s'égrainèrent puis... « Fusée à neuf heures ! » s'écria une vigie. Dans le ciel automnal, une lumière empourprait le ciel. C'était le signal que tout le monde attendait, celui qui devait signaler qu'une des équipes voyait l'aiguille de son Pose devenir folle. Tous les autres canoés se précipitèrent donc sur la trouveuse pour confirmer avec leurs propres logs. Suite à quoi, une autre fusée de confirmation fut tirée.
- Pécho ! La chasse peut commencer ! s'excita Ombeline en passant une langue sur ses lèvres de manière indécente.
Rien n'excitait plus une Bête de l'Ombre que la traque. Sur la grand-voile de l'Achéron, il était d'ailleurs marqué cette citation : "Aucune chasse ne vaut la chasse à l'homme, et ceux qui ont longtemps chassé des hommes armés, qui ont aimé ça, ne trouvent plus jamais saveur à autre chose". Le branle-bas de combat était donné, le croiseur sortait ses roues à aubes pendant qu'au loin, la flottille se dispersait encore. Ils ne chassaient pas un adversaire immobile, aussi, il était primordial de situer sa position exacte via plusieurs observations de log et à chaque fois que les suspects déviaient d'orientation, une fusée était lancée pour signaler leur nouveau cap. Ombeline était contente, ses hommes s'étaient habitués à un rythme incroyable à ce bricolage, cette nouvelle utilisation du log. Désormais, les Bêtes avaient de quoi chasser des submersibles... pensa-t-elle avec délectation.
- Beurk, Go ! ordonna Lady Ombeline.
"Beurk", c'était un sergent d'élite homme-poisson de la race des piranhas. Un affreux zèbre aux dents redoutables. Il commandait l'escouade d'hommes-poissons de l'équipage. Ils se jetèrent à l'eau et ne tardèrent pas à remonter pour donner une confirmation de visu de l'objet qu'ils traquaient depuis la surface. C'était bel et bien un sous-marin. Rapide qui plus est, avançant à près de 12 nœuds vers le nord-est. « On doit les capturer vivants ! Faut les obliger à remonter ! » insista-t-elle. Par-dessus les rambardes, les marins jetèrent à leurs collègues des barils de poudre munis de détonateurs. Les hommes-poissons s’immergèrent avec leurs tonneaux et peu après, leurs explosions se manifestèrent à la surface par des geysers. Beaucoup d'autres suivirent, en cercle toujours plus proche du submersible. Lady ne tenait plus, trottinant sur place comme si elle courait sur un tapis mécanique.
- Ils émergent ! lança Darlessa, un doigt pointé à une heure.
- Belle bête ! commenta Ombeline, le sous-marin devait mesurer plus de quinze mètres. Canon de 36, un à dix. Feu !
Sa main s'abaissa vivement, donnant le départ d'une série de canonnade à déchirer les tympans. L'Achéron trembla, la poudre et une odeur de brulé saturèrent l'atmosphère. Tous les boulets échouèrent près du traqué -c'était ça le but, pour le ralentir- mais un seul le toucha à la poupe. Le bruit de l'acier éventré était une douce mélodie qu'Ombeline ne se lassait jamais d'entendre. De la fumée noire et des éclats de tôles se dispersèrent au-dessus du submersible. Qui s'immobilisa enfin. Les canoés et l'escouade aquatique s'approchèrent. Le sous-marin à la dérive fourmilla tout à coup d'activité. Des gens remontaient sur la carlingue, d'autres se jetaient à l'eau pour fuir le feu consumant la poupe. Les plus teigneux cependant ouvrirent le feu, décidés à vendre chèrement leurs peaux. Une sulfateuse cracha sur les élites ses centaines de plomb à la minute, les forçant au recul. « Il me plait, celui-là ! » grommela Darlessa, la lunette de visée de son fusil collée contre son œil. « Vent fort, 10 nœuds par tribord... pas la mer à boire... Hasta la vista baby ! » Son index pressa la détente. Ombeline, déjà en l'air, suivit la trajectoire de la balle traçante qui répandit une trainée orangée dans son sillage avant de se loger dans le crane de l'ennemi qui contrôlait la mitrailleuse vissée près de la grande écoutille.
Un hourra s'éleva dans les rangs de la Marine. Ils prirent le pas sur les sous-mariniers, investissant la coque, en décousant avec eux. Ombeline ne fut pas en reste. Grâce au Geppou, elle survola ses ennemis puis atterrit parmi eux, tailladant à tout va. Il n'était pas aisé de se battre sur ce terrain très glissant à cause des algues s'étant accumulées sur la coque étroite. Ce combat était une version ensanglanté d'un Royal Rumble où le premier qui tombait à la mer était disqualifié. Mais aussi mort... L'épée du Matin para un coup de cimeterre puis empala son adversaire au plexus avant de l'envoyer valser d'un coup de pied retourné. Avec une moue d’Aguicheuse -son meitou- elle déclencha une fine lame d'air circulaire qui trancha ceux qui l'environnaient. Le ménage était fait, ne restait plus qu'elle et un gros lard baraqué. Pour la première fois, elle put identifier un signe reconnaissable. Le gros coiffait un tricorne blasonné de deux dynamites croisées derrière un crane borgne. « Des pirates, ma parole ! L'équipage des Dynamiteurs hein ? Donc toi tu dois être Patrick Céquatre, primé à 15 millions de Berry. Merde ! »
- Hey... Ouais ! Si tu connais mon blase, tu f'rais mieux d'te tailler, sinon, j'vais finir avec toi, t'donner à bouffer aux r'quins...
Sur son gros pif, Ombeline écrasa le manche d'Aguicheuse. Il s'effondra en hurlant, déclenchant les rires de Bêtes. Mais il ne s'avoua pas vaincu, il se releva et s'empara d'un gros rocher blanc strié de rainures rouges. D’où sortait-il ça, Ombeline s’interrogea. Il tenta de l'écraser avec et elle fit chanter son katana une nouvelle fois. Le caillou fut proprement débité puis elle s'attaqua aux membres supérieurs de son ennemi (« Je pense que tu n'auras plus besoin de tes mains, donne-les moi ! ») Il hurla, gémit de plus belle, serrant contre sa poitrine ses moignons. « Maint'enant, faut cautériser tout ça ! » déclara avec sadisme un des toubibs des Bêtes, armé d'un chalumeau.
[...]
Allongée sur un transat face à la mer, l’Épée du Matin n'avait pas le cœur à bronzer. Trois heures s'étaient écoulées depuis l'arrestation des Dynamiteurs. Ils avaient improvisé une petite base sur un atoll rocheux dans les alentours. Le sous-marin fut fouillé et les pirates survivants, en train d'être interrogés en ce moment même. Elle pensait vraiment tenir Olusegun Soljäer et à la place, ne captura que des pirates de seconde zone. Et pourtant, dans le submersible, ils trouvèrent une caisse remplies d'artéfacts et bijoux très anciens issus de Valantis, un royaume antique d'East Blue. Le genre de produits qu'aurait volontiers écoulé Sigma, l'organisation de contrebande d'antiquité que dirigeait le dénommé Soljäer. Mais ils avaient aussi trouvé des caisses à vin, des sacs de denrées périssables et quelques pièces d'or probablement issus de razzias diverses.
L'arrachant à sa réflexion, Darlessa Simons approcha.
- On a fini de les interroger. La bonne nouvelle c'est qu'on avait vu juste. Y avait bel et bien un navire du groupe Sigma dans le Cul-aux-ruches. Le truc c'est que nos contrebandiers se sont fait pirater puis tabasser par nos Dynamiteurs. Et comme ils se rendaient sur la Route du Chanvre pour écouler leurs artéfacts, nos pirates se sont dit qu'ils vont aller faire d'autres emplettes là-bas.
- Dans ce cas, c'est pas non plus un hasard qu'ils se soient trouvés ici, fit Ombeline en se mordillant les lèvres.
- Bah... ça dépend. Nous, on cherchait la nef de Sigma. Comment t'as su qu'ils étaient en sous-marin ?
- Juste une intuition. Le Cul-aux-ruches n'est qu'à quarante milles de Zaun. Ils savaient qu'on les traquait ; à leur place, j'aurais changé de navire. Et comme Zaun est devenu la plaque tournante de la construction sous-marine, ç'aurait été un bluff énorme.
- Ah j'vois. Vraiment ingénieux d'ta part. On a déjà capturé des narco-sous-marins de Zaun et la plupart fonctionnaient à l'électricité avec des Thunder dial. Comme celui-ci.
- Et tous les appareils électriques émettent des champs magnétiques. J'espérais que celui d'un sous-marin électrique rudimentaire soit assez puissant pour faire trembler un log.
- Au moins, on a une innovation technologique propre à nous maint'nant.
- Mouais... J'aurais préféré trancher du Soljäer. Sigma continue à piller les musées et sites archéologiques des autres mers pour les receler ici.
- On a aussi autre chose captain. Un nom. Farida Faouzi.
- C'est qui ?
- Aucune idée. On a lancé une requête d'identité au QG. Apparemment, le rocher -celui avec l’quel le pirate a voulu t’écrabouiller, tu sais ?- faisait partie de la cargaison des Sigma et il y avait un mot l'accompagnant.
- Un mot ?
- Ouais, une carte même.
« A Sam, une spécialiste des départs sur les chapeaux de roues, en espérant que ce roc t'aidera à mieux t'ancrer.
Ton amie du mauvais temps.
Farida Faouzi. »
[...]
Deux jours plus tard...
Tanuki
- Elle n'arrête donc jamais de siffloter ? grinça Darlessa.
Jumelles à la main, juchées sur un promontoire rocheux, Ombeline et elle observaient depuis plusieurs heures une femme de taille moyenne, au nez crochu et cheveux couleurs de paille. Elle avait un corps plutôt musclé, sans doute à cause de son métier. Géologue. La requête d'identité avait mis quarante-huit heures à donner résultat, et encore, c'était uniquement parce que Farida Faouzi était plutôt connue dans son métier. Une petite pointure dans le domaine de la géologie qui travaillait principalement comme conférencière dans les universités ou consultante pour des entreprises minières. Elle avait même travaillé avec la Brigade Scientifique dans plusieurs projets dont personne ne voulut parler aux Bêtes. « Top Secret ! Vous vouliez une identité, vous l'avez ! » avait aboyé Mephis Toffel la Commandante de la Marine d’Élite de North Blue avant de raccrocher. L'équipage réussit à la localiser sur Tanuki où elle dirigeait une équipe d'excavation dans une mine de calcaire pour le compte du conglomérat G&GOLD. Fidèle à ses tactiques de chasseuse, Ombeline préféra d'abord l'observer de loin.
- Je me demande bien ce qu'elle sifflote comme air.
- C'est vraiment la seule chose qui te turlupine, là ?
- Bah, ça fait des heures qu'on est là hein à surveiller cette carrière à ciel ouvert. Faut bien s'occuper ! Puis, y a rien de suspect ici, tout est légal. De visu.
- Bien sûr que tout l'est, fit Ombeline. Je descends lui parler. Toi continue de surveiller la mine.
- Super... N'oublie pas de lui demander ce qu'elle sifflote !
- Ta gueule !
Farida la reçut dans le salon d'honneur de la G&Gold et pendant tout le temps qu'elle passa à préparer le thé, elle ne cessa jamais de siffloter. Si bien que malgré elle, Ombeline ne put s'empêcher de se poser la même question que son tireur d’élite. Et finalement, elle lui demanda. « Oh ! Si ça vous déranze, z'arrêtes ! » répondit-elle avec un fort zézaiement. « C'est une habitude que z'ai prise depuis z’enfant. Certains suçotent leur pouce, moi ze siffle. Tenez, voici votre thé ! » Elles burent en silence pendant un moment. Scrutant tous les aspects de la dame, Ombeline essayait de saisir un quelconque signe qui la trahirait. Aucun stress visible, juste une sorte de curiosité polie.
- Qu'est-ce que la G&GOLD peut faire pour la Marine d’Élite ?
- C'est vous que je suis venue voir. Reconnaissez-vous ceci ? fit-elle en lui tendant le mot trouvé dans le submersible.
- Oui ! C'est une carte que z'avais écrite pour mon amie Samantha Thorn. Elle accompagnait le cadeau que ze lui envoyais, un gros bloc de calcaire zébré de carbonado.
- Quand et comment avez-vous envoyé ça ?
- Par la Poste des Mers, y a quatre jours. Z’ont un comptoir ici à Tanuki. Samantha loze à Inu Town. Qu'est-ce qui lui est arrivé ? s'alarma-t-elle.
- Rien, à ce que je sache, répondit calmement Ombeline. Votre carte et la pierre étaient en fait sur un navire pirate que nous avons capturé y a deux jours.
- Des pirates ? La Poste s'est faite pirater en mer ?
- Non. On n'a pas eu connaissance d'un tel acte. On l'aurait su, je pense.
- Ben dans ce cas, comment mon colis a pu se retrouver là ?
- Je me le demande... susurra-t-elle. Peut-être qu'il y a eu un vol à l'office de Poste et qu'ensuite, notre voleur a été pillé par des pirates. Ou en était un lui-même. Nous allons enquêter.
- Si on ne peut plus faire confiance à la Poste Gouvernementale... On va faire appel à des convoyeurs privés ! C'est quoi cette histoire ?! s'indigna-t-elle. Et mon roc ? Vous l'avez ?
- Euh... Disons qu'elle est en fine tranche, au fond de la mer à l'heure actuelle.
- QUOI ?!
- Je l'ai tranchée, un pirate l'utilisait comme arme.
- C’est la cata’ !
- Ce n'est qu'une pierre.
Ce qu'il ne fallait pas dire. Dans le même ton que dire à un Ténor que ses chansons n'étaient que borborygmes. Farida s'insurgea, debout, le poing levé. Postillonnant abondamment, elle qualifia la Marine et tous ces incapables du Gouvernement de noms d'oiseaux divers. « "Une simple pierre" ?! Non mais ! Autant dire que la Zozoconde n'est qu'un gribouillage d'enfant de maternel ! Que l'Orizine du Monde n'est qu'un cliché de zynécologue ! Que Barbe Blanze n'était qu'un homme ! » Elle continua à cracher son venin ainsi pendant une demi-heure et Ombeline regretta sévèrement de pas l'avoir fermée. Avec la condescendance d'un génie expliquant à un idiot pourquoi un et un font deux, Farida lui détailla en quoi ce morceau de calcaire strié était spécial pour tout géologue qui se respectait. « Ce que vous avez découpé est un témoin de l'âge de notre monde ! Ce bloc avait plus de soixante-cinq millions d'années ! Oui madame ! Soixante-cinq ! Les rainures rouges dessus, c'est du carbonado ! Du diamant provenant de l'espace ! Il y a soixante-cinq millions d'années, une météorite s'est écrasée sur Tanuki et c'est la première fois qu'on en avait une preuve ! Et vous... Et vous... » Elle continua à l’accabler de quolibets ainsi pendant une autre demi-heure.
- Wow ! T'as l'air lessivée !
- La ferme... marmonna Lady en s'écroulant sur le promontoire. Je ne risque pas d'oublier pourquoi je hais les scientos !
- Elle t'a bassiné avec la géologie ?
- M'en parle pas... Envoie des gens à l'office de Poste, on doit vérifier ses dires. Puis une autre requête d'identité à la Marine d'Inu Town cette fois-ci. Selon elle, le caillou était destiné à une certaine Samantha Thorn, volcanologue à la retraite de l'université des roches de Koneashima.
- Donc, elle sait pas comment son caillou s'est retrouvé sur le bateau de contrebandiers de Sigma qui a ensuite été pillé par des pirates ?
- Je ne lui ai pas révélé ça. Juste dit qu'on l'avait trouvé chez les pirates.
- Et ça a fonctionné ?
- C'est une très bonne comédienne. Je n'ai rien décelé du tout. Les traits rouges sur le caillou, c'est du diamant de météorites mais n'ayant aucune valeur selon elle. "Le diamant, c'est juste carbone hein. La mine de nos crayons, c'est du carbone aussi. C'est la pression à la création qui les diffère et le carbonado est plus proche du prix d'une mine de crayon que d'un diamant" m'a-t-elle dit. Mais on va aussi vérifier.
- Qu'est-ce qu'on fait alors ? Y a moyen de la lier aux activités de Sigma ? Et si on découvre qu'elle a réellement envoyé son rocher par la Poste ?
- Elle ne m'aurait pas glissé un mensonge si facilement vérifiable. Notre but, c'est de savoir comment le caillou a atterri chez les Sigma et si c'est vraiment le cas, pourquoi ? Qu'avait-il de spécial ? J'ai déjà appelé Euron, il va fouiller dans la vie, dans le passé de notre géologue. Quand à Ricard, il va s'intéresser à la Poste de Tanuki et à G&GOLD. Ce serait pas la première fois que des criminels parasitent des entreprises d'états à leurs fins. Puis je vais envoyer Aemon en infiltration dans la mine en tant que concasseur de roche. Faut avoir des yeux là-bas, savoir ce qui passe réellement dans ces grottes.
- Tous les officiers supérieurs ? Ça fait vraiment beaucoup de moyens pour une sciento.
- Mon intuition me dit qu'elle est mouillée. Faut juste prouver comment et on pourra enfin avoir une piste solide pour débusquer Soljäer.
- Et nous deux, on fait quoi ? demanda Darlessa en s'étirant, courbaturée par des heures de planque.
- On continue notre surveillance.
- Oh non...
- On est au bon endroit ? s'enquit Lady Ombeline.
- Sans aucun doute permis, m'dame ! lui répondit avec conviction, le vieux briscard navigateur de l'équipage. On est bien dans la Soupe aux Traitres.
La commandante d'élite Ombeline fixa son regard quelque part sur l'horizon. Il n'y avait un aucun navire en vue. Rien de bien étonnant, la Soupe aux Traitres était une portion de North Blue évitée des flottes commerciales à cause de sa sinistre réputation de mer hantée. Mais aucune malédiction n'avait jamais réussi à dissuader celle qu'on surnommait "L'épée du Matin" de traquer sans relâche ses proies, surtout quand elle avait la conviction de se rapprocher de sa cible. L'insaisissable Olusegun Soljäer. Ils étaient là... Forcément...
- On se serait pas trompé dans nos prévisions par hasard ?
- Ça m'étonnerait beaucoup, assura Darlessa Simons, Lieutenant à bord du croiseur Achéron. On sait qu'ils ont levé l'ancre quelque part dans l'archipel du Cul-aux-ruches et qu'ils font voile vers la Route du Chanvre. De tous les chemins de contrebandiers, celui qui passe par la Soupe est le plus sûr. Et puis, on est en avance, faut attendre.
- Hmmm.
- C'est pas ton fort, je sais.
Le respect des règles de la hiérarchie ou des convenances entre officiers n'était pas non plus le dada de l'équipage d'Ombeline qui n'était rien de plus qu'un ramassis de gens d'horizon divers mus par une seule chose : la violence. Tristement célèbre, l'équipage des "Bêtes de l'Ombre" n'en était pas moins efficace. A leurs actifs le démantèlement du réseau Damam de trafic de cadavres sur East Blue, l'annihilation de la Cellule Révolutionnaire et de la rébellion en principauté de Maltasthan et bien d'autres encore. Ils avaient pignon-sur-rue mais trainaient tout le temps des casseroles de dégâts collatéraux tout aussi importants que le mal qu'ils combattaient. Depuis peu, dans le viseur des Bêtes, le marché ô combien fructueux de la contrebande d'antiquités sur North Blue. Longtemps marginalisé et inconsidéré de la stratosphère criminelle de North, le secteur connut une forte expansion ces dix dernières années, dopé par l'arrivée de quelques "experts" de West Blue. Là-bas, ce marché était l'une des plus importantes vaches à lait du crime organisé.
- Sortez les log-pose et les magnétopose qu'on a en stock ! cria Ombeline prise d'une soudaine inspiration.
- T'as craqué ou quoi ? fit Darlessa. Ça va te servir à quoi sur les Blues ?
- La ferme, ignare ! répliqua-t-elle. Va rejoindre ton poste, Mlle la snipeuse. Bon, ces machins détectent le champ magnétique des iles de Grand Line, on est d’accord ? demanda-t-elle ensuite au navigateur.
- Oui, m'dame. C'pour ça qu'on peut pas les utiliser ici.
- Ouais mais ça veut dire qu'on peut s'en servir pour détecter n'importe quel champ magnétique, n'est-ce pas ? Ils sont pas uniquement calibrés sur celui des iles ?
- En théorie... ouais m'dame, répondit le vieux loup de mer après un instant de réflexion. Tant que c'est aussi fort que c'lui des iles. Ou p't'être un peu plus faible...
- Les champs magnétiques sont générés par un tas de choses. Le noyau de fer en fusion des iles, les aimants, le corps humain même si pour ces derniers, l’émanation est très infime. C'est un truc que j'ai appris avec un binoclard de limier... Enfin, bref ! Mettez les chaloupes et canoés à l'eau, que chaque équipe se munisse d'un Pose ! Vous vous éloignerez de l'Achéron en décrivant des cercles concentriques de façon à couvrir toujours plus de terrain.
Même si les ordres étaient pour le moins étranges, il n'y eut aucune contestation. Les Bêtes faisaient souvent des trucs bizarres et la plupart du temps, sortir des sentiers battus était payant. C'est aussi pour ça qu'ils aimaient et adulaient leur commandante. Accoudée au bastingage, Lady observa ses hommes se disperser en une douzaine de petits bateaux à rames. La chasse risquait d'être longue. Un fusil de précision longue portée en bandoulière, le lieutenant Darlessa Simons vint la rejoindre sans lui poser davantage de questions malgré sa perplexité. Rien de tel que le plaisir de tâter du résultat en fin d'expérience, même si elle pensait avoir à peu près cerné l'idée qui cogitait dans la tête de sa commandante. Les circuits électriques généraient forcément des champs électromagnétiques...
Un quart d'heure passa, puis ce fut une heure, puis deux. Les embarcations étaient à présent si éloignées du vaisseau mère qu’elles n’étaient guère plus grosse que des petits pois à l'horizon. Ombeline n'avait pas changé de position et fixait toujours le large, le coude reposant sur le bastingage, une main sous le menton. D'autres minutes s'égrainèrent puis... « Fusée à neuf heures ! » s'écria une vigie. Dans le ciel automnal, une lumière empourprait le ciel. C'était le signal que tout le monde attendait, celui qui devait signaler qu'une des équipes voyait l'aiguille de son Pose devenir folle. Tous les autres canoés se précipitèrent donc sur la trouveuse pour confirmer avec leurs propres logs. Suite à quoi, une autre fusée de confirmation fut tirée.
- Pécho ! La chasse peut commencer ! s'excita Ombeline en passant une langue sur ses lèvres de manière indécente.
Rien n'excitait plus une Bête de l'Ombre que la traque. Sur la grand-voile de l'Achéron, il était d'ailleurs marqué cette citation : "Aucune chasse ne vaut la chasse à l'homme, et ceux qui ont longtemps chassé des hommes armés, qui ont aimé ça, ne trouvent plus jamais saveur à autre chose". Le branle-bas de combat était donné, le croiseur sortait ses roues à aubes pendant qu'au loin, la flottille se dispersait encore. Ils ne chassaient pas un adversaire immobile, aussi, il était primordial de situer sa position exacte via plusieurs observations de log et à chaque fois que les suspects déviaient d'orientation, une fusée était lancée pour signaler leur nouveau cap. Ombeline était contente, ses hommes s'étaient habitués à un rythme incroyable à ce bricolage, cette nouvelle utilisation du log. Désormais, les Bêtes avaient de quoi chasser des submersibles... pensa-t-elle avec délectation.
- Beurk, Go ! ordonna Lady Ombeline.
"Beurk", c'était un sergent d'élite homme-poisson de la race des piranhas. Un affreux zèbre aux dents redoutables. Il commandait l'escouade d'hommes-poissons de l'équipage. Ils se jetèrent à l'eau et ne tardèrent pas à remonter pour donner une confirmation de visu de l'objet qu'ils traquaient depuis la surface. C'était bel et bien un sous-marin. Rapide qui plus est, avançant à près de 12 nœuds vers le nord-est. « On doit les capturer vivants ! Faut les obliger à remonter ! » insista-t-elle. Par-dessus les rambardes, les marins jetèrent à leurs collègues des barils de poudre munis de détonateurs. Les hommes-poissons s’immergèrent avec leurs tonneaux et peu après, leurs explosions se manifestèrent à la surface par des geysers. Beaucoup d'autres suivirent, en cercle toujours plus proche du submersible. Lady ne tenait plus, trottinant sur place comme si elle courait sur un tapis mécanique.
- Ils émergent ! lança Darlessa, un doigt pointé à une heure.
- Belle bête ! commenta Ombeline, le sous-marin devait mesurer plus de quinze mètres. Canon de 36, un à dix. Feu !
Sa main s'abaissa vivement, donnant le départ d'une série de canonnade à déchirer les tympans. L'Achéron trembla, la poudre et une odeur de brulé saturèrent l'atmosphère. Tous les boulets échouèrent près du traqué -c'était ça le but, pour le ralentir- mais un seul le toucha à la poupe. Le bruit de l'acier éventré était une douce mélodie qu'Ombeline ne se lassait jamais d'entendre. De la fumée noire et des éclats de tôles se dispersèrent au-dessus du submersible. Qui s'immobilisa enfin. Les canoés et l'escouade aquatique s'approchèrent. Le sous-marin à la dérive fourmilla tout à coup d'activité. Des gens remontaient sur la carlingue, d'autres se jetaient à l'eau pour fuir le feu consumant la poupe. Les plus teigneux cependant ouvrirent le feu, décidés à vendre chèrement leurs peaux. Une sulfateuse cracha sur les élites ses centaines de plomb à la minute, les forçant au recul. « Il me plait, celui-là ! » grommela Darlessa, la lunette de visée de son fusil collée contre son œil. « Vent fort, 10 nœuds par tribord... pas la mer à boire... Hasta la vista baby ! » Son index pressa la détente. Ombeline, déjà en l'air, suivit la trajectoire de la balle traçante qui répandit une trainée orangée dans son sillage avant de se loger dans le crane de l'ennemi qui contrôlait la mitrailleuse vissée près de la grande écoutille.
Un hourra s'éleva dans les rangs de la Marine. Ils prirent le pas sur les sous-mariniers, investissant la coque, en décousant avec eux. Ombeline ne fut pas en reste. Grâce au Geppou, elle survola ses ennemis puis atterrit parmi eux, tailladant à tout va. Il n'était pas aisé de se battre sur ce terrain très glissant à cause des algues s'étant accumulées sur la coque étroite. Ce combat était une version ensanglanté d'un Royal Rumble où le premier qui tombait à la mer était disqualifié. Mais aussi mort... L'épée du Matin para un coup de cimeterre puis empala son adversaire au plexus avant de l'envoyer valser d'un coup de pied retourné. Avec une moue d’Aguicheuse -son meitou- elle déclencha une fine lame d'air circulaire qui trancha ceux qui l'environnaient. Le ménage était fait, ne restait plus qu'elle et un gros lard baraqué. Pour la première fois, elle put identifier un signe reconnaissable. Le gros coiffait un tricorne blasonné de deux dynamites croisées derrière un crane borgne. « Des pirates, ma parole ! L'équipage des Dynamiteurs hein ? Donc toi tu dois être Patrick Céquatre, primé à 15 millions de Berry. Merde ! »
- Hey... Ouais ! Si tu connais mon blase, tu f'rais mieux d'te tailler, sinon, j'vais finir avec toi, t'donner à bouffer aux r'quins...
Sur son gros pif, Ombeline écrasa le manche d'Aguicheuse. Il s'effondra en hurlant, déclenchant les rires de Bêtes. Mais il ne s'avoua pas vaincu, il se releva et s'empara d'un gros rocher blanc strié de rainures rouges. D’où sortait-il ça, Ombeline s’interrogea. Il tenta de l'écraser avec et elle fit chanter son katana une nouvelle fois. Le caillou fut proprement débité puis elle s'attaqua aux membres supérieurs de son ennemi (« Je pense que tu n'auras plus besoin de tes mains, donne-les moi ! ») Il hurla, gémit de plus belle, serrant contre sa poitrine ses moignons. « Maint'enant, faut cautériser tout ça ! » déclara avec sadisme un des toubibs des Bêtes, armé d'un chalumeau.
[...]
Allongée sur un transat face à la mer, l’Épée du Matin n'avait pas le cœur à bronzer. Trois heures s'étaient écoulées depuis l'arrestation des Dynamiteurs. Ils avaient improvisé une petite base sur un atoll rocheux dans les alentours. Le sous-marin fut fouillé et les pirates survivants, en train d'être interrogés en ce moment même. Elle pensait vraiment tenir Olusegun Soljäer et à la place, ne captura que des pirates de seconde zone. Et pourtant, dans le submersible, ils trouvèrent une caisse remplies d'artéfacts et bijoux très anciens issus de Valantis, un royaume antique d'East Blue. Le genre de produits qu'aurait volontiers écoulé Sigma, l'organisation de contrebande d'antiquité que dirigeait le dénommé Soljäer. Mais ils avaient aussi trouvé des caisses à vin, des sacs de denrées périssables et quelques pièces d'or probablement issus de razzias diverses.
L'arrachant à sa réflexion, Darlessa Simons approcha.
- On a fini de les interroger. La bonne nouvelle c'est qu'on avait vu juste. Y avait bel et bien un navire du groupe Sigma dans le Cul-aux-ruches. Le truc c'est que nos contrebandiers se sont fait pirater puis tabasser par nos Dynamiteurs. Et comme ils se rendaient sur la Route du Chanvre pour écouler leurs artéfacts, nos pirates se sont dit qu'ils vont aller faire d'autres emplettes là-bas.
- Dans ce cas, c'est pas non plus un hasard qu'ils se soient trouvés ici, fit Ombeline en se mordillant les lèvres.
- Bah... ça dépend. Nous, on cherchait la nef de Sigma. Comment t'as su qu'ils étaient en sous-marin ?
- Juste une intuition. Le Cul-aux-ruches n'est qu'à quarante milles de Zaun. Ils savaient qu'on les traquait ; à leur place, j'aurais changé de navire. Et comme Zaun est devenu la plaque tournante de la construction sous-marine, ç'aurait été un bluff énorme.
- Ah j'vois. Vraiment ingénieux d'ta part. On a déjà capturé des narco-sous-marins de Zaun et la plupart fonctionnaient à l'électricité avec des Thunder dial. Comme celui-ci.
- Et tous les appareils électriques émettent des champs magnétiques. J'espérais que celui d'un sous-marin électrique rudimentaire soit assez puissant pour faire trembler un log.
- Au moins, on a une innovation technologique propre à nous maint'nant.
- Mouais... J'aurais préféré trancher du Soljäer. Sigma continue à piller les musées et sites archéologiques des autres mers pour les receler ici.
- On a aussi autre chose captain. Un nom. Farida Faouzi.
- C'est qui ?
- Aucune idée. On a lancé une requête d'identité au QG. Apparemment, le rocher -celui avec l’quel le pirate a voulu t’écrabouiller, tu sais ?- faisait partie de la cargaison des Sigma et il y avait un mot l'accompagnant.
- Un mot ?
- Ouais, une carte même.
« A Sam, une spécialiste des départs sur les chapeaux de roues, en espérant que ce roc t'aidera à mieux t'ancrer.
Ton amie du mauvais temps.
Farida Faouzi. »
[...]
Tanuki
- Elle n'arrête donc jamais de siffloter ? grinça Darlessa.
Jumelles à la main, juchées sur un promontoire rocheux, Ombeline et elle observaient depuis plusieurs heures une femme de taille moyenne, au nez crochu et cheveux couleurs de paille. Elle avait un corps plutôt musclé, sans doute à cause de son métier. Géologue. La requête d'identité avait mis quarante-huit heures à donner résultat, et encore, c'était uniquement parce que Farida Faouzi était plutôt connue dans son métier. Une petite pointure dans le domaine de la géologie qui travaillait principalement comme conférencière dans les universités ou consultante pour des entreprises minières. Elle avait même travaillé avec la Brigade Scientifique dans plusieurs projets dont personne ne voulut parler aux Bêtes. « Top Secret ! Vous vouliez une identité, vous l'avez ! » avait aboyé Mephis Toffel la Commandante de la Marine d’Élite de North Blue avant de raccrocher. L'équipage réussit à la localiser sur Tanuki où elle dirigeait une équipe d'excavation dans une mine de calcaire pour le compte du conglomérat G&GOLD. Fidèle à ses tactiques de chasseuse, Ombeline préféra d'abord l'observer de loin.
- Je me demande bien ce qu'elle sifflote comme air.
- C'est vraiment la seule chose qui te turlupine, là ?
- Bah, ça fait des heures qu'on est là hein à surveiller cette carrière à ciel ouvert. Faut bien s'occuper ! Puis, y a rien de suspect ici, tout est légal. De visu.
- Bien sûr que tout l'est, fit Ombeline. Je descends lui parler. Toi continue de surveiller la mine.
- Super... N'oublie pas de lui demander ce qu'elle sifflote !
- Ta gueule !
Farida la reçut dans le salon d'honneur de la G&Gold et pendant tout le temps qu'elle passa à préparer le thé, elle ne cessa jamais de siffloter. Si bien que malgré elle, Ombeline ne put s'empêcher de se poser la même question que son tireur d’élite. Et finalement, elle lui demanda. « Oh ! Si ça vous déranze, z'arrêtes ! » répondit-elle avec un fort zézaiement. « C'est une habitude que z'ai prise depuis z’enfant. Certains suçotent leur pouce, moi ze siffle. Tenez, voici votre thé ! » Elles burent en silence pendant un moment. Scrutant tous les aspects de la dame, Ombeline essayait de saisir un quelconque signe qui la trahirait. Aucun stress visible, juste une sorte de curiosité polie.
- Qu'est-ce que la G&GOLD peut faire pour la Marine d’Élite ?
- C'est vous que je suis venue voir. Reconnaissez-vous ceci ? fit-elle en lui tendant le mot trouvé dans le submersible.
- Oui ! C'est une carte que z'avais écrite pour mon amie Samantha Thorn. Elle accompagnait le cadeau que ze lui envoyais, un gros bloc de calcaire zébré de carbonado.
- Quand et comment avez-vous envoyé ça ?
- Par la Poste des Mers, y a quatre jours. Z’ont un comptoir ici à Tanuki. Samantha loze à Inu Town. Qu'est-ce qui lui est arrivé ? s'alarma-t-elle.
- Rien, à ce que je sache, répondit calmement Ombeline. Votre carte et la pierre étaient en fait sur un navire pirate que nous avons capturé y a deux jours.
- Des pirates ? La Poste s'est faite pirater en mer ?
- Non. On n'a pas eu connaissance d'un tel acte. On l'aurait su, je pense.
- Ben dans ce cas, comment mon colis a pu se retrouver là ?
- Je me le demande... susurra-t-elle. Peut-être qu'il y a eu un vol à l'office de Poste et qu'ensuite, notre voleur a été pillé par des pirates. Ou en était un lui-même. Nous allons enquêter.
- Si on ne peut plus faire confiance à la Poste Gouvernementale... On va faire appel à des convoyeurs privés ! C'est quoi cette histoire ?! s'indigna-t-elle. Et mon roc ? Vous l'avez ?
- Euh... Disons qu'elle est en fine tranche, au fond de la mer à l'heure actuelle.
- QUOI ?!
- Je l'ai tranchée, un pirate l'utilisait comme arme.
- C’est la cata’ !
- Ce n'est qu'une pierre.
Ce qu'il ne fallait pas dire. Dans le même ton que dire à un Ténor que ses chansons n'étaient que borborygmes. Farida s'insurgea, debout, le poing levé. Postillonnant abondamment, elle qualifia la Marine et tous ces incapables du Gouvernement de noms d'oiseaux divers. « "Une simple pierre" ?! Non mais ! Autant dire que la Zozoconde n'est qu'un gribouillage d'enfant de maternel ! Que l'Orizine du Monde n'est qu'un cliché de zynécologue ! Que Barbe Blanze n'était qu'un homme ! » Elle continua à cracher son venin ainsi pendant une demi-heure et Ombeline regretta sévèrement de pas l'avoir fermée. Avec la condescendance d'un génie expliquant à un idiot pourquoi un et un font deux, Farida lui détailla en quoi ce morceau de calcaire strié était spécial pour tout géologue qui se respectait. « Ce que vous avez découpé est un témoin de l'âge de notre monde ! Ce bloc avait plus de soixante-cinq millions d'années ! Oui madame ! Soixante-cinq ! Les rainures rouges dessus, c'est du carbonado ! Du diamant provenant de l'espace ! Il y a soixante-cinq millions d'années, une météorite s'est écrasée sur Tanuki et c'est la première fois qu'on en avait une preuve ! Et vous... Et vous... » Elle continua à l’accabler de quolibets ainsi pendant une autre demi-heure.
- Wow ! T'as l'air lessivée !
- La ferme... marmonna Lady en s'écroulant sur le promontoire. Je ne risque pas d'oublier pourquoi je hais les scientos !
- Elle t'a bassiné avec la géologie ?
- M'en parle pas... Envoie des gens à l'office de Poste, on doit vérifier ses dires. Puis une autre requête d'identité à la Marine d'Inu Town cette fois-ci. Selon elle, le caillou était destiné à une certaine Samantha Thorn, volcanologue à la retraite de l'université des roches de Koneashima.
- Donc, elle sait pas comment son caillou s'est retrouvé sur le bateau de contrebandiers de Sigma qui a ensuite été pillé par des pirates ?
- Je ne lui ai pas révélé ça. Juste dit qu'on l'avait trouvé chez les pirates.
- Et ça a fonctionné ?
- C'est une très bonne comédienne. Je n'ai rien décelé du tout. Les traits rouges sur le caillou, c'est du diamant de météorites mais n'ayant aucune valeur selon elle. "Le diamant, c'est juste carbone hein. La mine de nos crayons, c'est du carbone aussi. C'est la pression à la création qui les diffère et le carbonado est plus proche du prix d'une mine de crayon que d'un diamant" m'a-t-elle dit. Mais on va aussi vérifier.
- Qu'est-ce qu'on fait alors ? Y a moyen de la lier aux activités de Sigma ? Et si on découvre qu'elle a réellement envoyé son rocher par la Poste ?
- Elle ne m'aurait pas glissé un mensonge si facilement vérifiable. Notre but, c'est de savoir comment le caillou a atterri chez les Sigma et si c'est vraiment le cas, pourquoi ? Qu'avait-il de spécial ? J'ai déjà appelé Euron, il va fouiller dans la vie, dans le passé de notre géologue. Quand à Ricard, il va s'intéresser à la Poste de Tanuki et à G&GOLD. Ce serait pas la première fois que des criminels parasitent des entreprises d'états à leurs fins. Puis je vais envoyer Aemon en infiltration dans la mine en tant que concasseur de roche. Faut avoir des yeux là-bas, savoir ce qui passe réellement dans ces grottes.
- Tous les officiers supérieurs ? Ça fait vraiment beaucoup de moyens pour une sciento.
- Mon intuition me dit qu'elle est mouillée. Faut juste prouver comment et on pourra enfin avoir une piste solide pour débusquer Soljäer.
- Et nous deux, on fait quoi ? demanda Darlessa en s'étirant, courbaturée par des heures de planque.
- On continue notre surveillance.
- Oh non...
Dernière édition par Loth Reich le Sam 6 Mai 2017 - 14:40, édité 1 fois