Dis tonton Tahar, tu veux bien nous raconter une histoire ?
Okay, vous êtes prêts les enfants ?
Ouiiiii
D’accord. Alors c’tait y a un paquet d’années. Vous vous rapp’lez l’gonze Jeuv ? Jvous ai raconté not’ rencontre la dernière fois qu’on s’est vus. Oui ? Bon, ben celle-là s’passe juste après. J’ai à peine eu l’temps d’me r’mettre des blessures que c’t’enflure m’avait infligées qu’j’ai senti comme une présence derrière moi, un soir où j’avais moins picolé qu’les autres. C’est important d’savoir lever l’pied sur la bouteille parfois, gardez ça en tête pour quand vous s’rez grands. Ca permet d’flairer les emmerdes.
Donc j’ai senti c’te présence, là, et puis j’ai à peine eu l’temps d’beugler "waaaaaaaah" que j’me suis r’trouvé catapulté par l’Destin sur East Blue. Ouais, ouais, v’pouvez ouvrir grand vos soucoupes, moi aussi j’ai atterri sur l’fond’ment quand j’ai découvert qu’j’tais dans l’Royaume de Goa. Mais la Fortune c’est comme la vie et la mère du ptit con qui vous tient lieu d’voisin : c’t’une salope. Et les salopes, c’est logique, parfois ça s’prend et ça s’retourne et c’est bon, et parfois ça fait des coups d’pute.
Bref. Vot’ mère vous a d’jà parlé d’Goa ? C’t’un coin sympa pour tester sa puissance de feu. D’la côte vers le cœur du pays, ça commence mou comme du beurre et ça finit dur comme une quille de frégate en granit marin. Mais la récomp’ est proportionnelle : si t’es un cassos et qu’tu t’fais bouler dès les faubourgs, tu t’en tires avec keud’ dans les poches et c’est cher payé pour une déculottée. Si par contre t’arrives jusqu’à High Town, le centre du centre, et s’tu t’en tires vivant, y a d’grandes chances que t’aies chopé assez d’oseille pour, euh, t’payer des sucettes jusqu’à tes vieux jours. Héhé, jvois qu’ça vous parle. Bon, par contre, pour la ptite histoire, y s’racontait aussi à l'époque qu’y avait jamais eu aucun péon comme y faut, péon comme moi, qui soit jamais sorti d’la zone autrement qu’dans un cercueil…
Ohhh
Si vous avez bien écouté, jvous ai dit qu’j’m’étais r’trouvé propulsé là-bas sans avoir l’temps d’mettre mes affaires en ordre. La Sublime ’tant restée sur West, j’tais en carafe sans une goutte pour m’refaire une santé mentale. Y a rien d’pire qu’un gosier sec et c’tait grave la dèche. Fallait qu’j’exprime mon désarroi et j’ai fait c’que tout bon zigue fait dans ces cas-là, j’ai fumé l’premier péquin qu’m’est passé sous la main. Ruelle sombre, coup sec dans les roustons par derrière, taloche sur la nuque. Y s’est pas rel’vé, j’tais calmé, sa gourde m’a désoiffé. Tout allait mieux.
Ahhh
J’tais dans l’côté beurre, personne a bougé l’ptit doigt quand jsuis r’ssorti d’la ruelle. Enfin ça c’est c’que jcroyais. J’marchais tranquille, façon touriste, du coup la garde m’laissait faire. Quand on est trouffion au milieu d’nulle part et qu’on est pas forcément clean soi-même, on attaque pas un brave gars qu’a pas forcément d’sang sur les mains et dont l’armure anti-pluie fait l’même bruit qu’celle d’un gradé. Jsuis arrivé jusqu’au tiers mi-mou, mi-dur comme ça. Peinard. En fait y a trois couillons qui s’croyaient malins avec leur costards façon myself mais en beaucoup moins classes, tous jumeaux, qu’m’avaient collé au derche depuis l’début. J’ai avisé leurs tronches de pieds nickelés dans une vitrine mieux placée qu’les autres. J’allais pour leur casser la gueule en bon gentleman quand y m’ont fait signe de les suivre en agitant une liasse de doublezons vers un tripot pas trop crade du coin d’l’avenue où qu’on était, et pas des ptites coupures. Ca sentait la dizaine de mille par papelard les enfants. S’vous comptez bien, une liasse, ça f’sait dans les dix briques. Et dix briques mes ptits gars, jsuis pas vénal vous m’connaissez, mais ça donne envie d’donner à trois branques leur chance de s’expliquer avant d’leur simplifier l’existence.
Bon, par principe, j’ai quand même cassé l’nez du premier en f’sant semblant d’lui serrer la pince. J’ai pris la liasse aussi, c’tait l’avance de fonds dont j’avais b’soin pour m’sentir à l’aise avec des étrangers pas nets comme eux. L’second a ret’nu l’troisième qui v’nait d’mander sa part et m’a donné son blase. Mister Pink. J’ai gardé mes distances et j’l’ai écouté m’baratiner. L’convalescent s’appelait Mister Brown, l’teigneux Mister Orange. Y préparaient un coup et cherchaient justement un Mister Red de remplac’ment après qu’le premier s’tait fait la malle sans laisser d’escargophone pour l’joindre. Y pensaient l’avoir trouvé quand y m’avaient vu défuncter l’gusse qu’m’avait désaltéré.
Méfiez-vous des branques qui vous proposent des « coups », les enfants. Y a toujours une couille qui vient troubler l’potage du bon cours des évènements tel qu’y vous l’avaient présenté. Au final, s’tu t’en sors, c’est qu’t’es un mec qu’a d’la r’ssource ou qu’ta régulière te fait des cornes. Mais j’avais pas d’régulière et jsuis un mec qu’a d’la r’ssource. Et pour qu’y m’lâchent cent plaques et un litre d’rubicond sans broncher pour m’avoir dans leur équipe, c’est qu’la récomp’ valait qu’jpose mes yeux d’ssus. J’ai dit qu’j’tais leur Mister Red. Y m’ont dit qu’y voulaient s’faire la banque centrale d’High Town.
Ohhh
J’viens d’vous dire qu’y a toujours des couilles dans les soupes qu’on t’sert quand t’as soif. Là y en a une de la taille d’un œuf d’autruche qui s’est pointée dès l’début : non seulement y proposaient l’casse du siècle, mais en plus y voulaient pas s’mouiller. Y préparaient tout, y m’disaient où et quand, y donnaient l’matos, mais y zintervenaient pas. Tahar c’pas un homme de main, j’ai crissé des molaires. Mister Brown s’est cassé, jcrois il a eu peur que jlui bouffe la jugulaire après l’tarin. Il avait raison. L’tripot était propre mais sombre, façon lumière tamisée. Mon pote Narnak a planté Mister Orange sous la table pendant qu’Mister Pink s’montrait ‘achement intéressé par ma beauté sauvage. L’premier a émis un vague gargouillis pendant qu’le s’cond cherchait à m’toucher la nouille en m’racontant les détails de son plan. J’ai oublié les détails illico après avoir endormi l’gars Pink, y servent jamais vraiment à grand-chose. Juste le nom d’la banque, l’quartier de High Town où elle se trouvait, et les milliards qu’y avait dans les caves. Vous avez pas entenu parler d’ct’histoire, hein ?
C’normal. Mais vous comprendrez tout à l’heure, ça donne soif de baliverner.
Tiens tonton Tahar, voilà une bouteille comme la dernière fois. Continue ton histoire s’il te plaît.
Haha, sacrée bande de gamins. Vot’ mère vous a bien éduqués, donne-moi donc ça.
... Bon, donc j’allais m’tirer avec du brillant plein les mirettes quand y a c’mec qu’est passé. Clope-man. Jsavais pas son blase quand j’l’ai interpellé. Il avait juste une gueule qui m’rev’nait et un clope au bec. Tahar c’pas un homme de main mais y a des boulots où faut savoir collaborer.
C’est comme ça que tu es devenu capitaine ?
Non le môme, ça c’est plus tard que ça s’est fait. Mais ptêtre que c’était un début après tout.
Okay, vous êtes prêts les enfants ?
Ouiiiii
D’accord. Alors c’tait y a un paquet d’années. Vous vous rapp’lez l’gonze Jeuv ? Jvous ai raconté not’ rencontre la dernière fois qu’on s’est vus. Oui ? Bon, ben celle-là s’passe juste après. J’ai à peine eu l’temps d’me r’mettre des blessures que c’t’enflure m’avait infligées qu’j’ai senti comme une présence derrière moi, un soir où j’avais moins picolé qu’les autres. C’est important d’savoir lever l’pied sur la bouteille parfois, gardez ça en tête pour quand vous s’rez grands. Ca permet d’flairer les emmerdes.
Donc j’ai senti c’te présence, là, et puis j’ai à peine eu l’temps d’beugler "waaaaaaaah" que j’me suis r’trouvé catapulté par l’Destin sur East Blue. Ouais, ouais, v’pouvez ouvrir grand vos soucoupes, moi aussi j’ai atterri sur l’fond’ment quand j’ai découvert qu’j’tais dans l’Royaume de Goa. Mais la Fortune c’est comme la vie et la mère du ptit con qui vous tient lieu d’voisin : c’t’une salope. Et les salopes, c’est logique, parfois ça s’prend et ça s’retourne et c’est bon, et parfois ça fait des coups d’pute.
Bref. Vot’ mère vous a d’jà parlé d’Goa ? C’t’un coin sympa pour tester sa puissance de feu. D’la côte vers le cœur du pays, ça commence mou comme du beurre et ça finit dur comme une quille de frégate en granit marin. Mais la récomp’ est proportionnelle : si t’es un cassos et qu’tu t’fais bouler dès les faubourgs, tu t’en tires avec keud’ dans les poches et c’est cher payé pour une déculottée. Si par contre t’arrives jusqu’à High Town, le centre du centre, et s’tu t’en tires vivant, y a d’grandes chances que t’aies chopé assez d’oseille pour, euh, t’payer des sucettes jusqu’à tes vieux jours. Héhé, jvois qu’ça vous parle. Bon, par contre, pour la ptite histoire, y s’racontait aussi à l'époque qu’y avait jamais eu aucun péon comme y faut, péon comme moi, qui soit jamais sorti d’la zone autrement qu’dans un cercueil…
Ohhh
Si vous avez bien écouté, jvous ai dit qu’j’m’étais r’trouvé propulsé là-bas sans avoir l’temps d’mettre mes affaires en ordre. La Sublime ’tant restée sur West, j’tais en carafe sans une goutte pour m’refaire une santé mentale. Y a rien d’pire qu’un gosier sec et c’tait grave la dèche. Fallait qu’j’exprime mon désarroi et j’ai fait c’que tout bon zigue fait dans ces cas-là, j’ai fumé l’premier péquin qu’m’est passé sous la main. Ruelle sombre, coup sec dans les roustons par derrière, taloche sur la nuque. Y s’est pas rel’vé, j’tais calmé, sa gourde m’a désoiffé. Tout allait mieux.
Ahhh
J’tais dans l’côté beurre, personne a bougé l’ptit doigt quand jsuis r’ssorti d’la ruelle. Enfin ça c’est c’que jcroyais. J’marchais tranquille, façon touriste, du coup la garde m’laissait faire. Quand on est trouffion au milieu d’nulle part et qu’on est pas forcément clean soi-même, on attaque pas un brave gars qu’a pas forcément d’sang sur les mains et dont l’armure anti-pluie fait l’même bruit qu’celle d’un gradé. Jsuis arrivé jusqu’au tiers mi-mou, mi-dur comme ça. Peinard. En fait y a trois couillons qui s’croyaient malins avec leur costards façon myself mais en beaucoup moins classes, tous jumeaux, qu’m’avaient collé au derche depuis l’début. J’ai avisé leurs tronches de pieds nickelés dans une vitrine mieux placée qu’les autres. J’allais pour leur casser la gueule en bon gentleman quand y m’ont fait signe de les suivre en agitant une liasse de doublezons vers un tripot pas trop crade du coin d’l’avenue où qu’on était, et pas des ptites coupures. Ca sentait la dizaine de mille par papelard les enfants. S’vous comptez bien, une liasse, ça f’sait dans les dix briques. Et dix briques mes ptits gars, jsuis pas vénal vous m’connaissez, mais ça donne envie d’donner à trois branques leur chance de s’expliquer avant d’leur simplifier l’existence.
Bon, par principe, j’ai quand même cassé l’nez du premier en f’sant semblant d’lui serrer la pince. J’ai pris la liasse aussi, c’tait l’avance de fonds dont j’avais b’soin pour m’sentir à l’aise avec des étrangers pas nets comme eux. L’second a ret’nu l’troisième qui v’nait d’mander sa part et m’a donné son blase. Mister Pink. J’ai gardé mes distances et j’l’ai écouté m’baratiner. L’convalescent s’appelait Mister Brown, l’teigneux Mister Orange. Y préparaient un coup et cherchaient justement un Mister Red de remplac’ment après qu’le premier s’tait fait la malle sans laisser d’escargophone pour l’joindre. Y pensaient l’avoir trouvé quand y m’avaient vu défuncter l’gusse qu’m’avait désaltéré.
Méfiez-vous des branques qui vous proposent des « coups », les enfants. Y a toujours une couille qui vient troubler l’potage du bon cours des évènements tel qu’y vous l’avaient présenté. Au final, s’tu t’en sors, c’est qu’t’es un mec qu’a d’la r’ssource ou qu’ta régulière te fait des cornes. Mais j’avais pas d’régulière et jsuis un mec qu’a d’la r’ssource. Et pour qu’y m’lâchent cent plaques et un litre d’rubicond sans broncher pour m’avoir dans leur équipe, c’est qu’la récomp’ valait qu’jpose mes yeux d’ssus. J’ai dit qu’j’tais leur Mister Red. Y m’ont dit qu’y voulaient s’faire la banque centrale d’High Town.
Ohhh
J’viens d’vous dire qu’y a toujours des couilles dans les soupes qu’on t’sert quand t’as soif. Là y en a une de la taille d’un œuf d’autruche qui s’est pointée dès l’début : non seulement y proposaient l’casse du siècle, mais en plus y voulaient pas s’mouiller. Y préparaient tout, y m’disaient où et quand, y donnaient l’matos, mais y zintervenaient pas. Tahar c’pas un homme de main, j’ai crissé des molaires. Mister Brown s’est cassé, jcrois il a eu peur que jlui bouffe la jugulaire après l’tarin. Il avait raison. L’tripot était propre mais sombre, façon lumière tamisée. Mon pote Narnak a planté Mister Orange sous la table pendant qu’Mister Pink s’montrait ‘achement intéressé par ma beauté sauvage. L’premier a émis un vague gargouillis pendant qu’le s’cond cherchait à m’toucher la nouille en m’racontant les détails de son plan. J’ai oublié les détails illico après avoir endormi l’gars Pink, y servent jamais vraiment à grand-chose. Juste le nom d’la banque, l’quartier de High Town où elle se trouvait, et les milliards qu’y avait dans les caves. Vous avez pas entenu parler d’ct’histoire, hein ?
C’normal. Mais vous comprendrez tout à l’heure, ça donne soif de baliverner.
Tiens tonton Tahar, voilà une bouteille comme la dernière fois. Continue ton histoire s’il te plaît.
Haha, sacrée bande de gamins. Vot’ mère vous a bien éduqués, donne-moi donc ça.
... Bon, donc j’allais m’tirer avec du brillant plein les mirettes quand y a c’mec qu’est passé. Clope-man. Jsavais pas son blase quand j’l’ai interpellé. Il avait juste une gueule qui m’rev’nait et un clope au bec. Tahar c’pas un homme de main mais y a des boulots où faut savoir collaborer.
C’est comme ça que tu es devenu capitaine ?
Non le môme, ça c’est plus tard que ça s’est fait. Mais ptêtre que c’était un début après tout.
Dernière édition par Tahar Tahgel le Jeu 8 Sep 2011 - 0:09, édité 1 fois