J'émergeais de phases de micro-sommeil, certes calamiteuse, mais toujours en vie. Lorsque j'avais un brin de lucidité, je me maudissais de ne pas avoir pris assez de temps pour étudier les prodiges de la robotique. Et pourtant, mes compétences d'armurière avaient servi... au moins pour « cicatriser » mes plaies grâce au chalumeau dissimulé dans ma paume. L'hémorragie avait cessé, mais je sentais qu'à l'intérieur tout ne fonctionnait pas correctement. Des câbles aux extrémités fondues côtoyaient des rouages en piteux état. La conséquence directe était des spasmes... ainsi qu'une perte constante d'énergie. Normalement une nuit de sommeil normale suffisait à recharger mes batteries ; désormais il me fallait des phases de repos plus longues, cisaillant mes journées de moments d'inconscience impromptus.
« - Merde... C'est pas dans cet état que je vais arriver à quelque chose. »
D'une certaine façon, j'avais suffisamment récupéré pour tenir debout et quitter ma cabine, après plusieurs jours d’alitement. J'étais étonnée d'être encore envie : non pas à cause de mes blessures mortelles, mais de lui.. ou elle. Peu importe.
Le grand jour était venu : je revoyais le soleil. Visiblement, nous n'étions pas encore arrivés à Mangrove, mais nul doute que le cap était tenu. J'avais eu le temps de réfléchir aux raisons de mon sursis et j'en étais arrivée à la conclusion que Rafaelo avait besoin de nous. De mon équipage et de mon navire, tout du moins. L'ambiance à bord était pesante, mais les entraves absentes. Et puis Angelica était souvent venue me faire la discussion et me tenir au courant de ses actions, de celles du Lion de North. Un coup à se faire des messes basses, puis à manquer ensuite de s'entretuer. Ces deux-là étaient instables et la jeune agente les gardait à l’œil, tous les deux, quand Karen conservait son flegme habituel et ne s'occupait que de ses oignons. Pour la cornue, la seule chose qui comptait était d'arriver au plus vite à Mangrove ; si l'Atout avait tenté quoi que ce soit pour empêcher cela, elle se serait montrée plus belliqueuse.
« - Bon, bien... » fis-je tout en laissant glisser mon regard aux alentours, ignorant la présence menaçante de Rafaelo et son aura meurtrière. « Au moins, je ne suis pas la seule à être dans une situation embarrassante. »
En mon absence, Angelica avait pris le commandement du navire. Même si elle me savait en partie rétablie à présent, elle continuait son ouvrage sans se soucier de mon apparition. De toute façon, j'étais habituée à lui déléguer la gestion des hommes, elle faisait un bon travail. Libre d'aller et venir au milieu de mes hommes et de leurs yeux de merlans fris, comme s'ils voyaient un fantôme, je me dirigeais vers celui qui conservait encore des marques de sa confrontation avec l'assassin. Accoudé au bastingage, Judas ne feignit pas la surprise en me voyant poser mes coudes à ses côtés.
« - Je sais que tu t'es longuement entretenu avec lui, à l'écart des regards indiscrets. »
Je marquai un temps mort, laissant le poids de ma phrase sombrer dans les oreilles de mon interlocuteur. La fatigue plombait mes mots, mais pas mon intelligibilité.
« - Quoi qu'il t'ait promis, quelle que soit la relation que tu as avec lui, rappelle-toi que ses paroles et ses actes sont dictés par ses idéaux. Je sais ce que c'est, j'ai longtemps agi de la sorte... mais aujourd'hui je ne suis plus aveuglée par des valeurs qui ne concernent qu'un petit nombre d'individus. Je lutte pour ma vie, ma survie, et toi aussi désormais. »
Tenter de biffer un contre-amiral n'était pas un acte sans importance et le chasseur de primes devait en mesurer le conséquences à présent. Un tel sacrifice ne pouvait que témoigner d'un lien important entre Rafaelo et lui et j'espérais sincèrement qu'il en valait la peine.
Ajustant le manteau noir qui me mangeait les épaules, je me retournai pour dévorer le bâtiment du regard : remplaçant le pavillon de Kiyori, le notre culminait aux sommets du grand mât et du mât d’artimon, renvoyant une impression de puissance et de majestuosité lorsqu'on le regardait flotter depuis le pont.
« - Je sais que mon temps est compté à l'issue de notre traversée. Voilà longtemps que je me suis familiarisée avec la mort et je sais que ce moment viendra tôt ou tard ; plutôt tôt que tard. Mais me tuer n'aura rien d'un acte salvateur. J'espère que tu seras là pour empêcher cela... Après tout, tu as déjà eu un aperçu de cette gangrène, cette mixture de haine et de dévotion qui ronge les champions de chaque camp. »
La situation ne s'y prêtait pas et mon teint devait être livide et mes genoux flageolants, pourtant c'était humain : j'arborais cette même expression qu'un ancêtre sur son lit de mort évoquant des souvenirs heureux et des pensées sages. Je souriais.
« - Merde... C'est pas dans cet état que je vais arriver à quelque chose. »
D'une certaine façon, j'avais suffisamment récupéré pour tenir debout et quitter ma cabine, après plusieurs jours d’alitement. J'étais étonnée d'être encore envie : non pas à cause de mes blessures mortelles, mais de lui.. ou elle. Peu importe.
Le grand jour était venu : je revoyais le soleil. Visiblement, nous n'étions pas encore arrivés à Mangrove, mais nul doute que le cap était tenu. J'avais eu le temps de réfléchir aux raisons de mon sursis et j'en étais arrivée à la conclusion que Rafaelo avait besoin de nous. De mon équipage et de mon navire, tout du moins. L'ambiance à bord était pesante, mais les entraves absentes. Et puis Angelica était souvent venue me faire la discussion et me tenir au courant de ses actions, de celles du Lion de North. Un coup à se faire des messes basses, puis à manquer ensuite de s'entretuer. Ces deux-là étaient instables et la jeune agente les gardait à l’œil, tous les deux, quand Karen conservait son flegme habituel et ne s'occupait que de ses oignons. Pour la cornue, la seule chose qui comptait était d'arriver au plus vite à Mangrove ; si l'Atout avait tenté quoi que ce soit pour empêcher cela, elle se serait montrée plus belliqueuse.
« - Bon, bien... » fis-je tout en laissant glisser mon regard aux alentours, ignorant la présence menaçante de Rafaelo et son aura meurtrière. « Au moins, je ne suis pas la seule à être dans une situation embarrassante. »
En mon absence, Angelica avait pris le commandement du navire. Même si elle me savait en partie rétablie à présent, elle continuait son ouvrage sans se soucier de mon apparition. De toute façon, j'étais habituée à lui déléguer la gestion des hommes, elle faisait un bon travail. Libre d'aller et venir au milieu de mes hommes et de leurs yeux de merlans fris, comme s'ils voyaient un fantôme, je me dirigeais vers celui qui conservait encore des marques de sa confrontation avec l'assassin. Accoudé au bastingage, Judas ne feignit pas la surprise en me voyant poser mes coudes à ses côtés.
« - Je sais que tu t'es longuement entretenu avec lui, à l'écart des regards indiscrets. »
Je marquai un temps mort, laissant le poids de ma phrase sombrer dans les oreilles de mon interlocuteur. La fatigue plombait mes mots, mais pas mon intelligibilité.
« - Quoi qu'il t'ait promis, quelle que soit la relation que tu as avec lui, rappelle-toi que ses paroles et ses actes sont dictés par ses idéaux. Je sais ce que c'est, j'ai longtemps agi de la sorte... mais aujourd'hui je ne suis plus aveuglée par des valeurs qui ne concernent qu'un petit nombre d'individus. Je lutte pour ma vie, ma survie, et toi aussi désormais. »
Tenter de biffer un contre-amiral n'était pas un acte sans importance et le chasseur de primes devait en mesurer le conséquences à présent. Un tel sacrifice ne pouvait que témoigner d'un lien important entre Rafaelo et lui et j'espérais sincèrement qu'il en valait la peine.
Ajustant le manteau noir qui me mangeait les épaules, je me retournai pour dévorer le bâtiment du regard : remplaçant le pavillon de Kiyori, le notre culminait aux sommets du grand mât et du mât d’artimon, renvoyant une impression de puissance et de majestuosité lorsqu'on le regardait flotter depuis le pont.
« - Je sais que mon temps est compté à l'issue de notre traversée. Voilà longtemps que je me suis familiarisée avec la mort et je sais que ce moment viendra tôt ou tard ; plutôt tôt que tard. Mais me tuer n'aura rien d'un acte salvateur. J'espère que tu seras là pour empêcher cela... Après tout, tu as déjà eu un aperçu de cette gangrène, cette mixture de haine et de dévotion qui ronge les champions de chaque camp. »
La situation ne s'y prêtait pas et mon teint devait être livide et mes genoux flageolants, pourtant c'était humain : j'arborais cette même expression qu'un ancêtre sur son lit de mort évoquant des souvenirs heureux et des pensées sages. Je souriais.