T’sais, je n’ai pas toujours été ce croupier rasoir. Cet imbécile, ses gants de soie blanche, sa chemise bien repassée, ses clopes de marque et sa barbiche bien taillée, tout ça c’est venu après. D’ailleurs, à l’époque on ne m’appelait pas Raphaël Andersen. C’est simple, il n’y avait pas de Raphaël Andersen, pas de vierge ascendant lion, pas de croupier aspirant archéologue.
Juste un pauvre livre de contes, un vieux bougre et un gamin. Moi.
J’suis même pas sûr que tu m’aurais reconnu à l’époque… Ah si, ptet’ les cheveux ! Depuis le temps que je me les coltine, j’ai tendance à penser que ça choque plus personne. Mais bon, vu les jolis quolibets que je collectionne, faut croire que c’est pas si commun. On m’a traité de plante verte, de ruminant et puis tout un tas d’autres trucs plus ou moins graveleux, toujours plus ou moins branché verdure, feuillage ou touffe… hé. Si tu vois ce que je veux dire. J’étais encore un gamin, j’comprenais pas tout mais au moins j’apprenais du vocabulaire. La belle école.
T’aurais dû me voir, huit ans à peine et toujours en train de chercher la bagarre. Zébré de crasse, défroqué et le dentier troué de la perte de mes premières canines, en train de crier « À l’abordage ! » comme les héros de mon enfance. Trouvé et recueilli par une canaille, je n’avais pas d’histoire, je n’avais pas de nom. Et pourtant ça ne m’a pas empêché d’être heureux ! J’ai été adopté et élevé par une bande des pirates, des putains d’idéalistes décidés à dire merde à la société et de voguer selon leur bon plaisir. Des anarchistes, des imbéciles, des illettrés mais sans la violence gratuite. Moi, au milieu de tout ça, j’étais « Le Gamin ». Un gamin heureux, pas forcément très bien élevé, mais épanoui.
Je suis toujours un pirate de cœur et de liberté…
Eh, fronce pas les sourcils comme ça ! C’est pas comme si je venais de t’avouer, un couteau sous la gorge, que j’étais un meurtrier. Alors certes, on se servait un peu partout, il m’arrivait de piocher dans les bourses un poil trop ouvertes, mais on n’était pas du genre à dévaster et à massacrer. C’était un équipage pépère, pas un de ceux primés et surmédiatisés qui cherchent à s’embrouiller avec le Gouvernement. Juste à l’ignorer
Et puis bah… si mon cœur est au rouge, ça m’empêche pas d’ penser que parfois les marines font du bon boulot ! Je ne cherche pas les emmerdes moi, j’compte pas révolutionner le monde. Le gouvernement dans son ensemble j’dis pas, mais chez les mouettes j’ai quand même croisé quelques bons bougres. Ils se ressemblent tous dans leurs uniformes débiles, on les conditionne à pas sortir du rang, c’pas facile de les repérer, mais il y a quelques perles rares.
Un peu comme lui là. Un mec bien, carrément posé, pas du genre à s’embarquer dans des causes extraordinaires pour récolter quelques gloires. C’est l’genre de type qui aime faire le bien autour de lui et est prêt à se sacrifier pour ça. Suffisamment intelligent et têtu pour s’en tenir aux causes qui lui tiennent à cœur, qu’importe l’autorité. Depuis le jour où je l’ai rencontré, j’ai toujours plaisir à retrouver sa trombine dans un journal. Je souris à chaque fois.
Un jour comme un autre qui commence par une arrestation.
Je me cache dans un tonneau, je m’éclipse, me fais tout petit. J’observe les poings serrés, l’envie de crier, de m’indigner devant la blancheur de ces oiseaux de malheurs. À travers le judas de ma cachette, je ne vois que deux armes pointées sur le Gros Mike, un timonier adorable qui n’aurait jamais fait de mal à une mouche si ce n’est pour la gober et amuser la galerie. J’aimerai voler à son secours mais le vieil imbécile m’a ordonné de ne pas bouger et j’enrage. Le cliquètement des menottes qu’on ferme cesse et le Gros Mike sort de mon champ de vision, comme tous les autres. J’entends des ordres confus, des pas lourds qui s’éloignent et débarquent à terre.
C’est tellement injuste.
Ils n’ont rien fait. Moi non plus. Pourquoi alors ?
Juste un pauvre livre de contes, un vieux bougre et un gamin. Moi.
J’suis même pas sûr que tu m’aurais reconnu à l’époque… Ah si, ptet’ les cheveux ! Depuis le temps que je me les coltine, j’ai tendance à penser que ça choque plus personne. Mais bon, vu les jolis quolibets que je collectionne, faut croire que c’est pas si commun. On m’a traité de plante verte, de ruminant et puis tout un tas d’autres trucs plus ou moins graveleux, toujours plus ou moins branché verdure, feuillage ou touffe… hé. Si tu vois ce que je veux dire. J’étais encore un gamin, j’comprenais pas tout mais au moins j’apprenais du vocabulaire. La belle école.
T’aurais dû me voir, huit ans à peine et toujours en train de chercher la bagarre. Zébré de crasse, défroqué et le dentier troué de la perte de mes premières canines, en train de crier « À l’abordage ! » comme les héros de mon enfance. Trouvé et recueilli par une canaille, je n’avais pas d’histoire, je n’avais pas de nom. Et pourtant ça ne m’a pas empêché d’être heureux ! J’ai été adopté et élevé par une bande des pirates, des putains d’idéalistes décidés à dire merde à la société et de voguer selon leur bon plaisir. Des anarchistes, des imbéciles, des illettrés mais sans la violence gratuite. Moi, au milieu de tout ça, j’étais « Le Gamin ». Un gamin heureux, pas forcément très bien élevé, mais épanoui.
Je suis toujours un pirate de cœur et de liberté…
Eh, fronce pas les sourcils comme ça ! C’est pas comme si je venais de t’avouer, un couteau sous la gorge, que j’étais un meurtrier. Alors certes, on se servait un peu partout, il m’arrivait de piocher dans les bourses un poil trop ouvertes, mais on n’était pas du genre à dévaster et à massacrer. C’était un équipage pépère, pas un de ceux primés et surmédiatisés qui cherchent à s’embrouiller avec le Gouvernement. Juste à l’ignorer
Et puis bah… si mon cœur est au rouge, ça m’empêche pas d’ penser que parfois les marines font du bon boulot ! Je ne cherche pas les emmerdes moi, j’compte pas révolutionner le monde. Le gouvernement dans son ensemble j’dis pas, mais chez les mouettes j’ai quand même croisé quelques bons bougres. Ils se ressemblent tous dans leurs uniformes débiles, on les conditionne à pas sortir du rang, c’pas facile de les repérer, mais il y a quelques perles rares.
Un peu comme lui là. Un mec bien, carrément posé, pas du genre à s’embarquer dans des causes extraordinaires pour récolter quelques gloires. C’est l’genre de type qui aime faire le bien autour de lui et est prêt à se sacrifier pour ça. Suffisamment intelligent et têtu pour s’en tenir aux causes qui lui tiennent à cœur, qu’importe l’autorité. Depuis le jour où je l’ai rencontré, j’ai toujours plaisir à retrouver sa trombine dans un journal. Je souris à chaque fois.
Un jour comme un autre qui commence par une arrestation.
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Je me cache dans un tonneau, je m’éclipse, me fais tout petit. J’observe les poings serrés, l’envie de crier, de m’indigner devant la blancheur de ces oiseaux de malheurs. À travers le judas de ma cachette, je ne vois que deux armes pointées sur le Gros Mike, un timonier adorable qui n’aurait jamais fait de mal à une mouche si ce n’est pour la gober et amuser la galerie. J’aimerai voler à son secours mais le vieil imbécile m’a ordonné de ne pas bouger et j’enrage. Le cliquètement des menottes qu’on ferme cesse et le Gros Mike sort de mon champ de vision, comme tous les autres. J’entends des ordres confus, des pas lourds qui s’éloignent et débarquent à terre.
C’est tellement injuste.
Ils n’ont rien fait. Moi non plus. Pourquoi alors ?