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Les hommes sont jugés, les bêtes...

Les militaires de l'île n'avaient pas tardé à être informés du pacte qui faisaient des Hommes-Poissons leurs partenaires. Et comme les Usuriers s'étaient réfugiés dans leur terrier après que Tenko ait blessé leur cheffe, il ne restait plus qu'aux alliés à cibler le Soleil Pourpre qui s'était fait moins discret. Cette organisation agissait en parallèle des prêteurs sur gage et leurs méthodes semblaient plus féroces. Ils continuaient de s'exposer malgré leur incapacité à lutter contre les forces combinées de la Marine et de la Famille Jackson. Rien de tout cela ne fît d'ailleurs sens avant que les mafieux ne se lancent dans une attaque frontale qui restait aussi improbable que surprenante. C'était comme cela que le Colonel Matheson et son subordonné direct s'étaient retrouvés à gérer la défense de la garnison malgré le faible nombre de soldats qui s'y trouvaient.

- Foutez-moi tout ces brigands dehors!
- Monsieur, on vient de perdre contact avec l'unité Gress qui a essayé de briser l'encerclement!
- Enculés de mafieux! Fortifiez le bâtiment principal au cas où ils rentrent!
- Bien monsieur!
- Monsieur! Regardez!
- Quoi?!

Le colonel dirigea son regard dans la direction que lui indiquait son subalterne. Dans la cour principale, en contrebas, des marins s'activaient à construire une sorte de barricade. Parmi eux, un homme portant un long manteau participait activement à la construction. L'officier supérieur soupira en reconnaissant Tenko et se saisit d'un escargophone qui traînait à proximité. Il héla le lieutenant-colonel qui se retourna vers lui.

- Vous foutez quoi Sozen?! Ils vont s'engouffrer dans les ailes dès qu'ils auront franchi ce mur!
- Pas s'ils n'en ont plus la possibilité, monsieur! Je modèle le terrain à notre avantage!

Au même moment, une explosion retentît et Matheson n'eut pas le temps de se tourner dans la direction adéquate qu'une deuxième se faisait entendre. Deux portions des ailes ouest et est venaient tout bonnement de s'effondrer, empêchant tout accès par l'intérieur des couloirs. Les murs extérieurs restaient eux intacts, plus robustes que leurs homologues. Tout les militaires s'étaient retournés de surprise mais ils comprirent rapidement aux gestes du colonel que tout était sous contrôle, aussi fou que cela pouvait paraître. L'officier décida d'aller faire le tour des remparts pour aviser de la situation. Les assaillants en contrebas usaient de subterfuges pour miner les défenses qui ripostaient du mieux qu'elle le pouvait. La situation n'était cependant que difficile, la catastrophe ayant été évité par les compétences du Docteur Mackenzie, arrivée peu de jours avant sur l'île. Elle avait réorganisé l'infirmerie avec l'aide de ses collègues et contribué à faciliter l'acheminement des blessés. Ce qui avait sauvé de nombreuses vies. Un remaniement du personnel à la suite des révélations du journal avait aussi joué dans l'histoire. Tout à coup, la porte principale émît un bruit terrible, attirant l'attention de tout les soldats. Tenko se concentra vers la clameur qui montait à travers la fumée. Il jeta un bref regard en arrière et aperçu Moïra qui passait dans le couloir du mur opposé à la porte et qui s'était arrêtée à une fenêtre en entendant le bruit. Le lieutenant-colonel lui fit un sourire avant de se concentrer à nouveau.

- Ne tirez que si vous avez un bon angle de tir! Quand ils arrivent au niveau de la barricade, laissez-les la franchir et cueillez-les derrière! Compris?
- OUI, MONSIEUR!
- POUR LA JUSTICE!

Un impressionnant cri de guerre couvrit les hurlements des brigands en pleine charge, avant que les balles ne pleuvent. Au même moment, les assaillants prenaient l'avantage sur les murs latéraux que certains d'entre eux avaient gravis, semant la discorde. L'attaque frontale fut fauchée par la première salve des tirs mais d'autre criminels affluèrent, certains descendant des escaliers de devant, les autres étant ceux n'ayant pas encore franchi la porte. Le jeune officier estima rapidement que la situation du mur ouest se révélait plus critique et décida d'y remédier. Séparant son corps de ses pieds, il fonça à toute vitesse vers les remparts, fauchant une dizaine de membre du Soleil Pourpre, ce qui redonna du moral aux soldats encore en vie. Il survola la cour et répéta une fois de plus l'opération sur l'autre mur, avant de constater que le centre avait été submergé par l'assaut. Il retourna à ses pieds. Les militaires avaient été encerclés par le flot d'ennemis qui s'était déversé sur eux. Certains des brigands étaient d'ailleurs rentré dans le fort central. Le lieutenant-colonel devait en faire une priorité mais il commença par faire du ménage au niveau de la mêlée, pourfendant une dizaine d'ennemis à nouveau. Il jeta un regard autour de la zone et aperçut qu'au sommet des remparts les marins avaient repris l'avantage. Il apostropha le lieutenant Karnak qui se trouvait là-haut.

- KARNAK! DESCENDEZ-ICI ET REPOUSSEZ LES HORS DE LA COUR!

La voix de Tenko avait surplombé le bruit ambiant l'espace d'un instant. Le lieutenant avait acquiescé silencieusement avant que le jeune homme ne disparaisse dans les couloirs du bâtiment principal. Il croisa de nombreux blessés mais ne s'arrêta pas. Chaque fois qu'il croisait un groupe de criminels, ils ne faisaient pas long feu. Il remonta jusqu'à la position du Colonel, assaillie par de nombreux opposants. Parmi eux, un demi-géant essayait d'enfoncer la porte à l'aide d'une massue. Le jeune marin n'eut pas besoin d'un long moment pour le reconnaître.

- Borig.

L'être colossal tout comme ses soldats se retournèrent en entendant l'officier prononcer ce nom. Le jeune marin avait déjà commencé à charger, sabre au clair. Deux brigands se rapprochèrent mais la lame du soldat sectionna leurs flancs en les neutralisant. Un troisième barra sa route aussi le jeune divisa son bras droit de son corps, plantant son sabre dans le torse du criminel sans qu'il n'interrompe sa course. Les autres sbires ne s'avancèrent pas. Leur chef s'était mis en garde, prêt à frapper son assaillant de toutes ses forces. Durant leur dernière rencontre, il avait eu du mal à rivaliser contre l'officier, même à pleine puissance. Tenko arriva près du demi-géant et envoya son épée comme dans un geste de lancer. Interloqué, pris de court, Borig gâcha son amorce pour écarter la lame qui l'aurait sinon touchée. Alors que son corps tout entier se tendait pour manœuvrer son arme lourde, le lieutenant-colonel avait bondi sur l'occasion. D'un vif coup de pied, il toucha les côtes de son adversaire ce qui, combiné à l'élan du coup de masse, le propulsa à travers le mur d'à côté. Un fracas sans nom se fit entendre et les soldats qui avaient maintenu la porte jusque-là profitèrent de la diversion de l'officier pour submerger les bandits restants. Sans attendre, la jeune mouette s'engouffra dans l'ouverture crée par le passage du demi-géant. C'est là qu'il comprit l'erreur qu'il avait commise. Il avait propulsé le monstre dans l'infirmerie.
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Moïra allait et venait dans tous les sens. Depuis que les mafieux étaient passés à l’offensive, l’infirmerie accueillait un flot ininterrompu de blessés. La jeune femme pestait, tout en s’acquittant de sa tâche. Quelques jours plus tôt, une sale affaire de corruption l’avait contrainte à prendre les fonctions du médecin chef. Elle était toujours heureuse de pouvoir se donner pour son travail mais elle regrettait amèrement que l’équipe médicale compte un membre de moins. Personne n’avait besoin de cela en ce moment. Elle faisait des allers retours constants entre les salles d’opération, les salles des blessés et l’intendance pour vérifier les stocks, donner ses indications et coordonner l’équipe. Au pas de course, elle arpenta un couloir, les bras chargés de compresses et seringues, lorsqu’une explosion violente la fit s’arrêter. En contrebas, les hostilités avaient été déclenchées.

Elle croisa brièvement le regard du lieutenant-colonel Sozen et cru même qu’il lui avait souri. Nerveusement, un peu perdue, elle lui rendit son signe de la main puis elle repris son chemin de plus belle vers l’infirmerie. Elle déboula au milieu des blessés, donnant le matériel à un infirmier et lui indiquant quelques instructions pour assurer une liaison entre l’intendance et l’endroit où elle se trouvait. Rapidement, elle passa au milieu des blessés pour s’assurer de leur prise en charge. Ici, elle aida à reprendre un bandage sur une plaie très profonde, là, elle s’arrêta pour remettre en place une omoplate. Bien que le temps la pressait, elle faisait en sorte de toujours avoir des mots encourageants, aussi bien pour l’équipe que pour les malades. Petit à petit, elle progressa jusqu’à l’entrée qui était réservée aux brancardiers pour gérer l’arrivée des nouveaux malades. Il y avait un soldat blessé à la tête, pas trop gravement à première vue mais assez pour l’avoir assommé. Elle devait écarter l’hypothèse de l’hémorragie interne. Quant à l’autre, une balle avait perforé son abdomen. Il fallait agir vite, chaque mouvement, chaque cahot pouvait bouger le morceau de métal mortel vers un organe vital.

- Dépêchez-vous ! J’ai besoin d’un médecin pour l’examiner, vérifiez que le cerveau n’est pas atteint et qu’aucune veine ne s’est ouverte. Si la situation est trop critique, appelez-moi, je serai en salle d’opération !

Avec un autre médecin principal, Moïra gérait les interventions techniques les plus difficiles. Elle conduisit les brancardiers dans la salle carrelée de blanc qui venait juste d’être nettoyée pour la cinquième fois de la journée et les aida à transvaser le corps du blessé. Le médecin principal, un de ceux qui était déjà sur l’île quand elle était arrivée, s’était déjà désinfecté et commença à prendre en charge la plaie alors que Moïra se lavait les mains et enfilait des gants. Les cheveux rudement tirés en arrière, elle revint se pencher sur la plaie avec un air soucieux.

- On va devoir agir vite… La balle menace de rentrer dans le rein. Je vais écarter les bords de la plaie avec des pinces, je vous laisse l’anesthésier. On a de quoi faire des piqûres de morphine dans ce tiroir.

Consciencieusement, la médecin s’acquitta de son office. Quand elle entendit que le soldat s’était arrêté de gémir, elle se retourna vers celui qui l’assistait. L’anesthésiant avait fait son œuvre, elle pouvait agir tranquille. Doucement, elle saisit une pince qu’elle stérilisa à nouveau et l’introduisit dans l’abdomen, grimaçant au léger bruit spongieux que cela produisit. Elle voyait le cul de l’objet en métal, elle n’avait qu’à l’agripper et le retirer, tout doucement…
Moïra respira un grand coup puis elle retira l’objet, d’un geste doux et régulier, avant de le laisser tomber dans une bassine d’étain.

- Bien ! Maintenant il va falloir désinfec- QUOI ?

Un énorme bruit provenant de l’infirmerie l’avait faite se redresser, aux aguets. Sans plus réfléchir, elle laissa le médecin s’occuper du blessé et retourna dans le local principal en courant. Elle toussa devant le nuage de poussière produit et distingua avec horreur qu’un espèce de géant, à moitié assommé, avait défoncé un des murs de l’hôpital de fortune. Sous le choc, des lits étaient renversés et plusieurs corps de blessés et d’infirmiers gisaient à terre. Inconscients ou morts, elle ne le savait pas.

Bien que cette vision lui fende le cœur, elle donna ses ordres. Il fallait sauver ce qui pouvait l’être avant de tenter des actions suicides pour récupérer les corps des autres. En courant, elle s’approcha le plus possible tout en hurlant ses consignes.

- Je veux dix brancardiers et trois médecins pour transporter les malades dans le réfectoire !! Que quelqu’un prévienne l’intendance et qu’on envoie les fournitures nécessaires là bas pour continuer les soins ! Infirmiers, avec moi !!

Le géant était encore un peu titubant. Ils avaient l’avantage d’être plus rapides, plus lestes. D’un geste précis, la jeune femme ouvrit une des nombreuses armoires à médicaments de la salle et en jeta le contenu à terre, sur un drap. Les infirmiers suivirent son idée. Lorsque les armoires furent vides, Ils les firent basculer à terre, créant un genre de barrage, renforcé par les lits qui venaient d’être désertés.

- Allez, allez, plus vite ! Il faut sécuriser les blessés, pendant l’évacuation !!

Déjà, le monstre se relevait, titubant mais toujours maître de sa puissance. Avec désarroi, Moïra regarda les corps à terre, de l’autre côté de la barrière. La plupart étaient trop amochés pour être encore en vie, mais quelques uns, les plus éloignés du point d’impact, bougeaient encore. Elle ne pouvait pas les laisser là bas. Au même moment, elle vit la silhouette du lieutenant-colonel Sozen s’engouffrer dans la pièce. C’était la diversion qu’elle attendait.
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A des kilomètres de là, une ombre solitaire progressait en direction de la garnison, bondissant de toits en toits avec la grâce d'un passereau. Les badauds en contrebas, totalement inconscient de sa présence, n'apercevaient d'elle que les tuiles qu'elle semait sur son chemin à intervalles réguliers. Ponctuant ses sauts de pirouettes et galipettes quand le besoin s'en faisait sentir, l'individu gardait une vitesse constante peu importait la surface qu'il parcourait. Courant à pleine vitesse sur une gouttière étroite, plongeant sous une arche qu'il attrapait ensuite pour se balancer, il se déplaçait à une vitesse vertigineuse. De temps à autre, une grande avenue le forçait à retrouver le plancher des vaches afin de la traverser, mais il ne restait jamais bien longtemps au sol avant de retrouver sa voie parmi les hauteurs. Vif comme le vent, il avançait inexorablement, droit vers le tumulte visible depuis un peu partout dans Las Camp.

Propulsée par ses puissantes enjambées, une tuile glissa de son socle et vint se briser au sol, manquant de peu le crâne d'un vieux loup de mer en contrebas. Sursautant dans un juron, ce dernier leva immédiatement les yeux au ciel à la recherche du responsable. Cependant, déjà à l'autre bout de la rue, un bruit furtif lui fit  tourner la tête et il eut juste le temps d'apercevoir la silhouette d'un jeune homme basané fuser et disparaître derrière un immeuble.

 - Roy ? finit par souffler Marius après quelques instants.

Retirant sa pipe de sa bouche, le marin tritura nerveusement la poignée du chariot qu'il traînait derrière lui. Première personne que le jeune pirate avait rencontrée sur l'île, les deux hommes s'étaient rapidement lié d'amitié. Le filou avait été son tout premier informateur et l'avait aidé à retrouver la trace de Moria Brittania dans la prison de Las Camp. Il faisait partie de la masse innocente qui avait assisté en silence aux nombreux changements traversés par l'île depuis l'arrivée du jeune homme.

Sans lui laisser le temps d'enregistrer ce qui s'était passé, un rugissement bestial retentit au loin, précisément dans la direction vers laquelle le pirate avait disparu. Le long feulement résonna longtemps dans l'air et se réverbéra sur les rues Las Camp. Autour de Marius la vie s'arrêta, chacun des passants stoppant son activité pour écouter ce son lugubre.

 - Le Chien fou ! s'exclama finalement un homme à côté de lui, quand les dernières notes du cri bestial eurent fini de décliner.

Immédiatement après, de nombreux coups de feu résonnèrent depuis la caserne, ponctué d'un concert de hurlements qui retentit immédiatement après. Un frisson parcourut le vieux loup de mer face à l'horreur pure qui filtrait au travers de ces cris.

 - Putain de bordel de merde, jura le vieux filou, c'est quoi ce souk encore ?
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Un silence de mort régnait dans l'enceinte de la caserne. Titubant sur des jambes flageolantes, Matheson ne parvenait à rester debout qu'en s'appuyant sur son épée. Derrière lui, le peu de militaire de la garnison encore valide s'abritait dans son ombre. Les visages des marines étaient livides et ensanglantés.

Une bête faisait face au colonel, une monstruosité hybride mi-humaine mi-canine. Dressée sur ses pattes arrière, gueule et griffes couvertes d'un sang qui n'était pas le sien, la créature lorgnait le vieil homme et ses subalternes de ses yeux prédateurs. Tremblant de tous leurs corps face à cet ennemi, les vétérans de la 483ème ne pouvaient que se cramponner à leurs fusils et prier une force supérieure ; prier que Matheson trouverait la force de continuer à les défendre.Quelques mètres plus loin, évanoui au milieu des décombres de murs et de briques, Tenko Sozen baignait dans son sang.

Tout s'était passé très vite. Surprise à la fin de son combat contre Borig, la fière étoile montante de la Marine n'avait pas tenu le choc. Déchiqueté en même temps que le médecin en chef et tous les patients de cette dernière, Tenko n'avait dû son salut qu'à l'intervention du colonel. Révélant un pouvoir insoupçonné, le vieil homme - que jusque-là tout Las Camp croyait en perte de vitesse - était héroïquement parvenu à prendre d'assaut la bête humaine. Il était arrivé un temps trop tard cependant et à l'intérieur de l'enceinte, personne n'osait imaginer dans quel état devait se trouver l'infirmerie. Les hurlements des patients de Moïra quand Alaba s'était déchaîné parmi eux résonneraient longtemps dans l'esprit des militaires.

Alaba le Chien Fou, le leader du Soleil Pourpre, deuxième personne la plus influente des triades de Las Camp, n'avait rien d'humain. Peu lui importaient les dégâts que lui avait infligés le jeune lieutenant-colonel avant de perdre connaissance. Peu lui importaient les assauts du colonel combattant pour sa vie et celle de ses hommes. Le lycanthrope ignorait la douleur, ébrouant les estafilades qui saillaient son pelage comme s'il s'eut été agi de piqûres de moustique. Sa fourrure blanche, immaculée mais manquante en quelques endroits, était saturée de gouttelettes de sang, emprisonnées là quelques minutes tôt alors qu'il égorgeait des marines.

Ces derniers avaient tout donné, faisant usage de leur arsenal le plus sophistiqué pour faire tomber ce démon. Tir de barrage, lance-flamme, bazooka, ils avaient noyé la bête sous un déluge pyrotechnique, transformant la caserne en ruines fumantes dans un effort désespéré d'abattre l'ennemi. Survivant à ses sous-fifres, Alaba avait continué seul son combat contre la 483ème, répandant mort et destruction dans leurs rangs alors même que Matheson s'évertuait à les défendre.

A présent, le peu de militaires encore valides était acculé contre les murs de la caserne, le chien fou cherchant à les en déloger pour les déchiqueter, le colonel se dressant entre eux et lui. Blessé et fumant, son pelage carbonisé en plusieurs points, Alaba ne semblait pourtant pas prêt à abandonner, et toujours ce regard fiévreux de prédateur fixé sur les militaires, sapant leur moral et hantant leurs esprits.

Les divisions non combattantes de la 483ème étaient retranchées dans l'enceinte de la garnison, appelant des renforts tandis que la dernière cellule de résistance les protégeait du leader gangster syndiqué, Matheson à leur tête. Aux quatre coins de la ville, des centaines de marines convergeaient déjà vers leur position. Le port militaire au sud de Las Camp avait reçu l'appel de détresse, un contingent d'élite était en chemin. Les gangsters avaient échoué. S'ils avaient endommagé la caserne, ils ne parviendraient pas à en prendre le contrôle. S'ils avaient vaincu le lieutenant-colonel, son supérieur tenait bon. Tous les membres de son escouade d'assaut ayant perdu la vie, le chien fou ne pouvait espérer sortir victorieux de ce conflit. Pourtant il continuait le combat, envers et contre tout. Peu à peu les marines avaient fini par réaliser l'horrible vérité.

Alaba ne cherchait pas à investir les lieux, pas plus que la vie de quelques soldats ne lui importait au point de risquer la sienne. Son acharnement n'avait qu'un but et un seul : à chaque fois que Matheson se dressait pour sauver la vie de l'un de ses subalternes, il récoltait une blessure supplémentaire de la part de l'homme-chien. Il était devenu douloureusement clair à présent aux yeux des marines que la vicieuse bête se servait d'eux. Leur colonel ne tiendrait pas ce rythme beaucoup plus longtemps. Indirectement, ils allaient provoquer la chute du dernier bastion de Las Camp, la dernière lueur d'espoir dans une île restée trop longtemps proie à la pègre.

Tiquant soudainement quand un nuage de poussière retomba sur l'une de ses plaies à vif, Alaba s'ébroua brusquement et jeta sa tête en arrière. Gueule pointée vers le ciel, il poussa un long hurlement lugubre et terrifiant qui secoua les marines au plus profond de leurs êtres. Quand il retomba sur ses pattes au terme de son cri, il avait repris forme animale. Un grand chien husky se dressait maintenant devant Matheson.

Ce dernier se fit violence et tenta de reprendre sa posture de combat, conscient que le monstre allait repartir à l'attaque. De ses mains tremblantes, il alla chercher un flacon dans son manteau - le tâchant de sang au passage - et entreprit de l'ouvrir pour en ingérer le contenu. La légère panique du vétéran ne l'aidait en rien cependant et il perdit un temps précieux à s'escrimer sur le bouchon de la bouteille, en renversant une partie du contenu au passage. C'était la troisième fois qu'Alaba assistait à ce manège depuis le début de leur confrontation. Cette fois-ci il était prêt.

Un feulement bestial s'échappant de sa gorge, le molosse se jeta sur Matheson. Ses foulées alimentées par les exclamations désespérées des marines, il avala en un instant les quelques mètres qui le séparait de sa cible et bondit gueule grande ouverte, visant la jugulaire.

Une fraction de seconde avant que le husky enragé ne s'abatte sur lui, un jeune homme apparut dans le champ de vision du colonel. Observant la scène médusé, il ne bougea pas un muscle quand Alaba fut percuté en plein vol d'un fulgurant coup de genou. La puissance brute de l'impact se réverbérant dans les os des combattants alentour, la bête voltigea au travers du champs de bataille et atterrit dans la muraille de la caserne, passant au travers dans une avalanche de débris.

D'un même mouvement, Roy se réceptionna sans ralentir au sol et poursuivit le gangster, s'engouffrant à sa suite dans le passage. Atterrissant dans les rues de Las Camp, le pirate se jeta au combat.


Dernière édition par Roy D. Aston le Mer 28 Fév 2018 - 23:53, édité 2 fois
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Un fruit du démon, réalisa inconsciemment Roy, un Zoan.

Sans lui laisser le temps d'encaisser le choc de cette révélation, sans même lui laisser le temps de placer un mot, Alaba se jeta sur lui sans sommation.

Ayant repris sa forme hybride, mi-humaine mi-husky, le leader gangster ouvrit le bal et tenta immédiatement de le décapiter en se jetant sur lui, gueule grande ouverte en avant. Bondissant sur le côté, Roy évita aisément la charge et laissa son adversaire s'écraser contre le mur derrière lui. Jusque-là relativement confiant, le visage du pirate se décomposa quand Alaba broya l'obstacle et le réduit à l'état de gravillons.

Émergeant des débris dans un voile de poussière, la bête repartit à l'assaut d'une manière qui, bien que plus mesurée, restait toujours aussi féroce. Ses longs bras rachitiques dotés de griffes acérées se mirent à assaillir le jeune homme de tous les côtés, à la manière d'un fléau. Armant ses attaques de loin, le zoan multiplia les assauts et tenta vainement de faucher son adversaire de ses grands arcs des bras. Esquivant ces attaques prévisibles, Roy profita de la stature supérieure du lycanthrope. Dans un savant mélange de dérobades audacieuses et de pirouettes, il n'eut de cesse de plonger sous les griffes ennemies et de s'engouffrer dans la garde d'Alaba, lequel se retrouva forcé à changer sans cesse de direction pour le poursuivre.

Malgré toutes les ouvertures que lui offrait l'homme-chien cependant, Roy n'osait pas riposter. Essoufflé par sa course effrénée jusqu'à la caserne, fragile sur ses appuis de ce fait et conscient qu'Alaba était capable de le mettre hors combat d'une frappe bien placée, le jeune capitaine jouait la carte de la prudence. Se soustrayant à un énième coup de griffe d'un subtil jeu de jambes, il bondit en arrière et mit un peu de distance entre son adversaire et lui, histoire d'obtenir un peu de répit. Trop vite pour qu'il puisse réagir, l'homme-bête bascula sur sa forme animale et accompagna son mouvement. Totalement surpris par ce sursaut de vitesse, Roy ne put qu'interposer son sabre entre son torse et la gueule du monstre quand ce dernier le rattrapa en une fraction de seconde.

Le pirate était un habitué des champs de bataille. Il avait commencé à guerroyer très jeune et n'avait depuis jamais cessé de se battre. Son expérience s'étendait à un vaste assortiment de tactiques guerrières, développé au cours d'une vie passée à combattre tout type d'adversaire sur tout type de terrain. Malgré son jeune âge, Roy pouvait se targuer d'être un vétéran, une brute de toute première catégorie, capable de faire jeu égal avec les meilleurs des Blues. Toute cette expérience, Alaba la rendit caduque avec cette manœuvre. Le pirate réalisa soudain qu'avoir combattu des humains toute sa vie ne l'avait jamais préparé à affronter un possesseur de fruit du démon.

Sa mâchoire édentée et ensanglantée enserrant la lame du pirate, Alaba reprit forme hybride. Profitant de son allonge sous cette forme, il avança une main monstrueusement grande et poilue pour attraper la gorge de son adversaire. Instantanément bloqué dans son mouvement, Roy porta une main à celle qui enserrait son cou et tenta de la desserrer. Indifférent à ses efforts, ses pieds décollèrent du sol et il se retrouva bientôt à hauteur d'yeux de l'homme-bête, sa respiration coupée et la deuxième main griffue du monstre se dirigeant vers son estomac.

Son instinct prit le contrôle de la situation. Levant une jambe, il intercepta le bras d'Alaba au niveau du coude. Ce faisant, son bras armé remua le sabre dans la gueule du zoan et le taillada sévèrement, brisant nombre de ses dents dans un flot de sang. Il apprécia d'autant plus le mugissement de douleur du monstre  qu'il sentit la poigne autour de sa gorge se desserrer. Gaspant l'air avec soulagement, il profita de son avantage pour forcer un peu plus sur la main monstrueuse du gangster. Son sabre déchiquetant toujours la gueule du zoan et son pied tenant ses griffes à l'écart, il ne tarderait pas à s'échapper.

Acceptant ce constat, Alaba le lâcha purement et simplement. A un mère au-dessus du sol Roy commença à chuter, seulement pour être cueilli en plein vol un monstrueux coup de griffe dans le côté. La force de la frappe fut telle qu'il sembla disparaître, propulsé dans le décor où il fracassa une estafilade d'échoppe sur son passage. Des débris volant partout autour de lui, le jeune homme fit encore quelque roulé-boulé au sol avant de parvenir à se stabiliser.

Un filet de sang coulant de sa bouche, il prit appui sur les pavés de Las Camp et se releva, une volute de fumée s'échappant du pistolet à silex soudainement apparu dans sa main gauche. Un peu plus loin, Alaba mugit de douleur, transpercé d'une balle au moment même où il avait démoli les côtes du pirate. Son cri plaintif se mua bien vite en hurlement bestial tandis que ses yeux monstrueux retrouvaient Roy du regard. L'utilisateur de fruit du démon se jeta à la poursuite du jeune capitaine, lequel tourna les talons et prit la fuite sans hésiter.


Dernière édition par Roy D. Aston le Jeu 1 Mar 2018 - 0:16, édité 1 fois
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Fuyant l'animal enragé - Alaba tenait plus d'une bête blessée que d'un homme à présent - qui le poursuivait, Roy slaloma entre différentes étables avant de bondir au-dessus de l'une d'elles, une fraction de seconde avant que le zoan n'y passe au traverse et la réduise en charpie. Son talon fut à peine effleuré par la charge monstrueuse du gangster, mais cela suffit à déséquilibrer complètement le pirate qui faillit terminer son saut la tête la première. Il fit parler son agilité cependant et parvint à se réceptionner d'une roulade, agrémentant la manœuvre d'un tir de pistolet aveugle derrière lui. Il ne le vit pas car il s'était immédiatement remis à courir, mais la balle effleura une cuisse du chien fou, lequel trébucha dans un mugissement de douleur.

Rechargeant son pistolet tout en sautant au-dessus d'une balustrade, Roy frissonna en entendant un énième hurlement bestial dans son dos.

Il va finir par la fermer lui ?! s'écria intérieurement le jeune homme, rendu nerveux malgré lui par ces cris incessants.

Les rues de la ville avaient été désertées heureusement. Elles étaient leur champ de bataille et Roy semblait en avoir le contrôle. Il courait maintenant depuis quelques minutes cependant et n'avait toujours pas trouvé de terrain propice pour affronter le monstre, pas plus qu'il n'était parvenu à un semblant de plan. Pour le moment sa tactique se résumait à une série d'attaques éclairs, frappant Alaba à chaque fois que la folie de ce dernier le conduisait à offrir des ouvertures au pirate. Leurs pérégrinations les avaient conduit non loin du port.

Entendant un feulement dans son dos, accompagné du bruit caractéristique que provoquaient des griffes sur les pavés, Roy ne perdit pas son temps et se jeta au travers d'une vitrine, immédiatement suivi par la massive carcasse du gangster. Fracassant une série d'étagères remplies de vêtement, ils répandirent une cascade d'éclats de verre au milieu de la boutique. Au milieu de la confusion, les mâchoires du zoan s'approchèrent dangereusement du visage de son adversaire, avant d'êtres arrêtées net dans leur élan d'une culotte lancée en plein visage. Sans comprendre, Alaba loucha sur le dessous qui ornait maintenant sa truffe.

Un t-shirt atterrit à son tour sur sa face et la recouvrit, immédiatement suivi par une paire de chaussettes qui rebondit sur son front. Le gangster se retrouva soudain assailli par une avalanche de projectiles. Aveuglé et incapable d'abriter son visage sous sa forme animale, il ne vit pas Roy reculer pas à pas, débris de verre crissant sous ses pieds, attraper et balaner tout ce qui lui tombait sous la main sur le pauvre animal. Ce dernier secoua la tête pour essayer de faire tomber cette accumulation de tissu qui l'aveuglait et s'empilait dangereusement sur sa truffe. Déterminé à déchiqueter la gorge du pirate cependant il tint bon et se mit à avancer, conscient que son adversaire n'avait pas d'échappatoires, tiquant à chaque fois qu'une paire de chaussettes lui atterrissait dans le visage, mais persistant malgré tout. Mal lui en pris.

Se saisissant d'un cintre, Roy l'envoya tournoyer vers la caboche du chien, qu'il percuta avec tant de force que l'objet sembla vibrer quelques secondes en suspens dans les airs avant de retomber. Grognant de douleur, Alaba laissa échapper un feulement et reprit immédiatement sa forme hybride. Dans un même mouvement il se releva sur ses pattes arrière, usa de ses mains pour écarter les vêtements qui l'aveuglaient et se précipita en avant, prêt à attraper et démolir son tourmenteur. Il ne trouva que le vide cependant et avant qu'il ne puisse réagir, un coup de sabre le trancha dans son dos.

Se retournant dans un sursaut et une gerbe de sang, le gangster attrapa une étagère et la renversa sur le pirate qui s'était déplacé derrière lui, l'écrasant sous le bois et les vêtements. Levant haut ses bras, le gangster voulut les abattre de toute sa force bestiale sur son adversaire entravé, mais un vif coup de sabre fit voler en éclat son espoir en même temps que l'étagère. Des débris de bois volant autour de lui, l'homme-chien s'abattit de tout son poids sur le sol, faisant passer ses mains au travers du plancher de la boutique sans toucher Roy.

Leur manège se poursuivit durant une bonne vingtaine de secondes durant lesquelles ils firent des ravages dans la boutique. Sautant au-dessus, glissant en dessous et pirouettant autour des étagères, Roy n'avait de cesse d'échapper de justesse aux assauts de son adversaire monstrueux, ponctuant ses mouvements de projectiles bien placés tous plus farfelus les uns que les autres. Quand il ressortit dans la rue quelques instants plus tard et se remit à fuir, ce fut un Alaba méconnaissable qui émergea de la boutique. Une robe de chambre enfilée on ne savait comment sur le dos, l'homme-chien était également affublé d'un soutien-gorge pendant au bout de sa queue, d'une cravate enserrant fermement sa gueule - faisant effectivement office de muselière - et d'un haut-de-forme enfoncé de force sur le sommet de son crâne, lui couvrant les yeux. Pendant quelques secondes, Alaba ne bougea ni ne remua. Sur le toit d'un immeuble en face, un passereau sembla se moquer de lui tandis que les bruits de pas de Roy s'évanouissaient au loin.

Dans un brusque accès de rage, le zoan se contorsionna et découpa tous ses accessoires ridicules d'un coup de griffe, avant de se jeter à la poursuite du pirate.


Dernière édition par Roy D. Aston le Jeu 1 Mar 2018 - 0:31, édité 1 fois
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De retour sur les docks avec sa marchandise, Marius avait retrouvé ses quatre hommes d'équipage. Le port était en effervescence autour d'eux, l'attaque de la caserne étant le sujet de toutes les conversations. Les compagnons du vieux loup de mer n'échappaient pas à la règle : ils l'avaient immédiatement assaisonné sur ce qui allait arriver à leur chiffre d'affaires si les gangsters faisaient à nouveau mainmise sur la ville.

S'apprêtant à leur filer une rouste, Marius suspendit son geste quand il entendit un bruit de feulement dans la rue à sa droite. Tournant la tête en direction de la ville en même temps que ses hommes, il faillit avaler sa pipe en découvrant un Roy mal-en-point poursuivi par une bête géante, enragée et sanglante.

Se saisissant par réflexe du tromblon dans son dos, le loup de mer ne put que pousser un hoquet d'horreur avec ses hommes quand, arrivé à cinq mètres d'eux, Roy se fit rattraper. Les mâchoires du monstre se refermèrent sur son épaule et le plaquèrent un instant au sol, seulement pour raffermir la morsure afin de mieux le soulever ensuite. Là, Alaba le secoua dans tous les sens somme s'il c'eût été agi d'un vulgaire rongeur entre les dents d'un molosse.

Paralysé par le hurlement de douleur du pirate, Marius envisagea un instant de tirer dans le tas, de faire d'une pierre deux coups en offrant une mort moins horrible à son ami tout en abattant définitivement le chien fou. Avant qu'il ne se décide cependant, Roy trouva le moyen de tirer dans le flanc du fou furieux qui déchiquetait son épaule. Dans un couinement, Alaba répliqua d'une brusque torsion du torse et projeta sa proie contre le bâtiment à sa droite. Le jeune homme passa au travers du mur et atterrit à l'intérieur de l'entrepôt, immédiatement suivi par le molosse qui s'engouffra à sa suite. Alors que les échos d'un combat enragé reprenaient de plus belle à l'intérieur, Marius observa avec plus d'attention le trou dans le mur. Il réalisa bien vite que le pirate l'avait découpé au vol plutôt que de s'écraser dessus.

Jusque-là sous le choc et paralysé de terreur, les hommes de Marius semblèrent se réveiller, tout comme le reste des travailleurs sur les docks. Ils se saisirent de leurs armes et se regroupèrent à une distance prudente de chaque côté du bâtiment. Un homme se chargea d'appeler la Marine, d'autres s'en allèrent mettre leurs marchandises à l'abri ou s'enfuirent sans demander leur reste.

Aussi vite qu'elle n'avait commencé , la confrontation de l'entrepôt se termina quand Alaba démolit l'entrée principale et jaillit au milieu des quais sous sa forme animale, Roy se cramponnant à sa fourrure sur son dos. Complètement inconscient de son entourage, le molosse s'agita et rua dans tous les sens en essayant d'éjecter ce cavalier non désiré. Blessé et moins fort physiquement, ce dernier sembla souffrir des ruades de son adversaire. En quelques fractions de seconde, il sembla clair aux observateurs de la scène qu'il n'allait pas tenir.

Personne ne connut jamais la raison de ce qui se passa ensuite. Peut-être avait-il été indisposé par les hurlements d'Alaba, ou peut-être avait-il un nid à protéger quelque part dans les environs. Toujours est-il qu'un passereau vert choisit ce moment pour descendre de son perchoir sur l'entrepôt et attaquer le molosse. Vif comme l'éclair, à l'incompréhension de tous, il fondit sur le visage d'Alaba et visa les yeux, frappant le monstre de ses petites ailes et de son petit bec. Surpris, le gangster bestial tenta de mettre ses yeux à l'abri tout en essayant de mordre cet adversaire inattendu. Si les attaques de ce dernier ne présentaient pas vraiment de danger, elles offrirent à Roy la petite distraction qui lui permit de prendre l'avantage du combat.

Mobilisant toute la force qui lui restait, ignorant la douleur qui lui parcourait tout le corps, le pirate se cramponna à la fourrure du monstre et put raffermir suffisamment sa prise pour se libérer une main. De cette main il souleva son sabre haut dans le ciel avant d'en abaisser la pointe vers l'épaule d'Alaba. Mettant son poids derrière la lame, il l'enfonça profondément dans la chair du monstre.

Le chien fou mugit de douleur tandis que le passereau prenait du large. Une patte bloquée par le sabre du pirate, il rua de plus belle et s'agita sur ses trois appuis brinquebalants. Avec sa nouvelle prise cependant, Roy put encaisser ses ruades. Mettant tout son poids derrière son mouvement, il bascula sur le côté et entraîna son adversaire avec lui. Ses griffes cliquetant sur le sol des docks, Alaba bascula du quai et chuta dans l'eau avec son cavalier. Un bruit d'éclaboussure retentit immédiatement après, accompagné d'une giclée d'eau dont les spectateurs n'aperçurent qu'une bribe.

Les deux combattants s'étant soustrait à leur vue, ils se précipitèrent à leur suite, Marius en tête. S'attroupant au bord de la rive, ils sondèrent l'eau opaque du port à la recherche du pirate et du gangster. Sous leurs yeux, la mer se colorait de rouge.

Roy émergea bientôt de l'eau, victorieux. Toussant et crachant ses poumons, il mit un certain temps à apercevoir les mains qu'on lui tendait. A bout de forces, il en saisit une et les fiers marins de Las Cap le tirèrent hors de l'eau. Son sabre pendant mollement au bout de son bras, le pirate se laissa tracter par les nombreuses poignes des marchands. De retour sur la terre ferme, il rangea sa lame dans son fourreau avant de se retourner sur le dos et de s'allonger au milieu des docks. Les conversations des marins reprenant autour de lui, il poussa un soupir et ferma les yeux.

Une main ne l'entendit pas de cette oreille cependant et le tira de sa torpeur momentanée, le forçant à se redresser. Clignant des yeux, Roy mit un certain temps avant d'en reconnaître le propriétaire.

 - Marius ? parvint-il à souffler.

Le vieux loup de mer semblait agité, mais il était trop épuisé pour faire un sens de ses paroles. Dénotant l'urgence dans le ton de sa voix cependant, il se fit violence et se força à écouter ce que lui racontait son ami. Les mots de ce dernier résonnaient comme un écho à la lisière de sa conscience. Sans qu'il ne comprenne le pourquoi du comment, le vieil homme posa un objet sur sa tête.

 - Réveilles-toi gamin ! entendit soudain le jeune homme, ramené à la réalité par le chapeau que son ami avait posé sur sa tête. La Marine arrive !

Comprenant de quoi il retournait, Roy ne répondit pas et se contenta de hocher la tête. Avec toute la peine du monde il se releva sur ses pieds et tenta de faire quelques pas au milieu de l'attroupement de marchands. Ces derniers le retinrent quand il trébucha sur ses appuis, manquant de tomber, puis attendirent que Roy les eût rassuré d'un hochement de tête avant de le relâcher. Fendant la foule - les gens s'écartaient sur son passage - il passa lentement de la marche au trot avant avant de parvenir à se remettre à courir. Tandis qu'il s'enfuyait, une escouade de la Marine d'élite arriva sur les docks.

Apercevant l'attroupement, les militaires fendirent la foule à leur tour pour voir de quoi il retournait. Arrivés au bord du quai, ils s'arrêtèrent et aperçurent ce que regardaient les citoyens de Las Camp.

Flottant sur le dos dans les eaux du port, le chef du Soleil Pourpre ne bougeait plus. Ayant repris forme humaine, ses yeux vitreux fixaient inlassablement le ciel orangé du crépuscule.


Dernière édition par Roy D. Aston le Jeu 1 Mar 2018 - 4:55, édité 1 fois
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Quelques jours plus tard, Roy se trouvait assis dans le cabinet d'un pêcheur-tatoueur au milieu des docks. Mochi, le médecin de son équipage qui l'avait rafistolé après sa confrontation avec Alaba, le lui avait déconseillé alors qu'il était encore en période de convalescence, mais Roy avait tenu à rendre hommage à l'allié inattendu qui lui avait offert la victoire. Sa lame enduite d'encre tailladant l'omoplate fauche du pirate, le tatoueur à l'éthique douteuse réputé être le meilleur de Las Camp était actuellement occupé à faire de cet hommage une réalité.

De fines perles de sueur sur son front et des bandages présents un peu partout sur son corps, Roy endurait la douleur en silence. Son esprit vagabondant sur les événements de ces derniers jours. Avec la mort d'Alaba, la Marine avait eu vite fait d'interroger ses hommes qu'ils avaient capturés et découvrir l'emplacement de leurs dernières planques. Le Soleil Pourpre avait été démantelé proprement et expéditivement. Des trois organisations qui formaient les Lunes de Las Camp, deux avaient été éliminées grâce au concours du pirate. Seule restait la Lune Opaque à présent, le dernier ennemi de Roy sur cette île. Leur temps était compté.

Toutefois cette victoire n'était pas venue sans son lot de mauvaises nouvelles. Le colonel Matheson était toujours aux soins des médecins de la Marine suite à sa confrontation avec Alaba. Les rumeurs faisaient état d'un certain nombre de crises épisodiques qui avaient mis sa vie en danger. Les espions de la Famille Jackson étaient formels cependant : le Bon se remettrait ; ce qui n'était pas le cas de Moïra Mackenzie, une étoile montante de la Brigade Scientifique de ce que Roy en avait entendu. La pauvre femme avait été tuée en même temps que tous ses patients quand le chien fou s'était déchaîné parmi eux. Cela n'était rien pourtant comparé à la nouvelle qui avait véritablement abattu le moral du pirate : Tenko Sozen, son ami de longue date, son allié et son compagnon d'arme, était dans le coma. Personne ne savait s'il se réveillerait un jour. Le lieutenant-colonel avait été rapatrié au Don des Saints où il recevrait les soins des meilleurs médecins de West Blue, sous la protection attentive des Dragons Célestes qui avaient souhaité rendre hommage à son courage et à sa dévotion au Gouvernement Mondial.

Le pirate laissa échapper un long soupir mélancolique. Croyant à tort que ce soupir était dû à la douleur, le pêcheur-tatoueur lui demanda si tout allait bien ou s'il désirait faire une pause. Tournant la tête, Roy le rassura et lui fit signe de continuer avant de se remettre en position. Quelques minutes plus tard, il poussait un nouveau soupir.

Il avait perdu un membre d'équipage en plus de Tenko semblait-il. Kuzaki Las Gambas, le deuxième homme à l'avoir jamais rejoint sous son drapeau avait disparu de la circulation. Le jeune capitaine avait remué Las Camp de fond en comble à la recherche de son compagnon, posant des questions, décrivant l'individu à tous ceux qu'il croisait pour le retrouver. C'était justement ce qu'il était occupé à faire quelque part au milieu de Last End quand il avait entendu les premiers échos de l'assaut sur la caserne, d'où la rapidité avec laquelle il avait pu intervenir. Il avait continué ses recherches après la mort d'Alaba mais rien n'y avait fait, il n'avait jamais retrouvé Kuzaki.

Ainsi avait-il perdu son premier membre d'équipage. Bien qu'il n'ait pas eu tant de temps que ça pour se lier d'amitié avec l'homme, il devait bien avouer  qu'il s'était attaché à lui et que sa disparition l'avait quelque peu remué. Il avait disparu sans un mot ni un au revoir, forçant Roy à remettre en question ses projets de fondre un équipage, d'être sous la responsabilité de personnes qu'il allait intentionnellement soumettre aux dangers de la Route de tous les Périls. Pendant un temps il avait craint que Kuzaki ait été une victime de plus de sa guerre contre les triades de Las Camp, assassiné au milieu d'un caniveau pour atteindre son capitaine. Personne n'avait revendiqué un tel meurtre cependant et Roy avait simplement trop de respect pour Kuzaki et sa bonne étoile pour envisager cette possibilité. Où qu'il soit aujourd'hui, Roy lui souhaitait tous ses vœux de réussite.

 - Terminé, lâcha finalement le tatoueur renommé en baissant sa lame.

Il nettoya rapidement son oeuvre avant de faire à signe à Roy de se relever. Le jeune homme s'exécuta avant de regarder le miroir devant lui, observant dans le reflet le miroir que tendait le tatoueur dans son dos. Un sourire fendit lentement son visage tandis qu'il observait le résultat du travail de ce pêcheur-tatoueur douteux.

Un passereau ornait maintenant son omoplate gauche. Un passereau vert moquant un soleil pourpre et rougeoyant.
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