Raz le bol de ces conneries !

De toute façon on est bien que chez soi. Et lui se sentait comme une petite pousse dans un bac à sable. Jaya, j'hume ton odeur de catin mal fagotée ... j’hume ton odeur de mort et de guerre intestines … J’hume ton air de marie couche toi là…. Jaya, tu es décidément une sale garce sans aucune reconnaissance … Dire que le Moth était en colère, c’était adoucir la vérité. Il était d’une humeur exécrable. Jouant violemment du violon, laissant tous le loisir à ses deux comparses de dérober quelques bourses, délester quelques uns des biens superflus qui appartenait  à des gens qui ne connaissaient pas la valeur de l’argent. On ne la connaissait que la faim au ventre, quand l’estomac se tord comme s’il voulait se digérer lui-même ; On ne la connaissait qu’en survivant chaque jour autant se faire que peu, au rythme des cordes et des vols.

Behnime était jeune, mais il savait déjà tout ça. La maturité n’attendait pas les années, dans ce genre de monde, d’environnement, de situation. La maturité était chevillée et clouée au pilori de l’expérience. L’homme n’étant  pas une espèce comme les autres, elle était empirique, apprenant de ses erreurs. Alors faire beaucoup de conneries, c’était quelque part gagner une expérience supplémentaire. Et il en avait expérimenté pas mal.

Voilà comment raisonnait le Moth. BéhéMoth. Il pinça une corde, fit vibrer l’archet, et commença son solo le plus endiablé. A tel point que l’on aurait pu en sentir le souffre, odeur caractéristique des plus vils besognes et des pires démons, comme celui qui lui servait de père adoptif … Lui, un jour, il ne le raterait pas.

Mais bon, pour l’instant il fallait survivre dans une ville qui changeait de mains comme des jetons de poker en stand up. Il fallait se cacher, ne pas se faire prendre, pour ne pas se faire pendre. C’était à la fois embêtant, et excitant pour le jeune homme… Il aimait frôler la mort, que l’adrénaline coule à flot dans ses veines, que son sang devienne du feu, que sa tête résonne comme un tambour de guerre. Oui, il était accroc à cette hormone, ce composé chimique venu tout droit de son propre cerveau. Pourquoi se droguer ou boire à outrance, quand l’on pouvait se battre contre plus fort que soit, quand on pouvait changer l’alchimie de son corps, en échangeant des coups de poings, des coups de pieds … Et que dire des lames ? Celle qu’il avait à la ceinture, dissimulée  derrière lui, sous la ceinture, comme un accessoire de mode, restait prête à l’emploi si ça dérapait.

Il se sentait nu sans armes.

Behnime en était à son dernier arc, soudainement, les personnes  a proximité s’effondrèrent littéralement, et le choc lui fit reculer d’un pas ou deux, lâchant son violon, qu’il ne sauva que d’un étonnant reflexe du pied.

Cette aura, cette force … Il faut que je sache … Oui, elle voudrait que je sache … Se dit-il tout bas en rangeant son violon dans son étuis, et attrapant quelques bourses joufflues, qui trainaient au sol, se dirigea vers l’endroit d’où venait l’épicentre de cette volonté inébranlable. Il voulait … Oui, il la voulait pour lui, cette force.

Inconscient qu’il était, plutôt que de fuir le danger, il entra sans frapper dans la taverne du vieux Kezako, qui n’en menait pas large.
- S’il vous plait, messieurs, madame … Je viens de refaire l’intérieur, veuillez vous calmer … je vous offre une tournée gratuit et on en parle plus ? Suivit d'un sourire gêné
.
-Un couteau de lancer, du genre que Behnime gardait sur lui en permanence, planta la main du barman contre le mur.

- Toi, tu ne bouge pas, et tu la ferme …. Lui intima Béhemoth, qui savait très bien ce qu’il faisait ….
- Alors que la p’tite dame s’énerve, passe encore …
- …Mais qu’une pauvre raclure comme toi touche au taulier ….
- … C’est inacceptable …

Behnime sourit de toutes ses dents. Et ils en avaient beaucoup, et de très pointues. Le repas était avancé, il allait pouvoir se repaître du sang de quelques molosses, molosses qui se levaient déjà pour aller l’attraper par le colbac.

II laissa le plus grand l’attraper par le col, et lorsqu’il approcha sa tête pour le secouer, lui mordit le nez très très fort, s'en suivit  un coup aux valseuses, pour finir sur une grande droite dans le plexus solaire.

- Toi, fais dodo.

Il se tourna vers l’assemblée, dos à Izya dont il ne voyait pas les réactions.

- Il y’en a d’autres qui veulent voyager en première direction le pays des rêves ?

Alors si ça c’est pas de la punchline.

Izya était effectivement de mauvaise humeur : elle ne m’avait pas attendu et elle savait pourtant que je ne maîtrisais pas l’empathie. Comment la retrouver ? Et moi qui me situais entre la satisfaction et la crainte, je me devais de prendre sur moi et de ne pas montrer mes inquiétudes : ce projet est nécessaire pour protéger l’héritage de Red, Armada. Mais il risque de coûter la vie d’Izya… et ça je ne le supporterais pas.

Mais il me faut rassurer la reine céleste et taire mes doutes. L’émotion est une chose, la tête sait que nous devons le faire. L’homme a le rôle d’être rationnel, la femme peut se laisser porter par les sentiments.

Bien que je ne sois pas un très bon exemple d’homme à ce sujet. Le rationnel n’est pas toujours mon guide, Izya peut en témoigner.

Mais il me fallait d’abord la retrouver. Je choisis de retourner en ville interroger les habitants en espérant que la dragonne soit passée par là. Dans le cas contraire il ne me resterait plus qu’à fouiller l’ile à l’aveuglette.

Heureusement pour moi, Izya a été vue dans le coin et elle était suffisamment connue pour suivre son chemin aisément. De mon côté je dus changer mon apparence pour qu’ils n’aient pas peur de me parler.

Ainsi, la porte s’ouvrit sur un homme inconnu : mince, les cheveux courts et roux, un début de barbe, mais des vêtements qu’elle connaissait et surtout une tasse à la main dont j’espère que le contenu est encore chaud.

« Pour toi. »

Dis-je simplement en lui tendant la tasse, oubliant mon apparence actuelle. Ma priorité est de l’apaiser, et je sais comment m’y prendre. Mais surtout, de ce que je vois à l’intérieur du bâtiment, il y en a bien besoin.

« C’est qui lui ? »

Maman et papa qui se disputaient n'était pas le genre de modèle qu'avait déjà eu le jeune homme poisson. Donc quand il se retrouva entre le marteau et l'enclume, il ne sût quoi faire. Une tasse dans une main, un deuxième chocolat chaud venait d'apparaître sans crier gare. Pas jaloux, le jeune behnime se mit néanmoins sur la défensive. Si le gars qui venait d'arriver était à moitié aussi fort que ce qu'il avait perçu chez la jeune femme aux cheveux rouges, il n'allait pas faire long feu.

D'un autre côté, cela le démangeait de connaître la différence de puissance entre ce genre de monstre et lui. Il avait une case en moins, non ? Il se faisait parfois la reflexion, et tantôt se trouvait parfaitement adapté au monde qui l'entourait. Avec les guerres, l'hallali était devenu un sport national, et se battre un reflexe à avoir pour sauvegarder ses abatis.

Mais il n'était pas question de mourir, il avait trop de chose à faire.

- Alors lui, il peut répondre tout seul ... Behnime, Behnime Moth. Pas sûr que ça dise quoi que ce soit aux deux pirates, puisque sa famille se faisait discrète en ce moment. Le seul à faire des vagues, c'était bien Khal, mais lui pouvait se le permettre. Il regarda les deux inconnu qui se trouvaient dans sa cache la plus convenable. Creusé à moitié sous terre, c'était le genre d'habitation limitrophe entre la maison d'un petit être au pied poilu, et une taupinière. Les fenêtres donnaient sur l'extérieur, laissant une douce lueur entrer, tandis que le reste de la cache était creusé, laissant le frais toute l'année, et toutes les nuits, s'installer dans la maisonette.

Il y'avait une table et quatre chaises, le mobilier était spartiate, mais la poussière avait été faite. Behnime n'était sûrement pas une fée du logis, donc quelqu'un d'autre devait habiter là, puisque que deux couches se faisaient face au fond de la pièce.

- Et toi, tu es qui ? Je suppose que vous vous connaissez, sinon il ne serait pas ici ... Fit-il en designant une chaise pour que s'assoies l'homme rouquin qui ne lui disait rien. Je suis surpris qu'on t'es indiqué le chemin jusqu'ici, tu dois être persuasif, je vais devoir resserrer la vis à certains sur cette foutue île ...

Il se tourna vers Izya, tandis que dans sa main se tenait un mug de chocolat, préparé maison.

- Et tenez m'dame, je pense que sa devrait contenter votre palais, je l'ai fais à base de cacao qui pousse dans le coin, m'en direz des nouvelles ... Fit-il avec un sourire en demie teinte.

Il ne savait pas vraiment la marche à suivre.

« Tu sais très bien qu’on a pas le cho… »

Trop tard, la voilà partie et définitivement encore en colère contre moi. Pourtant elle sait déjà tout ça : elle sait qu’il nous faut des alliés pour nous défendre face à un Empereur qui a vaincu Red, que sans ça son héritage disparaîtra, que nous ne sommes pas à la hauteur et surtout combien ça me coûte de la mettre dans pareille situation. On a déjà débattu du sujet : prendre notre retraite tous les deux et tout abandonner ou faire de notre mieux pour qu’Armada survive. Malheureusement, on a déjà gouté au bonheur d’une retraite anticipée et au désespoir de la vie active, on sait pertinemment les enjeux et ce qu’on risque de perdre. Qu’on risque de se perdre nous.

Et je ne supporterais pas de la perdre.

Elle sait tout ça, mais ça ne l’empêche pas de laisser les émotions prendre le dessus. Quoi ? Croit-elle que je ne l’aime pas assez pour lui épargner ça ? Mais avant de la rattraper, il me faut régler quelque chose d’abord, et ce quelque chose porte un nom : Behnime Moth. Et bien qu’il ne soit pas le type d’Izya, j’ai déjà donné dans le triangle amoureux avec son ex révolutionnaire Léo, je n’ai aucune envie de réitérer l’expérience. Alors je reprends mon apparence d’origine et fais demi-tour vers l’homme poisson encore à l’intérieur de sa maisonnette.

« Tu la connais assez pour lui faire du chocolat chaud, mais pas assez pour savoir pour le sucre… Qui que tu sois pour elle, je te préviens : la place est déjà prise et j’ai déjà assez donné dans la patience pour aujourd’hui. Est-ce que c’est clair ? »

Et une fois cette histoire réglée, il me restera plus qu’à trouver un meilleur cadeau de réconciliation pour Izya et surtout la retrouver elle, encore.