Les sentiers se font de plus en plus escarpés. Chaque pas entre les rochers et les sables mouvants est devenu un calvaire pour ma monture, que l’eau ne suffit plus à soulager. Sa souffrance est partagée, de mon côté ce sont les blessures, la fatigue et les rayons de soleil qui me mettent à mal. Ma peau brûle, s’écaille, se teinte de rouge, et ce malgré le foulard qui me couvre de la tête aux pieds. Mon sac me paraît se remplir au fil des kilomètres, tout comme mon sabre, qui semble s’alourdir de lui-même. Ma respiration sifflante peut s’entendre à des lieues d’ici et les vertiges qui m’assaillent manquent de me faire glisser de ma selle. En guise d’espoir ou de promesse de repos à venir, j’adresse une caresse rassurante à mon dromadaire, surnommé Jingo par mes soins. Ce voyage a été beaucoup trop long, pour lui comme pour moi. La route vers Al-Médie était, dans mes souvenirs, bien moins rude que cela. Ou alors, c’est moi qui ne suis tout simplement plus habitué à faire face aux climats arides.
D’un geste lent et presque maladroit, je descends de Jingo et décide de finir la route à pied à ses côtés. Ne plus m’avoir sur le dos semble le réjouir et moi, ne plus être balloté de gauche à droite au rythme des sabots soulage mon ventre et ma tête. Au loin, cachée en partie par une haute dune, j’aperçois le sommet d’une gigantesque arche. A la vue de celle-ci, je lâche un long soupir.
« T’as vu ça Jingo ? On est presque arrivés. »
Je n’ai nul eu besoin de la voir en entier pour la reconnaître. Providence, l’arche démesurée qui surplombe la petite ville modeste d’Al-Médie. Un joyau archéologique à la fois mystérieux et fascinant. En l’admirant, un sentiment mêlé de nostalgie et de regret me traverse. Elle est aussi majestueuse que dans mes souvenirs. Bon sang…Cela fait tant d’années que j’ai quitté mon foyer. Tellement de choses ont changé depuis, peut-être trop de choses. Je me souviens du jour où j’ai atterri ici, un gamin en haillons, assoiffé mais plein de rêves. Que s’est-il passé depuis ce temps ? Depuis les livres de la bibliothèque publique, depuis la main tendue de son directeur, Klaus Mayhem ? J’ai l’impression que mes souvenirs se trompent, que cette vie n’a pas été la mienne, ou qu’elle m’a été arrachée trop tôt. Cette quête de vengeance que je poursuis…m’apportera-t-elle la paix ?
Tenant Jingo par la bride, nous franchissons la dune qui cache le reste de Providence. Au sommet de la montagne de sable, un sublime spectacle s’offre à moi. L’arche somptueuse se dresse de toute son envergure, aussi belle qu’envoûtante. A ses pieds, Al-Médie, qui semble plus vivante que jamais. De loin, je reconnais ses habitations enchâssées les unes sur les autres, sa grande bibliothèque où j’ai passé des journées entières à tuer le temps et son marché, où je m’amusais à embêter ma mère pendant son travail. Un sentiment de tristesse m’envahit, que je m’empresse de réprimer aussitôt. Je poursuis ma route en dévalant la dune avec Jingo, puis nous pénétrons dans la ville. Croiser des âmes humaines me réchauffe le cœur et revoir les rues qui m’ont vues grandir apaise mes maux en me faisant oublier mes blessures l’espace d’un instant. Aucun mot n’est en mesure d’exprimer ce que je ressens à ce moment. Tout semble à sa place, comme si le temps et les évènements n’ont pas frappé ici. Al-Médie est une ville pratiquement coupée du reste d’Hinu Town et du reste du monde. Un petit havre de paix où scientifiques et archéologues peuvent s’adonner à leurs recherches sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre. La plupart des étrangers qui viennent à Al-Médie ne sont que des voyageurs qui ne sont là que pour une nuit ou des chercheurs de renom qui viennent pour admirer et étudier Providence.
A mon passage dans les rues de la ville, je reçois des salutations et quelques regards méfiants, ce qui est compréhensible au vu de l’arme qui pend à ma ceinture et des bandages tâchés de sang qui parsèment mon corps en long et en large. Certains visages ne me sont pas inconnus, ils ont simplement quelques rides en plus. Il en est un sur lequel je m’arrête un moment, intrigué. Une femme aux cheveux poivre et sel, des traits fins mais usés par le temps et une paire de lunettes rondes plantées sur le nez, qu’elle replace machinalement du bout de l’index. Dans ses mains frêles, elle tient une pile de grands livres qu’elle appuie maladroitement contre sa poitrine pour les empêcher de glisser. Un sourire se dessine sur mon visage et je m’approche d’elle, toujours en tenant Jingo par la bride.
« Bonjour tante May. Qu’est-ce que je suis content de te revoir, ça fait si longtemps…
- Euh bonjour, balbutie-t-elle après avoir sursauté. Pardonnez-moi, je ne suis pas sû-
- Il s’est passé tellement de choses durant toutes ces années, cette fois c’est moi qui ai plein d’histoires à te raconter. Tu sais si la maison est toujours en état ? J’aimerais y séjourner quelques temps avant de reprendre ma route.
- Mais, je…
- Et puis j’aimerais bien faire un tour au marché après. J’espère que monsieur Tafa y vend toujours ses beignets, rien que d’y penser j’en ai l’eau à la bouche. ».
Décontenancée, tante May affiche une mine indéchiffrable, tantôt apeurée, tantôt intriguée. Soudain, sa bouche s’ouvre en grand, ses yeux s’écarquillent et s’illuminent, son visage se met à trembler et elle reste coi face à moi.
« C’est moi tante May. C’est Edward…
- N…N…Ned ! »
La pile de livres tombe de ses mains, ses joues se couvrent de larmes et elle bondit sur moi. Malgré sa petite stature, ses bras m’enlacent entièrement, son visage se blottit contre ma poitrine et je sens mes bandages éponger ses chaudes larmes. Mes bras s’enroulent autour d’elle et un rire heureux s’échappe de mes lèvres.
« M-mon garçon, bon sang ! C’est bien toi, tu es sûr ? J-je pensais que…depuis ce jour-là…
- C’est bien moi May, c’est bien moi… » répliqué-je, non sans cacher un certaine amertume dans ma voix.
Notre étreinte se relâche et May sèche brièvement ses larmes avec sa manche avant de replacer ses lunettes. Je m’abaisse et récupère les livres au sol en les époussetant du sable qui les recouvre. En dépoussiérant un des bouquins, un titre se dévoile sur la couverture : « Traité d’Archéologie et d’Histoire des sables : Le génie perdu de Denderah, par Klaus Mayhem ».
« Papa aimait un peu trop les titres aguicheurs.
- Disons qu’il n’avait pas trop le choix. La communauté scientifique a toujours approuvé ses recherches, mais il essayait de faire connaître ses travaux au grand public.
- Je sais, je le revois encore prendre ses airs grandiloquents, le doigt levé, à me dire : « Mon fils, le savoir doit être partagé ! La vérité est faite pour bronzer au soleil !
- Je le reconnais bien là… Dis-moi Ned, ce sang, ces bandages, ce sabre…qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?
- Je te raconterai tout, je te le promets. La maison, elle est encore... ?
- Intacte ? Oui elle est toujours là. Pendant plusieurs mois, après la mort de ton père et vos disparitions, des hommes en noir rôdaient un peu partout à Al-Médie, ils ont ratissé toute la maison et même une partie de la ville à la recherche d’on ne sait quoi. Par « ordre du gouvernement » qu’ils disaient…On a tout de suite compris qu’ils faisaient partie du Cipher Pol. Mais leurs recherches ont semblé infructueuses et au vu de leur déception, je pense qu’ils n’ont tout simplement pas trouvé ce qu’ils cherchaient. Depuis cette histoire, personne d’autre n’est entré dans la maison, pas même les quelques voyageurs qui ont pensé y trouver un logement gratuit. On les a dissuadés d’y séjourner en leur faisant croire que la maison était hantée. Il faut dire qu’ici, tout le monde appréciait votre famille, et malgré le flou qui entoure la mort de ton père et les disparitions de ta mère et toi, personne à Al-Médie n’a tourné le dos aux Mayhem. Enfin…Allons-y, je t’accompagne. »
D’un geste lent et presque maladroit, je descends de Jingo et décide de finir la route à pied à ses côtés. Ne plus m’avoir sur le dos semble le réjouir et moi, ne plus être balloté de gauche à droite au rythme des sabots soulage mon ventre et ma tête. Au loin, cachée en partie par une haute dune, j’aperçois le sommet d’une gigantesque arche. A la vue de celle-ci, je lâche un long soupir.
« T’as vu ça Jingo ? On est presque arrivés. »
Je n’ai nul eu besoin de la voir en entier pour la reconnaître. Providence, l’arche démesurée qui surplombe la petite ville modeste d’Al-Médie. Un joyau archéologique à la fois mystérieux et fascinant. En l’admirant, un sentiment mêlé de nostalgie et de regret me traverse. Elle est aussi majestueuse que dans mes souvenirs. Bon sang…Cela fait tant d’années que j’ai quitté mon foyer. Tellement de choses ont changé depuis, peut-être trop de choses. Je me souviens du jour où j’ai atterri ici, un gamin en haillons, assoiffé mais plein de rêves. Que s’est-il passé depuis ce temps ? Depuis les livres de la bibliothèque publique, depuis la main tendue de son directeur, Klaus Mayhem ? J’ai l’impression que mes souvenirs se trompent, que cette vie n’a pas été la mienne, ou qu’elle m’a été arrachée trop tôt. Cette quête de vengeance que je poursuis…m’apportera-t-elle la paix ?
Tenant Jingo par la bride, nous franchissons la dune qui cache le reste de Providence. Au sommet de la montagne de sable, un sublime spectacle s’offre à moi. L’arche somptueuse se dresse de toute son envergure, aussi belle qu’envoûtante. A ses pieds, Al-Médie, qui semble plus vivante que jamais. De loin, je reconnais ses habitations enchâssées les unes sur les autres, sa grande bibliothèque où j’ai passé des journées entières à tuer le temps et son marché, où je m’amusais à embêter ma mère pendant son travail. Un sentiment de tristesse m’envahit, que je m’empresse de réprimer aussitôt. Je poursuis ma route en dévalant la dune avec Jingo, puis nous pénétrons dans la ville. Croiser des âmes humaines me réchauffe le cœur et revoir les rues qui m’ont vues grandir apaise mes maux en me faisant oublier mes blessures l’espace d’un instant. Aucun mot n’est en mesure d’exprimer ce que je ressens à ce moment. Tout semble à sa place, comme si le temps et les évènements n’ont pas frappé ici. Al-Médie est une ville pratiquement coupée du reste d’Hinu Town et du reste du monde. Un petit havre de paix où scientifiques et archéologues peuvent s’adonner à leurs recherches sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre. La plupart des étrangers qui viennent à Al-Médie ne sont que des voyageurs qui ne sont là que pour une nuit ou des chercheurs de renom qui viennent pour admirer et étudier Providence.
A mon passage dans les rues de la ville, je reçois des salutations et quelques regards méfiants, ce qui est compréhensible au vu de l’arme qui pend à ma ceinture et des bandages tâchés de sang qui parsèment mon corps en long et en large. Certains visages ne me sont pas inconnus, ils ont simplement quelques rides en plus. Il en est un sur lequel je m’arrête un moment, intrigué. Une femme aux cheveux poivre et sel, des traits fins mais usés par le temps et une paire de lunettes rondes plantées sur le nez, qu’elle replace machinalement du bout de l’index. Dans ses mains frêles, elle tient une pile de grands livres qu’elle appuie maladroitement contre sa poitrine pour les empêcher de glisser. Un sourire se dessine sur mon visage et je m’approche d’elle, toujours en tenant Jingo par la bride.
« Bonjour tante May. Qu’est-ce que je suis content de te revoir, ça fait si longtemps…
- Euh bonjour, balbutie-t-elle après avoir sursauté. Pardonnez-moi, je ne suis pas sû-
- Il s’est passé tellement de choses durant toutes ces années, cette fois c’est moi qui ai plein d’histoires à te raconter. Tu sais si la maison est toujours en état ? J’aimerais y séjourner quelques temps avant de reprendre ma route.
- Mais, je…
- Et puis j’aimerais bien faire un tour au marché après. J’espère que monsieur Tafa y vend toujours ses beignets, rien que d’y penser j’en ai l’eau à la bouche. ».
Décontenancée, tante May affiche une mine indéchiffrable, tantôt apeurée, tantôt intriguée. Soudain, sa bouche s’ouvre en grand, ses yeux s’écarquillent et s’illuminent, son visage se met à trembler et elle reste coi face à moi.
« C’est moi tante May. C’est Edward…
- N…N…Ned ! »
La pile de livres tombe de ses mains, ses joues se couvrent de larmes et elle bondit sur moi. Malgré sa petite stature, ses bras m’enlacent entièrement, son visage se blottit contre ma poitrine et je sens mes bandages éponger ses chaudes larmes. Mes bras s’enroulent autour d’elle et un rire heureux s’échappe de mes lèvres.
« M-mon garçon, bon sang ! C’est bien toi, tu es sûr ? J-je pensais que…depuis ce jour-là…
- C’est bien moi May, c’est bien moi… » répliqué-je, non sans cacher un certaine amertume dans ma voix.
Notre étreinte se relâche et May sèche brièvement ses larmes avec sa manche avant de replacer ses lunettes. Je m’abaisse et récupère les livres au sol en les époussetant du sable qui les recouvre. En dépoussiérant un des bouquins, un titre se dévoile sur la couverture : « Traité d’Archéologie et d’Histoire des sables : Le génie perdu de Denderah, par Klaus Mayhem ».
« Papa aimait un peu trop les titres aguicheurs.
- Disons qu’il n’avait pas trop le choix. La communauté scientifique a toujours approuvé ses recherches, mais il essayait de faire connaître ses travaux au grand public.
- Je sais, je le revois encore prendre ses airs grandiloquents, le doigt levé, à me dire : « Mon fils, le savoir doit être partagé ! La vérité est faite pour bronzer au soleil !
- Je le reconnais bien là… Dis-moi Ned, ce sang, ces bandages, ce sabre…qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?
- Je te raconterai tout, je te le promets. La maison, elle est encore... ?
- Intacte ? Oui elle est toujours là. Pendant plusieurs mois, après la mort de ton père et vos disparitions, des hommes en noir rôdaient un peu partout à Al-Médie, ils ont ratissé toute la maison et même une partie de la ville à la recherche d’on ne sait quoi. Par « ordre du gouvernement » qu’ils disaient…On a tout de suite compris qu’ils faisaient partie du Cipher Pol. Mais leurs recherches ont semblé infructueuses et au vu de leur déception, je pense qu’ils n’ont tout simplement pas trouvé ce qu’ils cherchaient. Depuis cette histoire, personne d’autre n’est entré dans la maison, pas même les quelques voyageurs qui ont pensé y trouver un logement gratuit. On les a dissuadés d’y séjourner en leur faisant croire que la maison était hantée. Il faut dire qu’ici, tout le monde appréciait votre famille, et malgré le flou qui entoure la mort de ton père et les disparitions de ta mère et toi, personne à Al-Médie n’a tourné le dos aux Mayhem. Enfin…Allons-y, je t’accompagne. »
Dernière édition par Ned Mayhem le Mer 18 Mai 2022, 04:06, édité 1 fois