La Tarentule au milieu des Sandstorms

"Salutations, Agent Tarentule. Avez-vous des détails de votre rapport à expliciter ?
-Aucunement, Coordinateur Bernadotte. Même si l'absence du Corsaire s'est fait ressentir au début. La présence de Ren, assisté par Djaymily, tient les troupes d'une main de fer. Le retour du Corsaire s'est suivi d'un sauvetage louable au Conseil des Nations.
-Certes. Je te tiens à féliciter votre participation. Ce sera renseigné d'après les mentions de votre rapport. Qu'en est il de ce Ned?
-Je vous remercie de me confirmer ce qui n'est que la moindre des choses. J'y risquais la vie tout de même. Hihi ! Depuis que cet homme a rejoint l'équipage, rien de pertinent à signaler. Lors des événements récents, j'ai pu apprendre qu'il a une certaine affinité avec la Princesse d'Hinu-Town.
-C'est noté. Cette proximité est à surveiller. Ce sera renseigné au Gouverneur de l'île.
-Les affinités d'une princesse héritière vont beaucoup l'intéresser. Ce n'est pas comme s'il avait d'autres choses à faire, du genre révolutionnaire. Hihi !
-Hum. On prend les informations que l'on peut. Revenons sur cette histoire de vengeance des Sunsets pirates qui semble l'obséder. Il y était donc parti, bel et bien, seul.
-Il semble confiant dans ses capacités.
-Il faudra lui rappeler que l'orgueil précède la chute.
-Oh oh. Voyons, il n'a rien fait contre le contrat pour le moment.
-Un mur moisi, l'on a beau le peindre en violet, il reste moisi.
-De toute évidence. Hihi !
-J'en ai fini de mes questionnements. Quel est, donc, la raison de votre appel ?
-J'aimerais des informations sur le Nouveau Monde.
-Je vois, je comprends que vous appréhendez la suite des événements.
-S'il a l'intention d'y aller, je serai bien plus exposé. Je voudrais savoir quelles sont mes portes de sortie. A moins que la direction désire ma mort. Hihi !
-Gardez ce genre d'accusation pour vous, Agent Tarentule.  Dois-je vous rappeler que bons nombres de collègues peinent à vous supporter?
-Humpff. Ce sont un ramassis de séniles et d'aigris.
-Revenons aux informations. Le Nouveau Monde est divisé en trois voies. Celle que l'on dit dangereuse, l'autre agitée et enfin la plus calme. La navigation y est extrêmement dangereuse, la mer veut vouloir vous engloutir à chaque instant. A tel point qu'y naviguer est une épreuve constante. Les mentalités les plus fragiles auront du mal à résister.
-Joyeux.
-La voie calme est parcourue par le train des mers, vous permettant un échappatoire. C'est aussi la voie avec le plus d'îles contrôlées par notre Sérénissime Gouvernement. Il y a deux bases marines, G-5 en voie calme et G-11 en voie agitée, si vous avez besoin d'abris. La voie dangereuse et agitée est investie par des empereurs pirates difficiles à déloger.
-Espérons qu'il ne soit pas suicidaire.
-Ou trop ambitieux. Il y a aussi une présence révolutionnaire non négligeable,  soyez sur vos gardes…
-Au cas où le Corsaire s'y associe. Je sais, je connais mon travail.
-Exact. Vous êtes correct jusqu'à maintenant. Tâchez de survivre. Tout est dit. Entretenez à présent votre couverture.  Terminé."

La communication prend fin. L’agent Tarentule sous couverture chez les Sandstorms range son escargophone. Alors isolé à l'heure du premier repas dans sa cabine tôt dans la matinée, Abigaël soupire en souriant.

"Rassurant. Hihi !"

Elle ne pensait pas que son quotidien d’espionne soit aussi épuisant à allier avec celui de pirate. Chaque escale peut-être synonyme de combats à mort. Pas étonnant qu’elle soit entrée dans l’équipage comme du beurre s’il faut autant de renouvellement. Comment peut-il y avoir autant de débiles capable de prendre les armes pour un fou furieux? Cela l’étonnera toujours.

La petite Fée qui l'assiste dans son travail rentre enfin de son repas, une mie de pain rassis dans la bouche. Comme elle n'est pas aller déjeuné, la pirate a continué son travail sur divers tissus déchirés. Les Oubliés ne sont pas des gars délicats avec leur affaire. Le nombre de vêtements et de draps finissant dans les mains de la tontatta et l'agent infiltré est presque affolant. Ses efforts permettent d'augmenter un tant soit peu le confort quotidien de cet ensemble de brutes. La naine du nom de Maya affiche une petite mou boudeuse. Son acolyte le remarque et n'hésite pas à en faire la remarque.

“Qu’est ce qui t’arrive? Un tontatta voleur de slip de Ren t’a courtisé avec insistance au déjeuner?
-Non, j’ai juste le mal du pays.
-Tu n’as toujours rien trouvé.
-En tout cas, certains qui ont traversé Grand Line de long en large et en travers n'ont jamais croisé ou entendu parlé de mon chez moi.
-Pauvre petite Fée. Tu m'a l'air condamné à la vie de pirate. Hihi !
-Je ne fais que te suivre, Abi. Pourquoi tu voulais tant rejoindre cette flotte?"

Maya commence à connaître sa partenaire de route à force de la fréquenter. Elle a bien vu que l'appât du gain n'était pas son moteur. Le petite tontatta est celle la plus à même de percer sa couverture. L'agent Tarentule se doit d'être prudente malgré qu'elle puisse représenter une bonne collègue couturière.

"L'envi de liberté et d'aventure, ma chère. "

Une réponse bateau pour le membre d'équipage niais qu'elle est censé incarné. Néanmoins, cela correspond bel et bien à une des raisons qui l'a poussé à fuguer de la demeure familiale pour être ensuite repéré par un Agent du Cipher Pol. Qui sait ce que serait son avenir si elle avait été approchée par quelqu'un d'autre ? Peut-être une criminelle tuant toujours plus pour espérer trouver satisfaction, mais une poursuite vaine lui apportant rien de plus que du sang tachant ses vêtements. Ou une grande couturière de mode, mais le plaisir d'agacer son monde lui manquerait beaucoup trop pour pouvoir s'épanouir. De plus, ce serait gaspiller ses talents de stratégie et de combat que le Cipher Pol a révélé.

Décidément, même en y réfléchissant, Capulina a fait le meilleur choix pour elle. Comme aucun métier n'est parfait, sa stagnation dans la hiérarchie la frustre quelque peu, mais cette mission d'infiltration va certainement lui déboucher l'accès à une promotion. Enfin, elle l'espère fortement au vue des risques encourus. Maya change de sujet tout en préparant ses outils de travail.

"Hum. Je préfère amplement travailler. Alors qu'est ce qu'on a aujourd'hui ?
-Comme d'habitude, des manches à recoudre.
-Laisse moi, donc la suite. Tu ne voulais pas aller voir le médecin de bord?
-Exact. J'y vais de ce pas."

La tontatta saute sur le plan de travail, armés de ciseaux et d'aiguilles. Abigaël quitte ainsi sa cabine laissant Maya noyer sa peine et ses angoisses dans le travail.

Sortant de sa cabine, elle se dirige vers celle de la médecin de bord, Saori. Sûrement la personne la plus débordée après les grandes batailles. Heureusement, la victoire contre les Manges-Mondes en a blessé bien peu. Lorsqu'elle parvient devant la porte de la cabine aménagée en infirmerie, un grand homme poisson franchit le pas de la porte au même moment. Son regard est fuyant, comme s'il était distrait.

"Hum… Abi, c'est ça ?
-Reyshu connaît mon nom? Je commence à être bien trop connu pour ma modeste condition. Enchanté. Hihi !
-Mouais.
-Pas très bavard. Dis-moi. Qu’est ce que le Timonier du navire fait ici? Tu as l'air en bonne forme, plutot épargné par les combats contre les Géants. Puis tu ne m'a pas l'air d'etre du genre à te plaindre de douleurs anodines, je me trompe?”

L’homme poisson, grande ponte de l’équipage s’il en est, paraît être embarrassé par la question. Même si l'impassibilité marque sur son visage, il se gratte l’arrière de la tête en regardant ailleurs. Cette attitude titille la curiosité de l’agent Tarentule. Plus elle a des informations sur les membres de l’équipage, plus son travail sera récompensé. La blonde le fixe avec une moue interrogative. Baissant les yeux vers elle, il remarque son air dubitatif. Le timonier se décide à ouvrir sa fuite.

“Je… passais juste pour récupérer un truc.”

Reyshu s’enfuit ainsi d’un pas précipité. Suspect. Bien trop suspect. Est ce qu’il y a des manigances que l’on cache au Grand Corsaire? L’agent Tarentule sourit d’impatience de découvrir enfin les failles de cette camaraderie que prône tant ces bêtes sauvages du combat que sont le Capitaine et son second. Abigaël se décide à entrer dans la cabine du médecin de bord avec la ferme intention d'approfondir ces doutes.

L’arrivée soudaine de la femme souriante surprend visiblement la locataire des lieux, perdue dans ses pensées. Étrange, elle a l’air si calme et passive d’habitude. Il se passe décidément quelque chose. L’agent Tarentule prend le soin de fermer la porte derrière elle.

“Salutations, ma chère Saori !”

Exagérément enjouée, la pirate infiltrée s’allonge sur un des lits en face à côté du siège de la soignante. Les coudes sur le matelas, elle supporte sa tête inclinée vers l'intéressée. Son air curieux n’est qu’à peine camouflée. Saori reprend son attitude policée. De son habituelle amabilité, elle sourit légèrement à cette camarade malicieuse.

“Bonjour, Abi. Tu as l'air de t'être bien remise de tes blessures.
-Oh oh ! J'ai toujours eu une forte constitution. Je venais pour une question au départ, mais, finalement, j'ai trouvé plus intéressant. "

En effet, la jeune femme voulais posé de nouvelles questions sur le scorbut. Notamment si un fruit du démon peut avoir une quelconque influence sur les carences. Cependant, Abigaël laisse cette question pour plus tard. Son allusion appuyée par son regard ne laisse pas la médecin de marbre. Se tripotant les doigts, le rythme de sa voix accélère anormalement, comme pour éviter un sujet.

"Encore tes craintes sur le scorbut. Je t'ai examiné, hier. Ta dentition est parfaite.
-Je sais. Hihi ! J'aime que l'on me dise. Néanmoins…
-Ton fruit du démon ? C'est assez rare. Ceux qui ont la chance d'en hériter les capacités restent rarement dans l'oubli.
-Non plus.
-Tu as mal quelques parts depuis que j'ai mis tes bandages ?
-Saori. Pourquoi tu t'agites?
-De quoi parles-tu ?"

Son interlocutrice peine à cacher sa gène. Elle baisse les yeux, continuant à se tripoter les doigts. L’agent Tarentule n’a plus de doute. Ces deux personnages préparent quelque chose dans le dos de leur Capitaine. La blonde doute que ce soit une mutinerie. L’organisation de leur fuite est plus probable. Un grand sourire apparaît sur le visage d’Abigaël, il lui est temps d’exploiter les failles de cet équipage de bourrins écervelés.

"Hihi ! Cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Si tu n'arrives pas à le cacher, cela doit être très croustillant. Dis moi tout !
-Cela se voit tant que ça ?
-Un vrai livre ouvert ! Donne les détails, qui sait. Je pourrais t'aider.
-Tu ferais ça ? Je ne sais pas. Cela me met mal à l'aise…"

Pourquoi ses joues deviennent rouges? Ses mains se placent avec maladresse devant son visage. Qu’est ce que cette attitude de mijaurée ? L’agent Tarentule découvre une facette de Saori qu’elle méprise. Difficile de résister à la moquerie, mais si cela lui permet de connaître les fissures de cet équipage et de frapper un grand coup dedans pour les empirer. Abigaël peut résister à ses tendances.

"N'ai crainte, je suis une alliée. Hihi! Tu as tendance à tout garder pour toi. Allège toi sur mes épaules."

D’abord hésitante, la médecin laisse plusieurs secondes de silence, balayant du regard la pièce. Sous les yeux bleux insistant de sa camarade, elle finit par céder, non sans une certaine retenue. D’un soupir, sa langue se délie en douceur.

"Au début, il n'y avait rien. "

La blonde commence à tiquer. Comment ça, au début il n’y avait rien? Où veut-elle en venir? Pour l’espionne, le début de sa révélation est bien étrange. Son sourire devient plus léger traduisant de sa perplexité pendant que l'intéressée continue son récit.

"Puis depuis peu… je ne sais pas ce qu'il m'est arrivé. J'ai commencé à livrer mes peines… mon cœur sentait plus léger en se sentant écouté. Il me livrait les siennes… j’ai découvert nos points communs…"

Le dernier achevant les attentes enthousiastes de l’agent Tarentule. Son sourire s'affaisse complètement en réalisant ce que Saori est en train de relever. Si la blonde joue la confidente sans avantage avec Maya, elle n’a pas l’envie de l’être pour tout l’équipage. Les amourettes entre pirates est le dernier de ses soucis.

"Petit à petit, sa simple compagnie me réconfortait. Cela fait tellement longtemps que je n'ai vécu… ce genre de chose. Je me surprends à vouloir sa présence plus souvent. Jusqu'à que… que mes pensées deviennent… que de nouveaux sentiments surgissent… de plus en plus… j'y arrive pas. Désolé.
-C'est bon, tu m'as refroidi. Tu es sous le charme de Rey…
-Pas si fort !"

La blonde est bien stupéfaite. Ce cri est le premier qu’elle entend de la bouche de cette femme. Cette réaction donne le ton sur l’importance de cette petite histoire dans l’esprit de Saori. Finalement, il y a peut-être quelque chose à gâcher dans la cohésion de l’équipage. Son visage amusée, Abigaël ricane.

"Hihi ! Celle qui voit constamment la mort, tombe dans le piège de l'amour avec un homme d'un genre diffèrent.
-Hum… cela ne t'ai jamais arrivé ?
-Oh. Big Mom est loin d'être mon modèle. L'interraciale, très peu pour moi. Hihi !
-Je ne parle pas de ça. C’est plus que ça… pour moi.
-L'amour? Pff. Si tu veux savoir. Il m'est déjà arrivé de rencontrer l'homme parfait. Pétillant, élégant, nonchalant et un sourire à la fois benêt et ravageur. Dire que je l'ai rencontré dans l'île la plus ennuyeuse qui soit. Hihi !"

Ce doux souvenir fait palpiter une nouvelle fois des émotions bien anciennes. Contre toute attente, elle n’a pas oublié ses sentiments passés. Se laissant aller à un air rêveur et nostalgique, l’agent Tarentule se rend compte d’un de ses rares moments d’égarements assez vite.

"Arum. Mais, sinon rien de concret.
-Tu ne l'as jamais recroisé ensuite?
-Il s'est enfui sans rien dire. J'ai été maussade pendant plusieurs semaines, ensuite. J'aurais tellement aimé l'emmener en pr… voyager seul en seul. Ce n’était pas réciproque, de toute évidence.
-Ce n'est pas une histoire qui finit bien.
-Car elles finissent toutes mal, ma chère. À la fin, si les tempêtes de la vie ne nous ont pas brisés, la mort nous achèvera."

Le fatalisme de l’agent Tarentule percute la médicine qui a l'air être retourner en adolescence. Cela en est affligeant. Néanmoins, l’espionne retrouve l’accalmie monotone caractéristique de cette femme. Elle semble avoir cerné le profil de cette dépressive passive. Il faut croire qu'elle ne réfute pas totalement les mots d'Abigaël.

"Comment arrive tu à garder ton sourire…
-Je ne suis pas du genre à me morfondre. J'accepte que je suis de passage, autant faire ce que je fais de mieux et le faire bien. Hihihi ! Il y a toujours des moments exquis à vivre. Je compte bien en profiter sans y laisser une miette.
-Tu n'as pas l'air épicurienne, pourtant.
-Quel intérêt de se laisser aller ? Qui se souvient des débauchés ? Je veux marquer le monde de mon empreinte, et cela ne se fait pas en détente."

Son interlocutrice sourit poliment. Il va de soi qu’elle ne comprend pas ce qu’exprime Abigaël. Celle-ci ne peut pas dire qu’elle apprécie grandement son métier d’espionne et qu’il structure grandement sa vie de la façon la plus amusante qui soit. Il vaut mieux changer de sujet et mettre ses pattes mal intentionnées dans cet embryon d’histoire.

"Mais, cessons de parler de moi. Tu veux te rapprocher de Rey… du monsieur, n'est-ce pas ?
-Je ne sais pas vraiment…"

Ses manières de pimbêche reprennent de plus belle. Cela a le mérite d’indiquer si l’agent Tarentule touche les bons points pour être écouté. Ce moment de faiblesse suffit à faire sentir à la blonde qu’elle ne perd pas son temps.

"Mais si, ne t'en fais pas. J'ai la solution parfaite pour que le rapprochement que tu espères arrive plus vite.
-Hum?
-Le monsieur a du vécu. Cela se voit. Il faut le surprendre. Quoi de mieux que de devenir soudainement froide et distante avec lui. Il remarquera un souci et il cherchera forcément à l'arranger.
-Mais s'il n'est pas intéressé…
-Crois moi, ce n'est pas en continuant vos cordialités que tu seras fixé. Hihi !"

La médecin de bord ne peut que garder le silence, composant avec ce conseil. Un conseil, qui n’en a que la forme. Abigaël ne peut que supposer que Reyshu désire réellement Saori. Néanmoins, que ce soit le cas ou non, la distance que mettra Saori sera dévastatrice. D'un côté, le timonier ne saura pas décrypter cette réaction et s'éloignera, et de l'autre, la médecin ne saura pas comment doser cette stratégie pour ne pas tout détruire. Si tout se passe comme prévu, deux éléments importants de ce navire souffriront de baisse de moral, voire de tensions importantes. Ce n'est qu'une théorie dont l'espionne compte bien surveiller sa pratique. Elle se lève énergiquement avec un visage taquin.

"Sur ce je te laisse. Merci pour ton temps et bonne chance pour ton… histoire. Gnihihihi !"

Se précipitant vers la sortie, Abigaël n'a plus qu'à laisser germer ou plutôt pourrir ! Elle retourne à ses taches moins éprouvantes que les combats violents et sanguinaires. De la couture avec son amie tonttata, spécialiste du rembourrage de peluche, tranquillement, dans sa cabine, et sans oublier de chantonner.

La journée passe en toute tranquillité, et le moment de la soupe commune sur le pont vient enfin. Il est servi, comme tous les jours, une soupe insipide. Tout le monde attend avec impatience le banquet promis des Glaciers, les chasseurs de prime cuisiniers ayant aidé les Sandstorms contre les Géants. Pourtant, aujourd’hui la soupe a le même goût que d’habitude, et Abigaël ne peut pas s’empêcher de faire la grimace. Aiyana, la cuisinière en chef de l’Indompté se penche vers cette réfractaire quotidienne.

“Te crispe pas trop, cela va te créer des rides.
-Oh oui. J’ai déjà le résultat en face de moi. Hihi !
-Toujours autant de répondant. C’est rassurant. On ne peut pas en dire autant pour d’autres.
-Comment ça?
-Regarde l’autre à ruminer dans son coin.”

Finissant de la servir, toujours avec un air blasé dont rares sont ceux qui l’ont vu sans, elle pointe avec sa louche le timonier qui profite de son repas sur la proue du navire, seul face à la mer.

“Je ne vois pas de différence significative.
-Tu rigoles? Quoi que, tu es souvent à l’ouest sur ce genre de choses. Dis toi qu’il a même envoyé boulet Rascus.
-Oh oh ! Mais qu’a-t-il bien pu lui arriver?
-Aucune idée. Un coup de mou d’après. Ne va pas lui chercher les problèmes, ce n’est pas un tendre. Cela lui passera. Bon appétit.”

D’un geste, elle indique à sa camarade qu’elle n’est pas seule à faire la queue pour son encas journalier. Le sourire aux lèvres, elle rejoint Maya en train de souper. La blonde s’appuie son dos sur un des mâts, fredonnant joyeusement. La tontatta le remarque, entre deux cuillères.

“C’est bien la première fois que je te vois sourire devant cette soupe.
-Ah bon? Hihi !
-Ne me dis pas que tu as persécuté le mousse, encore une fois?
-Je ne l’ai même pas vu de la journée, voyons.
-Hum, moi non plus. C’est ce qui m’inquiète...”




Une explosion retentit dans la cale, surprenant toutes les personnes sur le pont. Des armes se dégainent. L’équipage, sur le qui-vive, reste immobile dans un silence pesant. D’où vient l’attaque? Abigaël se redresse en préparant ses cordes. Cette vie de pirate épuise nerveusement, heureusement que sa formation de Cipher Pol l’a forgé - bien que sa force mentale reste très forte pour rester une décennie au même échelon dans la hiérarchie malgré ses bons services. L’atmosphère tendue est rapidement brisée par la sortie de Rascus de la cale. Un écran de fumée l’accompagne, puis déboule le jeune mousse en titubant noir de cambouis. Le pauvre jeune garçon tombe à quatre pattes complètement sonné. L’ingénieur du navire dénoue la situation.

“Du calme, les gars ! On a juste fait de la merde avec le mousse.
-Putain, Rascus ! Tu sors d’une grosse baston la veille, jamais tu te calmes.
-Les machines ne se huilent pas toutes seules. Le mousse a fait une mauvaise manip’.
-Ouais mais là, tu m’as fait chier.
-C’est bon ! Y a pas mort d’hommes.”

L’ange déchu est hué, sans qu’il ne daigne s'excuser d’avoir affolé son monde. Il soulève le mousse par le col. L’assemblée se calme et revient à ses discussions. Rascus s’est penché dans la création de nouveaux jouets après qu’un membre des Mad Guys, une autre équipage sous l’autorité du Grand Corsaire, l’ait mis au défi. Un truc d’ingénieur un peu fou, la pirate infiltré n’a pas cherché à en savoir plus. Ses expériences amènent parfois

“Aller, à table ! On l’a bien mérité. On reprend demain.
-Kof… kof… pitié…
-Fais pas ta chochotte. Héhé.”

Abigaël se détend en riant du sort malheureux de sa victime préférée. Maya, quant à elle, a du mal à s’en remettre. Elle a l’habitude d’être loin de toute violence. Un rien peut la faire paniquer. La blonde essaie, donc, de la détendre .

“On sait donc où le mousse traînait. Hihi !
-Oui, et cela est bien pire que je ne l’imaginais.
-Sois pas si peureuse.
-J’y peux rien, cela ne se contrôle pas.
-Petite nature. On dirait un petit oisillon. Piou piou. Hihi !”

La jeune femme s’amuse à imiter un oiseau avec sa main en picorant le petit visage de la tontatta. Ses taquineries sont contrées par les petits bras de la fée, les agitant pour éviter qu’elle ne la touche. Dans cette escarmouche amicale, elles mettent à rire de concert. Le duo se calme pour reprendre leur repas. Maya se lance dans un petit commérage.

“Tu sais que j'ai entendu quelque chose d'étrange, avant que tu ne vienne.
-Je suis toute ouïe. Cela me fera peut-être oublier le goût fade de cette soupe.
-Cela concerne Saori. Apparemment, elle reste enfermée dans sa cabine sans voir plus personne depuis cet après-midi. Cela ne lui ressemble pas. Tu as remarqué quelque chose de bizarre ce matin, toi?”

Un grand sourire se dessine sur le visage de l’espionne. Celle-ci incline la tête vers sa petite camarade sur son tonneau. Elle sait exactement de quoi il en retourne. Le machiavélisme de l’agent Tarentule a frappé. La blonde vient d’écraser un embryon de couple sans le moindre remords. Cela a été d’une facilité déconcertante. Maya la regarde curieusement avant que la blonde ne daigne enfin répondre.

“Oh, je n’en ai pas la moindre idée.”

Perplexe, la tontatta libère une phrase dans l'innocence la plus totale qui ne manque pas de piquer la blonde au vif.

“On dirait que tu cache beaucoup de choses quand tu prends ces airs, là. On se demanderait même pour qui tu travailles. Ah ah ! Bon j’ai fini de manger. Maintenant au boulot, y a encore des manches à recoudre.”

Les mots inconsidérés de la fée détruisent la bonne humeur de l’espionne en un instant. Le sourire tombe. La fixant s’éloigner pour rejoindre les cabines, son regard devient noir. Abigaël laisse échapper un chuchotement.

“Je devrais me débarrasser d’elle.”