Une véritable débandade, c'était la meilleure façon de qualifier le départ de la Peste de Lynbrook. Prise par surprise, elle s'était fait attaquer par une puissante membre du Cipher Pol qui avait manqué de peu lui mettre la main dessus. Une fois encore, Méria avait frôlé la capture et ce constat la rendait folle de rage. Fort heureusement, elle n'était pas partie les mains vides. En quittant l'île des bars à thèmes, elle avait avec elle une vivre-card qui la mènerait droit vers Armada, la cité des libres pirates. Elle savait que là-bas, elle pourrait trouver de nouveaux alliés à exploiter ou derrière lesquels se ranger. En dépit de sa force propre, la supernova savait qu'elle ne faisait pas le poids en restant seule. N'étant pas encore assez forte, la maudite était une cible, très dangereuse, certes, mais une cible malgré tout. Cet état de fait devait impérativement changer, il ne pouvait en être autrement. Son ego terriblement entaché, la pirate fit donc route vers la destination indiquée par la carte. De ce qu'elle avait appris des usuriers, elle pointait vers un pirate plus ou moins déjà mort. Condamné à être l'un des repères pour les autres forbans souhaitant se rendre sur place, il finirait au fond de l'océan si l'une de ses cartes venait à tomber entre les mains des autorités. Ce n'était pas bien sympathique mais il fallait reconnaître que c'était diablement efficace, en plus de beaucoup amuser la rouquine.
Après des jours à bord de son sous-marin, la maudite remarqua que la direction indiquée par la vivre-card bougeait de plus en plus, indiquant sans nul doute que la destination n'était plus très loin. Remontant à l'immersion périscopique, elle fit un tour d'horizon et se confirma à elle sa théorie. Armada, la célèbre et immense cité flottante des forbans n'était qu'à quelques kilomètres. Faisant remonter son submersible à la surface, la pirate effectua sa manœuvre d'approche. Même si cela ne lui plaisait pas beaucoup, son arrivée fut suivie d'un contrôle pour vérifier qui elle était. Sortant son propre avis de rechercher d'une poche arrière, elle le jeta de manière dédaigneuse au visage de l'homme en charge des vérifications. Bien qu'elle ne soit pas encore très connue, Méria n'était pas pour autant n'importe qui et sa position de supernova la mettait au-dessus de la fange habituelle. Sans chercher plus loin, le pirate la laissa passer.
Posant pour la première fois le pied à «terre», la Peste se sentit immédiatement chez elle. Armada mettait la liberté au-dessus de tout, ce qui était justement le leitmotiv de la jeune femme. L'agitation ambiante, la diversité des lieux à voir et son éloignement de toute institution gouvernementale rendaient l'endroit terriblement attirant pour personne comme elle. Sans grand surprise, ses pas la menèrent à ce qui était certainement le cadran le plus malfamé de l'île: la Zone. L'endroit était putride, malfamé, assez sale et dangereux, en somme, tout ce qui plaisait à la Peste. Elle sentait qu'elle serait très vite ici comme un poisson dans l'eau.
Durant plusieurs jours, la rouquine se laissa aller sans chercher à cacher ses vices. L'alcool coula à flots et l'argent durement gagné par la pirate ne manqua pas de rapidement flamber. Méria apprécia la compagnie de plusieurs ravissantes jeunes femmes, refit le portrait de plusieurs quidams et manqua de faire brûler une auberge miteuse. Bien vite, la Peste se fit remarquer par ses semblables et de nouvelles bagarres eurent lieu, suivies par de longue soirées de beuverie. Tout cela ne cessait de se répéter, tant et si bien que la maudite perdit rapidement toute notion du temps.
Un matin, lors qu'elle se remettait d'une éternelle gueule de bois, elle apprit par un compagnon de boisson que l'illustre Red, rien de moins que le nouvel Empereur, cherchait quelqu'un pour un travail. La mission qu'il proposait n'était pas connue, mais il ne souhaitait pas faire affaire avec n'importe qui. Des indépendants puissants ou des capitaines, voilà ce qu'il recherchait. La récompense à la clé, conformément à la réputation de cette légende de la piraterie, serait visiblement très attractive. Se posant dans une ruelle, Méria se moucha sur le côté avant de réfléchir à la situation. Dire que Red n'était pas n'importe qui aurait été le plus gros des euphémismes. Plus qu'une légende, il était certainement aujourd'hui devenu l'homme le plus fort au monde, le pirate le plus célèbre et l'un des hommes les plus influents de toutes les mers. Un homme de cette envergure était tellement au-dessus de tout que c'en était impressionnant, même pour une raclure comme Méria. Laissant de côté son habituelle misandrie, la Peste se dit que se rapprocher d'une figure pareille ne pourrait décemment pas être une erreur. Il devait certes être habitué à voir d'innombrables quidams graviter autour de lui, mais si elle lui rendait service et s’acquittait efficacement de la tâche qu'il proposait, peut-être pourrait-elle continuer de se rapprocher un peu plus de lui pour en tirer quelques avantages. Dans le pire des cas, elle aurait simplement rencontré une légende et gagné un peu d'argent. Confiante en ses capacités, la pirate décida de quitter la Zone, mais avant ça, elle chercha la meilleure auberge pour s'y laver. Hors de question de rencontrer un Empereur dans cet état.
Une fois douchée, bien habillée, parfumée et maquillé, la pirate, qui n'oublia pas de prendre un copieux petit-déjeuner pour se requinquer, prit la route du Kraken, le cadran sous le contrôle des usuriers et donc plus ou moins directement de Red lui-même. Quelle ne fut la surprise de la Peste en arrivant à destination. Passer de la Zone à un tel endroit aurait de toute façon été déconcertant pour tout le monde. C'était comme si elle ne se trouvait plus du tout sur la même île. Ici tout semblait littéralement hors de prix. Le luxe et l'extravagance étaient portés à un tel niveau que cela en donnait presque le vertige. Imaginer cela dans une cité pirate n'était pourtant pas intuitif. Si la rouquine ne se sentait plus réellement ici chez elle, sa cupidité dévorante commença cependant à la déranger. Comment pouvait-on rester sain d'esprit en pareil endroit ? Consciente malgré tout du cadran dans lequel elle se trouvait et de son insignifiance face aux grandes forces d'Armada, elle ravala sa salive et continuer de marcher en direction du bâtiment amiral qui donnait son nom au cadran. Elle n'était pas la seule à attendre et se maudit intérieurement de ne pas être arrivée la première. Faisant malgré tout bonne figure, elle attendit son tour. Pénétrant finalement dans le bâtiment, elle en prit encore plus plein les yeux, ce qui devenait presque agaçant tant tout lui faisait irrésistiblement envie. Se retenir de lancer un raid sur le champ était un véritable défi pour elle. Mordant sa joue de l'intérieur, elle attendit qu'on ne l'autorise à entrer dans la grande salle où l'attendait l'Empereur. Inspirant longuement, elle se nimba de son habituelle aura séductrice avant d'entrer. Après tout, pourquoi pas ?
ciitroon
Liberté, Liberté Chérie !