Minerva

Nous avions passé les contrôles sans rencontrer de problème ; à priori, personne n'était encore au courant pour ma désertion. Une fois arrivés au G-0, Jones et moi avions poursuivi discrètement : les yeux et oreilles de l'administrateur étaient partout et nous devions conserver au maximum notre effet de surprise. L'homme n'était pas dans les petits papiers du CP0, il était même une cible directe de Mint Figura ; Jones faisait le lien pour retarder l'inévitable, notamment en prévenant que l'assassinat s'était déroulé sans problème. Il lui avait suffit de brouiller suffisamment la ligne de son escargophone pour se faire passer pour l'agent décédé dont elle connaissait le timbre de voix comme le matricule.

Pénétrer dans Marie-Joie n'était pas un problème, mais en sortir avec notre prise sans nous faire remarquer était un poil plus coton. La cornue affirmait connaître l'emplacement de notre victime et avoir peaufiné son plan jour et nuit depuis des années pour nous assurer un enlèvement rapide et efficace. Connaissant l'administrateur, je ne l'aurais jamais parié et affichais une certaine perplexité, mais force fût bientôt de constater qu'elle avait raison.

Nos pas nous avaient menées sous peu en bordure de la ville, dans un endroit reculé au milieu des falaises à l'extrême opposé de l'enclave des Tenryubitos. Le vent marin qui remontait Red Line portait des embruns secs et salés qui recouvraient la zone d'une fine particule blanche, transportée depuis les vagues en contrebas. Le son cristallin de la poudreuse comprimée renvoyait à une marche au milieu du désert avec la ferme impression de parcourir une étendue de neige. La tramontane était, elle, assassine et nous tranchait la peau en nous flagellant inlassablement. Cela me semblait bien un endroit choisi par le bureaucrate pour y aménager son oasis, lequel était de plus en plus visible à mesure que nous approchions.

Devions-nous faire le tour ? À priori non, car des deux gardes en poste à l'entrée, un seul demeura en plac. Avant de l'approcher, nous avions assisté à la scène depuis les épaisses haies artificielles qui bloquaient la vue et bordaient l'immense portail ; je fus surprise de voir l'agent du CP0 l'approcher sans crainte.

« - Je l'ai convaincu d'aller nous chercher un encas. Longez la façade ouest, vous trouverez une fenêtre ouverte dans la serre qui vous permettra d'entrer. »

Le pseudo-garde conclut en échangeant un regard entendu avec la cornue. J'ignorais qui était cet homme et à quoi nous lui devions sa loyauté, mais ne manquerais pas d'interroger ma comparse plus tard. Pour être un des gardes du corps du magnat, il devait rouler sa bille à son service depuis quelques années désormais.

C'était comme si tout avait été prévu avant que nous arrivions. Je soupçonnais Jones d'avoir commencé à tirer les fils dès lors que nous avions quitté Jaya. Je n'arrivais pas à savoir si ma désertion était un objectif de sa quête ou justement un contretemps qui l'avait empêchée d'atteindre son objectif, toutefois cela avait semblé la ravir dans tous les cas. Qu'importe ce qu'elle avait fait, nous étions là aujourd'hui, passant toutes les deux par la fenêtre ouverte de la verrière afin de nous introduire dans le bâtiment principal : une grande bâtisse en briques brunes qui respirait le luxe de l'intérieur comme de l'extérieur.

« - C'est à partir d'ici que cela va commencer à être difficile. Je sais où le trouver et combien d'hommes gardent la baraque, mais O'Murphy change les tours de garde tous les mois et je n'avais pas prévu d'opérer aussi vite.

- Je suppose que nous n'allons pas avoir le choix de nous salir les mains. Par chance, c'est mon métier. »

Le Cipher Pol 9 m'avait bien formé à ce genre de procédés. J'avais le sang d'un grand nombre d'innocents sur les mains, certains massacrés au cours de missions d'infiltration.

L'entrée des serres se faisait par un long couloir d'où n'émanait aucun son. À première vue, car le haki de l'observation m'indiqua la présence d'escargocaméras à plusieurs endroits stratégiques de la pièce, ce qui expliquait l'absence d'âme qui vive.

« - Bon sang, ils n'étaient pas là auparavant. Sloan doit être devenu encore plus parano.

- Pas le choix, je pense, il va falloir signaler notre présence. Cela va sûrement donner l'alerte et nous empêcher de repasser par Marie-Joie au retour.

- Heureusement que j'avais prévu ce cas de figure, » sourit la rouquine tout en portant la bouche à son poignet, dévoilant son minuscule communicateur : « Kilo Juliette à Victor Bravo, vous êtes en poste ? »

Je soulevais un sourcil, me demandant bien qui était au bout du fil. Toutefois la voix qui sortit de l'escargophone ne laissait planer aucun doute : nos alliées que nous avions laissées au G-0 n'en avaient visiblement pas fini avec nous.

« - Victor Bravo à Kilo Juliette, bien arrivées au point de récupération. »

Je comprenais mieux et me satisfaisais en réalité de cette option plus que de la première : il n'avait jamais été question de repasser par la capitale du Gouvernement Mondial. Notre retour se signerait par un simple saut dans le vide. Il y a encore quelques années, la simple idée de sauter du haut de Red Line m'aurait semblé suicidaire, mais mes derniers entraînements au Haki avec Raoul faisaient à présent passer cela pour du pipi de chat. Si j'avais su que je devrais un jour être reconnaissante pour les risques insensés des formations du bonhomme...

« - Bon, eh bien dans ce cas je crois qu'il est temps d'entrer en scène.

- Vous êtes bien meilleure que moi à ce jeu-là, Directrice Sweetsong. »

Je lâchai un ricanement. Ce titre était la relique d'un temps révolu, au même titre que mon nom : celui d'un chien fidèle du gouvernement. Il était temps de porter un grand coup à cette identité et d'embrasser ma nouvelle existence.

« - Annabella Sweetsong est morte, le seul nom qu'il me reste est celui d'Elanor Bonny. »


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Ven 15 Jan 2021 - 9:44, édité 2 fois
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Le Rokushiki était un art, initialement enseigné au CP9 uniquement, pour l'assassinat. Il n'était pas simple à maîtriser mais, appliqué à la lettre, faisait des ravages dans les rangs ennemis avant même que le responsable soit détecté.

Karen était efficace, bien plus portée sur les coups simples et nets que je ne l'étais. À dire vrai, je devais en grande partie la brutalité de mes attaques aux pouvoirs de fruit du démon qu'il n'était jamais simple de gérer dans ce genre de conditions. Parfois, une secousse venait détacher la couenne d'un garde tandis que je le neutralisais avec un Shigan. De toute manière, notre présence avait été découverte : nous ne faisions plus dans la dentelle, tranchant et perforant ce qui venait à portée.

De nos adversaires, beaucoup me connaissaient déjà. Certains étaient assez téméraires pour engager le combat, mais d'autres prenaient leurs jambes à leur cou en pensant pouvoir sauver leur vie. Malheureusement, ceux-là finissaient souvent avec un trou dans le dos, car nous ne pouvions nous permettre de laisser un témoin s'échapper. Pas maintenant, même si irrémédiablement cela devrait arriver, peut-être même qu'un des pauvres hommes était déjà parti quémander des renforts à la capitale. Pour un être humain normal, il faudrait une bonne heure pour rallier la villa, mais je savais que les plus prompts à débarquer, le CP9 voire le CP0, nous mettraient dans une panade absolue.

Karen était dans la même barque que moi à présent. Selon ses dires lorsque nous étions au Cap des Jumeaux, elle ne vivait que pour venger l'opprobre fait à son frère et à sa famille ; elle voulait la tête de l'administrateur véreux. Désormais, c'était aussi une criminelle et une déserteuse, dont on découvrirait bientôt qu'elle avait camouflé la mort d'un agent à Jaya. Cela ne la contrariait pas à l'instant présent, mais je me demandais comment elle concevait le fait de rejoindre le même camp que celui de son frère, à terme ?

Mais plus que tout, je me demandais si cette solution la satisfaisait, elle qui espérait contrer le bureaucrate à son propre jeu. Voilà qui était encore possible lorsque j'étais aux commandes du CP9, mais désormais, la solution qui s'offrait à nous était de l'enlever, puis la suite du plan m'échappait. Karen ne m'en avait rien confié, mais elle avait de la suite dans les idées et tout ce qui m'importait, pour ma part, était de voir cet homme monstrueux tomber avec moi.

Notre cible se trouvait au premier étage. Nous avions débouché dans le hall quelques instants auparavant et venions de le nettoyer, baptisant le plancher et les boiseries du sang frais des pauvres hommes qui s'y étaient regroupés. Quelques Rankyaku administrés en hâte avaient aussi détaché des morceaux des murs et tranché des meubles, des poteries probablement inestimables. Une vingtaine de cadavres jonchaient le sol.

Malheureusement, un autre inconvénient nous attendait en haut des escaliers.

« - Sweetsong, j'aurais dû me douter que c'était toi. »

Un sourire de crocodile parut sur le visage de celui que je n'avais eu aucune peine à identifier. Nos chemins se croisaient rarement, mais je le détestais tout autant qu'aux premières heures. Jamâl se voulait une sorte de concurrent, un alter-égo, et léchait avidement les bottes de Sloan. Pire que cela : il était celui qui avait attendu la promotion dont j'avais bénéficié après la mort de Noxe, il m'en tenait rigueur.

« - Trahir Noxe ne t'a visiblement pas suffit, il faut désormais que tu cherches à éliminer celui à qui tu dois ta place aujourd'hui. » Il n'était visiblement pas sain mentalement ; je passais outre ses accusations démentes, mais il n'en avait visiblement pas fini. « Sloan se doutait bien que tu n'arriverais pas à exécuter la mission que t'a confiée Figura, c'est pourquoi je suis ici. »

Je sentis ma tête vaciller un instant : l'homme d'affaire corrompu avait une nouvelle fois prévu le coup ? Karen et moi partageâmes aussitôt un regard effrayé, avant que mon attention se reporte sur celui qui s'apprêtait déjà à frapper. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir de quel bois se chauffait le chef d'équipe, mais je me doutais que sa force était au moins similaire sinon supérieure à celle de Larson.

Le premier coup fût cependant le mien : un Rankyaku qu'il ne put que parer avec un solide Haki de l'armement, pratiquement sans sourciller. C'était suffisant cependant pour permettre à Karen de nous fausser compagnie et atteindre l'entrée du couloir que le mastodonte bloquait. Déjà, son attention se reportait vers elle, mais j'étais son adversaire.

« - Jugon. »

Coup porté, bloqué, puis rendu et bloqué à nouveau. Nous en vînmes rapidement à échanger à peu de choses près les mêmes techniques. Il n'était pas dans mon intérêt d'utiliser les pouvoirs de mon fruit du démon, mais lui oui. Il ne s'en priva pas, m'adressant un regard reptilien avant de changer d'apparence. J'avais lu que c'était un homme-crocodile, mais n'avais jamais vu à quoi cela pouvait se rapporter. Je savais à présent, d'autant plus qu'il n'avait pas fait dans la dentelle.

Il s'était éveillé.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 14 Jan 2021 - 12:42, édité 1 fois
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Une lumière épaisse filtrait à travers les grandes fenêtres du manoir. Derrière, les bruits de combat s'intensifiaient et le fracas ne tarderait probablement pas à se faire entendre depuis Marie-Joie. L'adversaire était de taille pour que les séismes soient de mise. Le grand jeu, véritablement. Toutefois, la première cause du désarroi de Karen était cette révélation : elles avaient été attendues et, depuis leur arrivée tonitruante, il était possible que le bureaucrate ait pris ses jambes à son coup.

Elle fonçait donc tête baissée à présent, dans les longs corridors de la bâtisse, gravissant le second escalier qui menait jusqu'au sommet, là où se trouvait son bureau. Elle connaissait l'architecture des lieux, quelque peu labyrinthique. La longue minute nécessaire pour atteindre l'endroit où elle pensait trouver l'administrateur lui sembla une éternité.

Elle contint sa joie, voyant une silhouette assise derrière le bureau du magnat à travers la porte vitrée. Poussant cette dernière, elle manqua de prudence en pénétrant bêtement dans le bureau. Un poing, venu de derrière elle, vola dans sa direction et la flanqua aussitôt à terre.

« - Vous pensiez pouvoir me prendre par surprise ? »

La voix émanait de l'extrémité de la salle, là où elle avait distingué la silhouette. Des bruits de pas résonnèrent, venant dans sa direction, tandis que des mains épaisses et bourrues la soulevaient. Un visage franchement patibulaire la toisait : celui d'un mercenaire ? Non, celui d'un pirate ; son poing était recouvert du haki de l'armement. Le bureaucrate corrompu n'y allait visiblement pas par quatre chemins.

« - Karen Jones, ou plutôt devrais-je dire Karen Snowfall. Vous pensiez que je ne m'étais pas intéressée à votre dossier, que je n'avais pas fouillé votre passé ? Mais je sais tout de vous et c'était avec une grande hâte que j'attendais ce moment. »

L'homme d'affaire souriait, goguenard, autorisant le bourreau à administrer un nouveau coup de poing à l'agent, toujours sonnée par l'impact précédent. Du sang lui coulait du nez ; elle cracha une gerbe rouge en réaction, maintenue au sol par le pied du pirate.

« - J'avais prévu votre venue, sitôt que cet idiot de Figura a confié à Sweetsong la mission de tuer sa protégée. Il était certain qu'elle échouerait et que vous viendriez vous venger. J'ai donc anticipé le coup en m'entourant d'éléments suffisamment puissants pour faire d'une pierre deux coups : mettre hors d'état de nuire l'une des plus dangereuses déserteuses du Cipher Pol et me débarrasser d'un élément gênant ayant un peu trop tendance à fouiller dans mes affaires. »

La pression exercée par la botte du grand blond s'accentua. Le visage de Sloan s'approcha à portée de la rousse pour la narguer. C'était une grossière erreur.

« - Ainsi je pourrais m'illustrer et prouver une fois de plus l'incompétence de Figura, prenant alors sa pla-

- Kami-E. »

Le corps de Karen sembla instantanément se transformer en feuille et le pied de son oppresseur passa comme à travers, comme elle roulait sur le côté et lui décocha un violent coup dans les jambes pour le faire tomber. L'administrateur était à portée, une erreur stratégique. Un Shigan partit plus vite que son ombre et le transperça au flanc. La blessure n'était pas mortelle, mais aurait le don de l'handicaper quoi qu'il ait prévu par la suite. Si la rousse savait une chose, c'était que la Directrice ne perdrait pas son combat.

« - Chienne, » ponctua O'Murphy tout en se tenant les côtes, reculant fébrilement jusqu'à son bureau. « Bute-la, qu'est-ce que tu attends ?! »

Une paire de bras tenta d'enserrer la jeune femme, mais celle-ci s'y soustraya d'un Soru, disparaissant du champ de vision du gorille. Il n'était pas dupe cependant et un mouvement du bras dans son dos manqua de balayer l'espionne. Elle recula à temps pour l'esquiver et décocha un Rankyaku à bout portant. Le coup était puissant, mais le haki de l'armement du bonhomme le contra efficacement. Il allait lui donner du fil à retordre.

« - Je vais te briser, » gronda l'énergumène avec un rictus lugubre sur le visage. Nul doute qu'il devait aimer ça.

Pas de chance, s'il était fort et solide, il n'était pas aussi rapide que Karen qui envisagea de l'avoir à l'usure à force de petits coups portés. Elle enchaîna Soru, Geppou, Shigan et Rankyaku pendant de longues minutes sans réussir à percer sa défense, se fatiguant elle-même. Toutefois la maîtrise du haki chez son opposant n'était pas parfaite et elle était parvenue à l'atteindre à différents endroits, le mettant en rogne mais aussi dans un sale état.

Du coin de l’œil, elle vit l'administrateur tenter de prendre la poudre d'escampette en passant par un passage secret assez classique. Au prix d'un coup porté au niveau du thorax, elle parvint à éloigner l'administrateur de sa bibliothèque en le repoussant avec une lame d'air. Mais elle n'avait plus de souffle à présent.

L'autre gaillard éructa, pensant en avoir fini avec elle en la voyant peiner à reprendre son souffle. Il concentra tout son pouvoir dans son poing, s'apprêtant à enfoncer sa caboche dans ses épaules, mais une secousse venue des étages inférieurs le déstabilisa soudainement et offrit à la femme une opportunité rêvée. Sa jambe décrivit aussitôt un arc de cercle et, rendu tranchante par le courant aérien, vint cueillir l'homme dans l'entrejambe, l'ouvrant jusqu'au bassin.

Le sang reflua à gros bouillons sur le plancher, avant que le mastodonte ne s'écroule de tout son long dans un hurlement plaintif qui dura une bonne dizaine de secondes, avant de rendre l'âme. Un cri émana du fond de la pièce où Sloan était à nouveau à proximité de sa bibliothèque, cherchant en panique le livre qui lui permettrait de passer de l'autre côté du mur. Karen n'avait pas encore retrouvé sa respiration, mais ne pouvait pas le laisser s'échapper comme ça.

Le prix en énergie du Soru nécessaire pour atteindre l'homme d'affaires fut considérable, mais elle parvint à l'agripper au col avant que tous deux se fassent happer dans le passage secret.
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Le combat était dantesque et se déroulait à une vitesse folle. Je parvenais tant bien que mal à parer les coups de mon opposant qui semblait animé d'une colère palpable : l'impulsivité de ses attaques lui conférait une vitesse supérieure à la mienne. Ses longues griffes et ses crocs acérés avaient à plusieurs reprises manqué de me faucher, mais mon haki de l'observation était bien meilleur que le sien et je remarquais une différence significative entre nos deux pouvoirs de l'armement.

Il menait le combat, je menais la danse en parant et reculant, en l'emportant avec moi jusque là où je voulais qu'il vienne. Son épaisse patte traversa le plancher à un endroit que j'avais senti plus fragile, près des escaliers, et le bloqua quelques instants.

« - Jishin Kenpou, Jugon. »

Je n'y allais pas de main morte cette fois-ci, usant de mon fruit du séisme. De toute manière, il me fallait abréger ce combat au plus vite car l'alerte avait dû être donnée. J'appliquais mes phalanges vibrantes sur le flanc du gigantesque crocodile.

Un large morceau de chair s'arracha au contact.

La rage de Jamâl devenait décadente : peut-être était-ce lié à l'éveil de son Zoan, peut-être était-ce juste à cause de la douleur, mais il eut le réflexe d'enserrer mon bras dans l'une de ses gigantesques pattes pour tenter de le broyer. Mon coude était aussitôt venu chercher l'articulation la plus proche, le poignet, pour la disloquer et libérer la prise ; son bras droit était en charpie. Il lâcha un hurlement caractéristique de l'animal, mais anormalement décuplé. Il parvint à se défaire du piège, emportant avec lui une partie du plancher et me déstabilisant.

Une fois de plus, je vis la paume de la bête chercher à me saisir dans ma chute : elle faisait ma taille. Coincée entre le pouce, l'index et le majeur de l'ennemi, je fis semblant de me laisser faire pour l'induire en erreur ; si je me débattais, il raffermirait sa poigne et je serais dans une mauvaise passe. Mais j'eus le champ libre pour aller jusqu'au bout de mon leurre, à présent tenue comme une poupée devant sa gueule pleine de dents de scie. Il ne perçut que trop tard la lueur bleue qui brillait dans mon poing, sensément inerte.

« - Bahamut. »

Mon bras était suffisamment libre pour atteindre le dos de sa patte et y frapper du côté du poing, en même temps qu'il serrait davantage.... trop tard. Des fissures bleues apparurent sur ses écailles autour de l'impact et dévorèrent la chair en profonds sillons jusqu'au haut de l'épaule. Avoir opéré une transformation avec un épiderme solide n'était pas une bonne idée contre un possesseur du Gura Gura No Mi. Échec et mat. Le bras droit était inerte, le gauche tombait en petits morceaux et la folie se lisait dans le regard du chef d'équipe, avec une lueur de peur. C'était ça.

Lentement, son corps retrouva alors forme humaine, bras mis à part car il continuait de se désagréger. Croulant sous le poids de son impuissance, l'homme tomba à genoux.

« - C'est impossible... »

Ses yeux essayaient désespérément de soutenir mon regard que je voulais froid, implacable. Je pouvais le terminer là, sur le champ, mais il s'agissait d'un ancien frère d'armes. Je lui portai alors un coup léger au visage, le poing recouvert de haki de l'armement, suffisamment puissant pour l'envoyer faire de beaux rêves. Jetant un bref coup d’œil aux alentours, je remarquais à quel point nous avions transformé le premier étage et le hall de la baraque en ruines tenant à peine debout. Usant de mon pouvoir de perception, j'inspectais les environs pour localiser ma partenaire. Je fus alors surprise de constater qu'elle n'était déjà plus à l'intérieur du bâtiment.

Ne croisant pas une âme qui vive sur le chemin, je me rendais jusqu'au jardin que nous avions contourné pour entrer dans le manoir, face au portail à l'entrée. La résidence entière était entourée d'épaisses haies et ses environs clairsemé de quelques arbres. Le tout était évidemment artificiel.

Elle m'attendait, partiellement en sang, sur un banc en pierre. À côté d'elle se trouvait une masse endormie que je devinais être Sloan de loin et dont je vérifiais l'identité de près, cela ne faisait aucun doute. Visiblement, elle aussi avait été attendue.

« - Il a voulu jouer aux plus malins, mais a oublié à qui il s'en prenait. Je pense qu'il vous sous-estimait clairement, vu l'état dans lequel vous revenez de votre combat.

- Probablement. »

À dire vrai, la transformation de Jamâl lui avait plus porté préjudice qu'autre chose ; j'aurais probablement eu plus de mal s'il était demeuré humain.

Le silence régnait autour de nous, pourtant l'une de mes oreilles se dressa. Des courants d'air soufflaient dans notre direction depuis la capitale, à quelques kilomètres de là. Nous n'avions plus beaucoup de temps, Karen le lut sur mon visage. Elle souleva avec peine son paquet sur son épaule et me dévisagea : je ne bougeais pas d'un pouce.

« - Il y a des choses que je dois régler avant, je te rejoins en bas. Dis à Vasilieva de lever l'ancre. »

Elle resta un instant interdite, puis haussa les épaules. Quelque part, elle devinait ce qui allait se passer, ainsi que mon plan me faisait courir à ma perte. Mais s'ils parvenaient à récupérer Sloan maintenant, tout était fichu. D'un Soru, elle sauta par dessus une haie et disparut dans un léger sifflement sous la falaise derrière. Je retournai à l'intérieur du manoir, repêcher la carcasse de l'agent dans un piteux état, espérant m'en servir pour gagner du temps.

À peine étais-je sortie que je me retrouvais face à un contingent d'hommes du CP9 et du CP0. À leur tête, celui dont j'avais deviné la présence : Larson.

« - Hey, Sweetsong.

- Hey. »

Pas un geste, pas un bruit, juste la rangée d'espions devant moi et leur ennemie mortelle pour leur faire face. Je reconnaissais certains visages. Presque tous.

« - Où est O'Murphy ? » demanda le vieux tout en sortant son étui à cigarettes. Il n'avait pas envie de se battre contre moi, moi non plus ; nous ne faisions que repousser l'inévitable.

« - Loin d'ici à présent.

- Dommage. »

Pas vraiment, il ne pouvait pas l'encadrer. Je vis un sourire en coin et une lueur briller dans le regard du bonhomme, il semblait être fier de quelque chose.

« - Ça en fait du chemin depuis la première fois que je t'ai vue, petite... » Il alluma son cigarillo, tira une bouffée. « Quelque part je savais que ça finirait comme ça. Mais c'est pas de ta faute. »

Il ne pouvait pas trop en dire, mais je lisais dans ses yeux. Depuis Enies Lobby, depuis ma dernière mission avec lui, j'avais changé. J'avais mangé ce satané fruit du démon qui avait changé mon existence, j'étais devenue une arme, une meurtrière sans états d'âmes. Au moins, avant, j'avais la folie pour m'excuser ; il me restait ma vengeance personnelle. Désormais, j'étais une coquille vide qui aspirait uniquement à la liberté.

Soufflant de la fumée, il porta la main à son poignet, dévoila un escargophone allumé. Sans même demander, je devinais la présence à l'autre bout de l'appareil.

« - Ton projet Minerva est un échec, Figura. Il n'y a pas besoin de faire couler plus de sang... »

Minerva ? De quoi parlaient-ils au juste ? Il était malheureusement trop tard pour avoir des explications, je voyais les soldats s'activer, sur le pied de guerre, à l'arrière. Ce n'était qu'une avant-garde envoyée pour gagner du temps, les vraies troupes entouraient la villa, j'étais cuite.

La voix grave du vieillard résonna, émise par le dispositif :

« - Annabella, tu avais trop de caractère pour devenir une arme à la solde d'un camp. Nous avons tout tenté pour effacer ton empathie, pourtant. Sloan espérait te maîtriser, te conserver pour lui. »

Je fronçai les sourcils, ayant la vague impression de déjà savoir de quoi il s'agissait. J'en avais peur, peur de ces projets tapis dans l'ombre du Gouvernement Mondial dont seules les étoiles et quelques rares élus sont au courant. À présent, l'un d'eux venait de tomber et j'en étais le sujet, visiblement.

« - Croyais-tu qu'un homme tel qu'O'Murphy soit en capacité de confier un pouvoir tel que le tien à un de ses agents, par sa simple volonté ? Non, c'était une décision qui venait de plus haut. Nous avions un œil sur toi : un agent capable de tuer père et mère, aveuglé par la justice du Gouvernement Mondial. Un agent obéissant, docile, porteur de mort et de pacification dans les villes ennemies. Une arme que nous avions nommée... Minerva. »

Les révélations étaient saisissantes, mais je peinais à être surprise. Je savais depuis longtemps que j'étais une arme à la solde du Cipher Pol, j'avais simplement été incapable de deviner jusqu'où s'étendaient les racines. Ce projet qui m'avait vu naître suite à Bulgemore, suite à mon intégration dans le CP9, avait un nom désormais. Et je savais qui blâmer pour toutes les peines que j'avais apportées en suivant les ordres aveuglément.

« - Dommage, on dirait que le sujet de votre expérience vous a échappé, » conclus-je simplement, le sourire sur les lèvres.

« - En effet. Mais nous l'avons retrouvé. Il n'y a aucune chance que tu sortes d'ici en vie à présent, Annabella, ton existence s'arrête ici.

- Je suis foncièrement désolé pour tout ce qui est arrivé, Sweetsong. »

Mon regard vint se vriller dans les pupilles du vieil homme. Sa clope se consumait à ses lèvres, cela se voyait que ça le chagrinait. Il était à l'origine d'un mal qui l'avait dépassé. Le lâche avait bel et bien été lâche : il avait rapporté l'os à son maître et avait fuit au premier retour de bâton. Moi qui croyais que la vie de ses collègues lui importait, mais au final il était aussi derrière tout cela. Il avait vu en moi l'objet désiré par son supérieur. Noxe lui aussi avait dû savoir, mais les deux vieux se connaissaient intimement.

« - Je suis bien d'accord avec vous sur une chose, Figura, Larson... »

De brefs mouvements de doigts, presque imperceptibles. Mes ongles avaient commencé à griffer l'air depuis le début de la discussion, mon interlocuteur ne tarda pas à le voir et écarquilla de grands yeux tout en se préparant à fondre sur moi, des menottes en granit marin dans les mains, mais il était trop tard. Je finissais ma phrase, je le devais, tout en levant instantanément les bras dans un arc-de-cercle, dessinant une bulle autour de ma silhouette. Des déchirures bleutées zébraient l'espace.

« - Annabella Sweetsong doit mourir... pour que je puisse enfin vivre ! »

Un bruit sourd retentit, un « bang » provoqué par le déplacement des vibrations dans l'air. À quoi se succéda une puissante onde de choc qui souffla tout ce qui se trouvait dans le périmètre de la villa. Les arbres et haies furent aussitôt déracinées ou réduites en miettes, les soldats expédiés en arrière ; les plus proches souffriraient de sévères contusions, voire d'un trépas soudain. Seul l'élite du Gouvernement Mondial demeurait en place, tenant bon contre la bourrasque : son bras lui couvrant le visage, Larson se campait sur une jambe en me regardant agir.

« - Mon nom est Eleanor Bonny et je suis l'une des supernovas qui mettra un terme au joug du Gouvernement Mondial. Abaddon ! »

L'air cessa de souffler. Pendant une demi-seconde, le calme régna. Puis un grondement sonore émergea de sous nos pieds. Larson reconnaissait cette technique. Il se rappelait Karantane.

« - Repli ! Repli général ! » gronda-t-il tout en faisant des gestes à ses hommes avec ses bras. Certains avaient déjà amorcé leur fuite, mais pour la plupart il était déjà trop tard.

Le sol s'ouvrit, la montagne se fendit à deux. De larges crevasses percèrent Red Line et la fissurèrent de part en part, faisant tomber d'imposants blocs de roche dans la mer. J'espérais juste que Karen et l'équipage de la 346ème avaient suivi mes instructions. Un gouffre béant engloutit ce qu'il restait du manoir, qui commençait déjà à s’avachir sur lui-même. Je perdais pieds moi-même, dégringolant entre les blocs de pierre disloqués, jaugeant la profondeur de l'entaille. Red Line se dressait haut au-dessus des vagues, mais la fissure l'entamait sévèrement. La plaque tectonique qui avait fait naître la falaise se divisait en deux et l'océan commençait à se déchaîner tout autour, en réponse aux mouvements souterrains. Pour certains ayant connaissance de l'histoire, ils se rappelaient encore le désastre de Marineford et, même si on en était bien loin, l'impact avait sensiblement remodelé le paysage.

Usant de la débâcle et des débris rocheux pour couvrir mon départ, je me déplaçais furtivement dans l'air en direction d'un point sur l'horizon, que je savais être celui du navire de la division Carter. Derrière moi, j'entendais encore les cris et les grondements du chaos ambiant. Du coin de l’œil, je vis une silhouette fugace récupérer le corps inerte du chef d'équipe dans mon sillon ; sans cela, il m'aurait très certainement suivie.

J'imaginais l'appréhension que le phénomène pouvait causer à quelques kilomètres de là, à Marie-Joie, là où tous se pensaient en sécurité. Le message était clair pourtant : le Gouvernement Mondial avait libéré un nouveau danger dans la nature.


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« - Je n'étais même pas au courant pour l'Arme Minerva. »

Karen était pensive suite à la révélation. Nombre de visages étaient encore tournés vers Red Line, à présent marqué d'une longue estafilade, non loin de la capitale. Les femmes sur le navire étaient pour la plupart soucieuses : seuls les officiers restaient impassibles devant le spectacle. Vasilieva fit une annonce, un peu à chaud.

« - Pour les plus anciennes d'entre vous, la criminelle que nous avons secourue était jadis notre commandante et notre sœur d'arme. Aujourd'hui, nous n'avons fait que notre devoir en l'aidant à éliminer un mal insidieux qui s'était glissé dans les petits papiers du Gouvernement Mondial, pour cela elle a tout perdu. Je comprends votre désarroi et souhaite vous rassurer : nous restons au service de la Marine, c'est pourquoi notre escorte s'achèvera à la prochaine île. Il nous sera aisé de dire que nous avons été victimes d'une prise d'otage, les officiers étant systématiquement prompts à penser que nous ne sommes que des femmes facilement effarouchées. Notre honneur en pâtira, mais nous survivrons. »

Les propos rassurant firent effet, instillant un retour à la confiance mutuelle à bord. Toutefois, pour Karen, Angelica et moi, il n'y avait plus de salut possible au sein de la 346ème : nous étions des malfrats. Nous qui luttions auparavant contre ce qui était supposé être le « crime », nous nous retrouvions à présent à en faire partie. Pourtant, nous n'avions pas plus d'alliés, mais toutefois nettement plus d'ennemis qu'auparavant. Les eaux deviendraient soudainement plus dangereuses.

Trois jours nous distanciaient de Zéphyr où il était le plus raisonnable de lever l'ancre. C'était sur la même voie que la destination proposée par Karen lorsque nous étions au large de Red Line et qu'elle rappela un fois de plus dans la cabine du capitaine où nous devisions avec Veronica et Vasilieva.

« - Ma route me mène pour ma part à Mangrove Works : je dois rejoindre mon frère pour lui remettre Sloan, en espérant qu'il soit raisonnable. »

Le prisonnier ne s'était pas fait discret depuis son réveil : il avait tambouriné dans la cale moult fois et à plusieurs reprises nous avions dû le calmer en faisant usage de la force. Depuis, il s'était assagi et affichait même un air blasé, sûrement rendu à l'évidence que plus personne ne viendrait le sauver.

« - Je te suis.

- Moi aussi. » C'était Angelica. Elle reprenait progressivement des couleurs et avait recommencé à s'alimenter, sous le giron de sa sœur ainée.

Certains stigmates des sévices qu'elle avait subis ne disparaîtraient pas, notamment les doigts qu'elle avait perdus et les nombreuses cicatrices sur son ventre. Comme Karen et moi, elle était un déserteuse, à défaut d'être morte, à présent. C'était aussi une des raisons pour lesquelles Vasilieva et Veronica nous avaient aidées. La grande sœur nous devait bien ça, même si je tenais à la petite.

« - Nous devrions arriver à Zéphyr demain. Comme je l'ai dit, vous allez devoir vous débrouiller pour la suite, toutefois nous vous fournirons des vivres et de quoi payer le logement.

- J'avais prévu le coup, » annonça la rousse tout en dévoilant une valise pleine à craquer de billets. « J'ai récupéré la majeure partie de tes économies avant de me rendre à Jaya. »

Cela allait être particulièrement utile, considérant que mon poste à la CIA risquait de sauter, tout comme l'absence de salaire. Je réceptionnais la petite malle et écoutais la suite de la conversation, cependant rien d'intéressant ou que je ne connaissais pas déjà fut dit ce jour-là.

Le lendemain, nous arrivâmes enfin à Zéphyr où nous posâmes pied, laissant l'équipage amarré pour nous rendre auprès des habitants locaux. Une dernière embrassade entre les deux sœurs, un salut lointain de Vasilieva et nous n'étions alors plus que toutes les trois, avec notre prisonnier, face au monde entier. Une heure de marche nous distançait du hameau. Sur notre route nous croisâmes des espèces de rongeurs géants, toutefois j'eus tôt fait d'en effrayer la plupart et de garder un spécimen mort pour en connaître la valeur au village.

L'endroit était constamment balayé par les vents, nous n'étions pas prêtes. Nous arrivâmes assoiffées, desséchées, la peau rougie pour celles qui en avaient encore. Une taverne nous tendait les bras, nous nous y engouffrâmes sans demander notre reste. Le bouge ne sortait pas de l'ordinaire, même pour un endroit aussi planqué, mais au moins les cocktails étaient spécifiques à la région. L'eau, en revanche, était chère et seulement grâce aux talents de négociatrice de Karen, nous pûmes nous en sortir sans avoir à ouvrir la précieuse valise. À Sloan, nous offrîmes le strict minimum, bien décidées à faire de son voyage un enfer : il restait fermé et lampait son eau dans son coin, les yeux dans le vide.

M'asseyant à mon tour à la table de mes partenaires de voyage, je sirotais le précieux liquide qui satisfaisait les besoins primaires de mes organes artificiels. Je me rendais compte qu'être un cyborg  trop proche de l'humain n'était pas forcément toujours un avantage. Quand je levai les yeux de mon godet, je dus déchiffrer les deux expressions interloquées de mes comparses qui regardaient droit devant elle. O'Murphy eut un petit rire sardonique. Puisque ce n'était pas moi qui les mettais dans cet état, je me retournais alors pour dévisager le mur derrière moi.

Sur celui-ci figurait nombre d'affiches, la plupart rongées par le temps. C'était un tableau de chasseur de primes. Parmi toutes celles qui étaient clouées, une seule sortait du lot : particulièrement neuve, un visage qui m'était familier et un nom cousu de toutes pièces.

La supernova Eleanor Bonny.
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