Charlivari
Bon, on ne va pas se mentir, si mon père me savait ici, je passerais un sale quart d’heure. Je ne peux m’empêcher de lâcher un petit rire en imaginant les traits de son visage déformés par la colère et l’exaspération -image qui s’impose étrangement bien plus facilement à mon esprit que celle de lui souriant, ce qui en dit peut-être beaucoup sur notre relation et intéresserait probablement mon psy si celui-ci existait-. Il faut dire que dans le clan Avast, on est pas extrêmement friands des secteurs autres que Virus, et c’est peu dire. Plus spécifiquement, on m’a ennuyée plus que de raison sur les dangers qui courent les « rues » de la Jungle.
Autant vous dire que cela n’a fait qu’attiser ma curiosité.
Alors quand Louli m’a parlé d’un festival clandestin se tenant dans la contrée des chimistes fous, vous vous doutez bien que j’étais aussi excitée qu’un ingénieur à qui on aurait promis un nouveau contrat -encore une référence à mon géniteur, il est vraiment dommage que la thérapie n’existe pas dans notre monde, il y aurait sans doute eu des choses à dire à ce sujet-. Quelques nuits plus tard, nous nous faufilâmes discrètement hors du -ô combien luxueux, comme on ne cessait de me le rappeler ainsi que la chance que j’avais d’habiter dans un endroit pareil et d’avoir tout ce que je voulais et que franchement je pourrais me montrer un peu moins ingrate envers mes parents qui se tuent à la tâche pour que nous ne manquions de rien pendant que j’en profite sans aucune gratitude, c’est pas possible ça qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça ?- domaine de la famille Valentine, empruntant les raccourcis connus seulement par mon amie esclave pour rejoindre sans nous faire repérer le quartier voisin.
Je ne sais pas comment Louli fait, mais elle m’épate. Elle est toujours au courant de tout ce qu’il se passe sur l’île, est amie avec toutes sortes de personnes influentes, connaît tous les quartiers comme sa poche. Elle est le genre de fille qui te répondra « Je connais un gars. » d’un air assuré quelle que soit ta demande. Et qui, par-dessus le marché, connait effectivement un gars. Alors, lorsqu’on arrive à la lisière de la Jungle et que le type à l’allure bourrue qui semble garder l’entrée hoche la tête dans sa direction d’un air entendu et nous laisse passer, je ne peux pas dire que je suis surprise. Mais je n’en suis pas moins émerveillée.
Pas aussi émerveillée, cependant, que lorsque je pose mes yeux pour la première fois sur la voûte de la Jungle.
C’est presque irréel. Ces sauvages ont réussi à apprivoiser entièrement la nature, transformant un environnement hostile en un environnement… bon, toujours hostile, mais pas pour les mêmes raisons. Mais surtout, habitable. Tout est si différent de Virus, et pourtant si similaire ; il y a des rues, des habitations, de la vie. Mais tout est encastré dans les arbres et en harmonie avec la nature. Louli s’esclaffe en voyant mes yeux de merlan frit et ma bouche ouverte dans un majestueux « O » à vous faire pâlir de jalousie un hippopotame -drôle de comparaison, je sais- avant de me tirer par le bras et de m’entraîner à travers la foule.
-Viens. Il y a plein de choses à voir, et plus tard il y aura plein d’animations marrantes !
Évidemment, elle connait l’ensemble du programme. Dans ce qu’elle appelle le « festival », tout baigne dans l’effervescence. Il y a des échoppes çà et là, desquelles émanent la plupart du temps des vapeurs aux couleurs plus ou moins… surprenantes, des types qui font des spectacles à même la rue, d’autres qui semblent mendier ou chercher quelque chose en particulier. Autant de distractions pour mon esprit dont la faible capacité de concentration n'est plus à démontrer. En moins d’une dizaine de secondes je lâche la main de Louli pour m’approcher de ce qui semble être à la frontière entre l’échoppe et le bar et avise le propriétaire en montrant ce qu’un type est en train de fumer au comptoir juste à côté.
-Salut. Je veux essayer ça. Tu sais ce que c’est Louli ?
…
-… Louli ?
Dernière édition par Charlie O. Valentine le Jeu 17 Nov 2022 - 18:41, édité 3 fois