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A l'aube d'une Révolution Industrielle

Après plusieurs semaines en mer, le Survivor avait enfin atteint sa destination. Guidé par les dockers, le navire à trois mâts amarra au port principal de Delta. La cinquantaine de matelots s'affaira pour décharger les marchandises, tandis que le capitaine posa un pied à terre, accompagné des trois passagers. Ainsi, c'était la première fois qu'Arhye, Matt et Mount foulèrent le Nouveau Monde. C'était la promesse d'une nouvelle vie, de meilleures conditions. L'attente avait été longue, mais l'espoir était grand. Certes, ils étaient tous trois liés par un contrat, mais au moins ils avançaient. Ils allaient de l'avant : nul ne doute que de grandes choses les attendait.

En entrant dans l'estuaire, ils avaient remarqué la présence de gigantesques statues, qui semblaient veiller sur Terra. Elles avaient été sculptées à même la roche, ce qui forçait l'admiration. L'entreprise d'ingéniérie derrière avait fait un travail remarquable. Cela donnait un aspect grandiose à l'arrivée à Delta. Le royaume de Terra semblait ainsi puissant et prospère, bien défendu grâce aux hautes falaises qui entouraient l'île.

Le port était en réalité bien plus grand que ce qu'ils croyaient. D'imposants navires marchands exportaient et importaient des biens de toute nature. A cette époque là, le grand commerce maritime explosait. L'âge d'or de la piraterie avait été possible grâce au développement des routes commerciales sur toutes les mers et océans du monde. Sans ressources à piller, les forbans n'avaient pas réellement d'intérêt à risquer leurs vies dans des contrées lointaines. Les quais étaient chargés de caisses et de marins, qui portaient dans leurs bras d'inombrables produits destinés à alimenter les marchés étrangers, et à fournir les commerçants locaux. Delta était l'interface entre Terra et le reste du monde, et c'est bien précisément à cet endroit qu'on pouvait se faire une idée de la puissance du pays.

Darren Livingstone se prépara à superviser personnellement les activités de son navire. Mais avant ça, il devait laisser partir les trois acolytes. Leur mission veait tout juste de débuter. Il ne fallait pas perdre de temps. L'émissaire de Ravrak regarda autour de lui, de sorte que personne ne puisse entendre sa conversation. Simple précaution.

"- Bien, nous y voici. Vous savez ce que vous avez à faire. Mountbatten, j'ai contacté par Den-Den Dash, tout à l'heure. Il est au courant de ta venue. Toutefois, il ne peut pas te rencontrer, sous peine d'attirer des soupçons. Je ne sais pas comment tu vas t'y prendre, mais sache que tu auras son soutien. Son avis compte énormément au sein du Conseil, en qualité de bras droit de Sekiza."

Livingstone marqua une pause, puis s'adressa aux deux autres compères. Ceux-ci avaient un contrat un petit peu différent, dans le sens où ils étaient placés directement sous les ordres du Fantôme.

"- Vous deux, vous connaissez votre tâche. Sa mission est d'une importance capitale : mobilisez toutes vos capacités pour lui venir en aide. De toute façon, vous ne pouvez pas vraiment faire autrement.

- D'accord.

- Entendu."

L'heure était à la solennité et aux dernières instructions avant le grand saut. L'homme qui se tenait devant eux était une pointure dans son domaine. Primé à deux cents millions de Berrys, c'était très faible ; pourtant, son rôle dans la stratégie de l'Empereur de l'équilibre était immense. Son expérience se ressentait dans sa maîtrise des évènements et son attitude, posée et calculatrice. Vêtu de sa grande veste noire et dorée, coiffé de son chapeau et portant ses gants blancs, son style vestimentaire lui donnait une prestance presque noble. Si la petite équipe l'avait presque pris pour un allié au cours du voyage, il ne fallait pas oublier que celui-ci détenait une emprise sur eux.

"- Bien. Je pense que c'est l'heure pour vous d'y aller. Soyez malins : ne vous précipitez pas. Tout vient à point à qui sait attendre.

- C'est évident. Je vous remercie, ainsi que tout votre équipage, pour la traversée. Nous nous reverrons, j'en ai l'intime conviction.

- Héhé... Nul n'en doute. Mais tachez qu'accomplir votre mission d'abord. Sur ce, nous devons vaquer à nos occupations respectives."

Ils se saluèrent, puis chacun partit dans sa direction. Les trois jeunes portèrent leurs affaires jusqu'à un hotel, la première étape avant quoi que ce soit. Il leur fallait un point de chute, dans lequel il pouvait se retrouver et se reposer. Ils s'installèrent pendant toute l'après-midi, puis entreprirent d'aller dîner dans un restaurant. Après tout, quand l'appétit va tout va.

L'établissement était assez vaste pour accueillir un peu moins d'une centaine de couverts. Ce soir là, la grande salle était presque complète, signe du succès de sa cuisine. Ici, on mangeait de tout : poisson, viande, légumes et autres plats préparés, que les ingrédients proviennent des Blues ou de la ferme d'à côté. Après s'être assis et avoir choisi leur menu, ils pouvaient enfin profiter d'un moment ensemble sans avoir de pression. Ils discutaient de tout et de rien ; de leur vie d'avant et de leurs projets à long terme. Ils se retrouvaient sur un point : la volonté d'aller à Enies Lobby. En réalité, le père d'Arhye y était probablement détenu, et le paternel de Mount y travaillait. Et pour ce dernier, il était vital que sa famille sache la vérité sur son changement de camp.

Les plats arrivèrent : pour Matt, une part de quiche au poireau accompagné de salade ; pour le jeune Frost, c'était une ratatouille avec de la truite saumonée. Et pour le Marijoan, rien de tel qu'une cotelette d'agneau avec de l'écrasé de pommes de terre. Très vite, ils attaquèrent le festin. Il faut dire que cela changeait de la nourriture servie à bord du Survivor. Si elle était largement au-dessus de la norme, il faut dire qu'elle manquait de saveur et de variété... C'était très souvent du poisson pêché le jour-même, avec quelques bouts de légumes en conserve. Même si les cuisiniers étaient particulièrement doués, ils ne pouvaient pas non plus faire des merveilles.

Alors, ils profitaient de ces délices. Et à mesure que le repas semblait toucher sa fin, la mine de Mount se fit plus sombre. Il avait quelque chose d'important à leur dire. Ce n'était pas une mauvaise nouvelle pour Matt et Arhye, mais ce n'était pas non plus franchement réjouissant.

"- Bon les gars... J'ai pris une décision... Concernant notre organisation ici.

- Hmm ?

- Bah quoi, fais pas cette gueule-là ! Raconte.

- Oui ! Oui... Disons que j'ai beaucoup réfléchi à ce que j'allais pouvoir vous faire faire. Quelles tâches je pourrais vous donner, tout ça. Et... J'ai eu l'impression que vous alliez être plus un poids pour moi qu'une aide. Je m'explique.

- Un poids ?!

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Cette mission va être au long terme. Il faut que je gagne la confiance de vous-savez-qui. Et ça risque d'être long, très long. Je ne peux pas me permettre de me présenter à elle en vous présentant comme mes compagnons. Il lui sera plus facile d'accorder des choses à un homme isolé et qui serait facilement manipulable, plutôt qu'à un groupe soudé. Seul, elle pensera que je serais plus facilement à sa botte, plus reconnaissant. Vous comprenez ?

- Oui... Oui, mais je veux dire... Qu'en est-il de nous alors ?

- C'est très simple. Je souhaite vous libérer de vos obligations. Vous savez, Arhye, Matt, je vous apprécie grandement. Mais je pense que votre place est ailleurs, que vous pourrez progresser d'une autre manière. C'est pourquoi, je mets fin au contrat."

A ces mots, le pouvoir quasiment magique de Livingstone s'activa. Sans réellement en prendre conscience, les deux compères n'avaient d'un seul coup plus de devoirs envers Mountbatten. Les croix pattées disparurent en s'évaporant dans l'air. Plus rien ne les liait à présent.

"- Voilà. Arhye, Matt, vous êtes libres."
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Il avait réfléchi toute la nuit à sa décision. Avait-il bien fait de les libérer ? D'un côté, c'était plus simple comme ça. Il serait plus libre de ses mouvements. Mais de l'autre, qu'allaient-ils pouvoir faire ? Ils étaient laissés à eux-mêmes, sans fil conducteur. Aussi, Mountbatten ne savait pas si Darren était au courant que le contrat avait été rompu. Dans ce cas, il demanderait sûrement des comptes à l'ancien marin.

Sa nuit avait donc été courte, mais il n'avait pas le luxe de rester dans son lit à somnoler. Il lui fallait avancer dans sa mission. Et la première étape, avant toute chose, c'était de s'assurer des finances. En effet, depuis sa trahison, il avait survécu sur l'argent qu'il avait sur lui ; autrement dit, pas grand chose. Il fallait absolument qu'il trouve un moyen ou un autre de retirer l'argent qu'il y avait sur son compte en banque, qui avait été alimenté par ses soldes du temps où il était dans la Marine d'élite. Nul ne doute que pour la suite, de l'argent serait nécessaire, que ce soit pour des pots de vins ou des investissements.

Après avoir pris un copieux petit-déjeuner, il se dirigea vers les rues marchandes de Delta, dans l'espoir de croiser une enseigne bancaire. L'idéal serait de trouver une banque qui ait un partenariat avec celle sur laquelle il possède son compte, de sorte que le transfert soit facilité. Bien sûr, le problème était qu'il était devenu un hors-la-loi entre temps. Comment faire pour retirer en toute légalité cet argent ? C'était précisément le casse-tête qu'il essayait de résoudre, tout en déambulant dans les allées de la ville.

Les rues étaient bondées à une heure si matinale. Beaucoup d'habitants et de négociants faisaient les marchés, dans le but de se ravitailler, mais aussi de faire de bonnes affaires. Le commerce était, pour ainsi dire, florissant ; et la quantité d'étalages était impressionnante. La foule était très cosmopolite. Entre les récents immigrés venus à Terra afin de trouver un meilleur avenir ; les natifs de l'île et la myriade de marins venus de toutes les mers, c'était une expérience assez unique. Là, au fond du Nouveau Monde, c'était une perle de diversité et d'originalité qui s'offrait aux yeux du Fantôme.

Au détour d'une ruelle, Mount vit une grande affiche, sur laquelle était écrit d'une couleur argentée "Goldman Berries, Usuriers de père en fils". Une aubaine. Cette entreprise étendait son réseau sur tout Grand Line, et était réputée pour sa fiabilité. Au moins ici, ils auraient sûrement la somme voulue. Toutefois, le problème restait le même : les convaincre à lui donner son dû.

Il pénétra dans la boutique en invisible. L'entrée était somptueuse, la salle vaste : des colonnes de marbre soutenaient la structure. Au fond, les guichets accueillaient jusqu'à huit clients en même temps. Derrière, un majestueux escalier en marbre, surmonté d'un tapis rouge, amenait jusqu'aux étages supérieurs - probablement ceux dédiés aux clients exceptionnels et au personnel -. Comment pouvait-il s'y prendre ? De toute évidence, il n'allait pas pouvoir utiliser la force ni la menace.

Grâce à son fruit du démon, il était désormais complètement dissimulé aux yeux de toutes les personnes qui l'entouraient. Il resta néanmoins vigilant : si un utilisateur du Mantra était dans les parages, il ne donnait pas cher de sa peau. Mount se faufila jusqu'aux guichets, en prenant soin de ne rien bousculer. Il atterrit jusque derrière les hôtesses, et se pencha pour comprendre les documents qu'elles avaient à disposition.

Sur leurs bureaux, cachés à la vue du client, il y avait plusieurs dizaines de classeurs remplis à ras bord. Apparemment, c'était des listes de clients, avec leurs comptes. Les classeurs étaient rangés par ordre alphabétique : probablement par le nom de famille. C'était ça ! Il fallait qu'il trouve dans les documents son compte bancaire, et qu'il modifie les informations. Cependant, pour l'heure, ce n'était pas possible. Il allait devoir attendre encore un peu. Peut-être que la pause déjeuner allait être l'occasion ?

Il resta donc dans un coin, en attendant plus d'une heure que les douze coups de midi sonnent. L'attente était longue, mais il ne voulait pas louper son occasion. Enfin, les derniers clients furent pris en charge, avant que les employés ne ferment l'entrée principale à clef. Ceux-ci partaient soit vers la salle du personnel à l'étage pour manger leurs paniers-repas, soit sortaient prendre leur déjeuner à l'extérieur. Au bout de quelques minutes, le hall était vide, et le Fantôme put sortir de sa cachette. Tout en restant invisible, il se dirigea vers les guichets.

Il ouvrit le classeur répertoriant les clients dont le nom de famille commençait entre la lettre L et O. Il feuilleta les pages jusqu'à atterrir au M, et chercha Mountbatten. Au vu de l'envergure de l'entreprise, il était quasiment probable que son compte y figure, mais il ne plaçait pas pour autant tous ses espoirs dessus.

Finalement, il atterrit sur Mountbatten. Et bizarrement, sur la même page, il vit plusieurs personnes avec son nom. C'était curieusement les comptes de ses frères et de ses parents, et le sien. Ils étaient tous là, et il balaya d'un regard les soldes.

*Michael, toujours aussi dépensier... Ah oui quand même ! Ça paie plutôt bien la Brigade Scientifique... Et comme d'habitude, mère et père n'ont pas à se soucier des problèmes d'argent. C'est au moins ça.* Pensa-t-il.

Concernant son argent à lui, il vit une mention rouge à côté de son nom, où il y avait écrit : HORS-LA-LOI. Cela devait sans doute signifier être interdit bancaire. Alors, il prit de quoi effacer l'écriture et enleva la mention, sans qu'aucune trace ne reste. Et le voilà à nouveau membre d'une famille parfaite, de quoi abaisse tout soupçon. Aussi, s'il avait acquis un peu de notoriété sur les Blues et Grand Line, il n'avait toujours pas été reconnu ici. Les informations arrivaient plus difficilement dans les endroits reculés du Nouveau Monde. C'était sa chance. Le Marijoan remit tout en ordre et attendit une nouvelle fois la réouverture de l'établissement.

Lorsque les clients revinrent, il se débrouilla pour sortir du bâtiment, de sorte qu'il puisse redevenir visible ; puis il entra à nouveau chez Goldman Berries. Au bout de quelques minutes, ce fut son tour. Une jeune demoiselle l'accueillit, affichant un large sourire et portant l'uniforme réglementaire de la société. Vêtue d'un tailleur bleu et d'une lavallière dorée, l'ensemble était tout à fait élégant et gracieux.

"- Bonjour monsieur. Que puis-je faire pour vous ?

- C'est pour un retrait sur mon compte.

- Bien sûr. Est-ce que votre banque d'origine est Goldman Berries ?

- Hum... Je ne crois pas, pourquoi donc ?

- Si ce n'est pas le cas, nous appliquons une légère commission. Si vous n'êtes pas sûr, nous pouvons vérifier cela ensemble tout de suite. Quel est votre nom ?

- Mountbatten Alexander.

- Très bien, je suis à vous tout de suite."

La jeune femme prit donc le classeur en question, et passa les pages unes à unes jusqu'à trouver Mountbatten et sa famille. Rien dans son comportement ne laissait présager que sa couverture était grillée, même si l'ex-officier restait sur ses gardes. En entendant son nom, elle n'avait pas bronché.

"- Alexander, c'est bien ça ?

- Tout à fait.

- Quelle somme souhaitez-vous retirer ?

- L'intégralité du compte.

- Oh... Je vois. Au vu de la somme, comprenez bien que je ne peux pas satisfaire seule votre demande. Je vais vous demander de patienter quelques instants.


- Ah... Très bien..."

*Eh merde.*
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En effet, Mount réclamait près de cent vingt millions de Berries. Une somme conséquente, qu'il avait accumulé pendant toute sa carrière. Il n'était pas de nature dépensier, et n'avait pris que très peu de permissions. En fait, il avait profondément aimé son ancien métier, jusqu'à la guerre sur Vindex.

L'employée de banque passa un coup d'escargophone à son supérieur, situé un étage plus haut. Après avoir échangé quelques mots, elle emmena son client jusqu'au bureau de son chef. Les couloirs du premier étage étaient à l'image des escaliers : tout en luxure, raffinés au possible. Le sol était recouvert d'un tapis rouge délicat ; et si le marbre ne constituait pas l'essentiel des murs de par son coût excessivement élevé, de remarquables décorations ornaient chaque recoin. Quelques toiles de maîtres égayaient l'endroit. Il n'y avait pas que le commerce qui était florissant, d'après ce qu'il voyait.

La jeune femme le laissa patienter devant une grande porte en chêne sculpté, où on pouvait y lire une petite inscription, Directeur des transactions. Ensuite, elle glissa quelques politesses à Mountbatten, avant de retourner au guichet. Il resta là, quelque peu angoissé, pendant plusieurs minutes. Finalement, la poignée en bronze s'abaissa et un bonhomme légèrement grassouillet apparut.

"- Monsieur Mountbatten ! Bienvenue chez Goldam Berries ! Ne perdons pas plus de temps, entrez."

Il se pressa pour revenir à son bureau, tout en arborant une mine drôlement enthousiaste. C'était, au premier coup d’œil, quelqu'un d’assez sympathique, qui inspirait facilement confiance. La pièce était de taille moyenne, mais comportait quelques éléments de mobilier marquant. Il y avait, tout d'abord, ces immenses étagères qui s'étendaient sur les quatre murs, remplies d'innombrables livres et cahiers. Aussi Mount remarqua deux statues : la première représentant un capitaine de navire, et la deuxième un lion. Elles étaient très réalistes, sans peinture, et s'inséraient parfaitement dans le décor. Il avait donc devant lui un des responsables les plus influents de l'antenne de l'île.

"- Bien ! Je suis ab-so-lu-ment désolé pour cette attente ! Enfin bref. D'après ce que m'a dit ma collègue, vous venez ici pour un gros retrait. Je me trompe ?

- Non, du tout. Je voudrais retirer l'intégralité de mon compte bancaire.

- Je vois... Cent vingt millions de Berries, donc.

- C'est exact.

- Mais, voyez-vous monsieur Mountbatten, j'ai relevé une incohérence dans votre dossier... J'aimerais voir ça avec vous pour savoir s'il s'agit d'une erreur."

Instinctivement, le Marijoan haussa un sourcil. Il avait donc eu son dossier entre les mains... Malgré tout, il ne se souvenait avoir vu l'employée d'en-bas le lui donner. Se pourrait-il qu'il en ai consulté un autre ? Auquel cas, la mention HORS-LA-LOI y serait toujours. Et ce serait... Très... Très problématique. Il essayait de conserver une attitude sereine, mais son expression facile avait déjà trahi son anxiété.

"- Vous êtes bien Alexander, n'est-ce pas ?"

S'il lui répondait par l'affirmative et qu'il était bien fiché comme criminel dans les fichiers de l'entreprise, cela n'allait pas pouvoir bien se finir. Aussi avait-il une autre option : prétendre être un de ses frères. Après tout, ils se ressemblaient et connaissaient parfaitement leurs informations personnelles, ce qui aurait pu rendre le tout crédible.

Il réfléchit. Devait-il être pragmatique et voler sa fratrie, ou bien allait-il assumer jusqu'au bout les conséquences des récents événements ? Il soupira. Non, décidément, il ne pouvait se résoudre à soutirer de l'argent avec ses chers frères. S'il mettait une croix sur sa famille, c'était toute une partie de ses valeurs qu'il reniait. Il était certes passé de l'autre côté, mais il devait conserver son intégrité.

"- ... Oui.

- Ah... Je vois. C'est... Cocasse, on va dire.

- Qu'y a-t-il ?"

Le directeur releva les yeux vers son interlocuteur, la mine plus sombre que précédemment. Il avait donc lu clair dans le jeu de Mountbatten. Il savait.

"- Je pense que vous le savez mieux que moi.

- Je n'aime pas vraiment les devinettes. Si vous pouviez être plus clairs, ce ne serait pas de refus.

- D'après le Gouvernement Mondial, vous êtes un hors-la-loi si je ne m'abuse. Et la politique de la maison, c'est de ne pas servir cette clientèle, afin de ne pas perdre nos partenariats avec les îles sous la sphère d'influence de Marijoie. J'espère que vous comprenez.

- C'est... Oui, tout à fait. "

Le rythme cardiaque de Mount se ralentit, tandis que sa respiration se faisait plus bruyante. Alors il ne pourrait plus jamais revoir ses économies ? Dans l'idée, cela ne le dérangeait guère, puisqu'il n'était pas matérialiste. Cependant, sa mission allait être plus ardue.

"- Mais... Je sais aussi être magnanime. Terra est réputée pour être une île en dehors de l'orbite du gouvernement. Et la somme que vous demandez... Engendrera forcément des commissions importantes pour nous. Vous me suivez ?

- Ainsi sont les affaires, je présume... Combien ?

- Pour cent vingt millions de Berrys, je vous propose un taux de commission de dix pour cent.

- Mais... C'est du vol ! ... Je veux dire, n'y a-t-il pas un moyen de s'arranger autrement ?

- Ça dépend ce que vous proposez ! Je suis ouvert à tout type de proposition. Mais faites vite : l'heure tourne, et je devrais bientôt m'occuper d'un autre client.

- Je vois... Hum... Que dites-vous... De ... De la promesse d'un monopole bancaire sur Delta ?"

A ces mots, le gérant explosa de rire. Son visage devint tout rouge, et il bougea dans tous les sens dans son fauteuil, jusqu'à retrouver son sérieux.

"- Vous croyez vraiment que vous êtes en mesure de faire une telle prouesse ? Je vous aime bien, mais il y a des limites. Vous n'êtes personne, jusqu'à preuve du contraire.

- Vous avez raison. Aujourd'hui, maintenant, ici, je ne suis rien. Mais vous verrez, bientôt vous rigolerez moins.

- Que voulez-vous dire par là ?

- J'ai des contacts... Et si vous n'êtes pas capables de me donner mon argent, je me dirigerait vers vos concurrents au bout de la rue pour leur proposer mon offre. Que vaut cent vingt millions de Berries face à un monopole bancaire sur une des villes portuaires les plus dynamiques du Nouveau Monde ? Je vous le demande.

- ... Certes. Mais quelles seraient mes garanties ?

- A ce jour, je n'en ai aucune à vous proposer.

- Ça me paraît être un bien bancal accord...

- Il faut être joueur dans la vie. Vous êtes satisfaits de votre position actuellement ? En tant que sous-directeur d'un petit département, d'une minuscule antenne d'une banque ? Vous n'avez pas plus d'ambition ? C'est déplorable."

A ces mots, le banquier bondit de son siège et posa ses poings sur son bureau, agacé par la nouvelle tournure de la discussion. Il n'aimait pas ce ton hautain qu'avait subitement pris ce dénommé Mountbatten.

"- JE vous rappelle que vous êtes dans MON bureau, et que jusqu'à preuve du contraire vous n'êtes RIEN ! Alors pour qui vous prenez-vous ?!

- Je me prends pour celui qui peut vous propulser vers des sommets. Imaginez à quel point le conseil d'administration vous sera reconnaissant pour avoir manœuvré si habilement pour obtenir un monopole. Fini les bureaux exigus, les places de second rangs ! Vous pouvez attendre encore longtemps une telle promotion si vous vous contentez de votre train-train quotidien. C'est une offre à prendre, ou à laisser.

- ... Je... Je dois réfléchir.

- Vous l'avez dit vous-même : l'heure tourne.

- Je sais ! Je sais. Mais... A court-terme, ce serait risqué. Comme je vous l'ai dit, pas de garan-

- Allez-vous prendre l'opportunité de votre vie ?! Oui ou non ?!

- Je...

- Allez-vous être de ceux qui changent le monde ou qui le subissent ?! Allez-vous être de ceux qui prennent leur destin en main ou ceux qui se laissent porter par la vague collective ?!

- ASSEZ ! Assez... Je... C'est d'accord."

Mount sourit. Son petit spectacle avait porté ses fruits. Il avait complètement renversé la conversation, et avait véritablement pris le pouvoir durant l'échange. Face à l'aversion à la perte, le petit bureaucrate avait donc cédé. Intérieurement, il était plutôt fier de ce coup de force. Ce pouvoir de persuasion, il l'avait surtout appris en étant un meneur d'homme sur Vindex. Il avait dû, à de multiples reprises, motiver des troupes démoralisées pour sortir des tranchées et attaquer la position ennemie. Comme quoi, les principes de l'art de la guerre peuvent être appliqués à une pléthore de situations.
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Il avait enfin les fonds nécessaires pour la poursuite de sa mission. A présent, la priorité pour lui serait de connaître plus en profondeur l’État : s'il voulait entrer dans les grandes instances du gouvernement, il devait être au point sur la situation de l'île. Après laGoldman Berries, direction la bibliothèque nationale de Delta.

Sur le chemin, il prit le temps de se restaurer, avant de repartir. Il était pressé, et avait mangé en moins de dix minutes. Très vite, il atteint l'imposant bâtiment, construit dans un style néo-classique. L'entrée était gigantesque, soutenue par des colonnes allant jusqu'à plusieurs dizaines de mètres de haut. Sur le fronton était inscrit une devise : "Ici repose le secret de la liberté.". Des mots forts, qui avaient une résonance particulière dans ce pays. En réalité, il y avait une contradiction dans l'idéal de la nation. C'était à la fois le refuge des opposants du Gouvernement Mondial, avec des idéaux libéraux similaires à ce que prône l'Armée Révolutionnaire ; mais de l'autre, le pouvoir politique dirigeait de manière autocratique et autoritaire.

Il entra et, après s'être acquitté du prix d'entrée, se glissa dans les couloirs de la bibliothèque. Des centaines de milliers de livres étaient entreposés ici, sur de vastes étagères s'étalant jusqu'au plafond. Nombreuses étaient les personnes qui s'y rendaient pour dévorer des pages et des pages d'ouvrages en tout genre : de la fiction en passant par des traités de géographie ; d'encyclopédies aux chroniques épiques, chacun pouvait trouver son bonheur. Mais pour l'instant, Mountbatten voulait seulement avoir des informations globales, sans rentrer dans les détails. Il demanda de l'aide à un bibliothécaire, très serviable. Il lui conseilla trois bouquins, dans lesquels il allait pouvoir obtenir des connaissances suffisantes pour se faire sa propre idée de l'île.

Alors, il s'y plongea jusqu'au soir, sans s'arrêter. S'il était naturellement travailleur, il faut dire qu'il trouvait deux motivations supplémentaires. Tout d'abord, il souhaitait réussir au plus vite sa mission, pour être à nouveau libre de son avenir. Ensuite, ce qu'il lisait était tout simplement passionnant. Il n'avait jamais eu connaissance de Terra auparavant, et pourtant il en devenait presque amoureux. Comme l'Amerzone, le pays avait été fondé sur la base du rejet du Gouvernement Mondial, et contrairement à son alter-ego, avait prospéré.

Plusieurs facteurs expliquaient un tel succès. En premier lieu, le terrain avait été bien plus favorable. Les Terriens avaient été protégés des attaques et des tsunamis par les falaises qui entouraient l'île, et avaient trouvé sur le reste de l'île des terres fertiles et propices au développement humain. Après avoir développer la colonie sur l'île, les Cent Familles organisèrent la vie sociale, tout en se réservant une place de premier rang. Les différents dirigeants de l'île - l'Imperiosa étant la treizième - avaient implanté avec succès plusieurs réformes. L'île une destination de choix pour les marginaux qui ne souhaitaient ni passer sous le giron des Empereurs des Mers, ni vivre sous le joug du Gouvernement Mondial, ni subsister dans le chaos qui régnait sur d'autres îles du Nouveau Monde. C'était en quelque sorte la troisième voie, une alternative entre une vie de débauche et de crimes, et une vie de soumission à un quelconque pouvoir. Ici, les habitants voyaient leurs libertés assurées par les Cent Familles.

Dans les premières décennies, c'était donc plus une association d'individus libres plus qu'un réal État. Toutefois, les choses changèrent lorsque le dernier des Cent, c'est-à-dire les pères fondateurs, mourut, et qu'une guerre entre les factions éclata pour le contrôle absolu de l'île. Cette guerre, dénommée dans les livres d'Histoire comme la "Grande Guerre Civile de Terra", fut achevée par un traité donnant un pouvoir équivalent aux Cent Familles. Ils allaient dès lors constituer la noblesse de l'île, tandis que les libertés des résidents devinrent moindre face à l'accroissement des missions de l’état. Ainsi naquit un malaise social toujours présent : entre les idéaux et les valeurs de principe et la nécessité d'assurer la sécurité de Terra, il y avait un véritable conflit idéologique.

Ce débat avait été conclut vraisemblablement en 1622, lorsque l'Imperiosa accéda au pouvoir. Contrairement à ses prédécesseurs, soucieux de ménager l'opinion publique en ne tranchant pas entre liberté et sécurité, elle avait choisi une autre option. Elle n'opposait plus ces deux termes : elle clamait haut et fort qu'ils étaient complémentaires. Pour que Terra reste une terre d’asile libre, il fallait que l'île pense désormais à se protéger contre les menaces extérieures. Sa prospérité avait attiré l'attention de plusieurs monstres de puissance, et il lui fallait à présent en devenir un.

Avec son accession au trône de Terra et ses multiples mesures, elle avait suscité à la fois les craintes des traditionalistes et les espoirs des nationalistes. La liberté et la démocratie avaient pris un coup, mais certains pensaient que cela était la seule option pour assurer l'indépendance de l'île en ces temps troublés.

Alors quelle place pour Mount dans tout ça ? La voie la plus prometteuse était probablement cette volonté d'assurer la défense de l'île contre les dangers. Pour avoir la voie au chapitre dans les discussions entre les grandes puissances, il fallait que Terra possède une armée digne de ce nom. La Garde Impériale, avec les Élus, étaient certes bien organisés, mais manquaient cruellement de matériel moderne et adapté aux conflits contemporains. C'était peut-être ça la clef.

Avec ses cent vingt millions de Berries, il avait assez d'argent pour fonder une entreprise dédiée à l'armement. D'après ce qu'il avait lu, Terra se fournissait principalement à l'étranger, et son industrie restait relativement concentrée sur les biens de consommation et la transformation basique de matière première. Par exemple, l'île possédait plusieurs aciéries et scieries, mais pas d'entreprises produisant des biens stratégiques, car l'importation comblait amplement la demande. Cependant, cela posait la question de l'indépendance industrielle de l'île. Si un jour un Empereur souhaitait mettre un embargo sur Terra, alors elle ne pourrait plus s'approvisionner en armes.

Fort de ces constats, Mount sortit de la bibliothèque et, après avoir pris son dîner en vitesse, fila dans son lit. Il avait hâte de proposer à l'Imperiosa son projet. Demain, il allait devoir s'arranger pour obtenir une audience impériale ; ou du moins, avec un responsable du palais.
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Déterminé plus que jamais, le Fantôme s'avança vers la grande entrée du palais des Cent Familles. L'ensemble était impressionnant : comme d'autres bâtiments de Delta, il avait été construit dans un style ressemblant aux vestiges des temps anciens, tout en apportant un lot de symboles et d'innovations techniques remarquables. Le blanc dominait toute la bâtisse, pour donner un aspect épuré, quasiment immaculé.

Il avait pris soin de mettre repasser ses habits. Ainsi portait-il une chemise blanche dénuée de tous plis, et une veste bleu marine. Il avait placé l'intégralité des cent vingt millions de Berries dans une mallette noire, à la fois discrète et élégante. C'était la garantie que son projet soit pris au sérieux par les autorités, quelles qu'elles soient. Il se présenta ainsi à l'accueil, tout sourire.

En développant un petit peu son plan d'investissement, le fonctionnaire comprit immédiatement qu'il fallait en référer à des instances importantes, au vu du secteur d'activité dont il était question. Il s'absenta quelques minutes, avant de revenir avec son responsable. Celui-ci guida Mountbatten jusqu'à un bureau, de l'autre côté du palais. Il entra et fut reçu par un homme d'une trentaine d'année, bien portant mais qui, étrangement, semblait fatigué. C'était visiblement un membre de la Garde Impériale, à en juger son uniforme kaki et ses épaulettes dorées.

"- Bonjour monsieur. Je suis Mountbatten, et je souhaite vous proposer un plan d'investissement qui pourrait vous intéresser.

- Ouais, bonjour, tout ça. Pour ma part, je suis le Maréchal Flika. Bon, allez droit au but.

- Euh... Bien. Je souhaite me lancer dans l'industrie de l'armement. Comme vous le savez, Terra n'est pas dépendante concernant son approvisionnement en armes de guerre.

- Oui, oui c'est vrai. Continuez.

- C'est pourquoi je compte créer le Complexe Militaro-Industriel de Terra.

- Rien que ça ? Vous êtes culotté ! Et comment vous allez vous y prendre ?

- C'est simple. Déjà, Terra n'aura pas, dans un premier temps, à dépenser un sou. Voyez donc."

Le Marijoan posa sa mallette sur une table, ce qui eut pour effet d'attirer la curiosité du militaire. Il se posa un petit peu en retrait, afin de laisser de la marge de manoeuvre au nouveau venu. Il enclencha les mécanismes d'ouverture, et montra le tas de billets qui s'y trouvaient.

"- Il y a ici cent vingt millions de Berries, de quoi ouvrir dans un premier temps une grande usine, capable de produire des fusils, des sabres, des canons, etc. Ainsi, Terra n'aura pas à verser un rond pour sa création.

- Je vois... C'est intéressant. Et qu'est-ce que vous attendez de Terra, à part un permis de construire ?

- Des contrats publics pour rénover l'armement de la Garde Impériale et des Élus. Avec un matériel de plus grande qualité, vous serez plus puissants, c'est un fait. Et puis, ce sera toujours moins cher que d'importer depuis l'autre bout de Grand Line.

- Je note. C'est effectivement un projet audacieux et qui mérite notre intérêt."

Le maréchal avait légèrement changé d'attitude. Son air nonchalant avait basculé vers un intérêt soudain. Effectivement, les arguments de l'étranger avaient un écho tout particulier chez lui. Flika s'était dédié depuis plusieurs années à faire redorer le blason de la Garde Impériale face aux Élus, et tout projet qui pouvait l'aider dans ce sens était le bienvenu. Il retourna s’asseoir à son bureau, et chercha dans ses papiers divers formulaires. Il prit un petit bout de papier, sur lequel il griffonna quelques lettres.

"- Votre projet est sérieux et cohérent. Et puis vous avez les fonds suffisants. Dans tout les cas, sachez que vous avez mon accord. Concernant le lieu d'implantation et le processus de construction de votre usine, cela ne relève pas de mes compétences. Mais la personne dont je vous ai noté le nom sur ce papier pourra vous aider dans les démarches. C'est une personne fiable, qui travaillait au Ministère des Finances. Maintenant, j'ai entendu dire qu'il offrait ses services aux industriels du coin. Si vous le persuadez suffisamment, il sera votre homme.

- Très bien, merci beaucoup. Autre chose ?

- Pas spécialement... Ah ! Si. Allez donc voir mon assistant à côté, pour qu'il vous signe deux-trois documents, histoire de rendre le tout moins officieux.

- Parfait. Sur ce, bonne journée maréchal. J'ai l'impression que nous allons nous revoir assez vite."

C'est ainsi que les fondations du Complexe Militaro-Industriel de Terra se firent. A vrai dire, étant donné que le gouvernement n'investissait rien pour le moment, c'était du gagnant-gagnant. Mount s'acquitta des démarches administratives, et se mit en route pour chercher l'entrepreneur dont Flika avait parlé, un certain Hobart Gabras.

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Après avoir interrogé quelques ouvriers, il retrouva la trace de son homme. Celui-ci se détendait après le travail dans un bar quelconque, dans le quartier branché de Delta. Le monde de la nuit commençait petit à petit à ouvrir, et les enseignes lumineuses éclairaient les rues sans qu'il n'y ai besoin de lampadaires. Entre les marins en escale sur l'île et la population jeune et dynamique de la capitale, les gérants avaient une clientèle toujours plus nombreuse. Boîtes de nuit, clubs et bars accueillaient un nombre considérable de clients ; même si, de l'autre côté, ils devaient payer un loyer proportionnellement élevé. La foule était nombreuse dans les boulevards, entre les fêtards, les couples qui se promenaient et ceux qui rentraient du travail.

Mount se fraya un chemin jusqu'au bar Chez Tonton. Là, l'ambiance était bon enfant. La grande salle n'était pas bondée, mais la plupart des tables étaient prises. Au comptoir, il repéra une poignée d'hommes d'affaire, toujours en costume. Ceux-ci se vidaient la tête après une bonne journée de dur labeur, en prenant une bière, seuls ou entre collègues.

"- Gabras ? Est-ce qu'il y a un Gabras par ici ? Vous êtes Gabras ? Non ?... Et vous ?"

Etant donné qu'il ne connaissait que son nom, le Marijoan était obligé de se livrer à un tel spectacle pour retrouver ce Hobart Gabras. D'ailleurs, les hommes importunés se montraient particulièrement désagréable. Il mit ça sur le compte de la fin de journée.

"- C'est moi ! Qui me demande ?"

Un homme isolé se démarqua, et leva la main vers le perturbateur. Qui était donc cet hurluberlu ? Il sirotait sa bière blonde tranquillement, jusqu'à ce qu'un inconnu ne vienne gueuler son nom dans un bar. Dire qu'il voulait se faire discret, et qu'il détestait se faire remarquer : et bien c'était raté.

Mount s'approcha et s'excusa auprès de ceux qu'il avait dérangé. Il analysa rapidement sa cible : relativement jeune, cheveux bien coiffés, avec un costume trois pièces... C'était vraisemblablement l'archétype de l'acharné de travail. Il sourit. C'était exactement ce dont il avait besoin pour mettre en forme son projet.

"- Enfin je vous rencontre mon cher Gabras ! Enchanté, je suis Mountbatten.

- Hum, enchanté aussi, je présume... Que me voulez-vous ?

- Oh, pas grand chose. Une petite discussion, c'est tout. Barman ? Servez-moi un whiskey.

- Et la politesse c'est pour les chiens ? Nan mais j'te jure, les types d'aujourd'hui...

- Euh... Enfin bref. J'ai entendu beaucoup de bien à votre sujet, Hobart.
"

L'ancien officier prit place aux côtés de Gabras, sur une chaise haute accolée au comptoir. Le serveur lui servit son verre, tout en grommelant dans sa barbe.

"- Où travaillez-vous actuellement ?

- Actuellement ? Chez les Gringotts, depuis peu.

- Les Gringotts ?

- Oui, une des banques dont le siège est à Delta.

- Ah... Je vois. Êtes-vous heureux de votre position ?

- Monsieur Mountbatten... J'ai comme l'impression que vous voulez me demander une chose, mais que vous tournez autour du pot.

- Bien. J'ai une offre pour vous. Que dites-vous d'être superviseur d'une grande usine d'armement ?

- Une usine d'armement ? Vous plaisantez ? Je n'ai pas envie de quitter mon île natale, voyez-vous.

- Quitter ? Non ! Non, du tout. Je suis en train de monter un projet pour en fonder une ici-même ! Et j'ai besoin de quelqu'un avec vos compétences pour m'aider.

- Ici ? ... Je... Je vois. Où en est le projet ?

- J'ai les fonds et les autorisations du gouvernement. Il ne me manque plus qu'à transformer tout ça en une véritable usine. Je me suis déjà assuré d'avoir des contrats publics dès l'ouverture de la chaîne de production.

- Ah oui ! Tout de même... Eh bien, c'est une proposition intéressante. Quel est le montant de l'investissement initial ?

- Cent vingt millions de Berries.

- Ah oui ! Vous partez donc sur une très grande usine !

- Elle doit pouvoir alimenter la Garde Impériale et les Élus ; ça fait beaucoup de monde, et pas mal d'armes différentes. Vous en êtes ?"

Les yeux d'Hobart fixèrent un point fixe dans l'espace, comme s'il mobilisait toutes ses capacités pour calculer le risque d'un tel plan, mais aussi les gains potentiels dont il pourrait en tirer. D'un côté, il avait un contrat à durée déterminée chez les Gringotts, qui allait se terminer dans quatre mois. Un poste dans l'administration, rien de bien passionnant. De l'autre, un projet qui avait déjà des bases financières et légales, bien plus passionnant. Au bout de quelques secondes, sa décision était déjà prise.

"- Ouais... Bien sûr que j'en suis !"


Dernière édition par Mountbatten le Ven 29 Mai 2020 - 0:53, édité 1 fois
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Quelques jours plus tard, les travaux commencèrent. L'usine allait être implantée à Alpha, la deuxième ville du pays et cœur névralgique de l'industrie et de l'exploitation des ressources du sous-sol. Reliée au port de Delta par un réseau de chemins de fer, elle constituait une zone industrielle dynamique et un bassin d'emploi majeur. La ville s'était étrangement formée à la manière d'une ruche, comme si c'était un agglutinement de bâtiments. La place principale, où se tenait le grand marché, était le point central. Il était entièrement recouvert par des constructions, mais la lumière pénétrait par de grandes arches. De la végétation avait été introduite pour rendre le tout plus agréable. C'était un endroit particulièrement fascinant et stimulant pour un étranger comme Mount.

Les Terriens étaient des gens pressés et, contrairement à tout un tas d'autres îles, ne se distinguaient pas par leur hospitalité. Ils avaient des choses à faire, et ne s'attardaient pas sur autrui dès lors qu'il n'y voyaient pas l'intérêt. Ils étaient relativement individualiste, mais aussi très productifs. Cela expliquait en partie le succès économique du pays. Avec la crainte de tomber sous l'emprise des Empereurs ou du Gouvernement Mondial, ce comportement avait été encouragé par les Cent Familles. C'était une sorte de contribution collective à l'effort de guerre, sans que le terme ne soit jamais nommé. Car si l'opposition à Marijoie était au fondement de la nation, les officiels évitaient de déclarer une guerre ouverte, par crainte de représailles.

C'est dans ce contexte que naquit véritablement le Complexe Militaro-Industriel de Terra. Situé à quelques kilomètres du centre-ville d'Alpha sur un grand terrain vague, le chantier débuta avec la supervision d'Hobart Gabras. Celui-ci avait employé plus d'une centaine d'ouvriers pour ériger l'usine. En soit, la structure n'était pas complexe : il s'agissait d'un grand hangar aménagé. Mais le principal problème était l'acheminement des machines et la mise en place de chaînes de production efficaces. Gabras, adepte des nouvelles théories économiques, souhaiter automatiser le plus possible la production, et acquérir des gains de productivité par la division du travail. Il avait donc travaillé de concert avec un bureau d'architecte pour concevoir la meilleure usine possible.

Les machines-outils et autres ateliers de fabrication furent importés depuis les stocks de la capitale, via un train de fret. Les ouvriers y mettaient du leur, et la construction avançait à grand pas. Encore une fois, c'était plus dû à la simplicité de l'édifice plus que du zèle des employés.

De temps en temps, un responsable de la Garde Impériale inspectait l'avancée des travaux pour en informer le maréchal Flika, qui avait hâte que le projet aboutisse. Cela allait permettre de renforcer l'armée civile de Terra, au détriment de l'armée des Élus. Il avait donc réaffirmé toute sa confiance au Fantôme.

L'emplacement à Alpha était hautement stratégique. L'exportation était facilitée par une liaison ferroviaire directe avec le port de marchandise de Delta, et de nombreuses matières premières provenaient directement des sous-sol de la région. Aluminium, cuivre, manganèse, titane... Tout était produit localement, et cela évitait des frais de transports.

Petit à petit, ça prenait forme. Le bâtiment principal s'élevait sur trois étages, fait de briques rouges, avec un toit en zinc. C'est à cet endroit que la majorité de la production allait s'effectuer. Quelques annexes s'étendaient sur les côtés, servant principalement de bâtiments des employés, de cantine ou d'entrepôts.

A l'intérieur, de vastes rangées d'ateliers se succédaient. Dans une rangée, chaque employé effectuait une tâche bien précise sur l'arme ou la munition qu'ils étaient censés produire. On plaçait les matières premières en début de chaîne, et le contremaître récoltait le produit fini à la fin. Chaque salarié avait à sa disposition des outils bien spécifiques, voire des machines automatisées pour réaliser des tâches trop longues ou impossibles pour l'humain.

Les ouvriers avaient droit à des pauses toutes les deux heures, et le repas du midi était fourni avec l'emploi. La journée de travail s'étendait sur dix heures, et des règles de sécurité strictes étaient appliquées. En comparaison des autres industries, les conditions de travail étaient bien plus avantageuses. En effet, il s'agissait de motiver la main d’œuvre et de la fidéliser, à une époque où un ouvrier pouvait basculer d'entreprise quasiment chaque semaine. De par le caractère stratégique de l'usine, il fallait s'assurer qu'ils soient prudents lorsqu'ils manipulaient des substances chimiques ou des munitions explosives. En réduisant la pénibilité du travail, Gabras et Mount s'assuraient aussi de la survie de la société.

Pour contrôler le travail, Hobart avait embauché quelques contremaîtres, dont le chef était un certain Shaun Mills. Une connaissance du superviseur, qui se distinguait par son acharnement au travail bien fait et par sa discipline, qu'il imposait d'ailleurs à ses subordonnés.

Ainsi, en quelques semaines, le Complexe Militaro-Industriel de Terra était né. L'usine employait en en tout une centaine d'hommes, et s'étendait sur une grande surface et dépassait en taille tous ses voisins directs. Assez vite, les premiers produits sortirent de l'usine : des munitions de petit et moyen calibres, et des armes légères. Une délégation de la Garde Impériale avait inspecté en totalité l'ouvrage. Satisfaits, ils avaient conclu avec la direction plusieurs contrats concernant la rénovation du matériel de l'armée, conformément à la promesse du maréchal Flika.
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