Stephen Crowley, le flingueur de Saint-Uréa

Stephen est le genre d’individu qui reste aisément dans la mémoire de ceux qui le rencontre. Ce n’est pas particulièrement par sa taille, dans la moyenne tout au plus, ni par sa fine musculature qu’il fait cet effet. Et si son visage anguleux et la cicatrice qui se trouve sous son œil gauche n’y sont pas anodins, c’est surtout par son comportement qu’il marque les esprits.

Tout en lui dégage la confiance qu’il éprouve. Sa démarche fière frôle l’arrogance dans ses tenues toujours impeccables. Le dos droit et la tête haute, il prend un malin plaisir à toiser avec mépris ceux qui lui font face. C’est souvent dans le but d’affirmer sa supériorité qu’il offre ce regard à ceux qui ne seraient pas dans ses petits papiers. De quoi laisser un souvenir désagréable à bon nombre de ses opposants, même les plus futiles.

Cependant, ce serait un tort de croire qu’il est ainsi avec tout le monde. Lorsqu’il se trouve dans une rencontre enrichissante, d’une façon ou d’une autre, ses yeux sombres passent du mépris à la concentration. Dans ces cas-là, il n’est pas rare de le voir suspendu à une cigarette tout au long de l’échange. C’est aussi dans ces moments plus calmes, et souvent plus intimes, qu’il laisse son corps exprimer ses émotions. Un claquement de langue en entendant parler d’une situation agaçante ou un sifflement admiratif face à un acte impressionnant. Et s’il se retrouve lui-même au cœur d’un problème pénible, il peut arriver de le voir passer une main dans ses cheveux pourtant soigneusement entretenus.

Mais quel que soit le contexte, il s’exprime toujours sur un ton mesuré et ferme. Il fait preuve d’éloquence et sait faire montre d’excellentes manières. Bien évidemment, il peut tout autant être capable de communiquer de manière exécrable lorsqu'il l'estime nécessaire. L’image qu’on aura de lui, tout comme son comportement, dépendra finalement surtout de quel côté l’on se place par rapport à ses ambitions.

Comme on peut le supposer au vu de son éducation, on peut trouver chez Stephen bon nombre de traits de caractères inhérents aux mafieux. Il connait parfaitement la valeur de la loyauté et l’importance de la confiance. C’est pourquoi il en attend tout autant de ceux qui travaillent avec lui, et plus encore de ceux qui travaillent pour lui. Cependant, comme il en est de rigueur dans les jeux de pouvoir, il ne se privera pas de faire preuve d’une loyauté plus discutable vis-à-vis de quelqu’un qui lui serait supérieur et serait plus enclin à œuvrer à sa chute qu’à son essor. Car Stephen est ambitieux. Trop peut-être. Et il ne tolérera pas longtemps qu’on se permette de le traiter en sous-fifre. Ce qu’il veut, il se donne les moyens de l’obtenir.

Il n’est pas homme à rechigner sur la méthode. L’amour n’a pas eu de place dans son éducation et il lui sera plus aisé qu’à n’importe qui d’autre de tuer un enfant devant ses parents ou de briser la vie d’une famille en faisant usage de chantage. Tout ce qu’il fait, il le fait pour lui. Mais il n’en est pas pour autant égoïste. Il apporte de l’importance à ceux qui se range de son côté et saura leur rendre leur dévouement. En bon leader, il ne rechigne pas à reconnaitre les efforts de ceux qui en font et à respecter le travail accompli, mais s’il aime faire preuve d’autorité et avoir le contrôle, il tolère bien peu les tentatives d’indépendances et les débordements. Il doit garder le contrôle sur tout s’il tient à asseoir sa suprématie et c’est pour ça qu’il se retrouve facilement au cœur de l’action.

Néanmoins, il travaille sur ses armes avec la même minutie et la même curiosité que sur ses projets. Il prend toujours le temps de l’analyse avec de passer à l’action. Ce sont ces phases de réflexion qui lui ont très tôt permis de comprendre que personne n’était réellement incorruptibles. D’une façon ou d’une autre, tout le monde à quelque chose d’exploitable, et c’est pour ça qu’il voit le gouvernement mondial du même œil que les révolutionnaires. Ce ne sont là que des associés potentiels, rien de plus. La politique n’est qu’une façon de se tenir au sommet. Aucun de ces camps n’a fait plus de bien que de mal, ils ne servent tous que leurs propres intérêts, n’en déplaise aux idéalistes.

Stephen Crowley vit le jour à Manshon, aux alentours de l’an 1604, au sein d’une famille mafieuse à la botte des Tempiesta. Il avait globalement eu accès à l’éducation à laquelle on pouvait s’attendre d’un fils de mafieux. Une éducation mêlant violence et autorité, autant de leçon de bonnes manières que de leçon de combat, des exposés sur la politique et la corruption, une vue d’ensemble sur le fonctionnement du crime organisé… Tout ce qu’on était en droit d’attendre d’un héritier du crime. Et tout ça ne fut pas vain. Le jeune garçon montra un intérêt certain pour tout ce qu’il apprenait, mais, mieux encore, il était à l’aise avec la violence tout en sachant ne pas en abuser.

C’est donc tout naturellement qu’il finit par attirer l’attention de quelques gradés. En 1620, alors qu’il atteignait à peine ses 20 ans de vie, on lui proposa de reprendre pour les Tempiesta quelques-unes des activités confiées à son père. Ainsi, il hérita d’un petit cabaret et d’une armurerie. Le cabaret fut une source solide de revenu, mais ce fut surtout dans l’armurerie que Stephen passa le plus clair de son temps. Il se découvrit une passion pour les armes à feu et se mit à travailler lui-même sur certaines des commandes.

Non seulement, il rapporta de l’argent et de la réputation à la famille, mais en plus, il attira une clientèle plus officielle. Finit l’exclusivité des pirates, contrebandiers et autres hors-la-loi. En 1624, le jeune Crowley était publiquement connu pour ses talents d’armuriers plus que pour son affiliation aux Sept. Voilà pourquoi il ne devint pas rare que des marins de tous grades en garnison viennent le voir pour l’entretien d’armes divers et pour des commandes plus personnelles.

Ses relations, presque privilégiées avec cette clientèle, lui permirent de sentir le vent tourner avant l’heure. Il se servit dans les caisses, ne paya pas son dû aux Tempiesta et mis en scène sa propre mort. Alors que son cadavre, un de ses hommes grossièrement défiguré, fut retrouvé grandement brûlé dans les cendres de l’armurerie, Stephen Crowley mettait les voiles vers d’autres opportunités. Il échappa de peu au blocus de Manshon et disparut des dossiers de sa famille et de ceux des Sept.

Les années suivantes, il les passa à voyager d’île en île en s’associant parfois à d’autres organisations criminelles des Blues. Il employa un nom d’emprunt à chaque nouvelle destination et se mit en quête d’emplois légaux pouvant lui fournir un toit. Il s’agissait du genre de couverture dont il avait besoin pour exercer une autre activité bien plus rémunératrice. Le meurtre. Stephen aspirait à gagner le plus d’argent possible, le plus rapidement possible, pour se bâtir son propre empire criminel. Et il ne voyait rien de mieux que d’agir en tueur à gages pour acquérir de nombreux berrys. Il avait vu des assassins à la solde des Tempiesta toucher des sommes colossales. Le genre de paye dont il avait besoin.

Finalement, il vint poser ses valises à Saint-Uréa en 1629 et trouva rapidement l’emploi idéal. Un poste d’armurier dans la ville la plus militarisé des Blues. Sa situation prenait un tournant favorable et il décida de cesser de faire usage d’un faux nom. Après tout, il pouvait redevenir Stephen Crowley tout en restant un tueur à gages anonyme.