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Charlivari | Feat. Olek



Charlivari

Bon, on ne va pas se mentir, si mon père me savait ici, je passerais un sale quart d’heure. Je ne peux m’empêcher de lâcher un petit rire en imaginant les traits de son visage déformés par la colère et l’exaspération -image qui s’impose étrangement bien plus facilement à mon esprit que celle de lui souriant, ce qui en dit peut-être beaucoup sur notre relation et intéresserait probablement mon psy si celui-ci existait-.  Il faut dire que dans le clan Avast, on est pas extrêmement friands des secteurs autres que Virus, et c’est peu dire. Plus spécifiquement, on m’a ennuyée plus que de raison sur les dangers qui courent les « rues » de la Jungle.

Autant vous dire que cela n’a fait qu’attiser ma curiosité.

Alors quand Louli m’a parlé d’un festival clandestin se tenant dans la contrée des chimistes fous, vous vous doutez bien que j’étais aussi excitée qu’un ingénieur à qui on aurait promis un nouveau contrat -encore une référence à mon géniteur, il est vraiment dommage que la thérapie n’existe pas dans notre monde, il y aurait sans doute eu des choses à dire à ce sujet-. Quelques nuits plus tard, nous nous faufilâmes discrètement hors du -ô combien luxueux, comme on ne cessait de me le rappeler ainsi que la chance que j’avais d’habiter dans un endroit pareil et d’avoir tout ce que je voulais et que franchement je pourrais me montrer un peu moins ingrate envers mes parents qui se tuent à la tâche pour que nous ne manquions de rien pendant que j’en profite sans aucune gratitude, c’est pas possible ça qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça ?- domaine de la famille Valentine, empruntant les raccourcis connus seulement par mon amie esclave pour rejoindre sans nous faire repérer le quartier voisin.

Je ne sais pas comment Louli fait, mais elle m’épate. Elle est toujours au courant de tout ce qu’il se passe sur l’île, est amie avec toutes sortes de personnes influentes, connaît tous les quartiers comme sa poche. Elle est le genre de fille qui te répondra « Je connais un gars. » d’un air assuré quelle que soit ta demande. Et qui, par-dessus le marché, connait effectivement un gars. Alors, lorsqu’on arrive à la lisière de la Jungle et que le type à l’allure bourrue qui semble garder l’entrée hoche la tête dans sa direction d’un air entendu et nous laisse passer, je ne peux pas dire que je suis surprise. Mais je n’en suis pas moins émerveillée.

Pas aussi émerveillée, cependant, que lorsque je pose mes yeux pour la première fois sur la voûte de la Jungle.

C’est presque irréel. Ces sauvages ont réussi à apprivoiser entièrement la nature, transformant un environnement hostile en un environnement… bon, toujours hostile, mais pas pour les mêmes raisons. Mais surtout, habitable. Tout est si différent de Virus, et pourtant si similaire ; il y a des rues, des habitations, de la vie. Mais tout est encastré dans les arbres et en harmonie avec la nature. Louli s’esclaffe en voyant mes yeux de merlan frit et ma bouche ouverte dans un majestueux « O » à vous faire pâlir de jalousie un hippopotame -drôle de comparaison, je sais- avant de me tirer par le bras et de m’entraîner à travers la foule.

-Viens. Il y a plein de choses à voir, et plus tard il y aura plein d’animations marrantes !

Évidemment, elle connait l’ensemble du programme. Dans ce qu’elle appelle le « festival », tout baigne dans l’effervescence. Il y a des échoppes çà et là, desquelles émanent la plupart du temps des vapeurs aux couleurs plus ou moins… surprenantes, des types qui font des spectacles à même la rue, d’autres qui semblent mendier ou chercher quelque chose en particulier. Autant de distractions pour mon esprit dont la faible capacité de concentration n'est plus à démontrer. En moins d’une dizaine de secondes je lâche la main de Louli pour m’approcher de ce qui semble être à la frontière entre l’échoppe et le bar et avise le propriétaire en montrant ce qu’un type est en train de fumer au comptoir juste à côté.

-Salut. Je veux essayer ça. Tu sais ce que c’est Louli ?



-… Louli ?


Dernière édition par Charlie O. Valentine le Jeu 17 Nov 2022 - 18:41, édité 3 fois
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Olek arpentait North Blue depuis quelques semaines dans le calme le plus total, il ne se passait rien et les quelques iles qu'il avait visitées ne lui avaient fourni aucune occasion de gagner en notoriété ni de foutre le bordel. Il avait bien failli un soir détruire une taverne parce que la bière qu'on lui avait servie était coupée à l'eau, mais alors qu'il avait détruit sa table d'un coup de point titanesque, la propriétaire était sortie de la cuisine en trombe. Une petite dame potelée, épuisée par sa journée avec son tablier délavé, rempli de taches indélébiles, certaines vieilles de plusieurs dizaines d'années, s'avança vers lui. Elle s'excusa une bonne dizaine de fois, courbant l'échine en permanence, lui expliquant que depuis que son mari et son fils, tous deux marines enrôlés il y a plusieurs années pour lutter contre la recrudescence de pirates sur les mers, elle avait énormément de difficulté à joindre les deux bouts.  Qu'elle avait dû changer de fournisseurs et qu'elle n'avait plus les moyens de payer une bière de qualité. Préférant garder ses fonds pour continuer à proposer une qualité dans ses plats, qu'il fallait avouer, étaient délicieux. Le pirate en herbe passa les prochains jours à l'aider, à réparer la table qu'il avait cassée, à combler un trou dans le plancher, à colmater quelques fuites au plafond et à changer les gonds grinçants de la porte d'entrée. La vieille dame, Mireille, était si douce et gentille qu'elle parvenait à l'amadouer à chacun de ses regards et sourires attristés.

À tel point qu'un beau soir, au lieu de casser la gueule et de gifler à la mort deux guignols qui venaient de le bousculer, il les prit simplement par le col et les jeta dehors sous la pluie. C'en était trop, il commençait à changer et ne se reconnaissait plus, ses ardeurs disparaissaient et il commençait à s'imaginer vivre une vie paisible dans cet hameau de bonheur. Il quitta l'auberge dans la seconde, sans un adieu ni regard en arrière, tandis que Mireille, toujours aux fourneaux, continuait à cuisiner ses magnifiques petits plats. Ce soir là, après la fermeture, elle verserait une petite larme et boirait un très bon rhum en son honneur. Olek, lui, forniquerait avec deux ou trois catins avant de reprendre la mer au lever du soleil. Il repenserait toute sa vie à ces quelques jours avec nostalgie, souvenir fugace de ce qu'une vie calme et loin des combats aurait pu être.

Il amarra sur l'ile de Carcinomia avec l'énergie du prédateur qui n'avait rien dévoré depuis des jours. À peine le port quitté qu'il se retrouva dans ce que les autochtones appelaient la Jungle, ce qui le faisait doucement rire, lui natif de l'Amerzone. Cette forêt immense n'avait de jungle que l'apparence, ses habitants n'avaient rien de dangereux et en évoluant entre les ruelles boisées ou le soleil ne pointait que rarement son nez, il ne vit pas grand-chose de sauvage. Quelques vauriens à la mine sombre et au sourire un peu trop éblouissant, des habitations et commerces légitimes, quelques autres un peu moins. Rien de bien intéressant. Olek entendit cependant le mot Vyper à plusieurs endroits, parfois en murmures alors qu'il traversait une foule cosmopolite. Il sut d'instinct qu'il ne trouverait rien d'intéressant ici, il devait chercher un peu plus loin et plus profond, s'éloigner du centre et du monde. Les ennuis ne rôdaient jamais loin et Olek ne vivait que pour eux.

Il mit plusieurs heures à tomber sur ce qu'il cherchait, sans savoir ce qu'il cherchait vraiment. Drôle de paradoxe, mais il était sur l'avoir trouvé à présent. Pour deux raisons, d'une le bruit qui en émanait au fur et à mesure qu'il s'en approchait, de deux, la silhouette peu commode du type devant l'entrée. En fin connaisseur, Olek était persuadé que ce qui s'y tramait n'était ni légal ni respectueux des mœurs, le genre d'endroit idéal pour débuter la soirée. Le soleil s'était couché entre temps et ce fut une véritable masse de muscles de plus de trois mètres de hauteur qui sortit de l'ombre pour se pointer devant le vigile.

- Salut mon Gars, je suis pas d'ici et je cherche les emmerdes, alors soit tu me laisses passer tranquillement soit la réponse sera vite répondue.
- Hein ?

Mauvaise réponse, un petit coup de boule sympathique l'envoya instantanément dans les bras de morphée. Avant qu'il ne s'écrase au sol, Olek le rattrapa et le balança d'un geste nonchalant dans les buissons sur le côté de la route. Il se retourna en entendant du bruit, prêt à continuer sa besogne, mais s'arrêta net en s'apercevant qu'il s'agissait de types déguisés en papillons fluorescents pour l'occasion, la mine effrayée. Le pirate, jouant le rôle du majordome, se plia en deux et indiqua l'entrée du festival d'une main tendue, accueillante.

- Entrée gratuite pour tout le monde, messieurs !

Sans attendre de réponse, il s'emboita le pas à lui-même et les laissa en plan, à se lancer des regards étranges, incertains de la conduite à tenir. En quelques secondes Olek se retrouva au milieu de la fournaise de plaisirs, encerclé par des centaines de personnes en train de danser, crier, hurler et s'enlacer au rythme d'une musique qui faisait autant de bien au moral que de mal aux oreilles. Il se mit en quête d'un peu (beaucoup) d'alcool et de cette fameuse Vyper, bien décidé à se mettre dans l'ambiance le plus rapidement possible. Il prit place au comptoir de la première échoppe sur sa route, quelque peu surélevée, elle permettait une vue d'ensemble du festival qui convenait parfaitement au colosse. Il siffla son premier litre de bière en quelques gorgées, en commanda un deuxième et s'adossa dos au bar pour observer les alentours, une pipe de Vyper au coin de la bouche.  Un petit bout de femme des plus étranges s'approcha de lui, l'observa avec curiosité avant de s'adresser au barman et à son amie imaginaire.

- Si c'est ton amie que tu cherches, elle est partie avec trois types déguisés en papillon.

Olek avait parlé d'un air désintéressé, lui soufflant sa fumée dessus avec désinvolture et provocation. Disait-il la vérité ?
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Charlivari

Admettons-le, les chances pour que Louli ait mué en l’espace de deux minutes à peine et que la voix rauque et masculine qui me répond alors soit la sienne sont plutôt minces. Et comme les lèvres du barman -que je fixe toujours du regard qui m’est si propre et qui d’ordinaire a tendance à mettre les gens mal à l’aise pour une raison que j’ignore- restent obstinément fermées, il ne reste plus qu’une seule solution. Je jette un œil à l’homme, tout aussi stoïque, assis à ma droite. Je laisse quelques secondes s’égrener -il ne faudrait pas bousculer les habitudes- tout en cillant plus que de raison -je commence à comprendre pourquoi ils réagissent tous ainsi- avant de répondre d’un ton qui laisse pressentir le peu de cas que je fais de cette conversation.

-Ça m’étonnerait, elle déteste les champignons.

Enfin je crois.

Mais -fait rare- quelque chose en lui attire mon attention. Ce pourrait être sa taille, mais j’en doute.  On a croisé des mastodontes autrement plus impressionnants dans les ruelles de Favela, et j’ai vu des illustrations de géants dans plusieurs livres -autant vous dire que je suis une pointure dans le domaine. Ses traits anguleux et antipathiques alors ? Non. Si jamais je suis en manque d’hostilité, je n’ai qu’à apparaître devant le patriarche pour assouvir sur le champ ce besoin -au demeurant saugrenu-. C’est lorsque le barman m’apporte la pipe que j’ai commandée qu’un détail me revient à l’esprit. Son accent. Je n’ai jamais entendu cette sonorité. Je songe qu’il est possible que ce soit simplement un pécore d’un coin reculé de l’île, mais mon instinct me souffle autre chose.

Et de toute façon, ils sont tous des pécores.

-Tu n’es pas d’ici, je me trompe ?

Cela ne vous surprendra probablement pas, mais ce genre de petits détails a tendance à raviver mon intérêt pour une personne. Un homme suffisamment motivé pour venir se perdre sur ce morne caillou qu’est Carci’, et réussir à rentrer dans ce festival à la fois secret et privé, cela devait cacher quelque chose. Il y a forcément une histoire croustillante derrière tout ça. Et qui dit histoire croustillante, dit Charlie avide. J’enfonce la pipe qu’on vient de me servir dans ma bouche et commence à tirer une bouffée.

Grossière erreur de la part de la joueuse Carcinomienne.

Vous savez, on dit que les premières expériences de fumette sont douloureuses. Je dois admettre qu’à ce moment précis, je ne suis certainement pas à mon prime. Je sens ma gorge prendre feu tandis que je suis saisie d’une toux digne d’un marin doublement quadragénaire et tuberculeux. Je crois même sentir les larmes me monter aux yeux, même si c’est difficile d’en être certaine tant ceux-ci ont cligné en l’espace d’un instant. Il me faut quelques secondes pour me remettre de mes émotions et la deuxième bouffée -c’est en tombant qu’on apprend à monter à cheval- et déjà moins fatale -bien que je sente encore ma gorge s’irriter volontiers au passage de la fumée. Levant à nouveau mon regard noisette vers l’autre type, je tente de me donner une contenance.

Ce qui, croyez-le ou non, n’est pas chose aisée.

-Mais pourquoi ? Bref. Dis-moi tout, quelle est ton histoire ? Divertis-moi.


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Toutes ces questions lui donnèrent le mal de crâne, ou bien s'agissait-il de cette drogue, Vyper, qui commençait à faire effet ? Il n'en savait trop rien, mais la petite l'agaçait autant qu'elle l'intéressait. Il l'appelait petite, mais elle devait avoir son âge, pas beaucoup plus, et vu comme elle subissait la fumée, elle n'était clairement pas une habituée de ce genre de soirées. Olek l'observa quelques instants, coquette, au regard perçant, empli d'une curiosité intarissable, peut-être même d'une touche de naïveté. Similaire aux enfants qui découvraient le monde pour la première fois. Le pirate conclut qu'elle était soit une illuminée quelque peu simplette, soit une jeune femme aux bonnes mœurs qui ne connaissait pas grand-chose de la réalité qui l'entourait.


Il pencha pour la seconde option, sa tenue chic et propre, couplée au ton avec lequel elle lui avait adressé la parole, démentait une appartenance à la bourgeoisie, ou tout du moins à une classe sociale qui avait l'habitude d'être servie. Olek émit un petit grognement et descendit sa deuxième bière en autant de secondes. Il ne savait pas trop comment réagir face à cet énergumène, s'il s'était agi d'un homme, ils seraient déjà dans la boue en train de se murmurer des mots doux à grand renfort de coups de poing. Mais il n'avait jamais trop eu affaire à ce genre de femmes par le passé, surtout celles de son âge, qui ressemblaient le plus souvent à des Wendigos qu'à des sirènes.

Celle en face de lui n'était ni une fille d'Amerzone, ni une pute, ce qui limitait grandement ses connaissances sur la conduite à tenir. Surtout que son regard était légèrement déstabilisant, elle ne semblait pas le moins du monde inquiète que sa collègue soit portée disparue, au contraire, ça avait l'air d'ajouter un peu plus d'inconnu, et donc d'excitation à sa soirée. Olek prit une nouvelle taffe, jouant des mécaniques en soufflant sa fumée en plusieurs ronds qui s'emboitèrent les uns dans les autres avant de disparaitre. Il décida de répondre à ses questions, après tout, c'était lui qui l'avait accosté, garder le silence aurait le gout d'une défaite et le jeune pirate détestait perdre.


- Je viens de l'Amerzone, tu dois pas connaître c'est sur une autre Blue, mais pour faire simple, imagine que si c'est dieu qui a créé le monde de ses mains, et bien l'Amerzone est sortie tout droit de son fion.  Héhé


Il ria de sa blague, attrapa la bière d'un type qui marchait devant lui et d'un regard à faire pâlir la mort l'encouragea à aller s'en chercher une autre. Il y avait du bon à se retrouver sur une île civilisée, les hommes ici étaient faibles et n'avaient aucune idée de comment réagir face à la violence et l'agression. Cela signifiait qu'Olek pourrait boire gratuitement ce soir et dans le meilleur des cas, il aurait l'occasion de jouer au tambour sur les quelques têtes dures récalcitrantes.

- Vertis-moi !

Oui, il était con, surtout quand l'alcool commençait à monter et croyez-le ou non, il se trouvait hilarant. Ce fut donc un éclat de rire cette fois-ci qui accompagna sa tirade. Il n'y avait pas de meilleur public que soi-même, c'est son daron qui lui avait appris ça quand il était gosse. Du coup, tant que lui était satisfait, rien d'autre n'importait, le ridicule ne tuait pas, encore heureux sinon Olek aurait tenté de se battre contre. Se battre contre une idée, un concept, étrange n'est-ce pas ? Il reprit un minimum de sérieux et plongea ses yeux sombres dans ceux de son interlocutrice.

- Prouve-moi que tu es digne d'écouter mon histoire petite.
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Charlivari

Bien.

Une chose est sûre, ce gaillard n'a pas grand chose à voir avec les bourgeois au balai bien profondément enfoncé dans le fondement que j'ai coutume de côtoyer dans les hautes sphères de Virus. En lieu et place des dîners d'affaire, des bals costumés et des leçons assommantes sur la bienséance, j'ai droit à des culs-sec de bière, des ronds de fumée et des blagues au goût relativement discutable. Quant à sa familiarité, elle est à l'exact opposé de la retenue si inhérente aux membres du clan Avast dont j'ai l'habitude. Bien que Louli -où est-elle passée d'ailleurs?- a commencé à ouvrir mes horizons grâce à nos escapades sur l'île, je fais tout de même face à un genre nouveau.

Pour le meilleur et pour le pire.

Je ne vais pas vous mentir, il est assez rafraîchissant de rencontrer quelqu'un de plus... disons « naturel » que les faux-semblants et le paraître qui règnent sans partage sur le monde d'où je viens. Cela me ressemble bien plus et il ne me faut pas bien longtemps pour me sentir à l'aise -peut-être que ce que je suis en train de fumer joue un rôle là-dedans ?-. D'un autre côté... D'un autre côté, il ne faut pas confondre désinvolture et vulgarité. Et je dois avouer que mes oreilles saignent un peu devant la grossièreté du monsieur. Entendons-nous bien, non pas qu'elles soient particulièrement chastes -loin de là-, mais pour une inconditionnelle de littérature, de contes, chants et autres œuvres nécessitant une plume telle que moi, une telle trivialité en colle une sans ménagement à mes principes. Son « jeu de mots » d'un niveau abyssal m'arrache non sans mal ce qui ressemble -si on a de l'imagination- à un sourire.

Ou à une grimace de douleur.

Vous me direz que rien ne m'oblige à rester attablée -ou ne serait-ce que parler- avec cet individu, et vous auriez sans doute raison. Mais voyez-vous, je ne suis pas femme à m'arrêter aux apparences. Et si cette phrase est aussi véridique que le fait que mon père éprouve une fierté ineffable à mon égard, il n'en est pas moins que son introduction a mine de rien attisé ma curiosité -exception faite, bien entendu, de son allégorie particulièrement douteuse qui me laisse pantoise-. Il vient d'une autre Blue, vous vous rendez compte ? Pour finir par venir s'échouer sur Carcinomia, voilà qui promet une aventure exaltante. Seulement voilà, monsieur fait la fine bouche. Comment ça, prouver que je suis « digne d'écouter ton histoire petite » ? Tu es déjà bien chanceux que je daigne vouloir l'entendre. Certains tueraient pour avoir ce privilège. Enfin pas encore, mais cela ne saurait tarder.

Mais soit, jouons le jeu.

-Connais-tu l'histoire du vagabond vaniteux ?

Inspiration.

Il était une fois un vagabond qui parcourait les îles.
L'homme était bon, généreux et habile.
Partout où il allait, le vagabond aidait.
Sur son chemin les pauvres étaient nourris.
Et de sa main, les tyrans déchus.
Il s'était fait beaucoup d'amis,
pourtant il restait un inconnu.
Un beau jour un page lui dit :
« ô sauveur, ne veux-tu pas que je conte tes exploits ? ».
Et le vagabond de répondre :
« Hélas conteur, je crains que tes talents ne suffisent pas. ».
Et partout où l'on pouvait le voir,
Il refusait que l'on narre son histoire.
« Ce conteur n'est pas à la hauteur »,
« Celui-là est bien trop plat »,
« celui-ci manque de génie ».
Aucun, jamais, ne l'a satisfait.
L'orgueil fut son écueil.
Si bien que lorsque vint son heure,
Il n'avait aucun compagnon.
Tous oublièrent son nom.
Hormis votre humble conteur...

Le sous-entendu est grossier. Mais que voulez-vous, on s'adapte à son public. Pour tout vous dire, cette histoire est en grande partie issue de mon imagination, le conte original faisant normalement mention de rédemption et se terminant fort différemment. Mais parfois, la morale est plus importante que l'exactitude du récit, vous ne croyez pas ? Avec une telle mentalité, je m'amuse à penser que je suis déjà prête pour écrire les prochains livres d'Histoire... Toujours est-il que j'espère que ma prestation a fait son petit effet. Ce qu'il y a de sûr, c'est que ça m'a donné soif de parler autant. Je fais un signe au tavernier, lui indiquant que je souhaite la même choppe de bière que mon interlocuteur, avant de me tourner vers ce dernier, lui offrant un petit sourire condescendant.

-Ça m'a donné soif de parler autant. Répété-je, tout en trempant les lèvres avec un soupir de satisfaction dans ma toute nouvelle boisson, que le patron m'a servi avec une rapidité déconcertante pour les besoins de la narration. Alors, acceptes-tu de me raconter ce qui a bien pu t'amener du fruit du fondement de Dieu jusqu'à son trou ?


Dernière édition par Charlie O. Valentine le Jeu 17 Nov 2022 - 18:42, édité 2 fois
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Mouais c'était pas mal, mais sa petite tirade n'avait aucun lien avec lui, pensait un Olek perplexe. Même si la terre entière adorait ces histoires de héros, lui n'en avait clairement rien à foutre, à ses yeux, l'orgueil du type dans son poème avait fait plus de bien que de mal aux potentiels auditeurs, il y avait tellement de contes à la mords-moi-le-nœud sur ces pseudos hommes de bien qu'un de moins était une chose à fêter ! Ces contes étaient si nombreux et d'un prévisible à mourir d'ennui qu'il but quelques gorgées en signe de reconnaissance à cette pensée.

La vie d'Olek est de celles que l'on ne raconte qu'au coin du feu à la belle étoile pour effrayer les copains, ou à ses gosses pour ne pas qu'ils recommencent leurs conneries. Prit dans le moment, il s'autorisa une caricature ridicule, le mieux qu'il pouvait faire évidemment, mais jamais il ne l'avouera. D'une voix faussement grave où perçait une pointe de moquerie, il tonna:

Ça ne marche pas ton histoire,
Parce que si je te la raconte,
Tu peux me croire,
Elle n’aura rien d'un conte,
Personne ne voudra écouter ce que tu as dire,
Elle empêchera même les enfants de dormir !

Tu vois, ce n’est pas dur de faire des rimes,
C'est comme commettre des crimes,
Et pour ça, y'a pas plus doué que moi sur les Blues,
Et ouais, pour mes pauvres victimes c'est la lose !


Il bomba le torse, tout fier qu'il était de son petit numéro. Il venait d'écorcher les oreilles baladeuses de nombreuses personnes, curieux malotrus qui avaient commencé à écouter leur discussion suite à la prise de parole de la jeune femme. Au moins ce soir là il ne s'agirait que d'une figure de style, il n'y a pas si longtemps de ça le colosse écorchait littéralement des oreilles, entre autres parties du corps toutes aussi sensibles. Malgré son petit manège et son ton moqueur, quelque chose dans les yeux de son interlocutrice le motiva à prendre un tantinet au sérieux sa requête. Il mit quelque temps pour répondre, non pas pour créer un quelconque suspens, mais pour réellement prendre le temps de la réflexion, chose qu'il ne faisait que très rarement. Olek, sans être simplet, était un homme d'action et d'instinct, pourquoi délibérer bêtement si chaque décision prise sur l'instant avait été la bonne ? En accord avec l'essence même de son être et de ses principes ? Qu'ils soient douteux ou pas n'était pas la question, heureusement. Il ne baissa pas le ton, il n'avait rien à cacher et peur de pas grand-chose, rappelez-vous.

-Rien à voir avec le désir de reconnaissance minable, je m'en contrefiche qu'on connaisse nom. Oh ! Tout le monde le connaitra surement bientôt, mais ce ne sera qu'une conséquence de mes actes, actes dictés par ma seule conscience et mes envies. Aucun rapport avec ces misérables prêts à tout pour attirer l'attention, dont chaque geste de bonté est calculé et dissimule un intérêt égoïste. Personne ne demande "pourquoi ?" au soleil lorsqu'il crame des récoltes et que la pluie de tombe pas, personne ne demande "pourquoi ?" à la mer et au vent lorsque, indomptables, ils engloutissent des navires entiers. Je n'ai pas besoin de raison pour agir, je fais, un point c'est tout.  

Venait-il de se comparer à une catastrophe naturelle ? Oui. La taille de ses mollets avait-elle une limite ? Non. Mais sans parler de vanité ou d'excès de confiance, Olek ne réfléchissait pas comme le commun des mortels. Il vivait dans un autre monde, ne suivait aucune des règles sociétales et de morale universelle. Il tentait pourtant de suivre une conduite, un code, dicté par son père lorsqu'il était jeune, mais qu'il ne respectait qu'à moitié. Il tira longuement sur la fin de son bédo, appréciant la légère brulure de chaleur qui emplit bouche et poumons, avant d'enfin terminer son monologue d'une réponse.

- Du coup je suis venu ici parce que je pouvais. Sans but ni raison particulière, c'était sur mon chemin tout simplement, sur ma route vers nulle part. Je n'ai ni destination ni objectif. Je vis pour maintenant, pour cette discussion, pour cette bière, pour ce connard qui me regarde mal là-bas et que je vais pas tarder à gifler, mais je vis aussi pour demain et l'inconnu qui m'y attend.

Olek habituellement peu bavard, venait de se livrer peut-être pour la première fois de sa vie, à croire que la petite avait un don.
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Charlivari

En toute franchise, je suis plutôt agréablement surprise de voir que monsieur est capable de faire de l’esprit. Bon, il ne m’offre pas non plus une performance à crever le plafond, il faut dire les mots. Faire rimer « raconte » avec « conte », mon cousin de six ans en serait probablement capable -et le simplet éprouve des difficultés à lacer ses chaussures seul, c’est vous dire le niveau-, et il arborerait sans doute le même air passablement satisfait. Mais j’apprécie le geste. Du moins j’essaye. Difficile de ne pas imiter les passants qui après être passés de la curiosité à la stupeur ont tracé leur route sans demander leur reste. Mais j’ai toujours une histoire à entendre. Celle-ci ne tarde d’ailleurs pas -à mon grand soulagement- à venir.

Et c’est à la fois étrangement bien meilleur et encore pire.

L’authenticité que je perçois dans sa voix lorsqu’il me raconte sa philosophie est bien plus agréable à entendre que l’ironie maladroite dont il faisait preuve encore quelques secondes auparavant. Et étrangement je trouve son allégorie beaucoup plus poétique -quoique légèrement orgueilleuse, mais suis-je réellement bien placée pour juger ?- que le ramassis de rimes faciles qu’il a cru bon de me sortir. En fermant les yeux, je peux m’imaginer le vent allant et venant, libre de toute contrainte, ne se souciant pas le moins du monde de ce qu’il renverse sur son passage. Et je trouve ça presque beau. Vous vous en doutez, la liberté dans un état aussi pur, ça m’affecte au plus profond de ce qui me sert de tripes. Et d’un autre côté…

D’un autre côté, son histoire est loin d’être aussi intéressante que ce que j’espérais. Et je pèse mes mots. Alors comme ça il a juste… atterri ici ? Sans aventure homérique ou combat épique à vous dresser la pilosité des avant-bras ? Le public est déçu. Si j’avais voulu entendre l’histoire d’une personne qui vit au jour le jour et qui n’a pour seules ambitions que celles que le vent -le vrai, cette fois- lui porte, je me serais écoutée moi-même -en toute humilité, cela va de soi-. Difficile de masquer ma désillusion dans les secondes de silence qui suivent son récit. S’il est monté dans mon estime en tant qu’individu, son potentiel d’intérêt est quant à lui drastiquement descendu. Je reprends une gorgée de houblon, puis une bouffée de pipe, le temps de trouver quoi répondre.

-Oh ok je vois…

Incarnation même, à cet instant précis, de ma bonne étoile, voilà la silhouette de Louli qui s’arrache de la foule pour venir m’arracher, moi, à ce moment gênant. Même en utilisant toute la concentration à ma disposition -à savoir pas grand-chose-, il m'est difficile de savoir si son visage exprime la colère de m’avoir vue lui fausser compagnie, le soulagement d’avoir retrouvé ma trace ou l’inquiétude de me voir une nouvelle fois fricoter avec un étranger à l’air patibulaire en dépit du bon sens.

À mesure qu’elle se rapproche, le doute s’estompe cependant peu à peu.

-Tiens, coucou Louli, quoi de n…. Elle se saisit sans ménagement de la pipe qui quitte à peine mes lèvres pour l’éloigner ostensiblement de moi. -Ça, c’est non. -Mais je. Puis se sert une grande lampée dans ma bière sans me demander mon avis. -Ça, ok. -Aaaah, ok. -Ok ? -Ok.

Et la rouquine de me prendre par la main.

-Allez viens, j’ai trouvé quelque chose qui va te plaire : il y a un concours d’imitation du Soul King.

Mon regard s’illumine.

-Oh !

Je me tourne vers Olek. J’ai l’impression d’avoir malgré tout some unfinished business avec le pirate.

-Tu viens ? Ça va être marrant. Au fait, tu t’appelles comment ?


Dernière édition par Charlie O. Valentine le Jeu 17 Nov 2022 - 18:43, édité 2 fois
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Étrange, elle sembla quelque peu déçue, comme si la venue d'Olek sur Carcinomia devait correspondre à son physique titanesque, qu'il devait être en poursuite d'une quelconque quête héroïque aussi impressionnante que la taille de ses biceps. La petite vivait vraiment dans un monde féerique, tant mieux pour elle, qu'était la vie sans rêves, surtout en cage, aussi dorée fût-elle ? Il s'imagina le quotidien de la petite et se dit qu'à sa place lui aussi serait probablement en quête de grandeur et d'histoires rocambolesques. Mais lorsque la vie est un film d'action permanent aux rebondissements incessants, le moindre moment de répit est d'une saveur umami.

Encore plus étrange, ce qui le troubla fut sa réponse évasive et le désintérêt qu'il vit s'immiscer dans son regard alors qu'il terminait de parler. Non, elle ne voyait probablement pas, elle n'avait aucune idée de l'euphorie qu'offrait la possibilité de littéralement tout faire, de n'avoir aucune attache, qu’elle soit physique ou émotionnelle. De n'avoir de compte à rendre à personne et d'avoir la puissance et la force d'assumer ses choix. D'être à peine majeur et d'être déjà recherché par le gouvernement mondial pour des crimes qui, à priori, feraient pâlir les fesses d'un albinos. Qu'il n'avait pas besoin de chercher l'aventure parce qu'elle venait à lui, Olek était l'Aventure, c'en était même fatigant parfois. Peut-être était-ce ce qu'elle voulait entendre, des anecdotes à faire trémousser ses petites guibolles d'excitation !

Il fut tenté de lui en dire plus, de lui parler de la personne qu'il cherchait, il se sentait piqué dans son égo, lui qui se croyait au-dessus de l'intérêt que les gens pouvaient lui porter. Il peinait à comprendre ce nouveau sentiment, surtout envers une banale inconnue. À croire qu'il n'était pas si libre que ça. Quelque chose en lui voulait l'impressionner, lui montrer qu'il était bien plus que ce qu'elle pensait à tort, mais ce quelque chose, probablement un mélange de fougue d'adolescent et de fierté mal placée, était infime en comparaison de son vécu et de l'amour qu'il avait pour lui-même.

Il s'avachit un peu plus sur le comptoir et répondit dans un sourire.

- Je m'appelle Olek. Et je ne pense pas qu'on ira bien loin.

Au même moment, des cris d'alertes et de détresses se firent entendre par-dessus le bruit de la musique, qui partit dans un grésillement aigu avant de s'éteindre complètement. En quelques secondes ce fut le chaos total. La milice du clan Omega venait d'encercler le festival et rabattait de manière professionnelle les quelques centaines de fêtards au centre l'esplanade. Deux ou trois courageux tentèrent de passer entre les mailles du filet pour ne récolter au final que des coups de matraques et de pieds au cul, avant d'être sauvagement jetés au sol. Quelques drogués ne réalisant pas encore la situation continuaient à danser et chanter, ils furent calmés rapidement de la même manière, sans ménagement et avec un sadisme étonnant. Le colosse haussa les sourcils, ces types savaient y faire. Il attrapa un baril entier de derrière le bar qu'il arracha avec son tuyau et descendit à la suite des deux filles, ils furent escortés jusqu’à la place centrale par une dizaine de policiers. Ils menaçaient Olek de leurs bâtons, mais sans pour autant trop s'approcher, méfiants et déstabilisés par sa carrure. Olek se permit une petite boutade en baissant la tête vers la petite bourgeoise.

- Tes souhaits sont exaucés ma jolie ! Tu vas avoir le droit à de l'action ! De la bonne vieille bagarre !

La pointe de sarcasme dans sa voix était aussi pointue que la tête d'une flèche, mais il y avait heureusement de l'amusement et de la joie qui venaient adoucir ses bords. Le colosse était sincèrement ravi de la situation, mais à l'inverse de sa déclaration, il ne fit rien d'autre que se laisser tomber au sol, en tailleur, son fût de bière entre les jambes et la paille de fortune dans le coin de la bouche. Le spectacle pouvait commencer ! Qu'allait-il se passer ?

Trois types aux allures de durs à cuire montèrent sur l'estrade, des membres de la famille Omega aux dents bien trop blanches, preuve qu'ils consommaient ce qu'ils interdisaient aux autres. Célèbre stratégie du "faites ce que je dis pas ce que je fais". Le silence se fit rapidement dans l'audience qui attendait tristement son sort tandis que le plus petit des trois ouvrait la bouche, ou son phare plus précisément vu l'éclat de lumière qui en sortait.
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Charlivari

Comment ça, « je ne pense pas qu’on ira bien loin » ? Ah, ok. Il ne me faut que quelques secondes pour comprendre ce qu’il veut dire. La fête est finie. Les miliciens débarquent de tous les recoins pour encercler les festivaliers, mettant fin aux festivités. La musique s’arrête, et pendant quelques minutes le chaos règne, bien vite étouffé par la rigueur -étonnante, quand on connaît la réputation du clan- avec laquelle la flicaille rabat tout ce beau monde au centre de l’esplanade. Comme à son habitude, Louli a compris en un éclair ce qu’il était en train de se passer. A peine Olek a-t-il le temps de m’infliger sa plaisanterie qu’elle m’entraîne par le bras dans une artère à l’abri des regards indiscrets.

Alors oui mais non.

Je suis venue faire la fête moi. Et ce n’est pas une bande de dentiers scintillants en tutus qui va m’en empêcher. Certainement pas alors qu’on vient seulement d’arriver -rendez-vous compte, j’ai à peine eu le temps de descendre ma première pinte-. Il est hors de question que j’en reste là aussi facilement. Certains disent que c’est ma plus grande qualité, mes parents et tous les gens touchant un tant soit peu à mon éducation ont plutôt tendance à pencher pour mon plus gros défaut. Je parle bien évidemment de mon incapacité chronique à considérer « non » comme une réponse acceptable et plus généralement mon manque d’égard pour toute forme d’autorité.

Personnellement, je me fiche comme de ma première robe de savoir si c’est une qualité ou un défaut.

-De la bonne vieille bagarre ?! Je m’en fous de ça moi. On m’a promis un concours d’imitation du Soul King.

Profitant de l’un des rares instants d’inattention de Louli, je m’arrache à sa vigilance et me mets à courir vers l’estrade où les trois miliciens ont pris place. En chemin, j’attrape un masque tombé au sol, sans doute abandonné là par un festivalier en panique. Entièrement noir, dans un style à mi-chemin entre la citrouille et le squelette, il fera parfaitement l’affaire. Il ne sera pas dit que j’ai rendu les armes à la première injonction venue -c’est que j’ai une réputation à tenir moi, voyez-vous-. J’avale les marches de l’estrade avant de m’adresser au premier des trois, qui semble trop surpris par la contre-attaque pour faire quoi que ce soit.

-Eh, toi là ! Tu sais qui je suis ?

-Euh… non ?

-Parfait.

Le masque passe de ma main à mon visage tandis que j’offre mon plus large sourire au soldat avant de me tourner vers l’esplanade où des dizaines de gens avaient été rassemblés.

-Yohoho, je suis le Soul King, Brook est mon nom !
Eh toi, peux-tu me montrer ta culotte ?
Avant qu'ils ne me passent les menottes
Veuillez m’excuser, j’ai oublié mon violon.
Heureusement pour ma prestation
Que je ne suis pas aussi aphone.
On dirait, vu l’absence de compétition,
Que de ce concours, je suis la championne…


Les trois gardes, d’abord abasourdis par l’absurdité de mon comportement -que personnellement j’appellerais plutôt « audace » mais soit-, finissent par se ressaisir eux et me saisir moi. J’éclate de rire au moment où deux mains agrippent mes bras -je ne sais pas ce qu’il y avait dans cette pipe, mais on dirait que ça commence à faire diablement effet- et me penche en arrière dans une position de gamine possédée, mon visage désormais à l’envers fixant Olek toujours assis au milieu de l’esplanade.

-C’est ça que t’appelles de la bonne vieille bagarre ? Si tu veux faire un truc c’est quand tu veux hein. Moi j’m’en fous j’ai gagné le concours.


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Bon, c'était une certitude, la petite avait clairement un grain, pensait Olek. Il explosa de rire et se redressa de tout son long, il tangua légèrement, le sol bougeait sous ses pieds ou peut-être que c'était lui qui ne contrôlait plus trop ses jambes. Il semblerait que mixer le Venner avec de l'alcool décuplait les effets des deux substances. Il rigola bêtement en se rendant compte qu'il voyait double et que des formes géométriques les unes plus étranges que les autres apparaissaient ci et là dans son champ de vision. Sortir la petite bourgeoise de cette situation dans son état serait difficile, mais stimulant et très certainement amusant. Pas besoin d'y réfléchir plus longtemps.
Alors qu'elle criait comme une possédée, ou chantait, cela dépendait des points de vue, il arma du bout de son bras le tonneau à moitié plein, ou à moitié vide, encore une fois, ce n'était qu'une question de perspective.

Une perspective qui, pour le coup, devenait rapidement vraiment bizarre, son champ de vision n'était plus qu'une explosion de couleurs et de formes. Les trouble-fêtes, les membres du clan Omega étaient représentés par des rectangles rouges qui encerclaient des ronds plus ou moins gros, rebondissant les uns contre les autres, probablement les fêtards. Il chercha la petite du regard sur l'estrade, il ne vit que deux méchants rectangles tenir fermement un polygone régulier étoilé de couleur jaune. Il se dit que ce devait être la petite folle et jeta de toutes ses forces son bidon dans cette direction. Sa stratégie ? Faire un strike et permettre à la petite d'échapper à l'emprise de ses tortionnaires. Risquait-il de la blesser par la même occasion ? Probablement. Y avait-il pensé ? Pas le moins du monde.

Il prit la direction du podium dans le prolongement de son projectile. Quelques rectangles, mais surtout beaucoup de ronds étaient sur son chemin, il essaya, tout au plus quelques secondes, de n'écraser et shooter du pied que les trucs avec des angles droits, puis se rendit compte de la futilité de la tache et se mit à exploser sans distinction tout ce qui se trouvait sur sa route. Au lieu de gerbes de sang, c'était des éclats de confettis qui giclaient dans tous les sens lorsqu'il frappait un peu trop fort. Les cris de paniques, de douleurs et de désespoirs presque rythmés sonnaient comme une douce mélodie dont il était le chef d'orchestre. Une cacophonie effroyable et funeste pour tout le reste des victimes et témoins.

Oh il prenait des coups bien sûr, mais son état d'ivresse le rendait insensible à la douleur, il riait comme un gosse alors qu'il tuait des dizaines d'innocents entre hallucinations et éclairs de folie. Olek n'apprendrait que bien plus tard que le baril qu'il avait subtilisé et bu de moitié n'était autre que de l'absinthe de Vyper. Ce qu'il avait bu aurait pu coucher la moitié des camés du festival, mais sa constitution surnaturelle et ses gènes de géant lui permettaient de tenir debout, au grand dam des hommes et femmes autour de lui. Son seul but était d'atteindre l'étoile jaune, il ne savait plus vraiment pourquoi, juste qu'il devait le faire.

La milice débordée par la situation ne pouvait plus contenir la foule hystérique qui tentait de fuir le colosse psychopathe. Les gens couraient dans tous les sens, se marchaient dessus, se bousculaient, le chaos était omniprésent avec en son centre Olek qui ne se rendait pas compte du carnage qu'il causait, pensant être en train de jouer dans une piscine à boules et marchant quelques fois sur des legos. Il finit par atteindre l'estrade, sans y monter il se retrouva nez à nez avec la petite étoile jaune, il tenta d'articuler quelques mots, mais vomit un geyser immense, une cascade de liquide aussi visqueux que puant qui manqua de peu de noyer une dizaine de personnes en contre bas.  Un rot tonitruant aux effluves de Vyper s'ensuivit qui fit trembler cœurs et tympans des survivants.

- T'es qui déjà ?

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Charlivari

Ouille. Note à moi-même : on dirait bien que mon compagnon de fortune prend les choses très au pied de la lettre. Je lui ai demandé une bagarre, je l’ai eue. Derrière le masque que je viens « d’emprunter », je ne peux retenir une grimace en voyant le carnage qui se produit sous mes yeux. Exploit parmi les exploits, Olek a l’air encore plus possédé que moi. C’en est presque effrayant, et toutes les pauvres âmes à moins d’une dizaine de mètres de lui ont l’air plutôt d’accord avec ce constat. Son rire dément fait écho au mien tandis qu’il donne et reçoit toujours plus de coups. D’où je suis, j’arrive presque à entendre les os craquer tant la violence est palpable. Techniquement, je crois qu’il est plus ou moins en train de « gagner » -en tout cas si l’on compare le nombre de dents perdues-, mais son corps va probablement finir par lâcher.

Ou pas.

Au milieu de ce spectacle macabre -qui, soit dit en passant, m’aurait sans doute valu dix bonnes années de thérapie pour peu que je n’aie pas été à cet instant précis sous l’emprise de psychotropes altérant ma conception de la réalité-, le colosse semble pris d’un instant de lucidité en posant sur moi ses yeux injectés de sang et tente habilement de m’aider à me défaire de mes geôliers en… en balançant une barrique droit en direction de ma trogne. Oui oui, vous avez bien lu. Par miracle, je parviens à éviter le projectile in extremis en me contorsionnant d’une manière dont seul mon étrange corps a le secret. Le troisième garde derrière moi n’aura lui pas cette chance et se mange un tonneau en pleine poire, ce qui m’arrache un nouvel éclat de rire.

Bon. On rigole, on rigole, mais on voit pas le fond du bol hein. Avec tout ça, j’ai toujours deux lascars suspendus à mes bras. Or je pense qu’il est grand temps pour moi de profiter du chaos ambiant pour fausser compagnie à la compagnie. Je connais les gaillards du clan Oméga, et ce ne sont pas des tendres. Il s’agirait de pas trop traîner dans les parages. Je crains hélas que leur demander gentiment de me laisser partir risque de ne pas être suffisant.

Mais ça ne coûte rien d’essayer.

Rassemblant le peu de sérieux en moi, je chausse mon air le plus autoritaire possible -ce qui, soyons honnêtes, n’est pas très impressionnant, et est de toute façon totalement inutile étant donné que mes traits sont toujours dissimulés par le masque que je porte- et relève la tête en direction des deux miliciens qui me retiennent.

-Allez, on me lâche maintenant !

A cet instant précis, prenez-moi pour une folle, je ressens comme une présence dans mon dos. Froide, éthérée, comme surnaturelle. Mais lorsque je me retourne, la scène derrière moi est aussi vide que le cerveau d’Olek à cet instant précis. Allons bon, quelles sont encore ces inepties ? En revanche, contre toute attente, ma tentative d’intimidation semble fonctionner à merveille sur les deux miliciens dont le teint a pâli au point de pratiquement se confondre avec la couleur de leur dentition Colgate © et qui me libèrent pour s’enfuir en titubant, livides comme s’ils venaient de faire la rencontre d’un fantôme. Eh bien, on dirait que ce masque est plus effrayant que ce que je pensais. Je crois bien que je vais le garder, en souvenir. C’est ce moment que choisit Louli pour me rejoindre sur l’estrade après s’être frayé un chemin à travers la foule en panique.

-On s’arrache !

Et je ne pourrais être plus d’accord avec cette suggestion. Mais il me reste une chose à faire. Où en est ce prince charmant d’Olek ? Je me retourne vers la foule pour chercher du regard mon nouveau compère de beuverie… et me retrouve nez-à-nez avec une gerbe diluvienne composée vraisemblablement de ce que contenait l’estomac de ce dernier encore quelques secondes plus tôt. Peut-être même il y a une semaine, vu l’odeur, si vous voulez mon avis. Mon impeccable tenue se retrouve instantanément aspergée, repeinte et parfumée dans des tons dont je me serais volontiers passée sous mon regard horrifié. Mon visage toujours dissimulé se tord d’une nouvelle grimace, de dégoût celle-ci. Mais je ne peux pas dire que je suis vraiment surprise. Coupée nette dans mon élan, il me faut quelques secondes pour me remettre du choc. Puis, du haut de l'estrade, je m'accroupis pour me mettre un peu plus à son niveau -physiquement-.

-Je suis celle qui empêchera les enfants de dormir avec ton histoire, Olek du fion de Dieu. Bien. Il n’est de si bonne compagnie qui ne se quitte.

Et mon illustre -mais néanmoins souillée- personne d’emboîter le pas à Louli pour discrètement nous frayer un nouveau passage à l’écart de la panique totale qui règne toujours en maîtresse sur la place du festival.
Spoiler:


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-Je suis celle qui empêchera les enfants de dormir avec ton histoire, Olek du fion de Dieu. Bien. Il n’est de si bonne compagnie qui ne se quitte.

Une phrase qui résonna longtemps dans sa tête cramée par les substances chimiques. Il reprenait petit à petit conscience de la réalité et du carnage qui l'entourait. Son crâne était une chaudière bouillante dans laquelle on secouait des cailloux. Il devait lutter pour ne pas s'arracher les yeux tant la douleur derrière ceux-ci était vive.  Olek n'avait jamais vécu un trip de ce genre et ne réalisait pas encore toute l'étendue du massacre qu'il venait de causer. Pour la première fois de sa vie, et de sa récente carrière de pirate, il venait de tuer des civils, des innocents qui n'avaient fait rien d'autre que s'amuser. Son père devait se retourner dans sa tombe et le colosse ne serait pas surpris de le voir un jour en sortir pour venir le châtier. Il s'agissait d'un point de non-retour, il serait surement recherché après ça et sa tête serait mise à prix lorsque les autorités mettraient un visage sur le coupable. Le colosse se rendit compte que cela ne le dérangeait pas, il se savait au-dessus des lois humaines, se sentir mal pour ses victimes revenait à avoir de la peine pour les fourmis et bestioles qu'il écrasait par inadvertance.

Cette expérience l'avait fait grandir et elle valait bien quelques pots cassés. Olek avait appris qu'il ne fallait pas boire dans un baril dont il ne connaissait ni le contenu ni la provenance, une grande leçon de vie qui l'aiderait sans nul doute dans un futur proche. Les cris de lamentations des blessés se mêlaient aux hurlements de terreurs et ne sonnaient plus aussi élégamment à ses oreilles.  Le meurtrier décida qu'il était pour lui aussi temps de profiter de tout ce merdier pour disparaitre. Son souffle était rauque et ses blessures autant que les symptômes d'une redescente de l'autre monde le ralentissaient, mais personne ne semblait vouloir le prendre en chasse. Bien trop heureux et soulagés de voir le responsable de cette boucherie s'enfoncer dans la jungle.

Ce soir-là il panserait ses blessures dans une grotte, seul, versant du rhum volé sur ses plaies et se couvrant de draps de lit déchirés en guise de bandages. Il ne dormirait pas beaucoup, ses yeux toujours injectés de sang et les pupilles aussi noires que ses pensées, il fixerait les braises de son feu de camp jusqu'au levé du jour. Il sut et comprit qu'il ne serait jamais fier de son acte, mais qu'il ne se morfondrait pas non plus, il n'avait jamais eu d'empathie pour les faibles et ne possédait aucune intelligence émotionnelle. Olek ne rejetterait jamais la faute sur les drogues qui ne faisaient que décupler ce qui cohabitait au plus profond de son être, une partie de lui qu'il cherchait à maitriser.

Il eut également une pensée pour la jeune femme qu'il avait rencontré au cours de cette journée bien plus proche du rêve que de la réalité. Était-elle vivante ou s'agissait-il encore une fois d'un morceau de son imagination ? Un être créé de toute pièce pour l'aider à contrôler sa folie ? Le colosse se rendit compte qu'il ne connaissait même pas son nom, mais se dit que si elle était bien réelle, elle ne tarderait pas à quitter cette petite île et voguer vers l'aventure qu'elle idéalisait tant. Son petit doigt lui murmura enfin que si les vents le souhaitaient, ils se retrouveraient un jour à leur croisée.
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