- Marc Enri:
Marc Enri
Riche homme d'affaires et collectionneur d'art.
5 dorikis.
- « Comment me trouvez-vous ? »
« Vous êtes le plus beau, Enri ! »
La gouvernante ne tarissait pas d’éloges pour Enri, son patron, à un tel point que ce dernier eut un sourire en tournicotant comme une jouvencelle devant le miroir qui lui faisait face. Il faut dire que cette vieille chouette d’Alberta était plutôt avare en compliments. Qu’elle se le permette d’en faire ce soir-là attestait du fait qu’il était réellement élégant ! Affublé d’une redingote à la mode en ce moment, Enri, malgré le poids de l’âge, avait effectivement tout d’un dandy. Même s’il ne serait pas le commissaire-priseur lors de la vente aux enchères qu’il organisait, il était plus que certain qu’il serait la star ce soir et pas qu’un peu ! Nul doute que les convives et autres acheteurs ne manqueraient pas de tomber sous son charme, à n’en point douter. Qui plus est, les « babioles » qu’il s’apprêtait à revendre ferait surement des heureux ce soir ! Le prix n’était jamais un problème pour les férus d’art comme lui. Une occasion pour lui d’asseoir un peu plus son nom dans un monde assez sélect où l’argent, clairement, ne faisait pas tout ! De quoi lui arracher un petit rire, avant qu’il ne s’arrête de bouger dans tous les sens pour lisser sa fine moustache et ajuster son monocle devant son œil droit. C’était maintenant l’heure de descendre de sa suite…
- « Me voici prêt à affronter le monde Alberta ! Allons-y ! »
La gouvernante eut un sourire et s’inclina devant son patron avant de le suivre en dehors de la suite de son propre hôtel. Les ventes se faisaient à des étages plus bas, au rez-de-chaussée, dans la salle du congrès de l’établissement aménagée pour l’occasion. En consultant son gousset métallique, Enri se rassura : il était même en avance ! Devant l’ascenseur, ses deux gardes eurent également un sourire et se mirent à le complimenter ! Flatté comme jamais, le sexagénaire se mit à rigoler comme un enfant et échangea des banalités avec ses gros bras à son service depuis des années, puis ces derniers s’engouffrèrent dans la cabine qui s’était ouverte. Bien avant de descendre, le vieil homme adressa une dernière phrase à sa gouvernante : « Vous êtes certaine de ne pas vouloir assister à la vente aux enchères, ma chère Alberta ? » Cette dernière, sourire affable aux lèvres, confirma poliment d’un signe de tête qu’elle préférait s’en passer pour cette fois. Le riche homme d’affaires eut une moue déçue, avant de soupirer ouvertement. Respectant énormément celle qui était à ses côtés depuis maintenant cinq bonnes années, il ne se voyait pas la forcer à le suivre. A force de côtoiement, il avait fini par connaitre ses gouts du bout des doigts.
- « Très bien. N’hésitez pas à prendre votre soirée, Alberta ! Je vais surement m’attarder avec les acheteurs au cocktail qui s’en suivra ! Nous nous reverrons demain à mon réveil ! »
Sans un mot, la gouvernante s’inclina légèrement devant son employeur, tandis que les volets de l’ascenseur se refermait sur lui. Un mince sourire barra les lèvres de la vieille femme qui avait les yeux rivés sur le sol. Lorsqu’elle se redressa, la cabine entamait déjà sa descente. De quoi la pousser à prendre tranquillement une direction autre que celle de ses quartiers. Pendant ce temps, Enri, dans l’ascenseur se fendait d’un commentaire sur l’insensibilité des femmes quant à l’art. Derrière lui, ses deux gros bars qui n’étaient pas forcément sensibles au passe-temps de leur patron, échangèrent un regard circonspect en biais, avant de hausser discrètement leurs épaules. S’ils étaient contents que leur patron se fasse une joie d’organiser cette vente aux enchères, eux non plus n’avaient pas de fibre artistique. De ce fait, ils comprenaient aisément le désintérêt total d’Alberta pour cette vente aux enchères. Ils se terrèrent donc dans un certain mutisme, laissant donc Enri s’exprimer encore et encore, jusqu’à ce que l’ascenseur finisse au rez-de-chaussée et que l’un d’entre eux ne parte ouvrir la grille qui leur permit de sortir de l’engin. Sans attendre une seconde de plus, le féru d’art se dirigea vers la salle des enchères, mais il s’arrêta à mi-chemin lorsqu’il sentit que ses deux gros bras ne le suivaient pas. Ces derniers avaient des mines ombrageuses…
- « Que se passe-t-il, messieurs ? »
Un blanc s’en suivit pendant quelques secondes, avant que l’un de ses hommes ne prenne parole :
- « Ce n’est pas normal. L’endroit est anormalement désert. Nous avions pourtant posté des hommes ici pour la sécurité… »
Sur cette réponse quasi-immédiate, celui qui s’était exprimé se hâta au hall. Si l’endroit était bondé de monde et que des invités entraient par vagues, le manque de sécurité lui sauta aux yeux. Il y avait bien quelques gardes à l’entrée de l’hôtel, mais presque personne dans le hall en lui-même. Seules cinq hôtesses/réceptionnistes dirigeaient les invités à la salle du congrès. Là, le cœur du garde ne fit qu’un bond avant qu’il revienne sur ses pas, l’air paniqué, non sans répéter : « C’est pas normal ! C’est pas normal ! » Il se rua donc vers une porte qui donnait sur les coulisses de la salle des congrès et continua sa folle course vers la grande loge où devaient normalement être entreposés tous les objets de valeurs destinés aux enchères. Une fois devant la porte qui devait lui donner l’accès à ladite loge, il essaya de l’ouvrir, mais rien à faire : elle semblait condamnée. Enri et l’autre garde le rejoignirent eux aussi au pas de course, interloqués devant l’élan qu’il prit avant de foncer brutalement sur la porte qu’il défonça d’un violent coup d’épaule ! Entrée théâtrale s’il en est ! Toujours est-il que le casseur fut enjambé par son collègue qui rentra dans une salle anormalement plongée dans l’obscurité. Entrant en dernier, Enri alla actionner un interrupteur et la grande salle s’illumina progressivement, dévoilant ainsi une réalité implacable et inattendue :
Plus aucun objet d’art.
Plus aucun garde dans les environs.
Seulement quelques corps au sol, inertes, surement assommés ; et saucissonnés comme jamais.
Un cauchemar éveillé pour les deux gardes et Enri… Qui, lui, sans comprendre ce qui se passait, finit par tomber dans les pommes.
Dernière édition par Alheïri S. Fenyang le Mar 14 Mar 2023 - 20:47, édité 1 fois