Jusqu’ici, le voyage d'inauguration des Verts-de-Gris depuis Kage Berg se passait bien. Chacun avait découvert ses quartiers à bord du Débourgeoiseur et avait pris ses marques.
Étrangement, le plus difficile pour Mama n’était pas de diriger son équipage ainsi que la petite centaine de civils, des parents et des enfants, qu’elle avait sauvée de Tequila Wolf. Non, le plus difficile pour elle, c’était de partager la coquerie avec des mousses qui étaient directement sous ses ordres. Elle n’était plus coq pour une vingtaine de personnes comme au bon vieux temps de la Barge des Barges, son ancien équipage révolutionnaire, elle était devenue la maîtresse-coq des Verts-de-Gris ! Et si la cuisine était son domaine privée, sa chasse gardée, maintenant elle devait accepter que cinq autres coqs missent la main à la pâte, littéralement, et ce, sous ses directives. Mais finalement, elle s’aperçut qu’avoir du renfort pour cuisiner pour deux cents personnes n’était pas un luxe.
D’ailleurs, si la frégate était bondée- ses capacités d’accueil et de stockage poussées à leur maximum- et si les gens devaient se serrer un peu, l’ambiance restait néanmoins au beau fixe. Les civils venaient parfois prêter main forte à la manœuvre ou divertissaient les membres qui n’étaient pas en quart.
Grant, lui, en bon second, errait de la cabine de la Capitaine pour tenir le carnet de bord au pont principal pour surveiller l’équipage. Il se tenait informé auprès du quartier-maître et résolvait quelques soucis ou répondait aux questions de l’équipage. Cela faisait des années qu’il n’avait plus tenu ce rôle, et si son ancien poste de fermier solitaire lui manquait parfois, mais il n’avait perdu ni la main, ni le goût pour les aventures.
Sasha, quant à elle, était au moins aussi fière que ses amis de toujours, qu’elle considérait presque comme ses parents adoptifs. Elle s’était fort heureusement et assez rapidement liée d’amitié avec la navigatrice, Raja, une Ange aussi étrange qu’elle. Les deux ne s’étaient pas donné le temps de faire connaissance, posant directement les questions qui auraient fâché habituellement. “Pourquoi tu portes une dépouille de tigre ?”, “Pourquoi tu as des boursouflures aux mains ?”, “Ah mais en fait t’es une Ange ?”, “Mais t’es une femme-poisson ?!” … La première s’amusait de cette situation et la seconde en avait cure.
Pour la timonière, piloter une frégate était une grande première, et elle fut secondée un temps par Raja mais aussi par Marl, le charpentier excentrique. C’était un peu un second second, plus proche des hommes puisqu’il les connaissait bien et surtout parce qu’il avait plus d’expérience. Il était toujours prêt à aider ceux qui en avaient besoin.
Raja avait d’ailleurs été la pierre angulaire de ce voyage. Si Mama, Grant ou Sasha connaissait la théorie sur Grand Line, la navigatrice avait déjà de l’expérience dans le domaine et leur rappela les faits et l’utilisation d’un gyropose : pour rejoindre cette mer, il fallait emprunter Reverse Mountain, et il consistait en un courant ascendant terriblement puissant qui gravissait Red Line, l’immense montagne rouge qui séparait le monde en deux hémisphères, et qui se terminait en un courant descendant, qui lui-même tirait sa force des trois autres courants ascendants qui rejoignait chaque mer bleue. Ensuite, il ne restait plus qu’à se laisser guider par cette boussole un peu spéciale qui pouvait se lier à toutes les îles de la voie qu’ils suivraient et aux îles les plus proches.
Si cette traversée allait être un moment crucial, il le serait bien plus pour la timonière qui devait savoir faire montre de tact, de force, de rapidité et d’un calme absolu. Une mauvaise manœuvre, et c’était la mort assurée. Ce n’était pas pour rassurer Sasha mais Raja pensait que le savoir la déchargerait de tout stress … sauf que c’était bien évidemment le contraire.
Sans compter qu’Eillen, la chirurgienne de l’équipage, dans sa mansuétude glaciale, rappela qu’elle pourrait toujours rafistoler les survivants avec les débris des autres navires échoués, faute de prothèse dignes de ce nom.
Mais quand la navigatrice dévoila qu’il y avait une tradition à chaque traversée d’équipage, toutes les sueurs froides de la timonière s’évaporèrent sous son enthousiasme solaire. En effet, il était coutume que les équipages victorieux de cette embûche plantât leur drapeau à côté du Jumeau restant, les deux phares qui ouvraient autrefois la voie sur Grand Line.
Sasha bassina alors Mama avec cette idée. Cette dernière avait beau lui rétorquer qu’ils n’avaient qu’un seul drapeau à eux et qu’il était hors de question de le planter là bas, elle ne se laissait pas abattre. Elle avait proposé des affiches publicitaires à la place, pour enrôler de futurs moussaillons.
Mama avait refusé.
Dans un premier temps.
Parce que la timonière ne lâchait pas l’affaire et passait son temps libre à harceler sa capitaine. Elle lui dit qu’il ne fallait qu’un peintre pour créer des affiches, mais quand Raja avoua qu’elle avait un Visio-Dial et un escargophone qui imprimait les photos -qu’elle avait appelé Paula et Roïd- et que tout l’équipage fut au courant de cette tradition … ils firent pression pour que cela se fît et Mama céda.
Sasha s’était alors transformée en maquilleuse et costumière pour que Mama se montrât sous son meilleur jour. La capitaine, pas très habituée à la coquetterie, vit cette expérience comme une séance de torture. Mais pour autant, il était hors de question de décevoir son équipage. Alors elle s’était vue affublée d’un maquillage léger qui unifiait et lissait son teint et d’un trait qui soulignait ses yeux, d’un bandeau dans les cheveux. Aussi, elle avait revêtu son plus beau -et oublié- chemisier bleu. Elle dût prendre la pose après de longues minutes de recherche pour trouver la meilleure et la plus adaptée.
Ceci ainsi fait, Raja immortalisa l’instant avec une photo de Paula imprimée par Roïd, puis jeta le dial et l’escargophone à la mer, sous les regards horrifiés et la surprise générale.
— MAIS QU’EST-CE QUE TU FAIS ? hurla Mama.
— Bah le vendeur m’a dit qu’ils étaient jetables …
Les quatre clichés en main, l’équipage paré ou non, qu’il se le crût ou non, il ne manquait plus qu’à franchir Red Line.
Étrangement, le plus difficile pour Mama n’était pas de diriger son équipage ainsi que la petite centaine de civils, des parents et des enfants, qu’elle avait sauvée de Tequila Wolf. Non, le plus difficile pour elle, c’était de partager la coquerie avec des mousses qui étaient directement sous ses ordres. Elle n’était plus coq pour une vingtaine de personnes comme au bon vieux temps de la Barge des Barges, son ancien équipage révolutionnaire, elle était devenue la maîtresse-coq des Verts-de-Gris ! Et si la cuisine était son domaine privée, sa chasse gardée, maintenant elle devait accepter que cinq autres coqs missent la main à la pâte, littéralement, et ce, sous ses directives. Mais finalement, elle s’aperçut qu’avoir du renfort pour cuisiner pour deux cents personnes n’était pas un luxe.
D’ailleurs, si la frégate était bondée- ses capacités d’accueil et de stockage poussées à leur maximum- et si les gens devaient se serrer un peu, l’ambiance restait néanmoins au beau fixe. Les civils venaient parfois prêter main forte à la manœuvre ou divertissaient les membres qui n’étaient pas en quart.
Grant, lui, en bon second, errait de la cabine de la Capitaine pour tenir le carnet de bord au pont principal pour surveiller l’équipage. Il se tenait informé auprès du quartier-maître et résolvait quelques soucis ou répondait aux questions de l’équipage. Cela faisait des années qu’il n’avait plus tenu ce rôle, et si son ancien poste de fermier solitaire lui manquait parfois, mais il n’avait perdu ni la main, ni le goût pour les aventures.
Sasha, quant à elle, était au moins aussi fière que ses amis de toujours, qu’elle considérait presque comme ses parents adoptifs. Elle s’était fort heureusement et assez rapidement liée d’amitié avec la navigatrice, Raja, une Ange aussi étrange qu’elle. Les deux ne s’étaient pas donné le temps de faire connaissance, posant directement les questions qui auraient fâché habituellement. “Pourquoi tu portes une dépouille de tigre ?”, “Pourquoi tu as des boursouflures aux mains ?”, “Ah mais en fait t’es une Ange ?”, “Mais t’es une femme-poisson ?!” … La première s’amusait de cette situation et la seconde en avait cure.
Pour la timonière, piloter une frégate était une grande première, et elle fut secondée un temps par Raja mais aussi par Marl, le charpentier excentrique. C’était un peu un second second, plus proche des hommes puisqu’il les connaissait bien et surtout parce qu’il avait plus d’expérience. Il était toujours prêt à aider ceux qui en avaient besoin.
Raja avait d’ailleurs été la pierre angulaire de ce voyage. Si Mama, Grant ou Sasha connaissait la théorie sur Grand Line, la navigatrice avait déjà de l’expérience dans le domaine et leur rappela les faits et l’utilisation d’un gyropose : pour rejoindre cette mer, il fallait emprunter Reverse Mountain, et il consistait en un courant ascendant terriblement puissant qui gravissait Red Line, l’immense montagne rouge qui séparait le monde en deux hémisphères, et qui se terminait en un courant descendant, qui lui-même tirait sa force des trois autres courants ascendants qui rejoignait chaque mer bleue. Ensuite, il ne restait plus qu’à se laisser guider par cette boussole un peu spéciale qui pouvait se lier à toutes les îles de la voie qu’ils suivraient et aux îles les plus proches.
Si cette traversée allait être un moment crucial, il le serait bien plus pour la timonière qui devait savoir faire montre de tact, de force, de rapidité et d’un calme absolu. Une mauvaise manœuvre, et c’était la mort assurée. Ce n’était pas pour rassurer Sasha mais Raja pensait que le savoir la déchargerait de tout stress … sauf que c’était bien évidemment le contraire.
Sans compter qu’Eillen, la chirurgienne de l’équipage, dans sa mansuétude glaciale, rappela qu’elle pourrait toujours rafistoler les survivants avec les débris des autres navires échoués, faute de prothèse dignes de ce nom.
Mais quand la navigatrice dévoila qu’il y avait une tradition à chaque traversée d’équipage, toutes les sueurs froides de la timonière s’évaporèrent sous son enthousiasme solaire. En effet, il était coutume que les équipages victorieux de cette embûche plantât leur drapeau à côté du Jumeau restant, les deux phares qui ouvraient autrefois la voie sur Grand Line.
Sasha bassina alors Mama avec cette idée. Cette dernière avait beau lui rétorquer qu’ils n’avaient qu’un seul drapeau à eux et qu’il était hors de question de le planter là bas, elle ne se laissait pas abattre. Elle avait proposé des affiches publicitaires à la place, pour enrôler de futurs moussaillons.
Mama avait refusé.
Dans un premier temps.
Parce que la timonière ne lâchait pas l’affaire et passait son temps libre à harceler sa capitaine. Elle lui dit qu’il ne fallait qu’un peintre pour créer des affiches, mais quand Raja avoua qu’elle avait un Visio-Dial et un escargophone qui imprimait les photos -qu’elle avait appelé Paula et Roïd- et que tout l’équipage fut au courant de cette tradition … ils firent pression pour que cela se fît et Mama céda.
Sasha s’était alors transformée en maquilleuse et costumière pour que Mama se montrât sous son meilleur jour. La capitaine, pas très habituée à la coquetterie, vit cette expérience comme une séance de torture. Mais pour autant, il était hors de question de décevoir son équipage. Alors elle s’était vue affublée d’un maquillage léger qui unifiait et lissait son teint et d’un trait qui soulignait ses yeux, d’un bandeau dans les cheveux. Aussi, elle avait revêtu son plus beau -et oublié- chemisier bleu. Elle dût prendre la pose après de longues minutes de recherche pour trouver la meilleure et la plus adaptée.
Ceci ainsi fait, Raja immortalisa l’instant avec une photo de Paula imprimée par Roïd, puis jeta le dial et l’escargophone à la mer, sous les regards horrifiés et la surprise générale.
— MAIS QU’EST-CE QUE TU FAIS ? hurla Mama.
— Bah le vendeur m’a dit qu’ils étaient jetables …
Les quatre clichés en main, l’équipage paré ou non, qu’il se le crût ou non, il ne manquait plus qu’à franchir Red Line.