Une Vengeance sans gravité
Présent
✘Feat. Megumi, Aze & Meria
✘Feat. Megumi, Aze & Meria
La mer était calme, pour une fois sur Grand Line où la navigation n’est pas une sinécure. Mais, heureusement pour nous, nous avions une navigatrice qui, bien que très souvent énervante de mon point de vue, assumait ce rôle à la perfection. Tenant la barre telle une véritable professionnelle, elle invectivait les membres de l’équipage pour qu’ils se bougent le cul. Enfin, moi, ça ne me concernait pas, c’est là tout l’avantage d’être le musicien de l’équipage, vous pouvez passer vos journées à vous la couler douce en jouant des accords sur votre instrument et personne ne vous dira rien.
Ainsi, j’avais grimpé dans les cordages de L’indompté pour monter dans le nid-de-pie, admirant le paysage qui s’offrait à moi. Ces derniers jours, j’avais passé mon temps à chercher l’endroit idéal pour jouer ma musique. Mais, il y avait un dilemme, entre trouver un endroit avec une bonne acoustique et faire profiter l’équipage de mes talents. J’aurais pus passer mon temps dans une cabine assez grande pour une bonne acoustique, mais jouer de la musique sans public n’a pas la même saveur. Ainsi, je m’étais finalement rabattus sur le nid-de-pie, me disant qu’un tel point d’observation offrirait une bonne diffusion du son pour que chacun en profite.
Quelques semaines plus tôt, je m’étais rendus compte que j’étais capable de transmettre, voir même d’imposer, des émotions au travers de ma musique. Et, ne souhaitant pas réitérer l’expérience de faire pleurer tout l’équipage, j’avais opté pour des chansons plus guillerettes. Des morceaux au rythme entraînant, des chansons paillardes qui étaient reprises en chœur par tout les hommes sur le pont. J’égrenais ainsi les cordes de mon luth, faisant danser les notes autour de moi comme si elles devenaient tangibles. Tout de même curieux de cette étrange capacité à rendre ma musique quasiment hypnotique, je m’essayais à différents styles musicaux, y mettant toute mon âme comme je l’avais fais en exprimant ma mélancolie.
Et, ce fut un franc succès, tandis que je jouais un rock qui semblait faire réagir positivement les membres d’équipage. Comme boostés par les notes, ils s’activaient deux fois plus vite sur le pont, se montraient plus hardis en sautant de cordes en cordes ou portant des poids plus imposants. Néanmoins, je ne savais pas quelle était leur perception de tout cela, en étaient-ils conscients ? Ou bien était-ce moi qui, tel un marionnettiste, les faisait bouger ainsi ? Je n’avais pas les réponses et, soucieux, j’interrompis le morceau en guettant les effets qui s’estompaient. Après une courte pause pensive, je repris avec une musique sans cette intention qui semblait donner aux notes tout leur pouvoir.
Pendant des heures, j’eus joué sans interruption, le regard perdu vers l’horizon, mes doigts qui dansaient sur les frètes en accompagnant les bonds des poissons hors de l’eau. Des rythme endiablés, ou plus doux, alternant les genres et les tempos. Malgré les cordes qui entaillaient peu à peu mes doigts, traversant la corne pour aller morde la chaire, je ne m’arrêtais pas. Trop pris dans la musique pour faire attention à la douleur, les yeux fermés, concentré.
« Eh Ren ! » fit une voix en contrebas, à peine audible parmi les notes. « Tu m’entends ? Y a l’cap’tain qui te demande dans sa cabine ! »
Ne souhaitant pas terminer mon morceau sur ce passage, je continuais de faire danser mes doigts sur les cordes, les pinçant et les caressant, faisant résonner les graves en contretemps pour marquer la basse tandis que je terminais sur un arpège. Les dernières notes résonnèrent longtemps, dans un suspend interminable digne d’un équilibriste en équilibre sur son fil. Je descendais les cordes habilement, glissant le long d’une première, celle-ci commençant à me brûler la paume, me projetant vers d’autres cordages puis bondissant en arrière d’une pirouette avant d’atterrir sur le pont. Le jeune homme qui était venu m’informer m’observait avec de grands yeux ébahis.
« Wouah, euh...vous m’apprendrez à faire ça monsieur Ren ? » fit le garçon d’à peine une vingtaine d’année, faisant soudain preuve de beaucoup trop de respect à mon goût.
« Argh, me vieillis pas avec des ‘monsieur’ s’teuplait gamin, on verra mais ça demande de la souplesse. On en reparle, je vais voir Aze. » déclarais-je en fouettant l’air de la main, lui faisant signe de retourner à ses activités.
Le luth placé dans mon dos, je gravissais le pont supérieur pour rejoindre la cabine du capitaine. Poussant la double porte, j’entrais alors dans la grande cabine spacieuse, comme quoi être capitaine avait ses avantages. Enfin, je n’étais pas à plaindre, j’avais toute une maison pour moi tout seul, presque. La pièce était grande et, au fond, il y avait Aze derrière un grand bureau digne d’un capitaine pirate, enfoncé dans son siège avec un journal dans les mains.
« Yo cap’tain ! » m’exclamais-je joyeusement en m’approchant à pas feutré. « Tu voulais me parler ? »
« Ah salut Ren, ouais viens t’asseoir. » fit-il en levant les yeux de son journal, le posant sur le bureau en m’invitant à m’installer dans le fauteuil en face de lui. « On a pas trop eut le temps de se poser pour discuter depuis notre rencontre. » commença-t-il alors en farfouillant quelques chose dans son bureau avant de sortir une bouteille de whisky et deux verres qu’il posa sur son bureau. « Un verre ? »
J’acquiesçais pour toute réponse, prenant place dans le fauteuil en calant mon instrument contre ma cuisse, curieux de savoir de quoi il pouvait bien vouloir parler. Toutefois, il était vrai que nous n’avions jamais pris le temps, mis à part dans le feu de l’action ou en plein entraînement, de nous confier l’un à l’autre. Je n’étais toujours pas habitué à la vie d’équipage pirate, ni à faire confiance, et je n’avais surtout pas encore réussis à décrypter ce personnage qu’était Azerios, capitaine pirate. Je savais qui il était, comment il agissait mais, au final, j’en savais peu sur lui.
« C’est vrai, j’ai pas l’habitude de parler de trucs sérieux pour être honnête. » déclarais-je en souriant. « Qu’est-ce que tu veux savoir ? »
« Hahaha ouais j’avais remarqué, t’es pas le dernier sur la déconne. » sourit-il à son tour en riant légèrement. « J’aimerais savoir quel est ton but en tant que pirate. » déclara-t-il alors, posant ses coudes sur son bureau en croisant ses mains, me fixant intensément comme s’il voulait lire en moi.
« Je vois, je t’avoue que j’y ai pas trop réfléchis, je prends la vie comme elle vient. » commençais-je en réfléchissant à la question, ne me venant en tête qu’un passé douloureux. « Il y aurait bien ça...mais, je ne sais pas s’il y a qui que ce soit à retrouver. » fis-je pensif. « Enfin, pour comprendre tout ça il faut raconter l’histoire dans son intégralité, t’as du temps ? »
« J’ai que ça, vas-y. »
« Bien, par où commencer. »
Je lui racontais alors toute l’histoire, celle de mes dix ans et de cette fameuse représentation pendant le festival annuel de Saint-Uréa. Je n’y avais pas pensé depuis longtemps, mais tous les souvenirs me revenaient vivement. Les visages de mes parents, de tous les membres de la famille Aoncan et Ravista. Ceux des membres de la troupe d’artistes itinérants dont nous faisions partis, la troupe Mazino. Là où j’avais appris la musique, la comédie et les acrobaties, où j’étais né. Cette troupe composée de sept familles d’artistes, générations après générations pendant près de cinquante ans, qui avaient divertis les foules au travers des Blues. Et comment, en l’espace d’une nuit, ils avaient tous été réduits en esclavage de la main d’un Dragon Céleste qui avait été contrarié par la pièce de théâtre que nous avions joués. La satire ne plaît pas à tout le monde, et je l’avais bien compris cette nuit-là, ayant dû fuir face à ce Dragon Céleste dont je ne connaissais pas le nom, seulement le visage, vexé au point d’envoyer des soldats pour faire le sale boulot et embarquer toute une troupe d’artistes sur des accusations fallacieuses.
L’histoire fut longue à raconter, et difficile, rappelant des souvenirs que j’aurais préféré garder enfouis. Cependant, je devais probablement ma vie à cet homme, et j’avais confiance en lui. Cette histoire était mon plus grand traumatisme et mon plus grand regret, cette nuit où j’aurais dû me battre aux côtés des miens et où, finalement, j’ai fuis dans les rues de Saint-Uréa. Un souvenir qui remontait presque vingt ans en arrière, qui laissait cette question en suspend : avaient-ils survécus ? Je n’en savais rien, réduits en esclavage j’imaginais les pertes au sein de la troupe Mazino comme importantes. Je ne préférais pas y penser.
« Voilà, tu sais tout. Je ne connais pas le nom de ce Dragon Céleste, seulement son visage et ses habitudes exécrables à réduire en esclavage tous ceux qui ne vont pas dans son sens, ou qui montrent du talent qu’il a envie de posséder. » déclarais-je, la rage voilant ma voix. « S’il y a bien un but qui m’anime, c’est celui-ci : écraser la tête de ce petit homme minable, je m’en fous qu’il soit un noble divin ou non. J’écraserai son crâne entre mes mains après lui avoir prouvé que, quel que soit son titre ou son rang, même ses actions à lui ont des conséquences, et je serai cette conséquence. » finis-je par dire, mes yeux carmins braqués sur ceux d’Aze et, pourtant, on avait l’impression que j’étais perdu dans mon esprit.
Rien que parler de cette histoire, la rage était montée en moi, bouillonnant, grognant telle une bête à mes oreilles. Jusque là, ce but n’avait été qu’un rêve, une vengeance qui semblait inaccessible mais, qui depuis peu, me semblait tout à fait réalisable. Ce Dragon Céleste n’était qu’un homme après tout, et je prouverai au monde que leur sang aussi est rouge. Marquant une pause, je soufflais doucement pour calmer mon cœur qui battait la chamade et redonner à ma respiration un rythme régulier.
« Bien, on a parlé de moi. » commençais-je en reprenant mes esprits, un sourire revenant se poser sur mon visage tel un masque qui recouvre la tristesse. « Et toi, cap’tain, quel est ton but ? »
Fiche par Ethylen sur Libre Graph'