Discussion et Ambitions
"On fait pas d'homme sans casser du Gueux"
Harpan &Valkia ;
La nuit avait été paisible ce soir là. Une fine bruine avait bercé le pavé de la ville et s’était déposée sur le toit de ma maigre demeure. J’aime la pluie, car, souvent, en mer, elle est annonciatrice de grandes choses. Malheureusement, sur Terre, elle était synonyme pour moi, de fuite et de galère. Le toit démis par endroits, laissait passer l’ eau. Avant le levé du jour, j’avais les yeux ouverts, de minces gouttes d’eau m’avaient réveillé et m’avaient, en quelques sortes, invité à réfléchir au monde dans lequel je vivais.
A cette bâtisse tout d’abord. Cette pauvre maisonnée en bordure du port qui n’était ni confortable, ni imperméable, sensible au froid comme aux fortes chaleurs, enfin, elle était des plus misérables. J’en avais conscience. Chester me l’avait dit… Je ne devais pas me cantonner à rester simple pêcheur. Il fallait suivre son cœur et son instinct, écouter ses tripes. Mais… Avais-je peur de prendre les devants et de suivre mon but ? Mon coeur, à ces questions, se mit à battre la chamade et résolut de m’empêcher de dormir…
Je décidais de me lever et d’observer les préparatifs du port, je n’avais alors pas conscience que la bruine se changerait en tempête, je le compris en ouvrant la porte. A peine humai-je l’air au dehors, que j’anticipais la suite. La pluie durerait toute la journée, mis à part quelques accalmies. Vers 9h, elle atteindrait sa force la plus importante et les caniveaux construits en pierre qui tenaillaient les ruelles de la ville ainsi que les embranchements du port seraient pleins à craquer. Belle journée, cependant !
Le port commençait à peine à s’éveiller des quelques heures de sommeil que les marins s’accordaient chaque nuit, souvent après avoir bu tout leur saoul. Les bateaux de pêche étaient amarrés tout près de ma maisonnée, cela facilitait mon enrôlement et me permettait de choisir les baleiniers sur lesquels j’allais embarqué. Quels critères me permettaient de choisir ? Aucun, j’agissais toujours à l’instinct, et cela m’avait servi une seule fois, lors de l’incident Blue Crab. Mon flair m’avait souvent servi par le passé, et j’étais donc rivé à l’équipage du Fisher Nest la plupart des fois. Mais mon flair m’avait lâché après Blue Crab – plus rien d’impressionnant à se mettre sous la dent. Plus assez d’argent pour changer de piaule ou pour acheter un bateau et former mon propre équipage de pécheurs. La loose depuis trop longtemps…
J’aperçus le Fisher Nest amarré au port, à son bord quelques quidams me saluèrent, je les saluai de la main et continuer à longer le port. Bien que je n’aie que mon harpon sur moi et mon baluchon – cette nuit là j’étais déterminer à changer de baleinier. Peut-être trouverai-je un bateau qui me permettrait de faire une plus grosse prise et que de là, je pourrai m’extirper de cette ville. Le truc que j’avais pas capté, alors, c’était que pour avoir la chance de trouver autre chose que du menu fretin sur ces mers, excepté sur Calm Belt, il me fallait changer du tout au tout mes horizons. Non pas que je n’aurais pas la chance de voir à nouveau des monstres, en gardant le parti civil, loin de là, seulement, cela me ralentirait énormément.
C’était un pas que je n’étais pas encore prêt à passer, peut-être, indépendamment de mes ambitions, j’avais le désir de retrouver Chester et les hommes du Fisher Nest. Je n’étais en fin de compte, qu’un simple pécheur, expérimenté et puissant, certes, mais jeune cependant. Il me fallait une piqûre de rappel. Quelque chose qui me botte le train suffisamment fort pour que j’accepte de partir de cette satané ville, de cette satané routine et de ce satané état d’esprit qui ne m’apportait que poisse et frustration.
Il devait être 3h du matin… Pas plus, les traces du soleil était lointaines et l’obscurité, perlée d’une fine pluie, rendait la vision des plus difficiles. La ville dormait à moitié, les badauds ne couraient pas les rues et seuls quelques soûlards s’aventuraient encore dans les ruelles. Mon estomac – mon premier capitaine et le premier tenant de mon flair imparable ne pouvaient malheureusement changer mes réalités économiques… J’eus voulu le meilleur et le plus énorme des repas, je devrais me rabattre sur le plus sustentant et le moins cher. La fameuse taverne Du Nœud Coulant, où les plus pauvres des marins venaient manger et boire pour des sommes ridicules, qui mises bout à bout devenaient rentables pour le tenancier. Un homme que j’appréciais peu, mais qui avait eu un jour l’amabilité de m’offrir un peu de pain lorsque j’étais enfant. Un homme très important sur le port, puisqu’il avait montré à la clique de pécheur qu’avec un peu de jugeote, on pouvait faire carrière autrement que par un labeur inlassable et répétitif.
Il s’appelait Pat’ Le Gueux.
Homme d’une soixantaine d’année, à la figure déformée de ride et à l’expression antipathique, il était cependant généreux. Blessé en mer dans la force de l’âge, il dut se contenter de postes minables avant d’ouvrir son échoppe. Connaissant bien le maigre salaire des marins du port – il envisagea d’axer son commerce sur cette population. En échange de leurs prises, ils pouvaient avoir leur pitance, en échange d’or, de la boisson à profusion. C’est pas qu’il roulait sur l’or, mais il avait un train de vie très économe, qui lui avait permis, d’après les racontars, d’amasser des montagnes d’or. Bien sûr, ce devait n’être que de simples racontars. J’étais cependant persuadé qu’il avait un trésor et que, si les choses empiraient pour moi, je partirai avec son magot. Je ne pensais pas que de simples élucubrations pouvaient autant me remuer l’estomac.
J’entrai au Noeud Coulant. Comme d’hab, l’ambiance changeait à mon arrivée, auparavant, les rires et les jurons saillaient jusque hors des fenêtres, à présent, un silence régnait. J’y étais habitué, c’était mon lot de paria. Je m’assis en bout de bar, comme à mon habitude, traversant la salle d’un pas alourdi par la fatigue d’une nuit mal passée. Les tables n’étaient pas toutes prises, il en restait de libres, car la soirée allait bientôt se terminer, et, les quelques badauds du port qui désiraient boire tout leur saôul étaient les seuls vaillants à être rester jusqu’à une heure aussi tardive, ou aussi tôt dans la matinée pourrions nous dire. C’était une auberge miteuse, mal tenue, mal fréquentée, que je ne choisissais que pour manger. Petite de plafond, sale et puant constamment le poisson, les nouveaux venus cherchant des informations étaient souvent dans cette auberge, puisque les marins n’ont pas la langue dans leur poche et qu’ils sont saoûls, facile de glaner quelques informations !
Je regardais Pat’, et sans que j’ai le moindre mot à dire, il me servit un chaudron entier de sa fameuse soupe au poisson. Une mélasse rouge vive cuite pendant des heures pour faire des économies, mélange de morceaux de poissons de mauvaise qualité et de betterave qui lui donnait sa couleur… J’attrapai le chaudron par les boucles de fers sur les côtés, et commençait mon maigre repas…
Quand, tout à coup, l’ambiance changea, à l’entrée d’un inconnu.
Harpan
Dernière édition par T. Harpan le Dim 10 Sep 2023 - 12:47, édité 1 fois