Violet Everfield – « Une idée folle » | Terminée

Elle porte bien son nom, Violet. Ses cheveux et ses yeux oscillent entre les différentes nuances pouvant être distinguées dans le fuchsia, ni rouge, ni rose, ni violet, quelque part au milieu de tout ça. Le fait le plus aisément remarquable chez elle, c’est la quasi-absence de ses pupilles, dû à un glaucome infantile mal traité, altérant considérablement la vue de son œil gauche, sur lequel elle porte un monocle lorsqu’elle travaille et par moments en combat. Du fait de ce filtre clair devant ses yeux, elle supporte assez mal la lumière vive et porte pratiquement constamment des lunettes de soleil, qu’elle rabat simplement sur son front lorsqu’elle est en intérieur.

Sa crinière est bien domptée, chaque mèche judicieusement organisée de manière à avoir l’air toujours présentable et paradoxalement ne jamais lui revenir dans les yeux, même lorsque le vent souffle, une queue de cheval assez relâchée aidant à donner un certain volume tout en lui évitant d’être déconcentrée quand elle travaille.

Un honorable mètre soixante-douze, pour un corps ne revêtant ni muscle, ni graisse, ni marques de bronzage, ni tatouage. Elle met un point d’honneur à avoir une peau la plus pure possible. Une corpulence trop parfaite, liée à un contrôle bien trop strict de son alimentation et une activité sportive ne visant qu’à éliminer le surplus calorique pour la maintenir dans la perfection de ses courbes, son poids oscillant entre les soixante et soixante-trois kilos, sans qu’il n’y ai jamais vraiment plus de variations.

Elle est plutôt coquette, Violet. En dehors du travail, elle arborera toujours de beaux vêtements bien qu’elle arbore une notion bien à elle de la pudeur. Elle montre rarement ses mains, toujours gantées, mais elle n’arbore des vêtements qui ne font que mettre ses courbes en valeur, préférant la compression d’un vêtement souple et élégant, plutôt que l’amplitude d’un vêtement laid qui la ferait ressembler à un « sac à patate ». Toujours maquillée, jamais trop, jamais pas assez, les rares conquêtes pouvant en témoigner affirment qu’au réveil, le matin, elle serait déjà habillée et maquillée, incapable de laisser la moindre faille, quitte à perdre du temps à se tirer à quatre épingles.
 

A première vue, elle est charmante, Violet. Bien élevée, très bien élevée, elle s’exprime souvent de manière soutenue et arbore une politesse à toute épreuve. En revanche, n’importe quelle personne creusant un peu comprendra qu’il s’agit uniquement d’une façade. Pas qu’elle soit particulièrement manipulatrice, non, mais la fuchsia n’aime pas perdre son temps. Les conflits, c’est pour elle un temps gaspillé qui aurait pu être utilisé à meilleur escient et de potentielles blessures à terme ou une éventuelle perte financière.

Erudite, son sourire coquet et ses gouts de luxe rendent assez paradoxal son statut d’ingénieure. Si elle est loin d’être un génie, elle est impliquée dans son travail. Plus que la plupart de ses collaborateurs, d’ailleurs. A son niveau, la plupart de ses congénères sont là pour la paye. Elle, elle se veut carriériste. Assez fausse pour faire la courbette à qui de droit, assez juste pour ne jamais cracher dans le dos d’un collègue de travail pendant les pauses café, elle joue à la perfection le rôle du petit grade modèle qui sait où est sa place et qui tient à la conserver pour progresser.

La Marine, d’ailleurs, ce n’est pour elle qu’un moyen d’obtenir des moyens pour parvenir à ses fins. Férue de recherche sur la génétique, lors de son entretien d’embauche, elle a prétendu que le rêve de sa vie serait de créer une machine permettant de transférer sa conscience dans un être artificiel. Dans les faits, une partie de cette affirmation est vraie, une autre est fausse, mais qui a besoin de connaître les détails de l’histoire de quelqu’un ?

Le rapport à la justice de Violet est assez tranché. Pour elle, la réponse à « qu’est-ce que la justice ? » est assez simple. L’Homme est issu de la nature et de ses effets, la nature est chaotique, donc l’existence de la justice est paradoxale. Elle n’est qu’un reflet du désir des puissants de pérenniser leur propre existence, ce qui, pour le coup, est quelque chose qu’elle comprends et partage, mais dans son monde idéal, il faut évincer les effets qu’elle considère néfaste de la nature, à savoir, la mort, la famine, la maladie, le désespoir et la peur.

Les histoires tragiques, ce sont bien celles qui laissent le plus de marbre la Violette. Elle est plus touchée par l’humour, fin, subtil et le romantisme. Le vrai, pas celui qui se résume à un bouquet de roses et quelques larmes. Sa vie porte un peu de tout ça à la fois. Autant dire qu’elle apprécie autant son passé qu’elle le hait.

Née à… Quoi ? Zaun ? Non. Il doit y avoir erreur sur mes notes. C’est complètement improbable : les courbettes, les petits sourires, les formules de politesse… Non. Quoi que… A y regarder avec plus d’attention…

On disait, Zaun. Les parents de Violet étaient tous deux médecins. Ils le sont probablement encore, d’ailleurs. Ou retraités. Ca n’a pas vraiment d’importance, elle ne les a pas côtoyé si longtemps.

Être médecin, sur une île comme Zaun, ça offre pas mal de passe-droits. Personne n’a envie de castagner les personnes qui peuvent vous rafistoler en cas de problème, même le dernier des imbéciles est à même de le comprendre. C’est une loi tacite qui a traversé les âges : sur un champ de bataille, on ne s’en prend pas aux médecins.

Ils ne roulaient pas sur l’or, clairement pas, soignant souvent à l’œil les plus miséreux par « pure charité », selon eux. Pour Violet, il s’agissait plus d’augmenter son capital social et la sympathie des gens pour éviter les problèmes. D’ailleurs, c’est le genre d’éducation qu’elle a reçue. Il faut dire qu’elle a grandit dans la mort des patients qui ne tenaient pas le coup sur les tables d’opération improvisées de la petite clinique qui n’était autre que leur salon.

Très jeune, elle contemplait la misère humaine, d’un œil extérieur et tout aussi jeune, on lui indiquait qu’il « faudra partir ». Elle était rarement d’accord avec la logique des adultes, mais ça, elle l’avait admis tôt. Bien tôt.

C’est avec cette idée en tête qu’elle a passé l’enfance, entre l’apprentissage de la lecture, l’école improvisée, les parties d’échec avec des patients en attente. Elle était loin d’être bête, loin d’être brillante, une enfant des plus banales, un peu curieuse. Pas très bagarreuse, pas très adroite, d’ailleurs. En somme, rien de spécial, hormis cette volonté de partir, de fuir l’odeur de la mort, l’odeur de la faim et de la misère.

Un départ précipité vers sa quinzaine. C’est que la puberté commençait à sacrément avancer et que Violet avait malgré elle tendance à attirer des regards qui n’étaient pas complètement indifférents. Ce qui elle, pour le coup, la laissait de marbre, quand la violence n’était pas de mise. Elle savait se défendre. Elle le faisait, quand c’était nécessaire, mais ce n’est pas une vie qu’elle aimait, ni celles que les parents de la Violette lui souhaitait. Aussi, à l’âge d’une indépendance toute relative, elle quittait l’île sombre, quelques berry en poche, sans réellement trop savoir à quoi s’attendre de « l’autre monde ».

A Zaun, elle était considérée comme assez intelligente. Mais la seule qui semblait réellement lui servir, au-delà des frontières circulaires de l’île, c’était son intelligence sociale. « Bonjour », « S’il vous plait », « Merci beaucoup », elle avait l’air d’une jeune fille de bonne famille. Et elle aimait cultiver cette idée, d’une part, parce qu’elle avait une certaine estime mêlée à un certain mépris pour ses parents qui avaient fait le choix de rester sur cette île plutôt que de partir avec elle. « Des gens vont mourir si on part ». Elle n’a pas insisté, elle aussi, elle a peur de la mort. Elle avait cru être en train de mourir quand sa vue s’estompait à vue d’œil et qu’elle s’est pratiquement retrouvée plongée dans le noir.

C’est en passant de petits jobs ingrats, que petit à petit, elle parvenait à mettre suffisamment de côté pour suivre une scolarité décente avec un précepteur. Un homme bien, qui lui faisait vaguement penser à ses parents. Donc, un homme moins bien, mais pas trop mal. Un énième idéaliste, l’un de ceux qui se contentent d’avoir peur de la fatalité, mais qui ne font rien contre.

C’était aussi le temps des premières amourettes, plus un passe-temps, pour Violet. Pas du genre à s’attacher aux rêves si étroits de l’humain, à chaque fois qu’elle regardait ses compagnons de nuit dans les yeux, elle se répétait intérieurement que son premier amour véritable se sera affranchi de toutes restrictions. En se faisant son petit tissu de relations, elle finit par quitter les petits boulots alimentaires pour mettre les mains dans ce qui l’intéressait un peu plus : la médecine et l’ingénierie. Parce qu’elle en avait conscience. Les fruits du démon portent bien le terme de « Démon » et tôt ou tard, le diable vient réclamer son dû. Alors, c’est bien la science, qui doit affranchir l’humanité pour la rendre meilleure, plus réelle.

Au départ, elle parvenait à correspondre avec ses parents. Ce n’est pas comme si elle était partie pour une épopée grandiose : quelques îles plus loin, à peine, dans un climat plus prospère, alors le courrier et les escargophones aidaient. Mais petit à petit, elle était de plus en plus distante, de plus en plus éprise de ses propres ambitions, bien trop démesurées pour ses maigres moyens et les pauvres ateliers et les pauvres cliniques dans lesquelles elle travaillait.

Il lui fallait plus de moyens.

C’est à 25 ans, qu’elle s’est engagée. Un peu sur le tard, certes, mais avec un bagage suffisant pour être en mesure d’intégrer la section scientifique, stationnée en garnison dans la Base G-6 de North Blue.