Les bras croisés contre ses hanches, Ambrosias affichait une moue renfrognée face à Snick, le mâle alpha qui dirigeait sa colonie de rats. Le rongeur avait eu la mauvaise idée de jouer sur le bureau de la jeune femme. Rapidement imité par ses semblables, cela avait conduit assez naturellement à la chute de tous les dossiers empilés sur le meuble en bois. Des heures de travail perdues pour rien, du temps passé à ranger méthodiquement bêtement sacrifié. Malgré sa patience envers les animaux la militaire en avait assez, car ce n'était pas la première bêtise de la semaine. Visiblement offusqué de ne pas avoir fait le voyage jusqu'à East Blue pour revoir Shoga lui aussi, Snick semblait en mal d'affection. Il avait volé une partie de son déjeuner le jour dernier ou encore mâchouillé une de ses paires de bottes. Bien qu'elle comprenne cela, l'ancienne vétérinaire n'avait pas de temps à perdre avec lui. Les affaires de Kikai no Shima étaient bien plus pressantes et ne lui laissaient que peu de répit, bien trop peu pour qu'elle se permette de le gâcher en corrigeant son ami à poil court. Après l'avoir sermonné longuement, elle avait demandé à ses hommes de temporairement retirer l'armoire contenant la colonie pour la déplacer dans la chambre de la colonelle. Il était hors de question qu'elle perde encore plus de temps durant ses heures de travail. Snick protesta, mais il n'eut pas gain de cause. Affichant un sourire narquois, l’adjudant Paracchini referma la porte du bureau quand les soldats transportant l'armoire s'en allèrent.
« Il va vous en vouloir.
- Pas grave, on a d'autres chats à fouetter.
- Depuis quand vous fouettez de pauvres petits chats sans défense ?
- Oh, ça va, vous savez bien ce que je veux dire.
- Ha ha, oui. »
La clope au bec, le militaire avança pour venir aider sa supérieure à ranger un peu tout ce bazar. Quelques minutes plus tard, quand la pièce sembla retrouver un semblant d'ordre, quelqu'un frappa à la porte. Ambrosias se redressa sur son dossier pendant que Dario remettait un dernier porte-document en place. Elle aussi une cigarette fumante entre les lèvres, la jeune lieutenante Raven fit son apparition.
« Colonelle, nous avons de bonne nouvelles.
- Je vous écoute.
- Nos filatures ont porté leurs fruits. Le tracé d'un chemin type s'est dessiné, une fois par semaine, concernant le parcours de récupération des taxes par celui qu'on nomme Dix berrys.
- Squallo ?
- Lui-même.
- C'est une bonne nouvelle, une très bonne nouvelle, j'en conviens.
- Tout est indiqué sur cette carte. »
S'approchant rapidement, la jeune femme brune posa cette dernière sur le bureau avant qu'Ambrosias ne s'en empare. Représentant Kikai no Shima, elle se focalisait sur le quartier des marchands. Au feutre rouge était tracé une ligne qui zigzaguait entre plusieurs rues, faisant halte chez près d'une vingtaine de commerçants avant de s'arrêter net.
« Vous ne savez pas où est son repaire ?
- Non. Il disparaît à chaque fois dans chez ce caviste. Son propriétaire, Markus Wulfang, est un vieil homme d'une bonne soixantaine d'années. Nos sources semblent indiquer qu'il aurait des liens avec la mafia locale, mais nous n'avons pas certitudes.
- Et donc, il ne ressort jamais de là ?
- Non, jamais.
- Avez-vous un plan des égouts ?
- J'y ai déjà pensé. Il y a en effet un accès par la cave de monsieur Wulfang.
- Je vois. Merci, rompez lieutenante.
- Colonelle. »
De manière assez peu formelle, la jeune femme salua sa supérieure et tourna les talons en laissant une mince traînée de fumée grisâtre derrière elle. Les bras croisés, l'air songeur, l’adjudant Paracchini hochait lentement la tête de bas en haut en regardant la carte.
« Un type avec des habitudes est une proie facile.
- Souvent, mais il est chez lui.
- Nous comptons également des locaux dans nos rangs.
- Certes. Laissez moi Dario, je dois réfléchir à tout cela.
- Un café avant ?
- Non merci.
- Comme vous voulez. »
Obtempérant rapidement, l'homme laissa la colonelle seule. Cette dernière posa les coudes sur le bureau et prit sa tête entre ses mains. Tout en réfléchissant, elle ne cessait d'observer la carte face à elle, la détaillant comme si elle cherchait à y trouver des secrets cachés. S'allumant finalement un cigare, elle finit par se lever pour faire les cent pas. Le soir venu, elle n'était pas sûre de la marche à suivre et décida de se rendre sur le port pour confronter ses idées à celles de la commodore Saint Just.
« Ce qui est sûr, c'est que nous devons intervenir, samedi prochain.
- Sauf s'il change de trajet cette fois-ci.
- Nous ne le saurons que le jour venu.
- Je peux me charger de la diversion dans les rues.
- À moi les égouts en somme.
- C'est là où nous aurons le plus de chances de lui mettre la main dessus en évitant de mettre des civils en danger.
- C'est vrai, mais nous serons également en terrain inconnu.
- L'opération n'est pas exempte de risques, c'est certain, mais si nous arrivons à nos fins, le résultat dépassera toutes nos attentes.
- En effet. J'ai cru comprendre que Squallo était plus ou moins le second de Bradley. Si nous le faisons parler, son boss tombera.
- Croisons les doigts. »
Continuant de peaufiner les détails ensemble, les deux officières décidèrent ensuite de terminer la soirée en mangeant ensemble. Depuis plusieurs semaines qu'elles travaillaient ensemble, elles commençaient à réellement s'apprécier l'une et l'autre. Quand la colonelle quitta le cuirassé, elle espérait que la prochaine fois qu'elle reviendra, ce sera pour fêter la capture de Squallo avec une bouteille de champagne.
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