Jardin Perdu,
Ferveur Retrouvée
Ferveur Retrouvée
Flashback
✘ Solo
✘ Solo
Près d’une semaine avait passée depuis mon altercation avec les contrebandiers. Et, lorsque l’on est couvert de bandages de la tête aux pieds, à se déplacer à l’aide de béquilles, les journées sont sacrément longues. Toutefois, le paysage était magnifique depuis le King’s Hat, qui pour une fois, n’était pas posé sur mon grand ami porcin verdoyant. Accoudé à la rambarde du second étage de la maison-taverne, je buvais tranquillement un verre de vin en observant mon environnement.
Tout autour de la maison, les tontattas avaient montés des tentes et tonnelles pour s’installer un petit campement. Là, s’affairaient plusieurs d’entre eux autour de fourneaux, cuisinant à tour de bras bon nombre des denrées stockées dans les greniers de la taverne pour faire à manger à nos hôtes. D’ailleurs, deux jeunes cochons géants étaient posés juste à côté des tentes, un vert foncé qui avait apparemment un lien de parenté avec Borat, et un violet qui adorait la cuisine des petits bonhommes et se pointait tous les jours pour que l’on s’occupe d’eux.
Alentours, la prairie était calme, ponctuée à intervalles réguliers de larges troncs d’arbres hauts de près d’une centaine de mètres. Leurs branches et leur feuillage formaient un plafond végétal éparse, laissant filtrer la lumière qui s’abattait en contrebas dans des teintes un peu plus vertes que la lumière naturelle. Cette ambiance donnait un petit quelque chose de féerique au lieu dans lequel les pachydermes géants évoluaient. Ils se baladaient calmement dans l’immense plaine dissimulée au sein d’un cratère, d’autres se reposaient en se dissimulant sous terre, formant une zone bombée colorée qui dénotait avec les herbes de la plaine. Ainsi, des mottes de tailles variables et de toutes les couleurs dépassaient, laissant même parfois les tontattas s’en servir de trampoline en riant comme des enfants.
Parmi les arbres immenses, certains étaient fruitiers et exhibaient de larges fruits haut dans leurs branches. Pour les récupérer, cela nécessitait une sacrée adresse et un talent certain en escalade. Enfin, si vous n’êtes pas capables de soulever des objets par votre simple pensée, ce qui n’est pas très commun, je dois l’avouer. Ainsi, j’avais assisté à plusieurs moments ‘Liquor’ Jack pour le faire grimper tout en haut des arbres en soulevant des plateformes à l’aide du fruit de la gravité. Il avait alors put récupérer plusieurs de ces fruits immenses, s’attelant aussitôt à en faire de la liqueur qu’il enferma dans des jarres quasiment aussi grandes que lui, et deux fois plus larges. Quand il était question de faire de la picole, ce bon vieux Jack était toujours au rendez-vous.
La plaine descendait ensuite, laissant quelques régions ouvertes au ciel parmi la futaie épaisse, quelques strates en pente creusaient directement dans l’un des bords du cratère, opposé à l’entrée par laquelle j’étais arrivé. La trouée dans la bordure du cratère formait comme une large arche qui recouvrait le passage menant jusqu’à une crique partiellement couverte qui s’ouvrait sur la mer. Toutefois, le passage ne semblait pas praticable par voie navale, encombré de récifs aussi acérés que les crocs d’une bête féroce, à l’image de celles que l’on pouvait rencontrer sur Little Garden. Les tontattas, commandés par Norbert, avaient d’ailleurs essayés en menant le navire des contrebandiers que nous avions vaincus plusieurs jours plus tôt. Mais, ça avait été un cuisant échec, la frégate s’était lamentablement empalée sur un récif, coulant partiellement le bateau, la proue coincée dans le croc de roche. Nous en avions récupéré l’essentiel, mais les petits membres de l’équipage, accompagnés de cochons géants amphibies désirant jouer, s’affairaient toujours à fouiller l’épave. Et les autres, les marées et les années ayant menées bon nombre de navires à s’écraser sur la mâchoire naturelle.
Je leur avais promis qu’une fois remis, je les aiderais à l’aide de mes capacités maudites à sortir quelques épaves. Je ne savais pas si j’en étais réellement capable, n’ayant jusque là jamais encore testé les limites actuelles de mon pouvoir. De plus, ma convalescence semblait toucher à son terme, et déjà Mirabelle, la tontatta dure à cuire et mère poule de l’équipage, débarqua derrière moi sur la terrasse.
« Salut Ren, comment tu te sens aujourd’hui ? » demanda-t-elle d’une voix guillerette.
« Pleinement remis. » lui répondis-je en me tournant vers elle, faisant jouer mes muscles et articulations. « Merci de t’être occupée de moi. » dis-je alors, reconnaissant.
« Parfait, parfait, on va pouvoir te débarrasser de tes bandages. »
« On ? » tiquais-je sur la formule alors qu’un autre tontatta débarquait à mes côtés en bondissant sur la rambarde.
« Yo captain ô my captain. » fit timidement Norbert en se frottant l’arrière du crâne comme quand il était nerveux.
Les deux petits bonshommes s’affairèrent à me débarrasser des bandes de tissus unes à unes. J’étais surpris par la présence de Norbert, mais surtout par son comportement. Il semblait avoir quelque chose à me dire, sans oser.
« Tu voulais me demander quelque chose mon vieux ? »
« C’est un peu gênant. »
« Demandes toujours. »
« Bien. On se croyait balèzes avec les potes...et on est tombés sur ces types. » commença-t-il songeur en bloquant son geste, une bandelette à la main. « On se sent assez nazes pour être franc, et on...fin voilà, on pensait que tu pourrais peut-être nous donner quelques conseils. »
Il se tortillait sur place, une moue gênée au visage, osant quelques regards dans ma direction. Il était peut-être inquiet que je me moque de lui et des siens, ou que je confirme ses craintes. Mais, il n’en était rien, je respectais profondément ces compagnons que je m’étais fais au cours de mes aventures, que je le montre ou non.
« Ça marche. » répondis-je simplement, observant toujours le paysage fantastique qui s’offrait à moi depuis mon perchoir. « Soyez prêts demain matin. » dis-je en me tournant vers Norbert, le tontatta avait des étoiles dans les yeux, visiblement reconnaissant de ma réponse.
Il prit alors congé, disparaissant dans la demeure pour aller rejoindre ses camarades et les prévenir de la nouvelle. En contrebas, je le vis passer de groupes en groupes pour les informer. Dans l’ensemble, ils semblaient heureux de pouvoir s’améliorer. La mort de quelques-uns des leurs semblait leur avoir mit un coup au moral, nourrissant cette envie, cette ferveur, cette rage de vivre, et de vaincre sans faillir. Mirabelle continuait de me retirer mes bandages méticuleusement en gloussant, amusée par la situation.
« Tu sais Ren, ça lui fait vraiment plaisir. Pendant ta convalescence, il a commencé chaque journée par s’entraîner pour se montrer digne de se tenir à tes côtés au combat. » déclara-t-elle en affichant un léger sourire maternel.
Mira s’occupait de chaque membre de l’équipage, y compris moi, comme si nous étions ses propres enfants. J’avais cru comprendre qu’elle et Norbert en avaient déjà eus un par le passé, mais que suite à un terrible accident ils l’avaient perdus et ne pouvaient plus procréer à présent. Pour palier à ce traumatisme, elle avait reporté tout cet amour vers ses compagnons de voyage et était aux petits soins avec chacun d’eux.
« Et il le fera, après cet entraînement, plus rien ne les arrêtera. » ricanais-je sardoniquement.
« Vas-y mollo quand même, ne vas pas les estropier. » s’inquiétait-elle en retirant mes derniers bandages. « Et voilà, t’es comme neuf ! Mis à part quelques cicatrices, tu n’es plus en danger. »
« Qu’en est-il de celle dans mon dos ? On voit toujours mon tatouage ? » demandais-je en l’exhibant devant la tontatta.
« La cicatrice est fine, on la remarque à peine. »
Depuis Îlipucie et mon affrontement contre Sal Veol, j’étais inquiet que la blessure la plus profonde qu’il m’avait infligé, d’un coup tranchant de dague dans le dos, avait dénaturé ce tatouage dont j’étais si fier. Sept paires d’ailes liées entre elles le long de ma colonne vertébrale, qui accueillaient entre elles des symboles tels des épées, des étoiles et une demi-lune à la jonction des vertèbres dans ma nuque, surplombée par le nom ’Mazino’. C’était là l’hommage fait à ma troupe itinérante qui m’avait vue grandir, m’avait éduqué et apprit la vie. Un héritage, un souvenir et un but.
Je le couvris en remettant ma veste, adressant un signe de tête de remerciement à Mirabelle avant d’enjamber la rambarde pour bondir au bas de la maison. C’était agréable d’être à nouveau libre de mes mouvements, m’étirant brièvement devant le perron du King’s Hat, je me mis à parcourir dans le camp en saluant ceux que je croisais. Maintenant que j’étais remis, j’avais beaucoup à faire. Je sortis alors la feuille blanche qui m’avait été laissée par Goldy, le maître des lieux. Le papier flottait continuellement dans la même direction, changeant parfois lorsque le cochon géant doré se déplaçait. De ce qu’en m’avait dit Norbert, c’était une Vivre Card, un papier lié à quelqu’un qui permettait à la fois de le retrouver comme de s’assurer de son état vital. Lui-même en avait confié une à ceux de son peuple et à sa famille, afin qu’ils le retrouvent et n’aient pas à s’inquiéter. Toutefois, j’ignorais toujours pourquoi Goldy me l’avait confiée, mais il suffisait que j’aille le voir, en espérant pour que la communication soit compréhensible. Eux semblaient nous comprendre, mais la réciproque était rare.
Fiche par Ethylen sur Libre Graph'