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Du sang sur la neige

- Aucun départ jusqu’à nouvel ordre?!
- Je suis navré, Madame, mais cette tempête de neige rend l’opération du train beaucoup trop dangereuse pour le moment. Tant qu’une accalmie ne se présentera pas, nous ne pouvons pas garantir la sécurité de votre voyage.



Helena marmonna dans sa barbe en entendant la nouvelle. Une tempête de neige assez violente pour que le Winterblade soit obligé de rester à quai, ce n’était pas arrivé depuis des années. Elle aurait pu attendre un autre jour pour arriver, cela dit !

La Marine d’élite n’avait pas volé son titre et ça se ressentait dans leur cadence de travail ; si Helena trouvait par moments le temps long quand elle était encore affectée à la 444e division, la cadence de travail de la 101e d’élite n’avait plus rien à voir. Même sans prendre en compte ses maigres tâches d’officier vu que Kuznetzov et Von Tirpitz n’avaient pas vraiment besoin d’être micromanagés, les entraînements incessants et les missions qui se suivaient à la chaîne lui faisaient se demander si 24 heures en une journée étaient suffisantes ! Et en bonus, pour ceux qui l’auraient oublié, Helena avait en plus de tout ça son fils à gérer. Alors forcément, quand une place pour poser deux semaines de permission s’était présentée, De Ruyter s’était jetée dessus. Et maintenant, on lui disait que c’était un blizzard à la noix qui l’empêchait de rentrer chez ses parents ?!?



- Maman, on le prend quand le train?
- Pas tout de suite, champion. Quand est-ce que la météo prévoit de s’améliorer ?
- C’est… C’est difficile à dire, Madame. Aux dernières nouvelles, cette tempête durerait encore au moins deux, voire trois jours.
- T’en ficherais moi trois jours de blizzard c’est pas possible de voir ça… Bon. Je suppose que je devrai attendre…
- On va pas voir Papi et Mamie ?
- Non, champion, il y a trop de vent. On risquerait d’avoir un accident avec le train. Ce qu’on va faire, c’est aller à l’hôtel et promis, dès que la neige s’arrête, on va les voir, d’accord ?
- D’accord…



La mère et le fils avaient au moins un point commun dans cette histoire, c’était de l’avoir mauvaise. Heureusement, Lavallière ne manquait pas d’hébergements temporaires, merci le port principal de l’île qui s’y trouvait. Sauf que maintenant, De Ruyter pouvait se permettre mieux que les hôtels bas de gamme ; avoir littéralement décuplé son salaire, ça vous ouvre des portes dans la vie. La Retraite Royale n’était pas le meilleur hôtel de l’île, mais il était dans le Top 3 si on ne comptait pas Bourgeoys. Et à 150,000 Berrys la nuit pour un adulte et un enfant avec vue sur la mer restaurant inclus, il y avait intérêt à ce qu’il soie bon. Quitte à attendre que la météo veuille bien se calmer, autant le faire dans des draps en soie et un fumoir, non ? Une journée passa. Puis deux. Puis trois… Si la conversation, les jeux de cartes et les parties de billard permettaient à Helena de tuer l’ennui et que l’hôtel, bondé à cause du train qui refusait de bouger, ne manquait pas de parents qui voulaient se détendre et d’enfants prêts à retourner les parties communes en jouant à chat et autres, ça commençait quand même à faire long…

Le matin du quatrième jour, la tempête avait un peu diminué en intensité, mais il y avait encore trop de neige pour que les trains démarrent. Sirotant un café au lait au restaurant de l’hôtel tandis que Carlo démolissait une gaufre aux fruits rouges, Helena remarqua dans l’entrée dudit restaurant des hommes de la Marine ; fraîchement arrivés de dehors, à en juger par leurs vêtements encore dégoulinants de neige qui fondait. Helena eut à peine le temps de se demander s’ils étaient venus pour elle qu’un des serveurs s’approchait tout penaud d’elle pour lui dire que les Marins voulaient lui parler. Sans vraiment d’autres options, Helena se leva pour aller voir ce qu’ils lui voulaient.



- Caporale De Ruyter ?
- C’est moi.
- Lieutenant Edwin Connor, 444e division. Je sais que vous êtes en vacances et que vous attendez pour partir à Jalabert, mais… Nous aurions vraiment besoin de votre aide.
- Mon aide en particulier ? En quoi ?
- Nous… Avons un gros problème de crime. Nous pensons qu’un tueur en série a fait de Lavallière son terrain de chasse. Plusieurs jeunes femmes ont été tuées avec le même mode opératoire par un individu non-identifié. Une de nos patrouilles l’aurait croisé et a été massacrée jusqu’au dernier.
-  …
-  Un officier du G-6 spécialisée dans les enquêtes et les traques est arrivée il y a quelques jours, mais nous craignons pour sa sécurité et que le tueur pourrait la prendre pour cible. Vous êtes de l’élite, aussi-
- Aussi, vous pensez que je pourrai protéger l’enquêtrice jusqu’à ce que nous mettions le tueur sous les verrous ou qu’elle reparte, c’est bien cela ?
- Oui, Madame.
- … Laissez-moi le temps de prendre mon manteau et de confier mon fils au personnel de l’hôtel. Et nous devrons visiter un forgeron en route, je ne suis pas armée.
- Bien sûr, caporale. Nous irons directement à la caserne après.



Les vacances semblaient d’un coup fortement compromises.

Si en temps normal, Helena aurait passé la journée chez l’armurier pour personnaliser dans les moindres détail sa nouvelle lame, cette fois-ci, elle prit juste les options de base. Options de base qui incluaient quand même la poignée en palissandre, le traitement antirouille garantie à vie, le test de résistance et de tranchant en direct, la garde engravée, etc. Certes, c’était un sabre à 300,000 Berrys, mais vu que depuis son entrée dans la Marine, Helena devait en être à son quatrième voire cinquième sabre, autant se payer de la qualité cette fois-ci ! Ou du moins une lame qui n’allait pas casser dés qu’elle la regarderait un peu trop fixement…

La caserne principale de Boréa n’était toujours pas complètement remise de l’attaque des Toréadors et du Voleur de Foudres ; si les travaux de reconstruction allaient bon train, il restait bon nombre d’impacts de balles à reboucher et de taches de sang et de suie à nettoyer ou repeindre. Le dédale de couloirs une fois à l’intérieur restait cependant le même, lui. Après bon nombre de tours et de détours, Helena et Connor arrivèrent dans un des nombreux bureaux de la caserne. Un panneau en liège orné de photos et de notes recouvrait l’un des murs tandis que les divers meubles étaient couverts de dossiers et porte-documents ouverts. L’air empestait la fumée de cigarette, chose qui ne surprenait personne vu qu’il y avait sur le bureau un cendrier rempli à plus que ras bord. Devant le panneau en liège, une femme vêtue d’un imperméable au-dessus d’un uniforme de marine balayait du regard le mur avant de se retourner.



- Caporale De Ruyter, voici l’adjudant Hipper en charge de l’enquête. Adjudant, voici la caporale d’élite De Ruyter, qui va être votre escorte pendant la durée de l’enquête.
- Hein ?
- Comment ?



Les deux femmes levèrent un sourcil en entendant leurs noms respectifs.


- Helena De Ruyter ? La fille du prof de biologie à Jalabert élue plus belle fille de l’école trois ans de suite vers 1620 ?
- Petra Hipper ? La fille du boulanger à Jalabert qui tabassait les racketteurs à la sortie de l’école ?
- Et qui était à la garderie des Petits-
-  -Flocons de 1610 à 1614 ?
- … Nooooooooooooooooooon ?!
- … Sérieusement ?!



L’ambiance s’était détendue d’un coup. Le lieutenant médusé observa les deux femmes se mettre à rire à gorge déployée et discuter vivement.


- J’en… Déduis que vous vous connaissez ?
- « Connaissez » ? Lieutenant, elle et moi sommes amies depuis le jardin d’enfants !
- Et on ne s’est pas vues depuis des années ! Même si les circonstances pourraient être meilleures pour se retrouver…



Sitôt qu’Hipper finit sa phrase, la porte de son bureau s’ouvrit en catastrophe. Un matelot, le manteau encore sur le dos et de la neige à moitié fondue sur ses bottes, haletait avec les mains sur les genoux ; pas besoin d’être enquêteur pour déterminer qu’il avait couru jusqu’ici à toute vitesse.


- Lieutenant… Adjudant…
- Du calme, soldat. Que se passe-t-il ?
- On a… Retrouvé… Une nouvelle victime…
- Où ?!
- Suivez… Moi…
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De l’extérieur, le bâtiment n’avait rien de remarquable : un commerce au rez-de-chaussée, des logements sur 2 étages au-dessus, une peinture extérieure qui commençait à marquer le coût des années… Une bâtisse comme il y en avait des centaines à Lavallière. Exception faite des dizaines de matelots et de gardes de la ville qui s’afféraient autour, empêchant les curieux d’approcher et interrogeant les voisins. Le trio d’enquêteurs, écartant la foule, entra dans le bâtiment. En montant les marches, Helena vit Petra sortir un sac en papier de sa poche et le lui tendre.


- Un sac en papier ?
- Tu va vite comprendre. Ouvrez la porte.



Le matelot posté devant la porte derrière laquelle devait se trouver la scène de crime s’exécuta, et aussitôt, Helena comprit pourquoi son amie lui avait donné ce fameux sac en papier. Si elle s’était habituée désormais à sentir l’odeur du sang et des tripes à force d’aller se battre sur Grand Line avec des pirates dignes de ce nom, celle d’un corps en décomposition était bien plus forte. Reculant précipitamment, Helena eut à peine le temps de déplier le sac que le café au lait et les viennoiseries de ce matin atterrirent dedans tandis qu’Hipper lui tapotait gentiment dans le dos.


- Vas-y, vas-y, crache tout. Te retiens pas, tu vas juste retarder l’inévitable.
- Je… Je suis désolée...
- T’as pas à t’excuser. Même après des années, on s’habitue pas complètement à l’odeur. Y a aucune honte à avoir si tu y es pas habituée.
- Eurk…
- Tu devrais rester dehors, ça va juste te rendre encore plus malade de rester à respirer cette odeur. Dès que j’ai fini, je redescends.



Tandis que l’enquêtrice pénétrait dans l’appartement où avait eu lieu le meurtre, De Ruyter, s’essuyant le visage avec un mouchoir, redescendit les escaliers. Dehors, la Marine gardait toujours la foule à distance, foule qui était plus agitée et nombreuse que la météo laissait imaginer ; la présence du tueur en ville avait dû se répandre parmi la population. Et avec les rumeurs et les bruits de couloir, chaque nouveau meurtre n’allait qu’exciter les gens encore plus. Il ne restait qu’à espérer que Connor et Petra allaient vite pouvoir avancer leur enquête et flanquer ce malade en cage.

Tuant l’ennui à coups de cigarillos, Helena entendit au bout de quelque temps des pas dans la neige s’approcher d’elle. Rangeant un épais bloc-notes dans sa poche de manteau pour l’échanger contre un paquet de cigarettes, Hipper approcha son amie.



- Ça va mieux, toi ?
- Oui... Je ne suis pas au courant de ce qui se passe, peux-tu m’en dire plus ?
- Notre tueur, qui a 4 victimes au compteur, et est actif depuis environ 1 mois, cible uniquement des femmes de 20-25 ans faisant entre 1m60 et 1m70, Le mode opératoire est toujours le même : la victime est attaquée chez elle, assommée, dénudée et traînée dans la baignoire ou le bac à douche, où le tueur lui tranche les carotides. La victime se vide de son sang tandis que le tueur la lave, sauf une petite quantité sans doute stockée dans un récipient absent de la scène de crime. Une fois la victime presque complètement exsangue, il la sèche, la traîne sur le lit, peint des symboles ésotériques sur son corps avec le sang conservé au pinceau, puis il prélève un organe ou un membre qui l’intéresse. Cette victime s’est fait prélever les deux pieds ; là aussi, le légiste va sans doute nous dire que ça a été tranché net. Notre lascar y va soit avec une lame de précision comme un scalpel, soit une plus lourde comme un hachoir selon ce qu’il prélève.
- Qu’est-ce qui a été prélevé sur les victimes précédentes ?
- Les oreilles, les cuisses et le nez. Mais j’ai plus d’infos à la caserne. On va ré-étudier tout le dossier là-bas, si tu permets.



Le mur tapissé de documents dans le bureau de Petra avait tout de suite plus de sens quand Helena le vit à nouveau une fois revenues à la caserne. Finissant de fixer les notes et photos prises sur la dernière scène de crime, l’adjudant fouilla ensuite dans la pile de documents et en tira triomphalement un livre à l’apparence glauque.


- Le Manuscrit de Mammon, tu t’en souviens ?
- Nous lisions tous ce truc quand nous étions adolescentes avant de nous disputer pour savoir si les histoires et les rituels dans ce livre étaient réels, Petra. Quel est le rapport avec le tueur ?
- Ouvre une des pages marquées et tu vas vite comprendre.



Le fameux Manuscrit, qu’Helena avait reconnu comme le truc à la mode parmi les jeunes de sa génération, arborait en effet plein de marque-pages. Ouvrant le livre, la caporale tomba sur un des « rituels » magiques fantaisistes qui avaient fait le succès de l’ouvrage. Comme tous les autres sorts, sa description était accompagnée de plusieurs symboles pseudo-ésotériques, symboles qu’Helena reconnut vite quand elle leva les yeux vers le mur de photos.


- Les symboles sur le corps des victimes sont les mêmes que ceux décrits dans les rituels du livre !
- Exactement. J’ai commencé à comparer les symboles retrouvés et ceux dans les rituels, mais je n’ai pas encore de correspondance précise.
- … Le tueur essaierait de refaire un des rituels dans le livre ?
- Ouais. Et comme il y en a plusieurs qui utilisent des parties de corps humains comme composants…
- Comparons les symboles qui se trouvent sur notre dernière victime avec ceux que tu as déjà listé, nous devrions finir par trouver.



Les yeux balayant à la fois le mur et les marque-pages, les deux militaires parcouraient le livre à une vitesse record ; en quelques minutes, le rituel recherché fut trouvé.


- « La mort n’est pas finale. Celui qui est prêt à payer le prix peut, à l’aide de ce rituel, ramener à la vie un être cher sous réserve que sa volonté est assez forte. Afin de procéder à ce rituel, le plus important est d’avoir un réceptacle, construit ou naturel, capable d’accueillir l’âme et la force vitale du défunt. »
- Donc, notre tueur veut essayer de ressusciter quelqu’un et découpe des femmes pour fabriquer son « réceptacle » idéal…
- As-tu déjà des suspects ? L’auteur du livre ou un fan un peu dérangé me semblent être des bonnes pistes.
- Bien vu, mais non. J’ai contacté la maison d’édition et le QG local, l’auteur du Manuscrit n’a pas quitté West Blue depuis des dizaines d’années. Quant à un fan dérangé, Connor a déjà été voir le club d’occultisme local ; ils sont déjà dans le collimateur des autorités vu leur intérêt pour les trucs louches, du coup, ils dénoncent le moindre de leurs membres qui traverse en dehors des clous à la caserne.
- Hm… D’autres pistes ?
- Pour le moment, rien. Je vais tout remettre à plat ce soir et demain, sous réserve qu’il ne recommence pas cette nuit. On en reparlera demain.
- Veux-tu que-
- Non. Je sais que tu es en vacances, rien t’obligeait à accepter de m’aider. Je me sentirais mal de te demander de participer plus que tu le fais déjà. Puis bon, même si j’ai une chambre d’hôtel, je ne peux pas vraiment emmener tout ce fatras là-bas... De plus, Connor me disait qu’il y avait un gamin avec toi. Si tu pardonnes ma curiosité, c’est qui ?
- Mon fils.
- … OK, alors celle-là, FAUT que tu m’expliques quand on en aura fini avec cette histoire de meurtre.
- Promis !



Quelques minutes plus tard, Helena quittait la caserne pour repartir à l’hôtel. Si Petra était en sécurité derrière les murs abîmés mais épais de la caserne, Helena traversa la ville sans traîner et avec la main collée sur la poignée de son sabre ; le blizzard ambiant ne la ralentissait pas d’un centimètre tant elle marchait vite ! Même s’il devait y avoir des centaines, voire des milliers, de femmes à Lavallière qui rentraient dans les critères du tueur, et même si elle était désormais assez endurcie pour mettre une raclée à 95 % des pirates et autres criminels de North Blue, l’idée de finir exsangue dans une baignoire et découpée comme un porc chez le boucher par un timbré lui flanquait des sueurs froides...
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Il faisait encore nuit quand des coups sourds retentirent à la porte de la chambre de la famille De Ruyter. Déjà tendue vu la situation, Helena bondit de son lit arme à la main en entendant les coups.


- Qui est là?!?
- C’est moi, caporale De Ruyter.
- … Connor? Il a encore frappé ?
- Oui. L’adjudant Hipper est déjà en route vers la scène de crime, pouvez-vous venir tout de suite ?
- … J’arrive.



Le blizzard avait à peine diminué en intensité quand Helena et le lieutenant arrivèrent sur le nouveau lieu du crime. Petra était déjà sur les lieux et relisait ses notes quand le duo arriva sur les lieux.


- Le scalp incluant les cheveux a été prélevé, cette fois-ci. Il accélère, il doit sentir qu’on se rapproche…
- Adjudant ! Venez voir ici ! On a un témoin !



Le mot « témoin » électrisa le trio, qui partit voir le matelot les appelant aussitôt.


- Ce monsieur dit avoir vu le tueur, adjudant.
- Qu’avez-vous vu et comment ?
- Je me suis levé pour aller aux toilettes quand j’ai vu la porte d’en face ouverte, du coup, je suis allé voir à la fenêtre parce que ça paraissait bizarre de la laisser ouverte malgré la tempête. Et j’ai vu une personne avec un manteau à capuche sortir en courant par la porte d’entrée et s’engouffrer dans les ruelles, là !



Le fameux témoin pointa le dédale de ruelles commun près du port, où les maisons étaient agglutinées par manque de place. C’était une cachette ou un lieu idéal pour semer des poursuivants ; on avait retrouvé des membres de l’équipage des Toréadors cachés là des jours après l’attaque du Voleur de Foudres, après tout !


- Ces ruelles sont un vrai labyrinthe en plus d’être étroites, adjudant Hipper. Nous n’y trouverons rien.
- Ce n'est pas sûr. Elles sont étroites, comme vous dites. La neige ne tombe quasiment pas ici vu comment les bâtiments sont serrés. Nous ne devrions pas avoir de mal à trouver des empreintes de pas.
- Caporale, vous-
- Helena à raison. Quadrillons tous les pâtés de maisons aux alentours et fouillons les ruelles. Nous ne risquons pas de trouver notre homme, mais au moins des indices.
- Je persiste à dire que-
- Lieutenant. J’insiste. Dois-je faire remonter au G-6 que vous refusez de m’aider ?
- … Très bien. Mais je ne manquerai pas de leur faire remonter la perte de temps que vous nous faites subir quand vous reviendrez bredouille, Hipper !



Connor partit frustré, laissant ses hommes entre les mains d’Helena et Petra. Très vite, toutes les ruelles du coin furent bloquées et une fouille minutieuse débuta. Malgré le grand nombre de matelots, le froid ambiant et la petitesse des ruelles rendaient les choses difficiles. Mais, à force d’efforts, Helena finit enfin par trouver quelque chose dans la cave d’une maison à moitié en ruines, visiblement abandonnée depuis des années. Chose qui rendait l’énorme cadenas et la porte renforcée au fond de la cave mentionnée plus tôt, tous les deux rutilants, visibles comme le nez au milieu de la figure. C’était beaucoup trop suspect ; Helena cria pour attirer l’attention des matelots. Très vite, un coupe-boulons fut amené et la porte forcée. La lueur des lanternes des enquêteurs révéla vite le secret de la pièce verrouillée : une étagère parsemée de bocaux apparut devant eux, arrachant un cri de surprise du pauvre marin qui vit que l’un des bocaux contenait un pied baignant dans le formol ! D’autres bocaux contenant des parties de corps humains dissipèrent les derniers doutes. La tanière du serial killer était désormais révélée aux enquêteurs.

Outre l’étagère morbide, une table sur laquelle étaient disposés un scalpel et un hachoir rutilants de propreté ainsi un exemplaire du Manuscrit de Mammon avec une couverture arborant fièrement le fait qu’il s’agissait d’une édition limitée, accompagnée d’un petit carnet avec une couverture en cuir, occupait les lieux. Les murs étaient, quant à eux, tapissés des mêmes symboles que ceux décrits dans les multiples rituels du livre. Hipper attrapa le petit carnet et se mit à lire son contenu à haute voix.



- « Incroyable. Simplement incroyable. Qui aurait cru que je trouverais le vrai Manuscrit de Mannon chez un simple libraire ! Cette magie est ancienne, mais elle doit fonctionner. Les pouvoirs des Fruits du Démon ne sont rien comparés à ce que j’ai lu dans ce livre. J’ai commencé à étudier les lieux sur où trouver des ingrédients de qualité. Bientôt, nous serons réunis, Kaede. »

« Malédiction ! Non seulement une patrouille à croisé ma route quand j’ai été prélever ce qu’il fallait chez la fille de la boulangerie, mais je viens d’apprendre qu’un détective était envoyé du QG pour venir me traquer ! Je dois être prudent, Kaede ; je ne peux pas laisser ces ignares se mettre sur le chemin de nos retrouvailles. Si cet enquêteur s’avère trop malin… Il ne sera pas le dernier à servir de dîner aux poissons. »

« Cette enquêtrice du G-6 continue de perturber mes plans. Pour le moment, son enquête piétine grâce à mes précautions, mais elle à reçu des renforts. Une de ses amies de la 101e d’élite lui sert de gorille ; fort heureusement, elle ne semble guère plus douée pour retrouver ma trace. Si tout va bien ce soir, la fille du port sera seule. Son scalp est exactement celui dont j’ai besoin pour toi, Kaede. »

C’est pas croyable… Ce taré pense vraiment utiliser le Manuscrit pour ressusciter quelqu’un ! Et…



Petra poussa un cri en lisant la dernière page du carnet et le lâcha au sol. Helena, ramassant le carnet, sentit son sang se glacer en lisant ladite page. Une simple liste de noms et de parties du corps, détaillant les prochaines cibles et « matériaux » que leur homme avait dans le collimateur. Si De Ruyter ne reconnaissait personne dans la liste au début, les deux derniers noms, quant à eux, étaient plus que révélateurs.


- « Petra Hipper : mains. Helena de Ruyter : yeux. »
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Une dizaine d’hommes devant chaque porte de la ville, une cinquantaine à la gare et plus d’une centaine au port ; Lavallière était à la limite de la loi martiale désormais. Le logement de chaque personne identifiée sur la liste du tueur était sous surveillance absolue, et les deux dames de la Marine ne faisaient pas exception ; elles n’avaient même pas pu participer à la récupération des pièces à conviction tant les officiers supérieurs estimaient qu’elles étaient en danger. Helena avait désormais en permanence des matelots devant la porte de sa chambre, dans le hall de l’immeuble et sous ses fenêtres. Carlo était fâché de ne pas pouvoir jouer avec ses nouveaux amis à cause de la sécurité, mais des explications sur le fait que c’était pour chasser les méchants (et une bonne dose de parfait praliné !) avaient résolu ce problème. Quant à Connor…  


- Je n’aurai jamais cru que l’adjudant Hipper trouverait quelque chose. Si j’avais su…
- Vos doutes étaient légitimes, lieutenant. Nous avons eu beaucoup de chance. En parlant d’Hipper, savez-vous ce qu’il en est la concernant ?
- Son escorte est aussi conséquente que la vôtre, caporale, mais… J’avoue être inquiet pour elle. Si j’étais le tueur, je la viserais en premier vu le pas de géant qui a été fait. Plus, sans vouloir lui manquer de respect, elle me paraît bien moins apte à se défendre que vous. Si cela ne vous dérange pas, je vais aller à son hôtel m’assurer de sa sécurité. Je vais envoyer un de mes hommes me remplacer auprès de vous.



Le lieutenant partit et l’attente reprit. Les heures s’écoulaient lentement et l’ennui se faisait sentir quand, après une énième partie de jeu de l’oie entre la mère et le fils, des coups retentirent à nouveau à la porte de la chambre. Un autre matelot.


- Caporale ! On vient de recevoir un message de la base ! Toutes les preuves concernant le tueur en série ont été volées !
- Volées ?!? Comment est-ce possible, elles doivent normalement être sous clé ?!
- Justement, il manque une clé pour accéder à la salle de rangement des preuves après vérification.
- Qui possède la clé manquante ?
- Le lieutenant Connor, caporale.
- … Oh non. Oh non non non non non… A-t-on été vérifier chez lui ?
- Une équipe est en train de le rechercher, mais jusqu’à présent, nous ne parvenons pas à-
- DANS QUEL HÔTEL EST LOGÉE L’ADJUDANT HIPPER ?!?!
- Su-su-suivez moi !



Les dernières pièces du puzzle venaient de s’imbriquer et une image terrifiante en résultait : tout indiquait que Connor était le tueur. Et Petra serait la prochaine sur sa liste si Helena ne se dépêchait pas !

Les soldats chargés de veiller sur elle suaient à grosses gouttes en tentant de suivre De Ruyter, qui sprintait à travers les rues de Lavallière à peine déblayées en direction de l’hôtel où résidait son amie, qui fut rejoint en un temps record. Aucune trace des matelots chargés de la surveille, cela dit ; le réceptionniste intimidé par la petite blonde survoltée qui brandissait un sabre finit par confesser qu’un officier les avait tous renvoyés avant de monter dans la chambre de Petra.
La porte de la chambre en question fut arrachée de ses gonds d’un violent coup de pied. Fonçant dans la pièce, Helena découvrit son amie, nue comme un ver et sans connaissance, traînée par le pied vers la salle de bain par un individu vêtu d’un manteau à capuchon.



- CONNOR !!!


Le lieutenant lâcha sa victime et, avec une rapidité peu commune, tira de sa ceinture le couperet qui fendit l’air vers Helena. Mais, plus prompte et bien mieux entraînée que lui, la petite caporale n’eut aucun mal à stopper le couteau de boucher en plein vol avec sa propre lame et, en un tournemain, désarma l’officier, tranchant quelques doigts au passage (le vendeur n’avait pas menti sur le tranchant de cette lame !). Poussant un cri de douleur, le meurtrier, réalisant qu’il ne faisait pas le poids contre un membre de la Marine d’élite, plongea par une fenêtre. Helena, arrivant dans la rue à sa poursuite, réalisa vite que la tâche serait facile ; les doigts tranchés de Connor et les blessures dues au verre l’ayant lacéré dans sa fuite, laissaient des traces de sang très faciles à suivre et surtout assez abondantes pour déterminer qu’il n’irait pas loin.

Quelques minutes plus tard, Helena le rattrapa. Vautré au sol contre une pile de déchets, Connor brandissait en tremblant un pistolet vers sa poursuivante. La neige sous le lieutenant se teintait peu à peu de rouge, contrastant avec le blanc quasi-immaculé autour de lui. À cette distance et vu son état, même armé, Helena jugea qu’elle n’aurait aucun mal à esquiver le tir et achever le serial killer si la situation l’exigeait. C’était terminé.



- C’est terminé, Connor.
-  Hahahaha… Terminé. Terminé, oui… C’est aussi ce qu’ils ont dit quand Kaede est partie. Qu’on pouvait plus rien y faire. Ils n’ont pas compris que c’est jamais terminé. Quand j’ai trouvé le vrai Manuscrit, j’ai compris, moi, que rien n’est jamais terminé.
- Vous avez besoin d’aide, Co-.
- Épargnez-moi la psychologie à cinq Berrys, De Ruyter ! Je sais que vous pensez que je suis timbré, comme tout le monde ! Vous ne comprendrez jamais !  Personne ne comprendra jamais !
- Vous avez tué des innocentes. Ces femmes n’avaient rien demandé à personne.
- C’est un maigre prix à payer pour que je retrouve Kaede ! Mais maintenant… Maintenant que vous savez, tout mon travail est fichu. Je connais la loi, De Ruyter... Cinq meurtres, c’est au mieux le cachot à vie, au pire la potence. Et tous mes matériaux vont être confisqués et détruits. Je n’ai plus aucune chance de la faire revenir… Mais maintenant, je comprends que… C’était à moi de la rejoindre.



Helena ne put qu’ouvrir la bouche quand Connor retourna subitement le pistolet vers sa tête et pressa la détente, le cri restant dans sa gorge. La neige se teinta encore plus de rouge tandis que le corps sans vie finissait de glisser au sol. Au loin, le bruit des bottes des marins, alertés par la détonation, se faisait entendre. Secouant tristement la tête devant un tel gâchis de vies humaines et le fait que cet assassin échappait à la justice, Helena rangea son sabre.
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Le blizzard qui durait depuis des jours s’était enfin arrêté, et comble de bonheur, les trains reprenaient peu à peu du service. D’ici peu, la famille De Ruyter pourrait enfin partir à Jalabert. Mais d’abord, une visite à l’hôpital s’imposait. Petra s’en était bien sortie ; seule une blessure légère à la tête était à déplorer au final, même si sa survie s’était jouée à quelques minutes près et qu’un séjour en observation était de mise. Les circonstances pour se retrouver n’étaient pas optimales, mais ce n’était rien qu’un ballotin de chocolats ne saurait adoucir !


- Salut. Comment te sens-tu ?
- Franchement, pas si mal. Les médecins estiment que je pourrais être dehors dans 3 jours, 4 grand maximum. Je m’en sors très bien, vu les circonstances.
- Je n’arrive toujours pas à croire que Connor ait pu nous rouler comme il l’a fait.
- J’avais des doutes le concernant depuis qu’il s’était opposé à ce qu’on fouille les ruelles. Je n’avais pas de preuves solides, mais j’ai seulement fait le lien pour de bon quand il est arrivé dans ma chambre d’hôtel en prétextant vouloir me protéger. Si on avait pas trouvé sa cachette par hasard, il aurait toujours eu une longueur d’avance sur nous. Et si tu n’avais pas été là…



Helena serra son amie dans ses bras pour la soulager. Même pour un officier qui était spécialisé dans les enquêtes et avait du en voir des vertes et des pas mûres, se retrouver dans le rôle de la victime n’était pas chose aisée.


- Dis-moi, Connor a mentionné plusieurs fois une Kaede. Qui était-ce ?
-Kaede Yae. Sa copine depuis plus de 10 ans. Elle est décédée en 1624, maladie foudroyante, quelques semaines avant leur mariage. Connor a été hospitalisé un an pour dépression suite à ça, mais a été jugé apte à reprendre le service en 1626. J’ai pu obtenir son dossier personnel et tout est devenu plus clair. Si j’avais su qu’on aurait dû commencer par là…
- Soit le psychiatre qui à fait son évaluation s’est trompé sur toute la ligne, soit trouver cette édition limitée du Manuscrit à tout fait remonter à la surface et l’a rendu fou, donc.
- Ouais. Dans tous les cas, on peut désormais classer l’affaire, et je vais faire remonter ça aussi haut que possible pour nous assurer qu’on n’ait pas d’autres Connors en devenir dans la Marine. Désolée encore de t’avoir embarquée là-dedans.
- Vu que sans nous, Connor serait sûrement encore en liberté, je pense que c’était pour le mieux.
- Non non, sans toi. D’ailleurs, j’ai un cadeau pour toi, à ce sujet. Regarde dans le placard.



Helena trouva une longue boîte en bois dans le placard qui, une fois ouverte, s’avéra contenir une magnifique rapière. Il n’y avait que de subtiles dorures et un pommeau en bois précieux comme décorations, mais le travail effectué dessus sautait aux yeux même pour une néophyte comme Helena. Quiconque avait fabriqué cette arme avait sué sang et eau pour en faire une œuvre d’art, il n’y avait aucun doute là-dessus.


- C’est… C’est une magnifique épée. Je ne suis pas experte, mais ça n’est pas une lame qu’on trouverait chez le forgeron du coin de la rue. Où est-ce que tu l’as eue ?
- T’as entendu la légende de Fafnir ?
- La légende du prince assez stupide pour refuser une lame parmi les lames supérieures ? Quiconque à étudié l’histoire de Boréa plus de cinq minutes la con-attends, quoi ?! C’est une blague ?
- Non, Helena. Aussi incroyable que ça puisse te paraître, cette arme prend la poussière depuis des siècles dans le grenier de la maison de mes parents.
- Mais… Comment ?
- Mes parents et moi descendons du forgeron de l’arme, tout simplement. Et vu comment notre ancêtre était furieux contre le prince, on s’est toujours refusés à la vendre ou l’offrir à qui que ce soit. Mais…
- Mais ?
- Mais une personne qui me sauve la vie, stoppe un tueur en série et intègre une des divisions les mieux cotées de toute la Marine en gérant un enfant en bas âge, j’estime qu’elle le mérite amplement. Et puis c’est mon héritage, j’en fais ce que je veux. Et mes parents sont d’accord avec moi.
- Je… Je ne sais pas quoi dire… Merci, Petra.
- Je te fais bouffer tes loches si tu le casses, le perds ou le vends, cela dit, OK ?
- Pourras-tu me laisser au moins choisir la sauce ?



Les deux femmes éclatèrent de rire en entendant la réplique d’Helena.


- Sacrée histoire à raconter à mon fils.
- Tu dois toujours me raconter cette histoire, au fait.
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