Le silence s’était fait, le monde s’était tu. La haine s’infiltrait dans toutes les pensées. Des anciens pols, qui avaient renié leur nation. Il ne fallait pas être né de la dernière averse pour comprendre qui était la donzelle qui était tombée des cieux, avec son fruit fumigène et son accoutrement de tueuse. Combien des leurs étaient morts à cause d’elle, de lui ? Et combien d’autres de ses actions indirectes ? Oh, certes, ils avaient changé de camp à présent, mais cela ne lavait pas les morts. Le sang imbibait l’âme de ce triste sire révolutionnaire, dont la réputation faisait sinistrement écho à celle du Seigneur Ombre en personne.
Le navire s’éloignait de la zone de combat, les nouveaux pirates pressés de s’éloigner de l’Amirale et du danger du convoi, qui devait à présent être en miettes. L’assassin fulminait, sa cible toujours en vie et sans une seule égratignure. Mais plus encore, c’était cet équipage qu’il abhorrait. S’il avait été responsable de la mort d’assassin sur-entraînés ? Tch. Que dire alors de la multitude de frères qui avaient été tués par ces enfoirés ? Cet équipage, ce ramassis de traîtres et de meurtriers. Quelques visages étaient connus, surtout depuis leur fuite, mais parfois d’une façon antérieure. Il n’avait pas bougé de son arrivée, Jones et Browneye toujours à couteaux tirés contre lui, mais le navire s’enfuyait à grande vitesse. Tout ce qui intéressait l’assassin était le cœur qui battait faiblement dans les tréfonds du navire. Il fit un pas en avant. Les lames furent tirées au clair.
« Tch. Elle ne perd rien pour attendre. » grogna l’assassin, avant de faire demi-tour et de se diriger vers le pont supérieur.
Il avait besoin d’eux pour atteindre la prochaine destination. Il ne cessait de se le rappeler, tout comme ils devaient se demander quelle mouche avait piqué l’Atout. Il pouvait se déplacer librement, hors de toute contrainte, mais pas sur le Nouveau-Monde. Il avait pensé à s’emparer de l’eternal de l’Amirale, mais Sweetsong avait foutu tout son plan aux orties, jamais il n’avait prévu qu’elle serait là, et ça le rendait malade. Non pas qu’il eut réussi sa mission sans elle, mais il aurait alors su dans quel cœur diriger sa lame. Cette folle furieuse avait tellement de mal à la Révolution qu’il ne pensait qu’à une chose : la purger de ce monde, comme il purgerait les forces de l’Armée Révolutionnaire. Lui, le Secret.
« Qu’est-ce que tu veux ? » maugréa l’assassin, face à un pirate un peu plus jeune que les autres, qui ne s’était pas écarté.
Il tenait sa rapière en main, tremblant un peu. Mais surtout, avec courage. Une jeune recrue ? Un gosse ramassé sur les rues ? Un mousse exploité ? Il n’en avait pas grand-chose à faire. Il avança vers lui, se fit traverser par la lame et lui passa au travers pour ensuite grimper les escaliers. Le gosse glissa sur son séant, lâcha son arme. Livide. D’une lenteur calculée, la femme diaphane se porta au niveau de la barre, planta son regard dans celui du barreur, bien plus que plus petite que lui elle le fit déglutir. Elle en jouait, y prenait un malin plaisir. Tout pour se détourner d’user de sa dague. Il fallait rester maître de ses émotions, rester calme. La colère était ennemie, un déni de jugement. Une erreur, une erreur …
« Quelle est la destination ? »
« Heu … Mangrove Works, on … on a un eternal pose pour … »
« Combien de temps ? »
« Cinq jours, si le temps est clément … »
« Bien. »
Et cela sonna comme une sentence. Il leur restait cinq jours à vivre. Cinq jours. L’attention de l’assassin se retourna vers l’intérieur du navire. Jusqu’où irait leur loyauté ? Quand pourrait-il enfin planter sa dague dans le cœur de Sweetsong, et livrer sa tête à Freeman ?