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À bord de Vaillant, sur la Mer de tous les Périls, à une journée de navigation de Drum.
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À bord de Vaillant, sur la Mer de tous les Périls, à une journée de navigation de Drum.
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La température baisse de plus en plus sur notre navire, Meira fait son maximum pour nous faire prendre des courants nous emportant plus rapidement vers notre destination. Je sens parfois le navire se faire emporter dans tous les sens, j’entends les bruits extérieurs, je sais qu’une tempête est en train de faire rage et malgré cela … Meira reste présente et debout, elle tient bon la barre et nous guide vers Drum. Tandis que je reste au chevet de Lise, combien de temps est-ce que ça fait maintenant qu’elle n’a pas ouvert les yeux ? Douze heures ? Peut-être même plus. Je ne saurais l’affirmer, le temps semble comme suspendu à cette cabine, je suis dans l’impossibilité de juger les minutes, les heures qui s’écoulent dans le monde réel.
Je me sens totalement vide, je n’ai pas mangé ni même fermé l’œil depuis que nous sommes partis de Little Garden, m’efforçant de garder un œil sur l’état de ma capitaine. Les dégâts que James lui a fait sont énormes … elle aura des séquelles physiques externes, et alors je ne parle pas de l’interne, certain de ses os doivent être brisés. Mes connaissances en médecine sont limitées à cet instant et je m’en veux. Je m’en veux de ne pas être aussi érudit et pointilleux que ces médecins de Drum, j’aimerais tant avoir des réponses là tout de suite au mal qui ronge ma meilleure amie, et pourtant … je ne sais pas expliquer ce qu’elle a, je ne sais pas comment lui faire ouvrir les yeux. Ce qu’elle a vécu est horrible, les coups qu’elle a pris étaient d’une rare violence. Cet homme voulait la tuer, et il aurait pu le faire à de nombreuses reprises.
Je me repasse sans cesse les scènes qui se sont déroulées il y a quelques heures face à moi, tout en tenant une poche de glace sur mon poignet fracturé. J’entends encore la foudre qui tombe, toute la puissance de cette science climatique qui s’acharne sur cette terre. J’aperçois les flashs de la foudre qui tombent sur James, et je le vois … ce monstre … ressortir des éclairs, presque intact. Je le vois foncer vers Lise, cet affrontement d’une telle intensité m’a réellement perdu. Ce qui a suivit est encore tellement flou dans mon cerveau, ma tête me fait si mal. Je plonge alors ma tête dans mes paumes en pleurant, je n’arrive plus à me retenir, c’est horrible. Qu’avons-nous fait pour mériter tout ça ?
« Hé Jyll ? »
Une voix douce me sort de mon cercle paranoïaque. Meira ? Je lève la tête pour apercevoir notre navigatrice, Log Pose au poignet et sueurs dégoulinantes sur le visage, debout devant moi.
« Tu veux que je prenne le relai pour surveiller Elisabeth ? »
« Co… comment est la situation dehors s’il te plaît ? »
Je me réajuste sur ma chaise en essuyant mes larmes avec le dos de ma main gauche, tant que Lise est dans cet état je dois garder en tête mon rôle. Je suis son second, ce navire est sous ma responsabilité et c’est actuellement notre seul moyen de survivre. Tout en espérant que le Gouvernement ne repartira pas à nos trousses de si vite. Meira s’adosse au mur de la chambre de Lise en croisant les bras, reprenant péniblement son souffle.
« Voilà maintenant douze heures que nous naviguons sans nous arrêter. Nous avons affronté pas moins de deux tempêtes, les contourner nous aurait rallongé le temps de navigation, j’ai prit le risque de les traverser. Désolée pour les turbulences, mais nous venons d’entrer dans une zone de climat froid. »
Meira affiche un sourire non dissimulé. Voudrait-elle dire que nous nous rapprochons de Drum ? Je me lève de ma chaise d’un bond en souriant à mon tour.
« C’est super ! Meira tu es form.. »
La fin de ma phrase ne voulut pas sortir de ma bouche, ma tête se mit alors à tourner brusquement. Le manque de nourriture, la fatigue, la douleur à mon poignet. Tout ça offrait à mon corps un délicieux cocktail qui me fit prendre conscience de mon manque de repos. Les nausées et la fièvre me firent retomber les fesses sur ma chaise aussi vite que je venais de me lever. Meira s’approcha de moi pour me prendre par le bras et m’aider à me relever, voulant vraisemblablement m’emmener prendre l’air. J’eut alors le réflexe de me tenir au mur pour m’arrêter de marcher.
« Non … Lise serait toute seule. »
« Jyll. Je suis loin d’être aussi douée que toi en médecine mais tu la surveilles depuis douze heures sans avoir fermé l’œil, sans n’avoir rien mangé. Prend un peu l’air, va te doucher, mange un peu, dort. Je te réveillerais lorsque Drum sera visible au loin, il doit nous rester à peu près douze à quinze heures de navigation. »
Les paroles anormalement douces de Meira me firent lâcher prise pour me laisser guider jusqu’au pont de notre navire. Une légère brise fraîche vint me caresser le visage, mes yeux se plissèrent légèrement en voyant le soleil haut dans le ciel, nous devions être en plein milieu de l’après-midi. Je dû lever ma main devant mon visage pour parer le soleil. Meira s’avança alors sur le pont en se frottant les mains et en s’amusant à souffler un nuage de buée dû à la différence de température de notre corps et de la température extérieure.
« Oh tu verrais ta tête Jyll, elle fait peur à voir. Allez, va t’occuper de toi, je veille sur Elisabeth. »
« S’il y a … le moindre souci tu m’appelles. »
« Évidemment. Allez ! Va ! »
Ne cherchant pas à débattre plus que ça, ma fatigue me l’empêchant. Je dû me résoudre à aller vers ma cabine, située sous le poste de commande, il n’y a que deux hamac à l’intérieur avec une unique caisse où je range tous mes biens personnels ainsi que mes vêtements de rechange. Je ferme délicatement la porte de mon espace privé en collant mon dos à cette porte. Laissant alors toute ma peur et ma faiblesse sortir en d’intenses sanglots, me fichant éperdument d’être entendu par Meira qui doit sans doute encore être sur le pont. Il me fallut cinq bonnes minutes pour réussir à me relever, et à atteindre ma caisse d’où je pris la peine de sortir mes seuls vêtements d’hiver, retirant bien lentement les vêtements sales et remplis de sang que je trimballais encore sur moi. Jetant finalement tout ça au pied de mon hamac, c’est nu et frigorifié que je du traverser ma cabine pour rejoindre l’arrière cabine, là où se trouvait une salle de bain minime avec un toilette et une douche.
Sans perdre une seconde je pris mon courage à deux mains pour me jeter sous l’eau tiède de la douche qui mit vingt bonnes secondes avant de se réchauffer. L’eau ruisselait sur tout mon corps, toutes mes courbes, mon torse, mes hanches, mes cuisses, mon dos, même mon visage. Je fixais le plafond, les yeux fermés, passant mes mains dans mes cheveux pour les plaquer en arrière avec l’eau. Profitant de chaque seconde de repos et de répit que m’apportait cette douche, mais ne cessant jamais d’avoir des flashs de ce combat sanglant contre James Larson. C’est finalement après dix longues minutes de douche que je me fis interrompre en plein repos mental, par la voix de Meira. L’entendant partiellement à cause du bruit de l’eau, je dû couper cette dernière pour distinguer ce qu’elle essayait de me dire.
« Oui ? »
« Désolée, je ne te revoyais pas sortir ça m’inquiétait. Je t’ai préparé un sandwich tout ce qu’il y a de plus simple, avec des fruits pour une bonne dose de vitamine. Mange ça et dort, tu seras requinqué après. Je retourne auprès d’Elisabeth. »
La voir me materner autant me fit décrocher un sourire qu’elle pu deviner en m’entendant lui répondre d’une voix claire.
« Merci docteur. »
Je termine alors rapidement ma douche pour finir par me sécher rapidement et m’habiller dans la foulée, en retournant dans la cabine j’aperçois une assiette avec un sandwich en son centre, des fruits et un verre d’eau. J’affiche un sourire attendri par cette attention avant de me glisser sous le plaid disposé sur mon hamac avec mon repas. Repas que j’engloutis en quelques bouchées avant de m’endormir d’un coup, la fatigue me cueille si subitement que je n’ai même pas le temps de déposer mon assiette sur la table que je la laisse m’échapper des mains, fort heureusement elle vient simplement rouler au sol. Et moi … je m’endors, je m’enfonce dans le pays des rêves. Rêvant alors de liberté, de joie … de me promener avec Hitoshi, main dans la main. Avec Lise non loin de nous, un livre en main, profitant du bon air frais d’une campagne que nous ne connaitrions peut-être jamais.