Le Nerf de la Bière
Flashback Proche
✘ Quête Cambriolage
✘ Quête Cambriolage
Des heures que j’étais là, à tourner mon bourbon dans son verre en le faisant couler dans ma gorge par intermittence, toujours régulier. Je réfléchissais, enfin c’était ma façon à moi de le faire lorsque la question s’avérait importante et qu’elle trottait trop longuement dans mon esprit. Que faire à présent. Je voyageais à bord d’une maison juchée sur le dos d’un cochon géant de vingt cinq mètres de haut, certes. Cependant, je n’avais aucun but précis, atteignable dans l’immédiat tout du moins. Aucune perspective, mis à part la vision floue d’un futur empli de richesse. Mais, bastonner des types et voler quelques bourses de nobliaux n’est pas un business durable, je valais mieux que ça. C’était si clair dans ma tête, et pourtant.
« J’vé t’dir, si j’vais un tri-hic-pot comme le ti..tiens, j’en fe-ferais une merveille ! » m’exclamais-je en posant mon torse sur le bar, quasiment debout sur mon tabouret, pour m’approcher d’un barman qui semblait légèrement exaspéré.
« Ouais, ouais. » répondit-il, évasif, occupé à servir les autres clients et à s’occuper de son bar.
Ce n’était pas le propriétaire, un simple barman un peu trop jeune, un air hautain et désintéressé, dans le début de vingtaine, un écart bien suffisant pour que je le prenne de haut.
« Hic, ‘vé t’dir c’qu’y faut à c’monde. » commençais-je en buvant dans mon verre à la fin de ma phrase. « Une taverne ambulante, mon pote ! » m’exclamais-je, droit sur mon tabouret en ouvrant les bras. « Oué j’sé, oué j’sé, idée de génie, mais chuuuut. » finis-je en plaçant mon doigt droit sur mes lèvres.
Le barman me regardait peu convaincu, avant de jeter un œil à sa montre et de quitter son bar. Trouvant l’occasion un peu trop belle, j’attrapais la bouteille de bourbon de l’autre côté pour remplir mon verre, avant de la replacer pile au même endroit, jetant des regards furtifs autour de moi pour m’assurer que personne n’avait remarqué la manœuvre.
« Eh toi ! C’est quoi ces manières ?! » s’écria une voix grave et puissante.
Un homme plutôt grand, large d’épaule avec un visage patibulaire et une cigarette fumante entre les dents apparut derrière le bar, soulevant le battant de passage. Je m’étais figé après qu’il ait parlé, pensant que cela m’était adressé. Il était vêtu d’un tablier noir sur une chemise blanche simple.
« Eh Gamin, c’est à toi que j’cause ! » s’exclama l’homme, tourné vers quelqu’un qui devait se trouver derrière moi. « Tu quittes ton service sans rien dire, sérieux ? Ça sert à rien de revenir demain, parce que t’es viré pauv’ merde ! » reprit-il plus fort, sourcils froncés et une veine battant dangereusement sur sa tempe en pointant le jeune gars d’un doigt menaçant.
Je me tournais sur mon tabouret pour voir le jeune barman quitter l’établissement, rouge comme une pivoine et à présent sans emploi. L’homme qui avait prit sa place devait être le propriétaire vu comment il avait réagit, il attrapa une bouteille et commença à se servir un shot.
« Putain, c’est si difficile de trouver quelqu’un qui sait faire son boulot ? » grommela-t-il dans sa fine barbe châtain en buvant son shooter aussi sec.
« Des blems, chef ? » lui demandais-je alors en tapotant le bar à côté de mon verre vide.
Le patron sortit aussitôt la bouteille de bourbon sans que je ne l’ai vu faire le moindre geste, mais vu comment j’étais saoul ce n’était pas si étonnant. Il me servit d’un geste expert et reposa la bouteille derrière le comptoir.
« Ouais, les galères de la Basse Ville habituelles. » souffla-t-il avec tristesse, tirant une longue latte sur sa clope avant de recracher un épais nuage de fumée au-dessus de sa tête. « Depuis la révolution de Goa, tout le monde délaisse ces lieux et va emménager dans le Centre Ville. Y a plus qu’là-bas qu’il y a assez de monde pour faire des profits pour un tripot comme le mien. »
Je bus une rasade de bourbon, sentant le liquide chaud descendre mon œsophage. Je ne connaissais pas vraiment l’histoire de la République de Goa, seulement les grandes lignes, mais je hochais la tête en écoutant parler le patron du bar qui en avait apparemment gros sur la patate.
« Maintenant y a des tavernes qui ouvrent partout dans le Centre Ville, les bâtards. » grogna-t-il en se resservant un shot qu’il but aussitôt. « Rah ! Ça vole et ça bute du bourgeois mais, quand la Marine intervient pour remettre de l’ordre, ça fait comme tout le monde et ça rentre dans le rang. » continua-t-il en frappant le comptoir d’un poing rageur. « Ce petit bâtard de Geoffroy Theodorius, c’était un gars de chez nous, de la Basse-Ville, et quand tout a pété dans le coin il s’est frayé un chemin comme une petite fouine pour monter un business dans le centre. Il bossait pour moi ce p’tit enfoiré, et de la reconnaissance pour la bonne poire qui l’a sortit du caniveau ? Non Monsieur ! Certainement pas ! »
J’avais du mal à suivre, et un sacré mal de crâne avec ça. J’encaissais bien l’alcool, mais cela faisait déjà plusieurs heures que j’étais là à picoler, autant dire que je n’étais pas au mieux de ma forme et de ma concentration.
« Et..et pourquoi vous lui niq-hic niquez pas son coup ? » hoquetais-je maladroitement en levant un doigt interrogateur.
« Hm, j’y ai pensé figures-toi. » commença-t-il en remplissant mon verre et le sien. « Mais le salopard s’est acoquiné avec un noble qui souhaite faire profil bas, ça se comprend en même temps. Mais voilà, il a de l’oseille à disposition, le coin est bien gardé par la 236e... » énuméra-t-il comme s’il avait déjà bien réfléchit en détails à un plan pour voler dans les plumes de son ancien employé. « En plus de ça il passe par mon ancien fournisseur...quelle belle bande d’enfoirés. T’sais quoi ? »
« Queuwa ? » buggais-je en arquant un sourcil, en essayant tout du moins.
« J’vais l’faire, j’connais son itinéraire et les heures de livraison, faut juste que j’trouve des gars prêts à se salir les mains. » fit-il, pas inquiet pour un sou que je sois témoin de cette conversation qu’il avait plus avec lui-même qu’avec moi.
« B’soin d’un coup d’main ? » demandais-je, sentant la bonne affaire poindre son nez.
« Qu’est-ce que t’y connais en cambriole toi ? » répondit-il perplexe.
« Z’avez d’vant vous un fier voleur professionnel, mon bon monsieur. » fis-je alors en mimant une révérence, manquant de tomber de mon tabouret lorsque celui-ci pencha d’un côté. « Et si c’est d’la picole qu’ça livre, j’s’rais pas désintéressé, j’ai...j’ai aussi des zidées de buzzzsiness. » racontais-je en affichant un grand sourire avant de voir le regard renfrogné que me lançait le barman. « Razzures-toi, j’vais pas la poser dans le coin ma taverne, j’s’rai pas concurrent calmos. » finis-je en plaçant mes mains entre nous en geste pour calmer les choses.
Le patron se frotta la barbe de manière perplexe, semblant réellement envisager de m’embaucher pour cette mission. Après tout, il m’avait plus ou moins exposé tout son plan, les grandes lignes en tout cas.
« Ouais, y a d’l’idée. » réfléchit-il en posant ses coudes sur le comptoir, sa tête posée dans ses mains. « J’espère que ça pourra sauver ce tripot. » fit-il alors en jetant un coup d’œil circulaire à la salle qui s’était peu à peu vidée au cours de la soirée, n’accueillant déjà pas tant de monde lorsque j’étais arrivé. « Ces rues se meurent, j’sais pas où est l’avenir pour moi... » se remit-il en question avant de tendre une main vers moi. « Tu sais quoi ? »
« Queuwa ? » réitérais-je dans cette tentative ratée d’articulation.
« Je marche. On fait 50/50 et je t’expliques tout les détails, deal ? »
J’hésitais un instant puis tendis aussitôt ma main pour attraper la sienne, serrant en affichant un grand sourire ravi, et bourré.
« Putain de deal, ouais ! »
Fiche par Ethylen sur Libre Graph'